ENTRE REJET CATEGORIQUE ET SOUTIEN FERME DE L’ACCORD D’ARUSHA: ANALYSE DE DISCOURS POLITIQUES BURUNDAIS

Abstract: 

This article purports to analyze the speeches main Burundian political actors delivered on peace process and its consequences, including the system of power sharing referred to as “co-socio-nationalism.” For sure, it has now been twenty years since the Arusha Agreement for reconciliation and peace in Burundi was last launched. This resulted in signing the "Arusha Peace Agreement".

However, this historic act was hard to reach. Indeed, because of the political atmosphere of mistrust among key players in the conflict for more than forty years, delay in compromise was salient. Obviously, some refused to take part in reconciliation for peace; others have even ignored the results. Thus, analysis of these discourses reveals, both unstable and irreconcilable attitudes among political actors. Fortunately, this form of democracy has unexpectedly promoted stability in Burundi for more than a decade. Nevertheless, political speeches reappeared during the controversy over Pierre Nkurunziza’s claim for third term in office, April 2015. Now, would it not have been necessary to measure democracy, in time and space, and equally gauge the extent to which; resistance to those positions would anticipate new violence? This might have secured space for dialog rather than fueling hostility. But, this space failed to materialize since violence had broken out. Regrettably, the absence of this dialogue instilled in the leadership review of the Constitution of the Republic, June 2018, in an exclusive approach, unfortunately. As a result, it has dissolved the commitment to consensus that had already been the cultural values of Burundi. Therefore, is there any other alternative to dialogue that would allow Burundians to define their own democracy in case of conflict? That is the question this article has sought to answer.

1.Introduction

Nul n’est besoin de parler de l’importance du discours politique dans l’espace social et par là, de la nécessité de son analyse. Patrick Charaudeau (2002) va jusqu’à se demander si la politique ne serait que discours, si la politique ne serait pas secondaire par rapport au discours (Charaudeau 2005: 11). Avant lui, Marc Augé avait parlé du ‘gouvernement de la parole’ (Augé 1994: 40) pour insister sur la primauté de la parole dans la gestion du pouvoir. Le discours est même indissociable de l’action: le discours politique n’a pas de sens hors de l’action (Charaudeau 2002: 1). C’est en analysant le discours que l’on saisit le sens de l’action qui est inscrite en son sein. Derrière les mots, il y a des intentions (Gusdolf 1998 : 63).

Dans cet article, il est question de savoir quelles attitudes affichaient les acteurs politiques burundais impliqués dans le processus de paix en 2000, quelles intentions ils inscrivaient dans leurs discours, au regard des développements ultérieurs à la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi. La compréhension de ces intentions, n’aurait-elle pas permis d’anticiper la crise déclenchée par la troisième candidature de Pierre Nkurunziza en 2015 ?

Entre 1998 et 2000 à Arusha en Tanzanie, se sont déroulées des négociations inter-burundaises, en vue de trouver des solutions à plusieurs décennies de violence politique. Au bout de ces négociations inter-burundaises facilitées par la communauté internationale (Buyoya 2011), un accord politique communément appelé « Accord d’Arusha » a été signé. Depuis sa signature, les acteurs qui participaient à ces négociations ou qui les suivaient de près, ont exprimé régulièrement des positions. Mais c’est surtout en avril 2015, avec « la crise du troisième mandat» que l’on a assisté à une multiplication et une radicalisation de prises de position sur cet accord et sur le partage du pouvoir qu’il incarne. Dans cet article, nous nous penchons sur les différentes prises de positions exprimées par des responsables politiques directement impliqués dans le processus d’Arusha pour la paix et la réconciliation. Des mots, des expressions, des phrases déclaratives, des tournures impersonnelles, etc., toute unité langagière pertinente de quelque taille soit-elle retiendra notre attention.

2. La description du contexte lors du lancement des pourparlers

La pratique du partage du pouvoir au Burundi n’est pas apparue avec l’Accord d’Arusha. Lors du lancement des pourparlers d’Arusha, le FRODEBU et l’UPRONA gouvernaient déjà ensemble pour résoudre les problèmes d’exclusion. Mais toutes les tentatives se sont retrouvées limitées eu égard à l’ampleur de la crise qui perdurait. En 1988, au lendemain des massacres de Ntega –Marangara, le Président de la République d’alors a été obligé de remanier son gouvernement qui était majoritairement composé de Tutsi (à 70%) pour établir la parité avec les Hutu.

A la victoire du FRODEBU, le Président Ndadaye qui venait d’être élu, nomma une femme de l’opposition à la tête du gouvernement. Rien ne l’empêchait de désigner le chef du gouvernement dans son propre camp qui, même s’il était à dominance hutu, comptait en son sein des tutsis.

En vue de résoudre la crise occasionnée par l’assassinat du Président Ndadaye le 21 octobre 1993, il y a eu plusieurs tentatives de partage du pouvoir entre les partis FRODEBU et UPRONA. Qu’on se rappelle de la Convention de gouvernement et de l’Accord de partenariat. Toutes les tentatives s’étaient avérées vaines étant entendu que la crise se poursuivait et des groupes rebelles se mettaient davantage en place.

