QUI SERA AU POUVOIR DEMAIN ? DE L’ACTION HUMANITAIRE DES ONG A L’IMPLICATION POLITIQUE

Abstract: 

This editorial addresses the issue of Non-Governmental Organizations (NGOs) in relation to governance and its urgent requirements today. It aims to highlight crucial issues the ever increasing number of NGOs point to. Indeed, two questions are posed: Who will really govern people? And, how will they be governed in the future?” Instead of immediately answer these questions thus raised, the article rather travels deep down into the historical itinerary of NGOs and their impacts on the logic of power and good governance as the new ethic of development. Taking into consideration their roots in Christian tradition, particularly in the 16th century, the big idea of the article traces back NGOs to the evolution of neoliberal economy of the 1980s and the political liberalism it implies.
Thus the article argues that, the moral duty of governance that was hitherto local responsibility has now become global. Similarly, this moral that was limited to humanitarian intervention is shifted to developmental and political engagement. The needs for assistance are no longer only humanitarian and punctual, but are now also extended to the right to participate in development and good governance. Based on the complexity of the issue, the article questions the ethics that should guide the internal dynamics of NGOs and their partnership with the political authority. The crucial point reposes on the approach such as ethics that should be applied to govern and who should govern it. The issue from humanitarian involvement of NGOs into political implication leaves open the question of who will be in power tomorrow. This editorial concludes by gazing at a panoramic view of the articles published in this issue.

  1. De la contextualisation de la question des ONG

Dans son article, Les ONG à l’heure de la « bonne gouvernance », Laëtitia Atlani-Duault pose la question suivante : Pourquoi les ONG locales sont-elles convoquées dans l’appel à un nouvel art de gouverner dans les pays du Sud(Antlani-Duault 2005) ?  Cette question a été posée il y a 15 ans. Pourtant elle est encore actuelle aujourd’hui. Ainsi, ce numéro spécial porte sur les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et la question de la gouvernance. Il s’agit d’une thématique qui part de l’observation. Les pays en développement sont plus que jamais confrontés à la multiplication des acteurs non-étatiques. S’agit-il d’une conséquence de la démocratie  qui affecte désormais tous les acteurs de la vie humaine et de la société ? Ou, s’agit-il d’une réponse à de nouveaux besoins ? Ou encore, s’agit-il d’un fait de mutations plus fondamentales qui nous invitent à repenser toute la logique du pouvoir et ses sources fondamentales? Parmi les acteurs non-étatiques actifs sur terrain se  démarquent des ONG et des associations diverses de la société civile. Leur caractéristique majeure est la capacité de mobiliser les citoyens pour des activités d’intérêt collectif et de les aider à développer des coalitions. Cela est possible grâce aux nouvelles technologies d’information qui, elles-aussi, délocalisent de plus en plus les lieux traditionnels du pouvoir et de la gouvernance.

L’entrée des ONGs en jeu pose donc de nombreuses questions qui nécessitent une réflexion minutieuse et une théorisation conséquente. Quelle appréciation avons-nous des ONG dans la dynamique de la gouvernance locale et mondiale aujourd’hui ? Quel état de lieu établir pour les ONG dans nos pays en développement? Selon quelle approche ? Comment les ONG se tiennent-elles par rapport aux mythes de l’Etat, du marché  et de la société civile? Comment les ONG se positionnent-elles par rapport aux politiques de développement national d’une part, et aux politiques de développement international d’autre part? Quel est l’impact du financement international des ONG sur leur gouvernance interne d’une part, et sur la gouvernance des pays en développement où elles œuvrent d’autre part? Quel est leur avenir dans la gouvernance des pays? Qu’est ce qui pourra définir cet avenir et l’orienter? Toutes ces questions convergent sur cette question: « Qui sera au pouvoir demain ?», ou encore, « Comment serons-nous gouvernés demain ? »

