LA POPULARITE DE LA DEMOCRATIE FACE A SES DEFIS DE LA DEMOCRATIE DE QUANTITE A LA DEMOCRATIE DE QUALITE

Abstract: 

This article reviews endless challenges that democracy has faced to date. Although democracy is articulated as people’s government, recent actions of governments demonstrate that, democracy has regressed around the world, particularly in the sub-Sahara Africa. Indeed, democracy is the government of people, by people and for the people. However, this definition is highly unrealistic as practice proves that democracy is not that easy to reach. It may be achieved only if peoples participate in the policy and decision making of their governments by shifting from quantity to quality. Consequently, this editorial questions the regression of democracy indicators in the world and, similarly, asserts that a decline in moral values of societies and citizens is a devaluation of true democracy. For this reason, two challenges are discussed, namely: erosion of the public space and decline of public reasoning and populism that tend to minimize the quality of an authentic democracy. The issue is how to retrieve the public space to escape from populist snares. The article argues that, these two challenges increasingly require a shift from quantitative democracy - that overemphasizes elective processes and representativeness- to qualitative democracy that absolutely engages peoples in their participation for civil rights, economic and social rights, civil and political involvement, political parties, free and fair elections, and rule of law. The contributions published in this issue militate against demagogy and, thus, promote qualitative democracy that is premised on intelligent rather than emotional interactions, where public arguments characterize citizenry and political processes. The missing of those elements violates democracy and its popularity.

1. La situation de la démocratie dans le monde aujourd’hui

Aujourd’hui, la démocratie passe comme une loi universelle de l’organisation politique. Une organisation politique est jugée bonne ou mauvaise sur base de sa culture démocratique. Ainsi même les régimes autocratiques ou totalitaires se vantent d’être démocratiques. Il est donc évident que la démocratie est une forme populaire du gouvernement.

Cette popularité est de plus en plus une question plutôt qu’un remède à une quelconque maladie politique. Selon un rapport du National Intelligence Council (NIC), Le Paradoxe du progrès, la démocratie tend à être remise en question; le nombre d’Etats alliant éléments autocratiques et régime démocratique augmente, dans un ensemble qui favorise l’instabilité (NIC 2017: 50). La liberté comme un des principes clés de la démocratie aurait baissé. Selon le rapport de Freedom House, en 2016, les mesures de la liberté ont baissé dans presque deux fois plus de pays qu’elles ne s’étaient améliorées. L’indice de la démocratie dans le monde est en régression. The Economic Intelligence Unit a publié des statiques sur l’état de la démocratie dans le monde en 2018. Le tableau 1 montre que l’indice de la démocratie a régressé dans le monde, passant de 5.55 en 2015 à 5.48 en 2018.

Table 1: Indice de démocratie par région

En Europe occidentale, l’indice de la démocratie est passé de 8.42 en 2015 à 8.35 en 2018 tandis qu’en Afrique subsaharienne, il est passé de 4.38 en 2015 à 4.36 en 2018. Nous pouvons redouter l’implication de cette régression. Nous comprenons la démocratie comme un gouvernement par discussion ou raisonnement public, un régime politique auquel les citoyens arrivent au fur et à mesure qu’ils prennent conscience de leur nature politique. C’est sur cette base que la vraie démocratie a plus de valeur morale que les autres formes de gouvernement. Si donc la démocratie est plus morale que les autres formes de gouvernement, la question est celle de savoir si la régression de son indice n’impliquerait pas aussi une perte de densité morale de nos sociétés et, par conséquent, de nos citoyens. C’est sur cette question, que cet article éditorial considère les défis de la démocratie aujourd’hui. Nous en épinglons deux qui nous apparaissent les plus saillants, à savoir l’amenuisement de l’espace public et le populisme.

2. Les défis de la démocratie

2.1. Amenuisement de l’espace public: Monopartisme déguisé

La démocratie est le résultat de l’agrandissement de l’espace public, comme lieu de discussion, de débat, de raisonnement, et pourtant, les gouvernements issus de cet espace tendent à le réduire. Avoir de le voir de plus près, comprenons d’abord ce que c’est l’espace public. Je reprends les mots même utilisés dans l’appel à communication pour ce volume. Derrière l’idée de l’espace public se trouve l’idée selon laquelle, la démocratie est un gouvernement par discussion. Comme Rosanvallon le dit, « le pouvoir en place doit accepter de voir ses décisions soumises à discussion, à interrogation. La démocratie est un régime par délibération. Un régime qui met en discussion de façon permanente ce qui fait l’objet des décisions publiques » (Rosanvallon 2011: 9, cf. Sen 2009).