Avec l’enlisement de cette crise, le Président Ntibantunganya fut obligé de démissionner et Pierre Buyoya revint au pouvoir le 25 juillet 1996. Les négociations inter burundaises d’Arusha entre juin 1998 et août 2000 sont intervenues sous son pouvoir. Le contexte intérieur était marqué par des attaques de rebelles du CNDD-FDD et du PALIPEHUTU-FNL. Il était également marqué par des sanctions économiques imposées par la sous-région depuis la reprise illégale du pouvoir par Pierre Buyoya. Le Burundi connaissait également des pressions internationales suite à la détérioration des droits humains.

3. Position du problème et question de méthodologie

En avril 2015, une crise politique éclata au Burundi. Elle mettait en scène deux parties, l’une qui exigeait le respect strict de l’Accord d’Arusha l’autre qui, accusée de le violer s’en défendait, clamant qu’il respectait la Constitution qui en est issue.

Cette analyse porte sur des discours tenus sur ce processus de paix et le partage du pouvoir entre segments ethniques qui l’a sanctionné. La question est de savoir quelles attitudes affichaient les acteurs politiques burundais vis-à-vis de cet Accord d’Arusha signé en 2000. En nous appuyant sur Georges Gusdolf (1998 : 87), nous affirmons que ces attitudes et les intentions y relatives sont détectables dans les discours politiques respectifs : « Les mots annoncent les intentions».

Sans nécessairement affirmer l’existence d’un lien direct entre ces attitudes et la crise qui a éclaté en avril 2015, nous pouvons arriver à comprendre qu’il y avait des signaux avant-coureurs déjà à la signature de cet Accord en 2000. Des discours portaient-ils des velléités ou des intentions d’abandonner le partage du pouvoir initié par ce processus de paix d’Arusha, attitudes qu’il fallait détecter à temps.

L’analyse des attitudes langagières des acteurs politiques sur les processus de paix d’Arusha va passer par l’approche de la modalisation. Celle-ci part du principe que le sujet qui parle affiche son attitude dans son propos. La compréhension des attitudes va s’appuyer sur des «modalisateurs» (les marqueurs de modalités) du type lexical, c’est-à-dire, les mots exprimant l’attitude énonciative du sujet parlant (Vittrant 2009:4). Ces mots pourront être de catégories grammaticales variées.

Dans la théorie de l’énonciation, ces modalisateurs jouent le rôle de traducteur d’opinion, d’attitude, de sentiment ou de jugement de celui qui parle à l’égard de ce qu’il dit ou ce que les autres disent. Cette analyse se focalisera sur quelques discours repérés sur la période allant de 2000 jusqu’à la crise déclenchée en avril 2015. Elle privilégie les locuteurs des partis politiques dits « key players » : Ceux de l’UPRONA, ceux du FRODEBU ainsi que ceux du parti au pouvoir au moment de l’analyse, à savoir, le CNDD-FDD. Au nom de l’inter-discours, nous évoquerons les discours antérieurs ou postérieurs à ces dates.

4. Regrets, insatisfactions, silence et autres attitudes

Le passage en revue des discours des parties au conflit montre qu’ils subsistaient des faiblesses au moment de la signature de l’Accord d’Arusha. Les témoignages ont fait état d’usage de pression, d’intimidation de la part du médiateur Mandela. Ce qui pourrait justifier certaines de ses faiblesses qui le poursuivent même jusqu’aujourd’hui.

4.1. Regrets et insatisfactions au lendemain de la signature

Le contexte de l’époque des négociations inter burundaises obligeait tous les participants à obtenir des résultats : il fallait à tout prix faire lever le blocus économique imposé par la région en signant un accord de paix. Cette détermination à obtenir un résultat à tout prix est perceptible dans les témoignages de Buyoya : «Pour le gouvernement, l’urgence était de tout faire pour que le blocus soit levé et c’est cette raison qui a poussé à entamer les négociations » (Buyoya 2011 : 173).

On sent la détermination et la pression qui expliqueraient d’ailleurs la signature d’un accord dont le contenu ne représente pas tout à fait ce qu’ils cherchaient : « l’essentiel du compromis politique était acquis, nous l'avions en main. (…) Il représente, dans les grandes lignes, une solution pour les problèmes du Burundi » (Buyoya (2000a).

Nous sentons une satisfaction : « l’essentiel » modérée et nuancée par « les grandes lignes » qui signifie que ce n’est pas tout à fait cela qu’on attendait. Les parties prenantes dans les négociations venaient de signer cet accord, mais on voit que l’un des principaux acteurs exprime insatisfaction et regret qu’il justifie d’ailleurs : «The signing of the agreement was done with a certain degree of haste. This explains why some were hesitant about signing it » (Buyoya 2000b).