Cet article éditorial ne prétend pas donner des réponses à ces questions.  Ce n’est même pas son objectif ! Plutôt il retrace l’itinéraire historique des ONG comme faisant partie des organisations ou associations de la société et leur impact sur la logique du pouvoir et de la gouvernance pour autant que la gouvernance[1] s’impose comme une nouvelle éthique du développement. Ainsi, dans le premier temps, nous repérons la dynamique des ONG dans l’évolution de l’économie néolibérale et la réorganisation politique qu’elle implique. Dans le deuxième temps nous apprécierons leur impact sur la gouvernance locale et globale. Notre préoccupation est la question de l’éthique qui doit guider leur intervention pour un devoir parfait(Bagnoli 2004). En effet, d’une part, étant donnée la complexité économique et politique aujourd’hui, leur intervention n’est plus qu’humanitaire. D’autre part, il se pose la question de l’éthique qui doit guider leur partenariat avec les pouvoirs publics en vue de la bonne gouvernance comme leur nouvel objectif. Nous conclurons par un aperçu panoramique du contenu de ce numéro.

  1. Les ONG dans l’évolution de l’économie mondiale

Comme le souligne Vakil, le terme ONG est très vaste et complexe. Il s’applique à une variété de différentes formes organisationnelles(Vakil, 1997). Nous partirons d’une définition générale qui guidera cet éditorial. Par les Organisations Non Gouvernementales, nous entendons les acteurs sociétaux, non-étatiques, des organisations professionnelles formelles, indépendantes dont le but ultime est de promouvoir les objectifs communs au niveau national ou même au niveau international(Martens 2002 :282).

L’histoire des ONG remonte au 16ème siècle avec la prise en charge des besoins sociaux tels que l’éducation, la santé et le soutien aux familles par l’Eglise (catholique) surtout dans les pays des missions. Même si la plupart de ces services sont pris par les gouvernements, l’Eglise continue à s’impliquer précieusement dans les services sociaux en fonction de ses compétences. Avec la montée du libéralisme politique en occident au 19ème siècle, les ONG ont évolué d’organisations nationales à caractère religieux vers des organismes nationaux et internationaux avec des causes diverses.

Dans l’histoire récente, la floraison des ONG et des associations de la société civile remonte des années 1980 et connaissent un développement spectaculaire. Aujourd’hui les ONG sont passées du champ du développement et de l’humanitaire au champ de la gouvernance. Les années 1980 ont été caractérisées par la renaissance du libéralisme ou le retour à l’économie libérale classique. Aussi parle-t-on du néolibéralisme. La marque caractéristique du néolibéralisme est l’hostilité à l’Etat ainsi que l’idée selon laquelle le gouvernement devrait jouer seulement un rôle mineur dans la vie de l’économie. Dans son livre State, anarchie and utopia, Robert Nozick (1974) soutient queles fonctions de l’Etat minimal devraient être limitées à la protection contre la violence, le vol, la fraude, et l’encadrement des contrats. Pour Nozick, en dehors de ces fonctions, l’Etat violerait les droits individuels (Nozick 1974). Le vide laissé par l’Etat devait être occupé par la main invisible du marché comme seul garant et régulateur sûr de la dynamique économique.

Le resurgissement du libéralisme est une sorte d’émancipation de certains groupes (et même des citoyens individuellement) par rapport à l’Etat comme organisateur et planificateur de l’économie et de la vie publique.

Pour entrer au cœur de l’histoire, le libéralisme classique avait été interrompu par la dépression économique de l’année 1930 surtout aux Etats Unis, mais aussi la crise économique ailleurs en Europe. Cela avait déclenché l’intervention effective de l’Etat dans l’économie pour corriger les disfonctionnements du marché dans les processus de la croissance économique et du développement. Cette intervention consistait, entre autre, à promouvoir certaines industries clés, initier des projets de haute intensité de main-d’œuvre pour contrer le chômage, etc. Le chantre le plus illustre de cette économie pilotée par l’Etat est John Maynard Keynes qui soutenait que les gouvernements doivent augmenter les dépenses et diminuer les taxes pour faire face à la récession, afin de créer des emplois et renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs (Keynes 1936).