Ainsi, comme l’a précisé la note de l’appel à contribution, l’espace public évoque non seulement le lieu du raisonnement et du débat politique, de la confrontation des opinions privées que la publicité s'efforce de rendre publiques, mais aussi une pratique démocratique. Il est le lieu symbolique où se forme l'opinion publique issue du débat politique et de l'usage public de la raison, grâce à la liberté de la presse et à la suppression de la censure. L’espace public est considéré comme le socle de la démocratie. Il suppose que les individus sont autonomes et sont capables d’exprimer leurs opinions d’une manière critique. Dans l’espace public, les partis en jeu croient plus aux idées et à l’argumentation libre qu’à l’affrontement physique. Avec le concept d’espace public, la légitimité des mots pesés et raisonnés s’impose. L’espace public est l’aboutissement du mouvement d’émancipation qui valorise la liberté individuelle et une certaine capacité à afficher ce que l’on est, et le mouvement démocratique, qui, lui aussi, favorise l’idée de publicité contre celle de secret et d’interdit. L'Espace public est donc le fondement de la démocratie, en même temps que la démocratie elle-même doit favoriser son expansion.

Mais alors que se passe-t-il dans cet espace ? Dans certains pays d’Afrique, il s’observe un rétrécissement progressif de l’espace public. D’une part, les partis politiques au pouvoir tendent à tout prendre pour sauvegarder la pérennité du pouvoir. La conséquence est la tendance à revenir au système de parti unique par des voies trop politiciennes et peu morales, notamment par la pression sur les opposants au point que les partis d’opposition deviennent des figurants. D’autre part, les partis d’opposition disparaissent de la scène politique ne surgissant qu’à l’approche ou lors des élections.

Lors des élections de 2015 au Burundi, l’espace, qui, jadis, était occupé par les partis politiques d’opposition a été occupé par les organisations de la société civile, faisant ainsi apparaitre un phénomène tout à fait nouveau. La société civile ordinairement apolitique a mis désormais un chapeau politique avec comme implication la perte d’une certaine crédibilité morale qui leur était dévolue tandis que l’opposition perdait sa crédibilité politique et la responsabilité morale de faire la politique. A leur place, il se développe progressivement des solidarités claniques qui occultent l’Etat moderne dans lequel les citoyens s’acquittent de leurs obligations et réclament leurs droits sur des bases légales.

2.2. Le défi du populisme: fascisme, démagogie et simplification

De plus en plus, la démocratie fait face au défi du populisme. Le populisme dérive du mot peuple. Dans la démocratie, le peuple joue un rôle clé. Le peuple est une puissance indiscutable de légitimation de la démocratie ; le principe actif, moteur de régime démocratique (Rosanvallon 2011: 1). Aussi disons-nous que le peuple est souverain. Dans le populisme comme perversion intelligente de la démocratie, le politicien centre son idéologie sur la promotion du peuple. Cependant, il n’est pas évident de quel peuple il est question. S’agit-il du peuple comme un fait social ? S’agit-il de cette force qui infléchit l’histoire ? S’agit-il du peuple comme nombre qui s’impose dans la majorité du suffrage universel? S’agit-il du peuple comme foule lors des manifestations dans la rue ? Dans le cadre d’un politicien (à la différence de l’homme d’Etat qui vise un avenir lointain), le peuple est plutôt cette masse qui n’a pas le temps ni la volonté de pousser la réflexion et le raisonnement plus loin si bien qu’elle se contente des idées courtes. C’est ici, en grande partie, que le populisme sombre dans une déviance à deux niveaux : le fascisme et la démagogie dont la conséquence est l’impossibilité du raisonnement public.

2.2.1. Le fascisme

Le premier niveau du populisme est celui le fascisme qui est une orientation antidémocratique. Le fascisme est un système politique autoritaire qui combine populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d'un idéal collectif suprême. Historiquement, le fascisme était une doctrine érigée par Benito Moussoli dans les années 1930s. Sa caractéristique majeure est la toute-puissance de l’Etat dans tous les domaines. En particulier, le fascisme s’illustre, entre autres, par le développement de l’appareil répressif dominé par la police (politique) et la prépondérance de l’exécutif sur le législatif. En conséquence, le peuple est rendu docile, neutralisé, inoffensif et soumis. La conscience de sa nature politique s’endort, effritée. Dans le fascisme, l’idée de la démocratie est corrompue.