Plus de dix ans près, il regrette encore cette précipitation à la signature: Le temps nous a manqué. Ainsi par exemple, nous n'avons pas pu partager avec le G7 (les partis hutus) ou avec le G10 les concessions que nous avions obtenues. A la fin, au moment de la signature, le document final n'était même pas encore sorti, les gens ne savaient pas ce qu'ils allaient signer. Au-delà de tout, il regrette surtout que les Burundais n’ont pas su régler leur conflit eux-mêmes: « Quand un problème tombe entre les mains d’acteurs internationaux, il se produit parfois des distorsions» . Une autre d’insatisfaction a été exprimée par Frédéric Bamviginyumvira, Premier Vice-président de la République au lendemain de la signature de cet accord. S’adressant à la presse, dans un langage métaphorique, il dit que cet accord contient « des dispositions qui servent de charpente à la mise en place d’un cadre institutionnel et juridique devant régir la période pré-transition, les phases transitoire et post-transitoire ». Parler de charpente signifie qu’il y a des détails qui manquaient. Aussi, la solidité d’une bâtisse n’est pas due à la charpente.

Le ministre Eugène Nindorera, confirmera cette situation en reconnaissant l’existence de beaucoup de difficultés à formuler des propositions relatives à la composition du parlement de transition. L’« Accord d’Arusha n’a pas été clair sur ce sujet ». Les regrets qui sont exprimés sont liés à l’environnement des négociations, à la qualité du contenu de l’accord obtenu, au manque d’engagement des Burundais à régler eux-mêmes leur conflit, etc. Un autre fait langagier qui a affaibli l’accord d’Arusha c’est le silence de la cour constitutionnelle.

4.2. Le silence sémiotique forcé de la cour constitutionnelle

En sciences du langage, il est généralement accepté que le silence est intimement lié à la parole. Timenova (2009 : 155), par exemple, montre que « Parole et silence forment un tout, c’est un truisme». Envisagé sous l’angle de la communication, le silence est un acte de communication plein, dont il faut découvrir le sens, autant que la parole. Après son adoption, l’Accord d’Arusha a donné lieu à la Constitution. Les signataires de l’Accord d’Arusha ainsi que les constituants d’octobre 2001 et de mars 2005, avaient souhaité qu’il ait acte de conformité entre l’Accord d’Arusha et la Constitution. Cet acte juridique n’a jamais été posé. Le Président de la République qui avait saisi la Cour Constitutionnelle à cet effet, a vite retiré sa requête. On ne peut pas présumer le sens de l’arrêt que la Cour Constitutionnelle allait rendre, mais l’une des hypothèses est qu’un statut supra-constitutionnel de l’Accord d’Arusha aurait été, peut-être, établi et, de ce fait, renforcé sa crédibilité. L’Assemblée Nationale, pour sa part, par un acte de langage performatif: « L’Accord d’Arusha signé le 28 août 2000 est adopté», avait donné un cachet juridique à ce texte. Ce qui avait permis aux Président de la République de le promulguer. Ce silence sur la hiérarchie entre l’Accord d’Arusha et la Constitution de 2005 a constitué une brèche pour ceux qui voulaient contester son importance, notamment le CNDD-FDD qui n’en était pas signataire et qui contestait toujours son statut supra-constitutionnel.

4.3. Les partis à dominance tutsi : réservés à la signature

Certaines parties prenantes aux négociations ont signé « avec réserves » cet accord. Emettre une réserve, c’est exprimer, en partie, son désaccord. Il s’agit des partis à dominance tutsi (G10). Ceci ne peut pas passer inaperçu pour un accord censé apporter des solutions à « un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes » (Accord d’Arusha 2000 : 16). Une analyse brève montre que ces réserves portent sur l’ensemble de ce document d’ Accord d’Arusha. Et la majorité parmi elles, portent précisément sur les principes et les modalités de partage du pouvoir qui, par la suite, ont été versés dans la Constitution post-transition. En face des signatures de certains signataires de l’Accord, on trouve des commentaires proches du refus ou de la frustration: «signature valable moyennant compromis sur les réserves du G10 et nos propres réserves qui font partie intégrante de cet Accord». On sait cependant que des mésententes ont subsisté jusqu’au référendum sur la Constitution post-transition.

5. Dialogue de sourds autour du partage du pouvoir

L’une des innovations historiques de l’Accord d’Arusha était d’institutionnaliser le partage du pouvoir entre composantes ethniques. C’est précisément dans le Protocole II de cet accord que sont définis les principes constitutionnels y relatifs. Des quotas ethniques revenant à chaque composante ethnique y sont précisés ainsi que les majorités de délibération au parlement. Des divergences et des oppositions farouches dans le chef des principaux protagonistes au conflit sont apparues lors de la mise en application de cet accord. Nous nous limiterons aux positions du CNDD-FDD sur le partage du pouvoir basé sur les quotas et aux réserves de l’UPRONA et autres partis à majorité tutsi.

