FINANCEMENT DES MICRO-ENTREPRISE ET FINANCE INFORMELLE: CAS DU BURUNDI

Abstract: 

The paper focuses on funding small enterprises in the context of Burundi. It particularly highlights the role of informal funds and requirements to achieve their objectives. In the process of their development, small enterprises use external funds resources. These resources may be formal or informal. The theoretical analysis of funding small enterprises in Burundi shows that, the informal financial system plays an important role in the funding of small enterprises. More so, the existence of informal funds shows that there are categories of economic agents who can neither access nor use formal financial services. Therefore, with adequate measures of accompaniment, the informal finances will be an important source of mobilization of funds resources of the economy. Therefore, the informal funding system should be backed by regulatory and control agencies for them to achieve their objectives.

Introduction

La question de financement des micro-entreprises est devenue préoccupante pour tous les gouvernements (Cheng & Yang, 2022). Cela se justifie par le rôle socioéconomique joué par les micro-entreprises. Celles-ci restent une des principales sources de la création d’emploi, et par-là, un outil privilégié de la lutte contre la pauvreté et de la cohésion sociale (Camilleri, 2007; Banerjee & Duflo, 2012 ; Kaboré, 2009).

Ainsi au cours de leur développement, les micro-entreprises font appel à deux sources principales de financement. Il s’agit de sources formelles et de sources informelles. Le recours des micro--entreprises aux sources de financement informelles se justifie par leur accès limité aux sources de financement formelles (Turkson, Amissah & Gyeke-Dako, 2020). Par exemple dans le cas du Burundi, l’analyse des rapports de la Banque de la République du Burundi sur le financement des micros, petites et moyennes entreprises montre que l’accès aux sources de financement bancaires de ces unités reste limité.

Selon Niyongabo et Nyobewumusi (2018)les micro-entreprises représentaient 13% des clients des banques et 9% avaient déjà demandé un crédit auprès d’une institution bancaire.

Quant àNsengiyumva (2021)dans son analyse sur la micro-finance et l’appui au micro-entrepreneuriat dans le cas burundais, montre qu’en 2012, les micro-entreprises qui avaient obtenu des crédits productifs dans les institutions de micro-finance représentaient 53,25% de l’ensemble des portefeuilles des institutions de micro-finance. Celles-ci ne représentaient plus que 25,1% en 2018. Afin de combler leur besoin de financement, les micro-entreprises recourent alors à la finance informelle. La finance informelle est une finance non institutionnalisée (Labié, 1998).  Selon Labié, c’est

un processus micro et macroéconomique qui conduise en dehors des circuits et intermédiaires financiers institutionnels à la constitution d’une épargne (stock) monétaire réelle et à sa mobilisation (flux de créances et de dette) sous formes monétaires et/ou réelles. Il s’agit alors d’une opération financière légale, mais qui n’est pas officiellement enregistrée et réglementée et qui échappe à l’orbite des institutions financières officières tout en se caractérisant par un phénomène de proximité entre les pourvoyeurs de financement et les emprunteurs.

C’est dans ce contexte que cet article s’inscrit. Il vise à contribuer à la connaissance de la finance informelle dans le financement des micro-entreprises dans le cas du Burundi. Il est organisé en trois sections. La première section fait une revue de la littérature sur le financement des micro-entreprises. La seconde section donne des faits stylisés de la finance informelle dans le financement des micro-entreprises au Burundi. La troisième section conclut.

Revue de la littérature sur le financement des micro-entreprises

 Revue théorique

Le faible ou la quasi absence de financement formel aux micro-entreprises s’expliquent par plusieurs facteurs. Selon  Akerlof (1970)et Stiglitz et Weiss (1981), les plus importants sont l’asymétrie d’information et le manque de garantie. Pour ces auteurs, le créancier et le débiteur n’ont pas la même information sur la qualité du projet à financer. Seul le débiteur connait le niveau du risque de son projet. Celui-ci n’est pas tenu de partager cette information avec son créancier.