2.2.2. La démagogie

L’autre face du populisme est celle de la démagogie qui caractérise une pseudo-démocratie. La démagogie consiste en un mésusage tactique de la référence à la démocratie. Etymologiquement, la démagogie est une combinaison de deux particules grecques: demos qui veut dire peuple et ago qui veut dire conduire. Dans la démagogie, les politiciens conduisent le peuple en le manipulant par des discours flatteurs, parfois teintés de prophétisme, pour s’attirer ses faveurs. Ces discours sortent du champ rationnel, dans lequel il est possible de gouverner les émotions, et pour toucher les passions, les pulsions, les craintes et les frustrations. Chemin faisant, l’intérêt général ou le bien commun est sacrifié aux intérêts privés et attentes immédiates, sans aucune vision du long terme. Les démagogues comme les fascistes tendent à simplifier la démocratie au point que même les quelques citoyens capables de remonter la pente de la critique tombent vite dans la paresse intellectuelle. Considérons ci-après les aspects de cette simplification, comme caractéristique du populisme. 2.2.3. Simplification de la démocratie Selon Rosanvallon, le populisme comme perversion de la démocratie se distingue par une triple simplification.

2.2.3.1. La simplification politique et sociologique

Cette simplification est marquée par une méfiance, et même une condamnation sans appel de l’élite, comme si celle-ci constituait un bloc homogène et complice. Cet anti-élitisme est caractérisé par la préférence de la puissance à la place de l’autorité. C’est ainsi que les points d’appui du populisme sont des jeunes dont certains se convertissent facilement en milices, l’allure charismatique et un caractère décomplexé du parti, tendance à jeter au feu la langue de bois et la lutte contre « le politiquement correct » (Godin 2012: 20). Le livre de Jean Luc Mélenchon exprime mieux l’antiélitisme : Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la révolution citoyenne (Mélenchon 2010). Les élites concernés incluent les intellectuels, des riches, élites des partis, des fonctionnaires, des groupes cosmopolites et oligarchiques. Dans le populisme, le peuple est alors considéré comme un sujet évident, une organisation de masse structurée, défini par sa différence avec les élites. En Afrique centrale, ce type de simplification s’accompagne d’exclusion d’un groupe par un autre, l’autoritarisme, des soulèvements populaires, la formation des rebellions, et la méfiance de certaines valeurs traditionnelles.

2.2.3.2. Une simplification procédurale et institutionnelle

Cette simplification s’illustre par la méfiance à l’endroit d’un prétendu système caché, une sorte de complot qui trahirait les intérêts fondamentaux du peuple. Elle s’accompagne de la conviction que le peuple est fondamentalement «bon» et «sain» et qu'il aurait été trompé ou trahi. L’expression burundaise, « Twarabahinyuye !» (Vous ne pouvez plus nous tromper) le dit mieux ! Selon Rosanvalon (2011: 6), le populisme considère que le système représentatif et la démocratie en général, sont structurellement corrompus par des politiciens et que la seule forme réelle de démocratie serait l’appel au peuple, c’est-à-dire le référendum. Une des grandes limites du référendum est que les voix sont comptées mais pas pesées. De plus, le référendum n’implique pas nécessairement qu’il y a eu débat ou raisonnement public, et que, par conséquent, les citoyens ont agi sans contrainte, sachant à quoi ils s’engagent. Ici, nous sommes devant la démocratie quantitative !

2.2.3.3. Simplification dans la conception du lien social

Dans cette simplification, ce qui fait la cohésion d’une société, c’est une identité, et non pas la qualité des rapports sociaux. Cette identité est donc définie négativement. La conséquence directe en est la méfiance à l’endroit d'entités internationales comme les entreprises, organisations, certaines religions, migrations, etc. Poussé plus loin, le populisme peut sombrer dans la xénophobie et le racisme. Le populisme prend souvent un caractère moralisateur, lié à une symbolique «nostalgique» qui se nourrit d’un sentiment de retour à la «vérité profonde» ou de redressement national par une osmose directe (sans intermédiaire) entre un chef puissant et le (son ) peuple soumis à sa puissance. Cela n’est peut-être pas sans avantage d’autant plus qu’à partir de ce sentiment, il se développe un populisme d’espoir dont l’idéologie entraine le peuple dans la recherche de la satisfaction de ses besoins et l’indépendance économico-politique. Ainsi, la question est comment revaloriser l’espace public pour échapper aux pièges du populisme? Rosanvallon suggère de compliquer la démocratie. Il s’agit de la réinventer et de la reconstruire. Bien que cette proposition me paraisse plus théorique que pratique, elle doit être prise au sérieux. La vraie clé c’est le raisonnement public comme de la production et la prise de la parole raisonnée par le peuple ; à condition que le mot peuple soit nuancée et redéfini à nouveau frais !

