LA QUESTION DU GENRE DANS L’ESPACE PUBLIC CONTROVERSE ET CONFLIT

Abstract: 

This chronicle discusses controversies on gender, an issue that currently affects the public. The author considers its chronological development with the concept “social role” that is an important instrument for analysis and action. They argue that, the concept of “gender”, in its theoretical and practical aspects, requires an informed anthropological and ethical discernment because of various conflicting cultural ideologies. Thus, results of the analysis and reflection suggest that, patience; prudence and ground arguments are required to prepare for wise answers to questions that gender poses and will pose about the role and place of women in society and the Church. Similarly, the judgment often pronounced over homosexuality, and all forms of its malpractice needs careful restatement. Therefore, the future of gender in the public space calls for discernment of the right attitude to adopt in society vis-à-vis women and men as they are its members.

1. Introduction

Le genre est une thématique controversée et conflictuelle, dans la société mais aussi dans l’Église : dans le discours ecclésial le mot est toujours connoté négativement.

Avant de me demander quels en sont les enjeux de l’utilisation du mot ‘genre’, et pourquoi cette controverse, une remarque importante. L’association Entraide et Fraternité qui, au nom de l’Église catholique en Belgique, organise l’aide aux pays du Sud, avait pour thème cette année l’agriculture familiale dans la région des Grands Lacs : l’affiche de mobilisation disait à ce sujet : « Elle sème le monde de demain. Autonomie - égalité - participation - dignité - famille ». Dans ce cadre il était question en particulier de la valorisation du travail des femmes. Cette campagne était organisée en partenariat avec l’OAP au Burundi, l’Organisation d’appui à l’autopromotion. L’OAP rassemble 190 organisations de producteurs en vue de a formation aux techniques agro-écologiques. Parmi les stratégies de l’OAP, il y a « le renforcement des capacités des femmes et des jeunes, forces potentielles pour le développement rural, et autres groupes marginalisés ». Différents axes sont promus, dont l’Axe 5 : « Promotion de l’Equité Genre. Depuis longtemps, OAP tient compte de l’équité genre dans ses activités, mais l’évaluation de l’impact s’avérait difficile jusqu’en 2008. La création d’un axe spécifique nous permettra d’élaborer des outils de gestion des activités inhérentes au genre, de nommer un responsable et de renforcer ses capacités. » Il est intéressant de voir que cet organisme soutenu par l’Église du Burundi n’hésite pas à parler de genre !

En février, j’ai participé à Liège à une grande conférence à deux voix à ce sujet avec Mgr Joaquim Ntahondereye, président de la conférence épiscopale du Burundi. Pour rencontrer ces questions, il faut d’abord comprendre les différentes utilisations de ce mot ou de ce concept.

Une remarque importante : on parle de théorie du genre (au singulier) : en fait, il n’y a pas de théorie du genre, il y a des études de genre. En anglais « gender studies » : certains critiquent le fait qu’on traduise ‘gender’ par ‘genre’ en français, mais en anglais comme en français, le premier usage du mot est grammatical. Ces études sont devenues une discipline universitaire. Certaines d’entre elles sont très rigoureuses et répondent aux exigences académiques, d’autres sont plus ou moins idéologiques.

On doit relever trois utilisations du mot genre, dans un ordre chronologique. La première utilisation dénonce les discriminations entre hommes et femmes. C’est ce dont il s’agit dans les documents publiés par l’OAP. On en est venu à mettre en cause les discriminations dont sont victimes les personnes homosexuelles et toutes les minorités sexuelles. Enfin, certaines études mettent en cause la pertinence de la distinction même entre homme et femme et pratiquement toutes les normes éthiques en lien avec la sexualité, ou développent une éthique alternative. C’est principalement la confusion entre ces différents niveaux de langage qui crée des crispations. Dans un premier temps, je trace un état des lieux à partir des différentes utilisations du mot ; ensuite je pose la question des enjeux, et du comment discerner.

Enfin, je m’interroge sur le discours dominant dans l’Église par rapport à cette question. Au niveau des publications, je signale deux ouvrages qui représentent en fait deux positions extrêmes, qu’on peut considérer comme très idéologiques. D’un côté, il y a le Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques (Conseil pontifical pour la famille, Paris, Pierre Téqui, 2005, 1001 p .), dans lequel le mot genre est approché de façon systématiquement critique et négative. De l’autre côté, l’Encyclopédie critique du genre (Paris, La Découverte, 2016, 740 p.), qui met en cause toutes les représentations traditionnelle concernant l’homme et la femme.