Or, dans une situation d’asymétrie informationnelle, Stiglitz et Weiss (1981)rappellent que le taux d’intérêt ne joue plus son rôle régulateur entre l’offre et la demande de services financiers. Pour cela, il ne peut plus permettre de réaliser l’équilibre. Nous pouvons dire que cette situation d’incertitude conduit l’institution prêteuse à rationner tout emprunteur dont il ne dispose pas d’information suffisante. Cette information porte sur les caractéristiques de son projet qui fait l’objet de la demande de crédit ou peut porter sur l’emprunteur lui-même. Et elle est capitale dans l’analyse de risque encouru par l’institution prêteuse.

Dans ses travaux sur le « taux d’intérêt, rationnement du crédit et déséquilibres macroéconomiques », Tallon (1998)rappelle que la situation de rationnement de crédit exclut toute barrière règlementaire ou prudentielle à laquelle l’institution prêteuse peut être confrontée. Elle exclut aussi la possibilité de déficit d’offre. C’est pourquoi Stiglitz et Weiss (1981)affirment que « le rôle  premier d’une institution financière consiste à discriminer les projets à financer. Cette discrimination s’effectue en amont à travers une étude de caractéristiques des projets à financer et de l’emprunteur ». Banerjee et Dufflo (2012)abondent dans le même sens. Pour ces auteurs, le crédit ne peut être accordé que si l’institution prêteuse dispose d’un minimum d’information sur l’emprunteur.

Nous pouvons dire que « les micro-entrepreneurs pauvres sont loin de poursuivre des stratégies de compétitivité fondées sur l’apprentissage. Ils ne sont pas motivés par des objectifs entrepreneuriaux et ils n’accumulent pas du capital en réinvestissant les bénéfices » (Nsengiyumva 2021).

Pour réduire ce niveau d’asymétrie d’information et permettre l’accès des micro-entreprises au financement formel,Dahou, Omar et Pfister (2009)proposent la fourniture des garanties lors de la demande d’un crédit. Ces résultats sont confirmés par les travaux des Ioannidou ; Pavanini & Peng  (2022). Ces auteurs ont étudié le rôle des garanties sur le marché des prêts dans une situation d’asymétrie d’information. Ils concluent que les garanties atténuent la sélection adverse et l’aléa moral. Les garanties permettent de prémunir tout risque de défaut encouru par l’institution prêteuse. Elles deviennent et demeurent « une promesse irrévocable auprès du créancier tant que l’emprunteur ne s’est pas libéré totalement de sa dette » (Nsengiyumva, 2021).

Or dans les faits, les micro-entreprises sont caractérisées par un niveau d’informalité élevé et un manque de garantie. Elles évoluent pour la plupart, dans le secteur informel. De même, le micro-entrepreneur s’adonne à toutes les tâches dans la micro-entreprise. Nous pensons que cette pratique des micro-entreprises se solde par leur contre-performance. Elle constitue pour cela, une contrainte d’accéder au financement dans les institutions financières formelles (Gomez 2008). Leur refus d’accès au financement formel se justifie aussi par leur contreperformance par rapport aux entreprises formelles.

Ces analyses sont similaires à celles de Atiyas & Detz (2022)dans le cas sénégalais. Ces auteurs trouvent que les micro-entreprises informelles connaissent de contreperformances par rapport aux grandes entreprises. Ils justifient cette contreperformance par le fait que les entreprises informelles ont moins d’actifs appartenant à l’activité. De même, elles sont moins susceptibles d’adopter des techniques modernes telles que la technologie numérique dans leur relation avec leur clientèle. Ces facteurs ne font que renchérir leurs biens et services par rapport aux moyennes et grandes entreprises.

Ces constats sont confirmés par les travaux de Cheng et Yang , (2022). En effet, Cheng et Yang trouvent que l’âge de la micro-entreprise, sa taille, ses dettes privées, ses comptes débiteurs ainsi que son activité principale constituent les principales contraintes d’accès au financement formel.