3. Raisonnement public, peuple et prise de la parole raisonnée

Réinventer et reconstruire la démocratie exige deux choses majeures.

3.1. Raisonnement public comme lieu de production de la vie commune

Raisonnement public doit être central pour éviter la mensonge ou le maquillage public et la corruption de la démocratie. Mais que veut-on dire par le raisonnement public dans la démocratie ? Nous sommes habitués à la compréhension de la démocratie comme un gouvernement pour le peuple par le peuple. Cette définition a quelque chose de réalité et d’illusion en même temps. Les autocrates, les régimes totalitaires et dictatoriaux disent être des gouvernements pour et par le peuple. Les régimes fascistes disent être des gouvernements par le peuple. Toutes ces formes de gouvernement peuvent dire qu’ils sont démocratiques sans être des démocraties. Le raisonnement public suppose que nous définissions la démocratie comme un gouvernement par discussion (Sen 2009 : 324). Les citoyens raisonnent, délibèrent, donnent des raisons de tels ou tels choix de programme ou de politique, avec possibilité de consensus. Une définition entre dans la compréhension de la démocratie comme développement historique dans lequel les citoyens réalisent leur nature politique. En d’autres termes, dans la démocratie les élections sont nécessaires mais ne suffisent pas. Elles ne peuvent pas donc avoir la priorité sur l’exercice public de la raison qui fait de la démocratie un régime par de la délibération. Le raisonnement public suppose que les citoyens délibèrent, échangent les points de vue et débattent les raisons qui valident et clarifient les questions politique publiques. Plus pratiquement,

Le pouvoir [démocratique] en place doit accepter de voir ses décisions soumises à discussion, à interrogation. La démocratie est un régime de la délibération, un régime qui met en discussion de façon permanente ce qui fait l’objet des décisions publiques (Rosanvallon 2011: 9).

Cela suppose que les citoyens sont informés. D’où l’importance des médias ainsi que d’autres plateformes et d’information.

L’importance du raisonnement public est que désormais, le pouvoir ne peut plus dire, « puisque je suis élu, j’ai tous les droits ». L’élection donne la légitimité, mais pas le pouvoir de prendre n’importe quelle décision.

Dans les pays comme le Burundi, nous devons porter à un autre niveau, l’héritage politique des dernières années. Le pouvoir actuel au Burundi est le résultat du dialogue, des négociations, de la réconciliation et de la recherche de l’unité nationale. Cela devait nous amener à repenser la démocratie au-delà de la « particratie » et des simples processus électoraux. Le raisonnement public ou le système délibératif devrait nous amener à un système plutôt consensuel qui met à profit toutes les forces utiles à la construction du pays dont l’objectif serait un Etat moderne dans lequel les citoyens réclament leurs droits sur des bases légales claires plutôt que sur les fondements obscures légitimés par l’appartenance sociale.

3.2. Le peuple de parole raisonnée

L’espace public suppose que le concept de peuple soit libéré des abus politiciens. Pour y arriver il faut distinguer les différents aspects du concept politique de peuple pour éclairer la qualité de la démocratie. Rosanvallon en a proposé quatre discuté ci-après.

3.2.1. Le peuple arithmétique

Le peuple arithmétique est lié aux élections. C’est le peuple électoral. Il confère l’évidence et la puissance arithmétique qui donne la force dirigeante et le pouvoir du dernier mot. Quand il s’agit du peuple arithmétique. Les élections sont gagnées ou perdus sur base des statistiques quelles que soient les circonstances. Cependant, le peuple au sens strict est plus que le peuple arithmétique quand il s’agit de la démocratie comme gouvernement par raisonnement ou par discussion. Il s’agit de dépasser les statistiques parcellaires pour englober la totalité de la société qui en appelle à l’intérêt général. C’est de ce peuple qu’on peut dire le peuple est le plus fondamental, la société pense que, le peuple pense que… Le peuple électoral n’est pas tout le peuple

3.2.2. Le peuple social

Le peuple social est un peuple qui existe à travers des revendications, communauté d’épreuves, une communauté partageant une même histoire. Certains politiciens ont tendance à faire appel au peuple social à la place du peuple comme totalité de la société lié à l’intérêt général. Cela ne serait qu’une tricherie politique. D’où il faut le dépasser !