5.1. Rejet ferme du système consociatif par le CNDD-FDD « Le CNDD-FDD est hostile aux quotas ».

C’est ainsi que s’exprimait Nkurunziza, Président du CNDD-FDD à la veille de son élection au poste de Président de la République en 2005. D’après le dictionnaire de français Larousse « hostile » signifie : « Qui se conduit en ennemi, qui manifeste des intentions agressives ». Cet adjectif est aussi utilisé pour caractériser quelqu’un « Qui désapprouve quelque chose ou quelqu'un, qui le combat par la parole, par l'écrit, ou par des actes ».

Nous sommes en face d’une attitude de rejet ferme de ce système de partage du pouvoir dit « consociatif » basé sur les quotas. Il convient de rappeler qu’en théorie de l’énonciation (Orrechioni 2009), Nkurunziza ne parle pas en son propre nom, mais en porte-parole du CNDD-FDD. L’ « opposition ferme » au partage du pouvoir basé sur les quotas est donc une position générale au sein de ce parti. Avec l’évolution de l’interview, Nkurunziza réaffirmant son opposition explicite à ce genre de partage du pouvoir : « Cette répartition ne nous concerne pas ». Le rejet ferme est réitéré.

Afin de réaffirmer son opposition à ce partage du pouvoir, Nkurunziza apprend au journaliste que sa position est loin d’être solitaire: « Plusieurs parlementaires qui partagent notre vision ont d’ailleurs rejoint les rangs du CNDD-FDD. Cinquante ont quitté les rangs du FRODEBU et sept ceux de l’UPRONA. Les deux partis qu’il évoque sont ceux-là même qui ont négocié ce système de partage du pouvoir qu’il rejette. Cherche-t-il à leur jeter le discrédit en montrant qu’ils n’y croient pas eux-mêmes ?

A la même occasion, le CNDD-FDD a aussi annoncé la nécessité d’amender cette Constitution post-transition qui venait à peine d’être votée: « Plus tard, cette Constitution devra être amendée sur cette question des quotas précisément ». Selon le CNDD-FDD, l’élimination des quotas de la Constitution est une question de devoir : « la Constitution devra changer ». L’engagement pour l’abandon de ce type de partage du pouvoir est donc saisissant, le rejet des quotas est catégorique. Or, ces quotas étaient l’un des aspects phares du partager le pouvoir consociatif entre segments ethniques, le conflit burundais ayant été défini comme ayant « des dimensions ethniques extrêmement importantes ».

La position anti-consociative du CNDD-FDD ne date pas de 2005 et est loin d’être le fait d’un lapsus. Ceci peut être confirmé dans d’autres discours de prise de position du CNDD-FDD tenus avant sa transformation du mouvement rebelle en parti politique. En effet, dans une déclaration rendue publique à quelques jours de la signature de l’Accord d’Arusha, ce mouvement a dénoncé son contenu: « les résolutions ont été prises sur base de quotas ethniques concoctés entre les Hutu et les Tutsi en présence à Arusha, en prenant toujours soin d'exclure les Twa » (Ndayikengurukiye 2000 :2).

Le verbe « concocter » tiré du registre argotique de la langue, est ici utilisé avec une modalité de méfiance et d’une volonté de choquer : ils sont le fait de ‘seulement les Hutu et les Tutsi’ « en présence » à Arusha, et pas vraiment de tous les Barundi, «ils ont pris le soin d’exclure les Batwa ». L’usage du verbe « concocter » est utilisé par le CNDD-FDD pour manifester sa dysphorie face à ce partage du pouvoir.

L’attitude anti-consociative était aussi prise à la veille de la signature de l’Accor d’Arusha :

Le CNDD-FDD porte à la connaissance de la communauté tant nationale qu'internationale qu'il n'acceptera pas l'ethnisation et la balkanisation codifiées de la société burundaise par l'institutionnalisation du système mesquin des quotas ethniques (Ndayikengurukiye 2000: 3).

Le partage du pouvoir sur base des quotas issus de l’Accord d’Arusha est qualifié de façon dénigrante par le CNDD-FDD de « mesquin ». Pire, il désigne, dans un langage métaphorique, ce partage du pouvoir de « cancer » : « Ce cancer que l'oligarchie militaro-civile a toujours dissimulé à la communauté internationale, mais qu'elle a sournoisement ancré dans notre société et qu'elle vient d'étaler au grand jour ». Aux yeux de ce parti au pouvoir depuis 2005, le partage du pouvoir sur base des quotas est non seulement inadéquat, mais constitue une maladie incurable: le cancer. Le CNDD-FDD en prédit un résultat négatif et même dangereux : l’ «ethnisation et [une] balkanisation codifiées de la société burundaise ».

La balkanisation, l’action de balkaniser, comporte une modalité dépréciative du partage du pouvoir burundais. On peut déceler dans « balkanisation » une autre modalité de dénigrement dans la mesure où elle transforme les initiateurs et les signataires de ce système de partage du pouvoir en divisionnistes, en acteurs de balkanisation.

Le CNDD-FDD a par ailleurs rejeté ce système des quotas qualifié d’« apartheid à la burundaise » dans ce qu’il appelle son « plan de paix ». Il s’agit d’une liste de douze actions, classées « dans l’ordre strict » à la tête desquelles se trouve « Le retour à la légitimité constitutionnelle du 9 Mars 1992 : modalités et garanties ».