2. État de la question

2.1. Les discriminations vis-à-vis des femmes

Le mot genre a été introduit dans les sciences sociales pour analyser le rapport entre homme et femme. Un constat : dans la société, certains rôles conviennent aux femmes, d’autres aux hommes, ou leur sont socialement et culturellement imposés. Cette différenciation des rôles existent dans toutes les cultures, mais sous des formes qui peuvent être assez différentes. Le plus souvent cette imposition des rôles est inconsciente : elle apparaît comme de l’ordre de l’évidence. En Europe, jusque assez récemment, pour les hommes : militaire, policier, ingénieur, médecin, juge (il a été dit et écrit que les femmes sont trop émotives pour juger avec objectivité !) ; pour les femmes : maîtresse de maison, infirmière, assistante sociale, institutrice, femme de ménage et nettoyeuse… Et il allait de soi jusque dans les années 30 que les filles ne faisaient pas le cycle complet des études secondaires. Elles faisaient ce qu’on appelait les moyennes, qui les préparaient à être de bonnes ménagères. Il en a été ainsi pour ma mère et ses cinq sœurs.

Non seulement il y a distinction des rôles, mais il y a aussi une certaine dévalorisation des rôles féminins par rapport aux rôles masculins.

Le concept de genre est introduit dans ce contexte pour critiquer les rôles sociaux : des rôles sont définis sociétalement et culturellement et sont imposés aux femmes et aux hommes. Cette imposition des rôles sociaux est accompagnée d’un discours qui valorise pour l’homme la force, la capacité de décision, l’intelligence…, et pour la femme, la douceur, l’affectivité, l’émotion… Ces rôles ne sont pas une simple répartition pratique, ils impliquent aussi une valorisation différente et un rapport de pouvoir et d’autorité.

Ce sont ces rôles sociaux imposés qui sont mis en question par les premières études de genre. Dans pratiquement tous les documents internationaux, jusque assez récemment, c’est en ce sens que le mot genre est utilisé : ONU (Le Caire et Pékin), OIT, Unesco, etc. Mais aussi pratiquement dans tous les documents syndicaux, et dans tous les documents publiés par les associations de développement comme EF, CCFD ou la coordination CIDSE ou encore Justice et Paix. C’est clairement dans cette perspective et cette utilisation du mot genre que les documents publiés par l’OAP font appel à ce concept.

2.2. Discrimination vis-à-vis des personnes homosexuelles et des minorités sexuelles

De façon plus récente, les études de genre mettent en cause les discriminations dont sont victimes les personnes homosexuelles. Vis-à-vis de ces personnes, il y a une évolution importante dans la compréhension de cette réalité humaine.

Jusqu’au 19ème siècle, l’homosexualité est généralement considérée comme une perversion morale (il en est ainsi dans la Bible : Ancien Testament ou saint Paul). L’acte homosexuel est souvent criminalisé : 74 États pénalisent les personnes homosexuelles ; dans 13 États, tous à majorité musulmane, l’homosexualité est passible de la peine de mort. Au 19ème siècle et jusqu’au milieu du 20ème, l’homosexualité est tenue comme une maladie mentale (dans la classification internationale des maladies de l’OMS, l’homosexualité figure parmi les maladies mentales jusqu’en 1992), maladie qu’il faut soigner. Ce discours sur l’homosexualité comme maladie qu’il faut soigner est assez souvent présent dans les communautés évangéliques aujourd’hui. On l’a aussi entendu au Synode sur la famille. Actuellement l’homosexualité est reconnue comme une tendance innée d’orientation sexuelle non voulue, non choisie. L’hypothèse la plus probable est qu’elle est liée à une sorte d’accident dans le développement embryonnaire du cerveau (voir Balhazart 2010) .

La Déclaration universelle des droits de l’homme condamne toute discrimination fondée sur le sexe : elle condamne donc la répression de l’homosexualité en tant que telle, mais surtout les sanctions légales de la pratique homosexuelle (prison, condamnation à mort).