Pour Daba, Eskezia, & Tyagi (2022), le refus d’accès aux services financiers formels pour les micro-entreprises se justifie par le manque de marketing des micro-entrepreneurs, l’absence des infrastructures et par le fait que les micro-entreprises génèrent de faible bénéfice par rapport aux grandes entreprises.

 Revue empirique

Bekolo et Beyina (2009)en s’interrogeant sur les stratégies de financement des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes au Cameroun font remarquer que celles-ci n’accèdent pas au prêt bancaire à cause de leurs caractéristiques. En effet, selon ces auteurs, 83,33% des PME sont rationnées à cause de la faible rentabilité. 75% de refus de financement des PME est lié au faible apport personnel lors de la constitution du capital social alors que 68,33% et 51,67% sont liés à la solvabilité du client et manque d’hypothèque respectivement.

En observant les micro-entreprises sri-lankaises, Shaw (2004)justifie ce faible apport personnel dans la constitution du capital social des micro-entreprises par leur faible productivité. En effet, selon cet auteur, les micro-entreprises produisent plus pour la consommation (64,43%) que pour le commerce (35,57%). Ce choix est lié aux facteurs socioéconomiques, géographiques et culturels qui contraignent certaines micro-entreprises à s’orienter vers les activités moins rentables. Parmi ces facteurs socioéconomiques, nous pouvons citer le niveau de pauvreté élevé, le niveau de formation des micro-entrepreneurs faibles, l’absence de vision et planification à long terme, le faible niveau d’utilisation des nouvelles techniques de communication leur permettant d’accéder à l’information, le coût de transport élevé lié à l‘éloignement des centres commerciaux et à l’absence des infrastructures de base comme le réseau routier, l’électricité, l’absence d’informatisation des institutions financières rendant la recherche de l’information sur les emprunteurs très coûteux (Malanga & Banda , 2021).

Ces arguments sont confirmés par les travaux de Abiola (2011)dans le cas nigérian. En s’interrogeant sur les impacts des institutions de microfinance sur le financement des micro-entreprises dans les régions de Lagos et Ekiti et à l’aide de la méthode des données transversales, Abiola conclut que la formation préalable au crédit, le niveau d’éducation de l’entrepreneur impacte positivement l’accès au crédit. Cela se justifie par le fait que l’aptitude de négocier le contrat est fortement liée à la capacité de compréhension du contenu de ce contrat.

Pour Rahou & Taqi (2021), c’est plutôt les caractéristiques macroéconomiques du pays tels que le contexte macroéconomique, la règlementation légales et commerciales, la lourdeur des procédures administratives, l’accès à l’information qui contraignent les micro-entreprises à accéder aux services financiers formels (Augendra, Bernard & Ani, 2019).

C’est ainsi que  Xie, Zheng et Wu (2019)font remarquer que l’accès au financement des institutions financières formelles dépend d’autres facteurs. Ces auteurs se sont interrogés sur les facteurs influençant le financement des start-up. Leur analyse économétrique a révélé que le « niveau de la qualité globale de l’équipe fondatrice, le secteur d’activité de la micro-entreprise, le partage d’information sur l’activité » ont une incidence sur le financement des start-up. Ils montrent, par exemple, que l’accroissement de la qualité globale de l’équipe fondatrice entraine une hausse de financement de la micro-entreprise de 70,8%.

A partir de cas des pays asiatiques, Boyé, Hajdenberg et Poursat (2006)justifient ce faible financement des micro-entreprises surtout en milieu rural par leur caractère saisonnier, le coût de transaction des microcrédits, les facteurs géographiques. Ces facteurs se concrétisent par une faible demande de services financiers en milieu rural. En pratique, les micro-entreprises sollicitent des faibles montants. Or, le traitement des dossiers de petits montants nécessite les mêmes ressources financières, matérielles et humaines que les demandes de gros montants alors que le rendement issu des crédits de micro-entreprises ne sont pas proportionnels. Dans ces conditions, l’institution financière formelle est obligé soit de surestimer le petit crédit pour couvrir ses charges d’exploitation, soit de rationner toutes les demandes de petit crédit (Nsengiyumva 2021).