Le CNDD-FDD dénigre même les acteurs de ce système de partage du pouvoir : « Buyoya et ses suppôts », les participants aux négociations d’Arusha deviennent des complices des mauvais desseins de Buyoya, des serviteurs d’une mauvaise cause. Ils sont taxés de « ségrégationnistes » et qu’on ne peut rien attendre de leurs « combines politiciennes de quotas ethniques d'Arusha », qui ne peuvent être que génératrices de malheurs.

Notons néanmoins qu’au lendemain des élections de 2005 dont le CNDD-FDD sortit vainqueur, ce dernier a fini par appliquer cet accord avec les quotas qu’il rejetait. Conviction soudaine, sens de responsabilité ou un camouflage ? Y a-t-il un lien entre cette situation avec la crise que le Burundi connait depuis avril 2015? Une piste dans ce sens peut être explorée car les discours anti-consociatifs sont réapparus en 2015 alors qu’ils avaient presque disparus depuis qu’il a remporté les élections en 2005. Le pouvoir du CNDD-FDD a fini par réviser la constitution de manière non inclusive. Le Burundi est régit par une nouvelle constitution depuis le 7 juin 2018 et plusieurs aspects du système consociatif ont été modifiés dont les majorités de délibération au parlement.

5.2. Refus de signature de l’Accord de partage du pouvoir de Pretoria

Apposer une signature, sur un document est un gage de son approbation. C’est acquiescer par écrit, acquiescement scriptural. C’est un acte de langage et plus précisément un acte performatif (Austin 1962). En lisant le document de l’Accord de partage du pouvoir au Burundi de Pretoria, celui-ci commence par : « la facilitation a conclu qu’il y a consensus suivant parmi le peuple burundais ».

Bien que la facilitation parle de ‘consensus’, on constate sur la page des signatures que bien de partis politiques n’ont pas signé ce document historique. Il s’agit des partis : CNDD-FDD, UPRONA, MRC, l’ANADDE, MSP-Inkinzo, PIT, PARENA, PRP, RADDES, ALIDE, PACONA.

Ajoutons-y la réserve de Nyangoma, Président du CNDD qui, bien qu’il ait apposé sa signature, l’a assortie d’une réserve on ne peut plus clair : « contre les quotas ethnique ». Ce dernier a toujours dénoncé ce qu’il a appelé ce qu’il a toujours qualifié de « système contre nature » déjà en 1995.

Comme nous l’avons vu plus haut, le CNDD-FDD n’a pas directement participé aux négociations inter burundaises. Il n’a donc pas signé l’Accord d’Arusha. Or, c’est de cet accord d’où étaient tirées les modalités de partage du pouvoir. Il est tout à fait logique qu’il se soit abstenu.

A part le CNDD-FDD, d’autres partis ont refusé de signer cet accord de partage du pouvoir. Il s’agit des partis à dominance tutsi alliés à l’UPRONA. Ces mêmes partis, rappelons-le, avaient exprimé des réserves lors de la signature de l’Accord d’Arusha. Leurs signatures étaient assorties de ce message : « Signature valable, moyennant compromis sur les réserves du G10 et nos propres réserves qui font partie intégrante de l’accord qui continuera à être négocié».

Le 13ème sommet de l’Initiative régionale pour la paix dans la région des Grands Lacs a appelé ces partis à lever ces réserves. Ils ne les lèveront ni ne le signeront jamais. Certains parmi eux ont même explicitement appelé à voter « contre » lors du référendum du 28 février 2005. Le refus d’apposer leurs signatures et/ou l’absence même de certains de ces partis au lieu de signature, sont des messages sémiotiquement éloquents de désaccord et de désapprobation. Ces actes manqués, actes de langage performatifs, ont rendu fragile cet accord, mais à la fin signataires et non signataires de l’Accord de partage du pouvoir, le mettront en application au lendemain des élections de 2005. Y a-t-il une énigme dans cette appropriation ? Ce que nous allons tenter de saisir dans la suite.

6. Appropriations énigmatiques de l’Accord et partage du pouvoir

Certains acteurs clés du conflit et du processus de paix burundais n’ont jamais reconnu la totalité des accords conclus pour sa résolution. Et pourtant ils allaient jouer un rôle clé dans leur application. Il s’agit du CNDD-FDD et de l’UPRONA, respectivement parti à dominance hutu et parti à dominance tutsi. C’est précisément de ces cas qui paraissent énigmatiques dont il est question. Le parti FRODEBU, signataire de tous les accords conclus, a fini par tomber dans le piège des deux premiers, UPRONA et CNDD-FDD.

6.1. Solidarité du CNDD-FDD et de l’UPRONA

Arrivé au pouvoir en 2005, le CNDD-FDD, s’est attelé à mettre en application tant bien que mal, les différents accords signés dans le cadre du processus de paix au Burundi. Il était aidé par les autres partis qui ont obtenu quelques sièges aux élections.