La non-discrimination consiste à reconnaître à la fois qu’il s’agit d’une condition d’existence non choisie, mais aussi que celle-ci implique le droit à une vie affective et sexuelle. Pour beaucoup, en particulier parmi les chrétiens, cela est assez difficile à accepter.

Les études de genre connaissent ensuite un autre élargissement en portant sur les discriminations vis-à-vis de toutes les minorités sexuelles. Il n’est pas inutile de préciser un peu le vocabulaire. On distingue généralement:

- Les personnes homosexuelles – masculines, les gays, ou féminines, les lesbiennes – sont des personnes dont la tendance sexuelle est la rencontre de personnes de même sexe, à la différence de la grande majorité de la population qui est hétérosexuelle, caractérisée par l’attirance de l’autre sexe.

- Les personnes bisexuelles entretiennent des relations amoureuses et sexuelles avec les deux sexes.

- Les personnes transsexuelles ou transgenres sont des personnes auxquelles a été assigné un sexe à la naissance, généralement sur la base des organes sexuels externes (pénis et vagin), mais qui s’identifient à l’autre sexe. Certaines de ces personnes choisissent de changer physiquement de sexe par une opération chirurgicale (chirurgie de réattribution sexuelle). D’autres peuvent opter pour la transition (s’identifier par un autre genre que celui auquel on était assigné), en changeant de prénom, de vêtements et de comportement, sans cependant passer par la chirurgie, mais en subissant éventuellement un traitement hormonal .

- Les personnes queer (= étrange, bizarre) refusent de s’identifier comme homme ou comme femme, comme homo ou comme hétéro, en critiquant radicalement toutes les catégories.

- Les personnes intersexe sont des personnes dont les organes génitaux sont difficiles ou impossibles à définir comme mâles ou comme femelles selon les standards habituels. Dans certaines compétitions sportives de haut niveau, certaines athlètes féminines ont été éliminées parce que leurs records posaient question et qu’à l’analyse elles étaient porteuses de certains caractères biologiques masculins (test hormonaux, entre autres) : elles ont été éliminées parce que n’étant pas de « vraies femmes ».

- Les personnes asexuelles sont des personnes qui ne ressentent aucune attirance sexuelle pour une autre personne.

- Les personnes pan-sexuelles sont des personnes qui ont une attirance sexuelle indifférenciée par rapport à des personnes quel que soit leur sexe.

Il faut évidemment faire des distinctions entre toutes ces catégories : une personne homosexuelle vit cet état de par sa naissance et donc ne le choisit pas ; une personne transsexuelles qui se fait opérer pour changer de sexe, choisit de le faire…Et il faut aussi distinguer entre la façon dont une personne s’identifie et son comportement. Une personne hétérosexuelle peut avoir, par moments au moins, ces comportements homosexuelles. C’est le cas entre autres, mais pas seulement, de certains adolescents.

Actuellement, dans cette deuxième utilisation du mot genre, un sigle est très généralement utilisé: LGBT : Lesbiennes, Gays, Bissexuels, Transsexuels. Parfois on écrit LGBT+ pour inclure toutes les formes de minorités sexuelles.

3. Les utilisations radicales et idéologiques du mot genre

Un mouvement s’est développé à partir des États-Unis et dépasse les études de genre pour développer ce qu’on peut appeler une théorie et qui est, pour moi, de l’ordre idéologique. Une précision sur l’utilisation de ce mot idéologique : il y a une utilisation neutre du mot idéologie, qui désigne une théorie ou un système de pensée philosophique ou politique qui détermine l’action ; il y a aussi une utilisation en un sens plus critique qui désigne une pensée totalitaire qui en vient à nier la complexité de la réalité humaine ou sociale. C’est en ce dernier sens que je définis cette troisième utilisation du mot genre comme idéologique.