Mago & Modiba (2022)justifient ce refus de financer les micro-entreprises par le fait que ces dernières génèrent des faibles revenus d’une part, et qu’il n’y a pas des soutiens de la part des Etats d’autre part. Cette réticence généralisée des institutions financières formelles à financer les micro-entreprises conduit ces dernières à recourir à d’autres formes de financement surtout informel afin de satisfaire leurs besoins financiers.Nous pouvons dire que la finance informelle constitue alors une solution alternative viable pour les micro-entreprises. Elle permet de disposer des ressources pour la création, le développement des micro-entreprises. Pour cela, elle peut être améliorée pour fonctionner comme un canal de la promotion des micro-entreprises et constituer des lignes de recherches futures.

Faits stylisés de la finance informelle dans le financement des micro-entreprises au Burundi

La finance informelle joue un rôle important dans le paysage de financement des micro-entreprises au Burundi. En effet cette pratique semblable aux tontines rotatives dans les autres régions peut prendre deux formes d’organisation.

La première est celle dont la durée du cycle est d’une semaine à quatre semaines. Dans cette forme d’organisation, les réunions du groupe ont eu lieu chaque semaine et jour convenu entre les membres du groupe. Le groupe est composé de quatre membres. Ceux-ci s’auto choisissent. Le montant de la contribution est fixé librement par les membres du groupe tontinier. Dans cette catégorie de tontines, la contribution par membre peut varier entre 500 BIF et 1000 BIF soit 0,2707 dollars à 0,5414 dollars[1]. La contribution comporte deux parts. Une part fixe pour des événements sociaux et une autre part pour les activités génératrices de revenu. Le montant du microcrédit est constitué par les contributions faites lors de la réunion hebdomadaire. Ce microcrédit est alors remis à un membre du groupe et à tour de rôle.

La deuxième est celle dont la durée de vie peut aller jusqu’à une année. Cette forme d’organisation est semblable aux groupes communautaires d’épargne et de crédit appelé « saving and Internal Lending for Community »‘SILC’. Contrairement au premier groupe de tontine, le second est composé de plusieurs associations au profil socioéconomique différencié. On y rencontre des commerçants, des fonctionnaires, des agriculteurs, des paysans, etc. Dans chaque association, il y a au moins vingt-cinq membres. Cette forme d’organisation a un trésorier chargé des finances. C’est le cas de l’association Tubumwe qui veut dire « soyons uni ».

Par exemple dans cette association, la contribution est de 12000 BIF (soit 6,4970 dollars). Elle est composée aussi de deux quote-parts. La première est réservée aux événements sociaux. Le montant de cette épargne peut aller jusqu’à 2000 BIF (soit 1,083 dollars) pour les fonctionnaires ou commerçants. Pour les paysans et autres profils socioéconomiques, cette épargne sociale s’élève à 500 BIF (soit 0,2707 dollars).

La seconde est réservée à l’octroi des crédits entre les membres de la même association. Cette part est de 10000 BIF (soit 5,4142 dollars). Les conditions d’obtention du crédit dans ce groupe sont les suivantes :

  • Paiement d’un taux d’intérêt de 2% par mois ou un montant fixe forfaitairement de 150BIF ou 1000 BIF pour les groupes sociaux à très faibles revenus
  • Le montant de crédit est de trois fois la valeur de l’épargne déposée par le membre.

Pour certains d’autres groupes sociaux tels que les grands commerçants, le taux d’intérêt peut aller jusqu’à 20%. Les activités financées concernent toute activité productive ou commerciale. C’est le cas aussi des associations regroupées en réseau Mushingewubumwe qui signifie « socle de l’unité » dans le nord du Burundi. Au niveau de ce réseau par exemple, chaque association a une contribution mensuelle obligatoire à verser dans le réseau. Cette contribution varie entre 25000 BIF à 100000 BIF (soit 13,5354 $ à 54,1417 $) en fonction de la performance financière du groupe. Cette contribution se décompose comme suit :

  • 25000 pour les moins performants
  • 50000 pour les groupes moyennement performants
  • 100000 pour ceux qui sont plus performants financièrement.