3.2.3. Le peuple-principe

Le peuple principe est un peuple défini par les fondements de la vie commune tels que le droit, les règles qui fondent le contrat social du peuple, notamment la constitution. C’est ainsi que les cours constitutionnelles doivent jouer un rôle de plus en plus important dans un état moderne. Elle représente le peuple-principe qui ne se confond pas avec le peuple arithmétique ou le peuple social. C’est sur cette base que la cours constitutionnelle a un pouvoir de réviser des lois votées par un parlement.

3.2.4. Le peuple aléatoire

Le peuple aléatoire relève du tirage au sort des participants, par exemple, à une conférence de consensus. Peut-être, dans le cas comme celui du Burundi, ce serait le peuple de ceux qui entrent dans le processus de dialogue. Chaque parti ou intervenant parle de peuple sans dire précisément de quel peuple il s’agit. Que conclure de cette distinction dans le concept politique de peuple? La démocratie suppose l’espace public d’autant plus qu’ « il n’y a pas un peuple qui parle d’une seule voix » (Rosanvallon 2011: 8). Mais ce qui est important, c’est que la polyphonie caractéristique de la démocratie comme gouvernement par discussion n’a de sens que si elle vise la volonté générale, l’élaboration d’un projet commun qui débouche sur le développement d’une histoire commune. Les citoyens peuvent soumettre les gouvernants à la surveillance appréciable, réclamer la redevabilité et, ainsi passer de la démocratie de quantité à la démocratie de qualité.

4. De la démocratie de quantité à la démocratie de qualité

Passer de la démocratie de quantité à la démocratie de qualité veut dire que la démocratie ne se limite plus seulement aux processus électoraux et des représentations qui en résultent. Elle est au-delà, notamment dans le fait que le gouvernement rend des comptes, explique et s’explique pour éclairer et impliquer les autres, notamment la société civile (libre de la politique) de telle manière qu’il soit possible de parler de démocratie par interaction intelligente et non seulement une démocratie par autorisation. Nous proposons le panorama des articles de ce numéro.

5. Aperçu panoramique des contributions du numéro

Le numéro qu’introduit cet éditorial contient six articles et une chronique européenne.

Dans Repenser la logocratie pour une vie bonne en Afrique, Vincent Davy Kacou Oi Kacou suggère de revenir à ce qui constituait l’essence même de l’existence de l’Afrique plurielle, notamment la logocratie. Il soutient que le débat public comme lieu de la liberté d’expression et de la manifestation de l’égalité entre les citoyens a de tout temps caractérisé les peuples africains malgré certaines limitations liées à l’âge et au sexe. Chaque citoyen avait, cependant, la possibilité de se faire entendre. Cet article est donc une contribution dont l’objectif est de restaurer l’espace public par l’entremise de la discussion publique, du débat politique sans passion de type émotionnel dans cette Afrique qui ne peut plus se dérober à l’Etat moderne.

Dans La découverte d’un acteur ambivalent: les organisations de la société civile dans la défense des droits de l’homme au Burundi post-conflictuel (2005-2015), Guillaume Ndayikengurutse démontre que la société civile burundaise ne saurait être confinée dans la conception idéaliste de défendre l’Etat de droit et ses valeurs. Il met en marge le caractère ambivalent de la société civile et dégage les conditions sous lesquelles elle peut constituer un défenseur efficace des droits de l’Homme. Partant du contexte du Burundi post-conflit (de 2005 à 2015), Ndayikengurutse montre que, si la nature du régime politique a éprouvé la société civile locale, des logiques qui lui sont intrinsèques, notamment la logique ethnique et la quête du gain, ont entravé son efficacité. Il suggère à la société civile de renforcer la dimension transcommunautaire et défendre objectivement les intérêts des citoyens. C’est à ce prix que la société civile burundaise pourrait contourner les accusations du gouvernement pour faire mieux entendre ses revendications dont certaines sont justifiées.