Dans l’espace francophone l’ouvrage qui a publiquement lancé cette approche est celui de Judith Butler Trouble dans le genre (Paris, La Découverte, 2005 ; 1990 aux États-Unis). Dans cette perspective, il s’agit de thèses plus ou moins extrêmes reprises ci-après :

1. Il faut critiquer radicalement ce que ces militants et surtout ces militantes appellent la bicatégorisation, donc la distinction homme/femme. Les différences naturelles (physiques, biologiques) sont tout à fait secondaires et non significatives : on se construit homme ou femme. « La bicatégorisation se révèle donc être un postulat et, ce faisant, une norme à déconstruire, dans un champ d’études féministes des sciences qui remet en cause la binarité naturelle de la division entre les sexes en interrogeant le processus de production de cette catégorie. [...] Si l’on peut penser le racisme sans race, pourquoi ne pourrait-on pas penser le sexisme sans sexe ? »

2. La mise en cause de l’hétérosexualité normative ou de l’hétéronormativité : l’hétérosexualité est imposée par la culture comme une norme, par rapport à laquelle, les autres identités sont marginalisées et dévaluées. L’hétérosexualité, est-il dit, a été instituée en régime politique de domination des hommes sur les femmes.

3. L’identification et la pratique hétérosexuelle ou homosexuelle est fondamentalement un choix libre que toute personne peut et doit faire. Ces militantes demandent que dans l’éducation, dès le plus jeune âge, on invite les enfants à choisir eux-mêmes leur identité sexuelle.

4. Pour un discernement : les enjeux

Dans un premier temps, j’ai donc décrit les positions en présence. Ma description n’est cependant pas totalement neutre puisque j’ai désigné les études de genre plus radicales comme idéologiques. Je voudrais proposer ici un discernement anthropologique et éthique par rapport à ces différentes positions.

4.1. La discrimination des femmes

L’utilisation du concept de genre dans la première signification du mot me semble non seulement légitime mais nécessaire. Les rôles sociaux imposés demandent à être critiqués. C’est vrai en Europe, c’est vrai aussi en Afrique et, en particulier, pour les questions de développement. D’où l’importance fondamentale de l’éducation. Cela touche aussi toutes les questions concernant la parenté responsable.

Le concept de rôles sociaux, lié à celui de genre, me semble aussi fondamental. Il peut cependant y avoir des dérives dans l’utilisation de ce concept : maternité et paternité ne sont pas la même chose. Ce ne sont pas seulement des rôles sociaux. Mais il est vrai qu’il faut penser de façon plus ouverte, entre autres, le partage des tâches quotidiennes (il n’y a aucune raison que la vaisselle et la cuisine soient a priori la tâche des femmes et le bricolage celle de l’homme), il en va de même pour la garde des enfants. Le congé parental, en Belgique, peut être demandé par la mère ou par le père, ou en se le partageant : très peu d’hommes le demandent.

On peut reconnaître et on doit reconnaître qu’il y a des différences psychiques entre homme et femme. Mais les études montrent que tout homme a aussi des côtés féminins et toute femme des côtés masculins plus ou moins marqués. Et si l’éducation a tendance à accentuer ces caractères chez les uns et les autres (ex. la force chez l’homme, la douceur chez la femme), il est important de ne pas renforcer les différences. Il importe surtout de décoder les rôles sociaux en manifestant combien ils ne jouent pas seulement sur la différence, mais légitiment de fait une supériorité et une domination des hommes sur les femmes. Je pense donc que l’utilisation de ce concept de rôles sociaux est un instrument d’analyse et d’action important. C’est ce que fait, entre autres, l’OAP.

4.2. La discrimination des personnes homosexuelles et minorités sexuelles

Un travail important est à effectuer : il faut briser les tabous concernant l’homosexualité et assurer le respect des autres minorités sexuelles, qui sont souvent des situations de grande souffrance. On ne peut nier qu’en Afrique l’homosexualité existe, mais on ne veut pas le voir. En septembre 2015, entre les deux sessions du synode sur la famille, le SCEAM (Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Magascar) tient une session à Maputo. Il publie un long commentaire du document de travail de la seconde session du synode. Il a un passage important sur « L’attention pastorale envers les personnes ayant une tendance homosexuelle. A l’exception de l’Afrique du Sud, aucun autre pays africain ne reconnaît les unions des personnes du même sexe. La question ne se pose pas dans l’ensemble des pays africains même s’il existe des cas de personnes ayant des pratiques homosexuelles. De façon traditionnelle, la culture africaine a une manière humaine et discrète de gestion de ces cas de pratiques sexuelles. […] Dans la majorité des pays africains, la question de la promotion de l’union civile entre personnes du même sexe par l’État n’est pas à l’ordre du jour. Toutefois, l’Église en Afrique partage les angoisses et les espérances d’une humanité qui nous est commune face aux problèmes des unions de personnes du même sexe. Pour elle, la question des unions de personnes du même sexe devra être traitée avec respect et charité sans que soient sacrifiées les valeurs éthiques de l’universel humain. L’humanité regorge, en effet, d’un immense trésor de sagesse auquel on devra accepter de recourir pour accompagner des personnes en situations difficiles et répondre aux défis des unions homosexuelles sans qu’il soit nécessaire de passer à des raccourcis juridiques. L’Église en Afrique ne condamne pas les personnes mais condamne tout système qui conçoit, promeut, répand à l’échelle du monde à travers Internet, Télévision et autres moyens de communication et impose aux pays pauvres, des idéologies et des pratiques homosexuelles (SECAM 2015).