L’avantage de ces formes d’entraide financière est multiple. A titre illustratif, nous pouvons souligner la facilité procédurale dans l’accès au crédit, le montant du crédit qui est fonction de l’épargne du membre, courte échéance de crédit allant jusqu’à quatre mois. Il est à signaler qu’au Burundi, des églises notamment catholiques et protestantes y jouent un grand rôle. Ce rôle concerne le suivi, l’encadrement et l’organisation de ces groupes d’entraide. Elles peuvent aussi mettre à leur disposition de local pour tenir des réunions.

Leur limite réside dans leur capacité financière limitée. Cela s’observe lorsque les membres du groupe tontinier sollicitent le crédit concomitamment (Armendariz de Aghion & Morduch, 2005).

Dans le cas burundais, pour résoudre ce problème, les membres concernés hiérarchisent les besoins exprimés par ceux qui ont sollicité un crédit. Le besoin le plus urgent est alors financé en première position. C’est l’intérêt collégial qui est visé avant l’intérêt individuel.

Pour le cas des groupes en réseau, ceux-ci disposent d’un cadre juridique, l’implication des autorités locales dans la gestion de l’association en apportant l’appui technique ou lors du recouvrement, la sensibilisation. Dans ces groupes, il y a aussi la demande d’hypothèque lors de la demande d’un crédit si le montant dépasse un certain seuil, la possibilité d’octroyer un crédit de long terme pour la construction d’une maison, l’achat d’une parcelle. Ceux-ci sont aussi affiliés aux institutions de micro-finance.

Dans tous ces groupes de financement informel, les membres s’auto-choisissent. Ceux- ci appartiennent, soit au même air géographique ou au même secteur socioprofessionnel, soit au même clan ou famille.

Ces constats sont similaires à ceux de Servet (1996). Pour Servet, les micro- entrepreneurs ont des ambitions entrepreneuriales comme tout autre entrepreneur. Ils veulent devenir patron d’eux-mêmes. Cependant, il leur manque des garanties pour accéder au financement traditionnel. La seule garantie qu’ils peuvent mobiliser est la garantie solidaire.

Nous pouvons dire que ces groupes tontiniers constituent des sources importantes non seulement dans le financement des micro-entreprises, mais aussi dans la mobilisation des ressources financières comme le montre le tableau illustratif suivant.

           Source : Tiré des rapports des activités du SILC,2015

 

Cette pratique informelle répond aux caractéristiques socioéconomiques des micro-entrepreneurs surtout l’absence d’actifs pouvant faire l’objet d’hypothèque dans une institution financière formelle, le faible niveau d’éducation des micro-entrepreneurs limitant la capacité à adopter et/ou utiliser des techniques modernes, le faible niveau de productivités des micro-entreprise.

Ces constats rejoignent ceux de Lelart (2006). Pour Lelart, la finance informelle se caractérise par une souplesse sans précédent. En observant les tontines en Afrique occidentale ou en Asie, l’auteur affirme que chaque membre d’un groupe tontinier peut effectuer ses opérations en fonction de ses revenus. Par exemple, il peut abandonner ses versements en cours du cycle et se rattraper au cours du cycle suivant. Dans ce cas de figure, celui-ci devra verser le montant équivalent au retard qu’il aurait observé. Il peut aussi demander qu’on lui rembourse avant la fin de l’échéance. Dans ce dernier cas, il doit verser la totalité du versement. L’auteur fait remarquer aussi que le taux d’intérêt reste relativement très élevé. Il peut aller jusqu’à 80% par an. Lalart conclut son analyse en disant que les pratiques informelles se caractérisent par une « concurrence à la finance formelle, la sédentarisation et l’organisation ».