Dans Entre rejet catégorique et soutien ferme de l’accord d’Arusha: Analyse de discours politiques burundais, Gertrude Kazoviyo revisite «L’Accord d’Arusha». Elle analyse les discours des principaux acteurs politiques burundais sur ce processus et son résultat, notamment le système consociatif de partage du pouvoir. Malgré les attitudes instables et irréconciliables, cette forme de démocratie a permis une période de stabilité au Burundi pendant plus d’une décennie. Les divergences et violences à travers les discours politiques ont resurgi allumées par la controverse autour du troisième mandat de Pierre Nkurunziza en avril 2015. Kazoviyo se pose et répond à une double question. D’une part, il s’agit de savoir s’il n’aurait pas été nécessaire de mesurer à temps l’ampleur de ces prises de position pour anticiper de nouvelles violences, les juguler et, ainsi, préserver l’espace de dialogue. D’autre part, la question est de savoir s’il y aurait une alternative au dialogue qui puisse déboucher sur la démocratie propre au Burundais?

Dans Défis des églises africaines dans l’espace public: prendre la parole ou éluder la parole? Jimi Zacka exploite des questions entourant la place des églises africaines sur l’espace public. Les questions posées se ramènent à une question fondamentale: Comment les chrétiens s’expriment dans la société ? Contre l’arrière-plan de l’analyse de certains textes bibliques de par leur capacité d’éclairer la prise de parole de l’église et son importance en Afrique, Zacka soutient que les églises africaines ne doivent pas s’exprimer seulement dans les sermons lors des cultes, mais aussi sur l’espace public. Ainsi, l’auteur martèle que le temps est venu de faire face aux questions fondamentales soulevées par la société et par des églises dans l’espace socio-politique.

Dans Espace publique et liberté de culte d’après l’apologétique de Tertullien Alain Francis Ngombé relit L’Apologétique dans lequel Tertulien plaide ardemment pour la cause chrétienne et la liberté religieuse dans un contexte socio-politico-religieux de tensions sociales et de persécutions; une ambiance où l’existence et la liberté de pratiquer la religion chrétienne n’allait pas de soi. Tertullien s’est adressé aux dignitaires romains pour défendre les chrétiens contre les accusations dont ils faisaient l’objet. Ngombé utilise cette lecture pour soutenir qu’il existe une tradition des droits de l’homme héritée du message chrétien et formulée dès les premiers temps de l’Eglise. La suggestion de Ngombé est que les Chrétiens ont tracé les premiers contours de l’espace public dans lequel l’éthique de la liberté et de l’égalité prend son point de départ.

Dans De la gestion des ressources naturelles en Afrique centrale et australe: des concepts à contrôler, Corneille Ntamwenge confronte la problématique des ressources naturelles dites maudites qui occupe de plus en plus l’espace public international tant médiatique qu’académique. Ntamwenge se focalise sur la zone de l’Afrique centrale et australe. Il argue que les politiques de gestion des ressources naturelles d’Afrique, de leur extraction et de leur commerce reposent sur des idées qui justifient la dépossession, l’exclusion socioéconomique et la déshumanisation. Ainsi, il explore les avenues de la responsabilité sociétale des entreprises, le rôle des populations autochtones, ainsi que la dynamique de la lutte contre la pauvreté. Il se construit ainsi une économie morale de laquelle il interpelle les investisseurs de l’industrie extractive et les dirigeants africains à revenir sur les valeurs humaines et écologiques pertinentes.

Dans La question du genre dans l’espace public: controverse et conflit, Ignace Berten discute de la question controversée du genre comme une question qui affecte l’espace public. Il considère la question dans son développementchronologique ainsi que le concept de « rôle social » comme instrument d’analyse et d’action. Berten argue que le concept de genre dans ses aspects pratiques et théoriques exigent un discernement anthropologique et éthique étant données les positions conflictuelles. Dans le processus de son analyse et réflexion, Berten suggère d’être patient, prudent dans le traitement de la question du genre en des aspects connexes notamment la place et le rôle des femmes dans la société et dans l’Eglise ainsi que l’homosexualité.

Référence Bibliographique: 

Godin, C 2012. www.cairn.info/revue-cites-2012-1-pqge-11.htm. Consulté le 12 18, 2018.
Mélenchon, J.-L 2010. Qu'ils s'en aillent tous! Vite, la Révolution citoyenne. Paris: Flammarion.
National Intelligence Council 2017. Le monde en 2035 vu par la CIA: Le paradoxe du progrès. Trad. par Laurent Barucq. Paris: Equateurs.
Rosanvallon, P 2011. Penser le populisme. Paris: La vie des idées.fr.
Sen, A 2009. The idea of justice. London: Allen Lane.

Français

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