Au sujet du mariage homosexuel, une conviction personnelle : les personnes homosexuelles, qui n’ont pas choisi cette condition, ont droit à s’épanouir affectivement et sexuellement dans l’union avec un(e) partenaire. Pour des questions de justice il importe qu’un statut public soit reconnu à cette union : questions de responsabilité commune, en particulier vis-à-vis des enfants quand il y en a, problèmes d’héritage, etc. Reconnaître un statut à cette union contribue aussi à éviter le papillonnage entre partenaires multiples, et contribue donc à la stabilité des couples.

Actuellement, dans de plus en plus d’États, il n’y a plus qu’un seul statut d’union, le mariage, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel . Il en est ainsi en Belgique et en France. Personnellement, je le regrette, parce qu’il y a une différence irréductible entre ces deux types d’unions : seule l’union hétérosexuelle est par elle-même ouverte à la génération d’enfants. J’aurais préféré qu’on donne un nom différent à cette union. Le fait est qu’actuellement le mot mariage désigne les deux types d’union. Je suis convaincu qu’on ne reviendra pas en arrière, et que cela va s’étendre.

En France, le caractère passionnel de la Manif pour tous opposée au mariage pour tous pose vraiment question en particulier concernant le rôle joué par une fraction significative de l’Église catholique dans ce mouvement.

Je crois que la famille dite traditionnelle mérite d’être soutenue (sans discrimination des autres formes de familles : famille monoparentale, famille recomposée…), parce que c’est l’environnement le plus favorable pour les enfants dans notre société, à condition que cette famille soit harmonieuse, ce qui n’est évidemment pas toujours le cas.

4.3. La militance LGBT

Il faut reconnaître, d’une part, que cette militance défend fondamentalement une cause juste, mais que d’autre part, il y a aussi de véritable dérives qui ne sont pas acceptables au niveau de la société : du point de vue éducatif, par exemple, ne pas aider les enfants à s’identifier à leur propre sexe n’est pas aidant, même s’il faut être prudent quand se révèlent des tendances homosexuelles à l’adolescence.

Sociétalement, peut-on toujours rester dans la logique de reconnaître l’hétérosexualité comme la façon la plus « normale » de vivre la relation sexuelle, normal utilisé ici au sens du plus habituel et majoritaire, mais non en un sens normatif ?

5. Et l’Église ?

Pourquoi une telle réticence par rapport au genre ? Le mot provoque très largement crispation voire condamnation sans nuances chez beaucoup d’évêques et de prêtres.

Exemple, en France, le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), est l’un des seuls mouvements de jeunesse socialement engagé qui arrive à mobiliser des jeunes qui se définissent explicitement comme chrétiens. J’ai souvent travaillé avec eux. Ce mouvement a organisé à Annonay (Ardèche), les 3 et 4 mars, un week-end avec pour thème « Genre, voilà ! ». Une affiche invite à ce Week-end : elle y représente, dans une bulle, une femme nue assez stylisée, nullement provocante, avec une série d’injures adressées plus ou moins couramment aux femmes : grosse pute, va te faire enculer, c’est sale épile-toi... L’évêque du lieu, Mgr Jean-Louis Balsa, a réagi brutalement, en invitant les acteurs pastoraux et les jeunes à ne pas participer à ce Week-end, en raison de « la gravité de la teneur de la proposition et les propos obscènes employés dans le tract ». Signe du malaise de l’Église concernant cette problématique.