Il ne nous revient pas de faire une évaluation de l’application de cet accord. D’une manière générale, l’opinion tant nationale qu’internationale est unanime à reconnaitre un rôle indiscutable dans la réduction sensible des tensions ethniques.

Le CNDD-FDD n’a jamais signé ni officiellement pris position ni en faveur de l’Accord d’Arusha, ni de celui du partage du pouvoir. Cet ancien mouvement rebelle transformé en parti en 2005, le CNDD-FDD est resté attaché fortement à la Constitution de 1992 avant et après la signature de l’Accord d’Arusha. Moins d’un mois avant la signature de l’Accord d’Arusha, sous la plume de son Coordinateur Général et Président du Bureau Politique, le CNDD-FDD a annoncé qu’« il réaffirmait son attachement à la Constitution du 09 mars 1992 qui, à ses yeux, sera le socle des futurs accords de paix entre les Burundais ». Nous avons dans « réaffirmer » une modalité d’insistance, « réaffirmer » signifie « affirmer de nouveau et avec force ».

Ce fort attachement à la Constitution de 1992 a persisté même après que l’Accord d’Arusha était signé. Pour le CNDD-FDD, « la résolution de la crise burundaise passe par la réaffirmation du respect intégral de la Constitution du 9 mars 1992 et de la charte de l’Unité du 5 février 1992 ». A la même occasion, le CNDD-FDD a accusé le processus d’Arusha d’avoir « introduit le principe des quotas ethniques (…) en total contradiction avec l’esprit et la lettre de la charte de l’Unité nationale ». N’avait-il pas d’ailleurs annoncé à la veille des élections de 2005 qu’il est « hostile » aux quotas. Dans plusieurs de ses actes langagiers, le CNDD-FDD a dénoncé le processus de paix d’Arusha, et a souvent pris distance de son contenu.

Nous constatons une sorte d’amuïssement sur ce sujet dans les discours politiques officiels du CNDD-FDD pendant sa première et sa deuxième législature. C’est vers la fin de sa deuxième législature que réapparaitrons des réflexions et des prises de positions sur le partage du pouvoir et des intentions réelles de révision de la constitution. Ce qui va d’ailleurs provoquer un déchainement discursif chez les responsables des autres partis politiques dans lequel nous verrons le CNDD-FDD apparaitre pour prendre une timide position en faveur de l’Accord d’Arusha et du partage du pouvoir pour calmer le jeu. Cet accord, avec le partage du pouvoir qui le sous-tend est le résultat d’un dur labeur de la communauté internationale. Le CNDD-FDD a lui-même bénéficié du soutien moral de la médiation pour sortir de la clandestinité et depuis son accès au pouvoir, il n’avait pas encore pris l’option de dénoncer officiellement le contenu de cet accord sur lequel il s’appuie pour diriger. L’UPRONA quant à lui, dans ses différentes ailes, a pris l’option de s’abstenir et de dénoncer l’Accord d’Arusha malgré ses réservés et son refus de faire voter la constitution qui consacre le partage du pouvoir.

6.2. Dissensions entre principaux signataires

Au moment où le malaise des réserves de l’UPRONA resurgissait lors de la définition des modalités de partage du pouvoir en 2003, le FRODEBU a toujours annoncé qu’il restait attaché à l’Accord d’Arusha tel que complété par l’Accord global de cessez-le-feu et l’Accord de partage du pouvoir. Le FRODEBU, était engagé à rester insensible, sourd et muet à toute démarche anti-démocratique de l’UPRONA, qu’il accusait d’aggraver la méfiance au sein de la population. Le FRODEBU considérait l’Accord d’Arusha et autres accords comme « un héritage sacré légué aux Burundais, un nouveau credo et une référence dans la reconstruction et de réconciliation nationales » . La position du FRODEBU vis-à-vis des Accords de paix est restée ferme. Au même moment, l’UPRONA co-signataire de l’Accord d’Arusha, s’opposait toujours à l’Accord de partage du pouvoir qui, à ses yeux déniait aux Tutsi toute participation effective aux décisions et à la gestion du pays ». A ses yeux, le rejet de cet accord est tout à fait légitime, cet accord qui « consacre le monopole et la dictature des partis d'obédience hutu ». Les positions des deux partis : UPRONA et FRODEBU sont toutes fermes mais opposées, alors qu’ils sont les principaux signataires ou même initiateurs de ce processus de paix. Le parti UPRONA mènera en vain son plaidoyer par plusieurs moyens de communication jusqu’à la finalisation de l’élaboration de la Constitution post-transition. Son plaidoyer n’aboutira pas. Il appellera à voter « contre » (attitude de rejet définitif) au référendum organisé pour son adoption le 20 février 2005. Il ne s’agit pas ici de critiquer la participation à l’application des accords qu’on a combattus. La politique est, semble-t-il, le domaine du compromis par excellence, même inattendus. Mandela ne répétait-il pas souvent que « c’est avec les adversaires qu’on fait des compromis, pas avec les amis ». Il faut remarquer que ces accords ont été appliqués sur fond de déception, de rejet, de capitulation etc. Ce qui présageait que la première occasion qui se présenterait serait une opportunité pour renégocier ou, au pire, abandonner carrément ces accords.