Dans le cas burundais, l’épargne ainsi mobilisée est conservée par un des membres du groupe tontinier qui a été choisi à cet effet. Le caissier dispose d’un coffre-fort. Les clés sont conservées par trois membres du groupe dont le président, le secrétaire et le caissier. Lorsque les dépôts des membres commencent à devenir des plus en plus importants, un compte est ouvert dans une institution formelle notamment une microfinance pour y être déposé. Le financement est alors fait à partir des épargnes réalisées par chacun des membres des groupes tontiniers. Ces épargnes peuvent avoir des finalités soit associatives, soit sociétaires comme le montre le dispositif suivant :

Dispositif indicatif de la finance informelle au Burundi

L’épargne associative est destinée à la réalisation d’intérêt de la communauté. Dans les faits, chaque membre est dépendant du groupe. Il peut s’agir de la construction d’un pont entre deux villages voisins, la construction d’un logement pour un des membres du groupe. Cela montre que ce type d’épargne est fondé sur les besoins de la collectivité et/ou des liens sociaux. Chaque membre devient obligé et obligeant afin de réaliser l’objectif escompté.

L’épargne sociétaire est destinée aux financements de besoins personnels. Il s’agit par-là, de la promotion individuelle et personnelle. Pour ce type d’épargne, les relations ne sont plus volontaires, mais obligatoires à travers la pression sociale entre les membres d’un même groupe tontinier.

En somme, ces pratiques informelles vise la facilitation à l’accès au financement des micro-entreprise pour lutter contre la pauvreté, en offrant des services financiers de proximité, en améliorant l’efficience opérationnelle des micro-entrepreneurs et en promouvant les activités génératrices de revenu. Elles élargissent les offreurs des services financiers dans la mesure où ceux qui ne peuvent pas les obtenir auprès des institutions financières formelles se tournent vers la finance informelle pour les obtenir. Cela montre aussi que les pauvres peuvent être des vrais entrepreneurs une fois qu’ils obtiennent des ressources financières et d’un environnement entrepreneurial acceptable (Maji, Yakubu, State, & Igbatayo, 2021).

            Conclusion

Cet article avait comme objectif de contribuer à la connaissance théorique du rôle du secteur informel dans le financement des micro-entreprises burundaises. Il a permis de mettre en évidence le rôle indéniable du secteur informel dans le financement des micro-entreprises. Le recours à cette forme de financement se justifie par la simplicité des procédures administratives contrairement au financement formel, la proximité dans la formation des groupes tontiniers, la forme des garanties exigées notamment la caution solidaire. Celle-ci reste la forme la plus adaptée aux caractéristiques socioéconomiques des micro-entrepreneurs pour qui, la pauvreté monétaire est confondue à la pauvreté sociale.

Les clients membres d’un groupe tontinier qui ont des moyens financiers suffisants ne peuvent pas cotiser un montant d’une valeur qui dépasse trois fois le montant de la cotisation fixé dans le groupe lors d’une même séance. Cela met alors en évidence aussi une autre dimension sociale visée par la finance informelle : l’atteinte de l’objectif individuel en privilégiant d’abord l’objectif communautaire. La finance informelle constitue un chainon manquant de financement pour les micro-entreprises ne pouvant pas accéder aux financements dans les institutions financières classiques. Le recours à ce type de financement se justifie par la simplicité et la flexibilité des procédures administratives.

Afin de permettre cette forme de finance de se développer, il est souhaitable de la relier au secteur de financement formel. Cela n’est possible que s’il est mis en place un cadre règlementaire approprié, des plateformes comme FinTech permettant les micro-entreprises de réduire leur asymétrie d’information et d’accéder ainsi aux crédits formels.




[1]1 dollar = 1847,005 BIF. Le taux du 17/11/2021

Français

Revue Ethique et Société
Fraternité St. Dominique
B.P : 2960 Bujumbura, Burundi

Tél: +257 22 22 6956
Cell: +250 78 639 5583; +257 79 944 690
e-mail : info@res.bi
site web: www.res.bi

 

Fraternité Saint Dominique de Bujumbura

Nous, Dominicains du Burundi sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de...

Lire la Suite

Couvent Saint Dominique de Kigali

Nous, Dominicains du Rwanda sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de

Lire la Suite