Pourquoi une telle résistance par rapport à l’utilisation de ce concept ? Il y a trois raisons. D’abord, mais ce n’est jamais dit comme cela : de façon consciente ou souvent sans doute inconsciente, parce qu’on perçoit que cette thématique du genre et en particulier l’analyse à partir des rôles sociaux met aussi en cause les rôles sociaux dans l’Église, surtout en ce qui concerne les femmes exclues des ministères ordonnés. On ne veut pas voir que cette clé d’analyse concerne aussi l’Église dans son fonctionnement institutionnel traditionnel. Au nom d’une certaine sacralité des ministères, il y a refus de ne reconnaître aucune pertinence de l’approche en termes de rôles sociaux au sein même de l’Église.

En deuxième lieu, il y a résistance ensuite en raison du malaise persistant dans l’Église par rapport à l’homosexualité. Le Catéchisme de l’Église Catholique dit explicitement que les personnes homosexuelles doivent être respectées : elles « doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste » (n. 2358). Le synode n’est pas parvenu à redire cela. Il dit seulement qu’il faut « réserver une attention spécifique à l’accompagnement des familles dans lesquelles vivent des personnes ayant une tendance homosexuelle ». Et cette proposition n’a obtenu les deux tiers des voix nécessaires qu’à une voix près… Cela signifie qu’un tiers des évêques n’est même pas d’accord là-dessus avec le catéchisme ! Quant à la relation homosexuelle, question posée explicitement lors de la première phase de la première session, elle a été totalement exclue pour la suite…

Il y a une troisième raison de résistance. Nombre de responsables ecclésiaux dressent comme un épouvantail les positions les plus extrêmes (celles d’une certaine militance radicale LGBT) pour discréditer tout le travail sérieux des études genre, en particulier dans leur première dimension. Un exemple est l’intervention au synode sur la famille, le 10 octobre 2015, du cardinal Sarah (Guinéen, actuel préfet de la Congrégation pour la liturgie), intervention qu’il a lui-même rendue publique :

Un discernement théologique nous permet de voir dans notre temps deux menaces inattendues (comme deux « bêtes apocalyptiques ») situées à des pôles opposés : d’un côté, l’idolâtrie de la liberté occidentale ; de l’autre, le fondamentalisme islamique : le sécularisme athée face au fanatisme religieux. Pour user d’un slogan, nous nous situons entre l’idéologie du genre et Isis [Daech]. [...] De ces deux radicalisations naissent les deux menaces majeures contre la famille : sa désintégration subjectiviste dans le monde sécularisé de l’Ouest par le divorce rapide et facile, l’avortement, les unions homosexuelles, l’euthanasie, etc. (cf. la théorie du genre, les Femen, le lobby LGBT, IPPF [International Planned Parenthood Federation]…). De l’autre côté, la pseudo-famille de l’islam idéologisé qui légitime la polygamie, la soumission féminine, l’esclavage sexuel, le mariage des enfants, etc. (cf. Al Qaeda, Isis, Boko Haram…). Plusieurs indices nous permettent de deviner la même origine démoniaque de ces deux mouvements.

En Allemagne, il y a eu en janvier dernier une assemblée de la conférence épiscopale où il a entre autres été traité des couples homosexuels, rencontre qui n’a été suivie d’aucun communiqué. Le cardinal Marx, président de la conférence et l’un des neuf conseillers du pape, s’est exprimé publiquement dans une interview du 3 février : il y dit qu’il relève de la responsabilité du pasteur qui accompagne le couple de voir à quelles conditions une bénédiction serait possible.

Il y a donc bien du travail à faire dans l’Eglise sur cette question du genre, tant en ce qui concerne le rôle et la place des femmes que le jugement porté sur les personnes homosexuelles. Tout cela demande clarté, délicatesse, sérieux dans l’argumentation, et patience…

Référence Bibliographique: 

Balhazart, J 2010. Biologie de l’homosexualité. Wavre : Mardaga.
Berten, B 2018. La théorie du genre. Namur : Éditions jésuites
Butler, J 2005. Trouble dans le genre. Paris : La Découverte.
Conseil Pontifical pour la famille 2005. Lexique des termes ambigus et controversés sur la
famille, la vie et les questions éthiques. Paris : Pierre Téqui.
Encyclopédie critique du genre 2016. Paris : La Découverte.

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