6.3. Déchaînement autour du « 3ème mandat » et attachement énigmatique à l’Accord d’Arusha

C’est avec l’éclatement de la crise née de la troisième candidature de Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle en 2015, qu’on a assisté à des prises de position tous azimuts en faveur du respect de l’Accord d’Arusha. Une partie de l’opposition ira jusqu’à la mise en place d’un cadre qui se consacrera à la défense de cet Accord: le Conseil National pour le Respect de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi et de l’Etat de Droit (CNARED en sigle). Les divergences d’antan vont être mises de côté au sein de l’opposition pour réclamer ensemble le respect de l’Accord d’Arusha par le pouvoir du CNDD-FDD. Mais ce dernier va aussi sortir de son silence pour exprimer son attachement à cet Accord dont il avait systématiquement critiqué le contenu.

6.3.1. Opposition: De la métaphore pour radicaliser son soutien ferme

Des attitudes de réaffirmation de l’importance de l’Accord d’Arusha, des accusations contre la violation de cet Accord, des recommandations diversifiées de respect de ce texte ont été formulées, soit par l’opposition soit par les frondeurs du CNDD-FDD. Nous revenons sur certains de ces discours.

Le FRODEBU est donc resté constant dans son attachement ferme aux accords signés dans le cadre du processus de paix. Cette fermeté s’est davantage radicalisée avec la troisième candidature de Nkurunziza qui, à ses yeux viole la Constitution et rejette l’Accord d’Arusha. Il a toujours répété que le troisième mandat constitue un dénie manifeste de l’Accord d’Arusha et de la Constitution» (Ngendakumana 2016). Certaines personnalités importantes issues de ce parti ont aussi pris position pour ressasser cette position ferme. En pleine crise liée à la troisième candidature de Nkurunziza, l’ancien Président Ntibantunganya (2016) a annoncé avec véhémence que « S’attaquer à l’Accord d’Arusha est un péché mortel ». L’Accord est présenté comme sacré, attirant des interdictions qu’il ne faut pas braver au risque de tomber dans péché mortel.

Le sens du sacré et de l’interdit de l’Accord d’Arusha fut aussi évoqué par le Président de l’Assemblée Nationale, Pie Ntavyohanyuma (2015): « le troisième mandat lui est interdit par l’Accord d’Arusha ». Afin d’affirmer l’importance de cet accord pour la paix et la réconciliation, ce frondeur du CNDD-FDD opère un déplacement du sens métaphorique, du langage commun vers un langage du sacré : « Grâce aux Accord d’Arusha, le Burundi avait réussi à ce que j’appellerais un miracle » (Ntavyohanyuma 2015). Ce qui est sacré, est interdit d’enfreindre. Cet ancien Président de l’Assemblé Nationale et d’autres députés s’opposaient à la révision de la constitution qui « conduirait à un détricotage de l’ensemble de tout l’Accord d’Arusha ». L’usage métaphorique signifie le fait de déconstruire ce qu’on a construit avec beaucoup de soins.

Un autre frondeur du CNDD-FDD, le député Festus Ntanyungu (2015) abondera dans ce sens, en soulignant le côté magique, sacré de ces Accords en ces termes : « En signant les Accords d’Arusha, l’accord de partage du pouvoir, l’accord global de cessez-le-feu, les Burundais ont dit ‘plus jamais’ à la violence ».

D’après cet ancien mobilisateur des combattants du CNDD-FDD, non seulement l’Accord d’Arusha est un grand outil de paix, mais aussi de réconciliation : « C’est fini, les Hutu, les Tutsi ne se battent plus. C’est terminé avec Arusha ». L’ancien président du CNDD-FDD, Jérémie Minani (2017) lui-même lancera un cri à Nkurunziza, lui demandant de « ne pas ajouter le drame au drame en modifiant la Constitution dans ses articles concernant les mandats et le partage du pouvoir entre Burundais ». A un certain moment, la tournure métaphorique a dominé dans les discours appelant au respect de l’Accord d’Arusha. Et la métaphore est utilisé pour rendre plus concret ce qui parait abstrait.

6.3.2. Le CNDD-FDD : Des positions instables

Nous avons déjà vu que le CNDD-FDD a longtemps tenu un discours défavorable envers l’Accord d’Arusha. Le discours d’hostilité a cessé pendant toutes ses deux législatures. Quand la crise liée au troisième mandat a éclaté, l’attitude a changé devenant plutôt instable. Edouard Nduwimana, Ministre de l’Intérieur, au nom du pouvoir du CNDD-FDD a pris solennellement l’engagement du respect de l’Accord d’Arusha et la Constitution devant trois sommités de l’opposition: «Nous ne ménagerons aucun effort pour respecter les Accords d’Arusha et la constitution. Même le gouvernement ne ménage rien pour respecter ces Accords et la Constitution» .

Cet engagement est bien clair. Mais est-ce parce que le rejet de la troisième candidature de Nkurunziza avait commencé? L’Assemblée Nationale venait de rejeter le projet de révision de la constitution qui permettrait à Nkurunziza de se représenter en 2015. Cet engagement solennel à respecter l’Accord d’Arusha n’est-ce pas le fait de ce contexte politique plutôt tumultueux. L’éthique politique n’astreigne-t-elle pas les acteurs à rester cohérent avec leurs engagements ? En appelant à voter pour la constitution de 2005, le CNDD-FDD, venait d’accepter de respecter les compromis d’Arusha dont il a d’ailleurs commencé à appliquer le contenu dès sa victoire de juin 2005.

L’année suivante, lorsque la crise liée à la contestation du troisième mandat venait d’éclater, le parti CNDD-FDD a « réitéré » son attachement en expliquant que les accords ont été tenus en considération dans l’élaboration de la constitution. Les attitudes de rejet catégorique antérieures ont donc commencé à être fortement nuancées par ces engagements formels du pouvoir. Mais lorsque le CNARED et autres contestataires demandaient le dialogue, lorsque le dialogue allait effectivement être lancé à Arusha, le CNDD-FDD a encore une fois rejeté l’Accord d’Arusha de 2000 avec un ton bien véhément : C’est « un accord plein de mensonges » (CNDD-FDD 2016). Ceux qui réclament le dialogue chercheraient à renégocier les postes. Arusha est justement vu comme un rendez-vous, non pas du partage de pouvoir, mais du partage des postes de ceux qui seraient mus par des intérêts égoïstes, expressions que le député Nyabenda utilise du début à la fin de son communiqué.

Cette manière de diaboliser le partage du pouvoir est, en réalité, une forme de rejet de ce système consociatif de partage du pouvoir et une invitation au public à faire de même. Certains membres influents de la classe politique issus du CNDD-FDD participaient parfois au rejet de ce partage du pouvoir. Dans une conférence de presse à Bruxelles, Willy Nyamitwe, qui était en charge la communication à la Présidence de la République, regrettait ce système sur un ton déceptif : « cette forme de démocratie où vous gagnez mais vous gagnez avec un quota que vous ne pouvez pas dépasser, vous devez laisser une place à d’autres, (…), etc. ». Il suggérait d’ ailleurs un abandon de cette forme de démocratie: « tout mérite une vérification dans notre pays ».

Plus tard, le CNDD-FDD au mois de février 2017 a, encore une fois, nuancé son attitude de rejet de l’Accord d’Arusha. En effet, contrairement à son prédécesseur Pascal Nyabenda, qui disait que l’Accord d’Arusha est un accord plein de mensonges, le Secrétaire Général du CNDD-FDD, Evariste Ndayishimiye (2017), va calmer les tensions : «Ces deux Accords ont été reversés dans la Constitution de la République du Burundi adoptée en référendum en 2005.»

Sans rejeter fermement l’Accord d’Arusha comme on l’a vu plus haut chez ses prédécesseurs Ndayishimiye lui, affirmait plutôt que cet Accord est respecté dans ce sens qu’il a été reversé dans la Constitution en vigueur depuis 2005. L’attitude du CNDD-FDD vis-à-vis de l’Accord d’Arusha et du partage du pouvoir est restée nettement instable eu égard aux positions divergentes des dirigeants successifs du même parti. Cette instabilité va perdurer jusqu’à la révision de la constitution de 2005, révision sous un débat non inclusif, au cours de laquelle les intentions de rejet du partage du pouvoir consociatif ont été concrétisées par la modification très sensiblement les majorités de délibération au sein du parlement.

Conclusion

L’analyse de quelques discours politiques tenus aussi bien sur l’Accord d’Arusha que sur le partage du pouvoir permet de dégager, grâce à l’approche de la modalisation, les positions des acteurs politiques burundais par rapport à ce processus qui était appelé à résoudre un conflit de plus de quarante ans. L’Accord d’Arusha et le partage du pouvoir qui le sous-tend ont permis aux différents segments ethniques de la société de se partager le pouvoir sur le modèle consociatif. Néanmoins, les discours révèlent que les participants dans ce partage du pouvoir ont brillé par leur instabilité dans leurs attitudes à causes des logiques du pouvoir. La crise qui a éclaté en avril 2015, suite à la déclaration de la troisième candidature de Nkurunziza a fait ressurgir les antagonismes que d’aucuns pensaient en passe de passer. Le sens du compromis qui a caractérisé les Burundais d’antan a volé en éclat. Les intentions unilatéralistes doivent pourtant cesser si les Burundais veulent réellement endiguer définitivement les violences cycliques que connait le Burundi. La crise de 2015 que le Burundi traverse montre qu’il n’est pas le moment d’instaurer la démocratie d’un homme une voix. La nécessité du partage du pouvoir s’impose aux yeux des Burundais. Le système consociatif a toujours son sens et les divergences dans les prises de position constituent la preuve irréfutable de la nécessité du dialogue permanent comme mode de gouvernement.

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