L’implication active de l’Etat avait continué une trentaine d’année après la deuxième guerre mondiale. Par ailleurs, la culture de l’économie centralisée s’était implantée dans les pays socialistes communisés ou communisant. Ce sont ces modèles économiques dont l’Afrique indépendante avait hérité des puissances coloniales et/ou des alliés vainqueurs de la deuxième guerre mondiale. Ainsi, dans certains pays de l’Amérique Latine et de l’Afrique postindépendance, l’Etat s’était impliqué par une industrialisation pour substituer les importations qui rongeaient le tapis des devises. C’est ce qu’on a appelé l’ « Industrialisation par Substitution ».

Ces politiques économiques (qui correspondent aussi aux périodes creusent dans l’histoire des ONG) se sont vues court-circuitées par les institutions financières mondiales et le trésor fédéral américain dans les années 1970. Ces dernières institutions étaient avisées par les économistes néolibérales, notamment Milton Friedman, John Williamson, Von Hayek entre autres, qui voulaient que les mécanismes du marché soient prioritaires dans les politiques du développement et des flux financiers. L’implication de cette nouvelle orientation économique était que les services sociaux tels que la santé, l’éducation, l’emploi et d’autres services sociaux de base traditionnellement assurés par l’Etat étaient délaissés. Cela est visible dans les dix principes du Consensus de Washington (or Washington Consensus).[2]

Le vide laissé par l’ « Etat-en-retraite » nécessitait une action de samaritain. Cette action fut entreprise par l’intervention humanitaire selon l’esprit de l’économie néolibérale. Ainsi, une bonne partie des aides qui, jadis, passaient par les services des gouvernements pour les services publics passaient désormais par les organisations non-gouvernementales.  Dans cette perspective, Issa Shivji, un vétéran activiste des ONGs situe le rôle des ONG en Afrique dans ce moment historique. Il soutient que la résurgence, la proéminence et le privilège du secteur des ONG se situent au sein de l’offensive néolibérale. Ce secteur est basé sur les prémisses philosophiques et politiques du paradigme néolibéral (Shivji 2007).

Tout système économique a un système politique correspondant qui est sous-tendu par une anthropologie philosophique propre. L’économie néolibérale avait elle-même besoin d’un système politique qui lui soit approprié et qui répond à l’anthropologie philosophique de l’individu comme souverain, libre et égal(Hayek 1948). Ce système politique n’était autre que la démocratie libérale. Ainsi la révolution néolibérale des années 1980 n’a pas été seulement les « shake-out » économiques, mais aussi des « shake-out » socio-politiques. Il s’agit, entre autres des  revendications de plus de liberté politique, notamment la liberté d’association sans oublier la réclamation des droits humains jusqu’alors absorbés par l’Etat qui déployait ses tentacules un peu partout et sur tous. La conséquence a été  l’avènement en Afrique de la démocratie libérale. Ainsi, la période des années 1990 a vu la naissance des parties politiques qui mettaient au défi les anciens partis-Etat, la naissance des sociétés civiles, surtout les associations des droits humains, ainsi que les ONG qui s’intéressaient au développement social  jadis dévolu à l’Etat.

L’Etat ainsi secoué de toute part était tombé dans une crise renforcée par des conflits, des guerres et des massacres surtout dans les pays de l’Afrique sub-saharienne. Cela justifiait l’intervention humanitaire d’envergure. Dans cette intervention, les ONG sont allées jusqu’à jouer des rôles dans l’injonction à la bonne gouvernance qu’exigeaient les agences mondiales de l’aide au développement(Antlani-Duault 2005: 3). Cette crise a même provoqué des sentiments qui se remarquent dans de telles expressions comme: Etat failli, décennie perdue, Afro-pessimisme, etc.

Dans les années 2000, l’Etat a été récupéré pour jouer un rôle notamment dans l’économie que Jeffrey Sachs appelle l’économie clinique  (Sachs 2005 : 78-89). Il s’agit du type d’économie qui a donné naissance aux cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP), aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), et  aux Objectifs du Développement Durable (ODD) aujourd’hui. D’autre part l’Etat a été récupéré pour entreprendre des rêves sous forme de macro-stratégies ou les visions à long-terme. Son rôle devait aussi être celui de restaurer un climat de démocratie et de bonne gouvernance.  Ce climat s’est tellement imposé que même la politique de dinosaure mimétique qui avait tenu à la contrerévolution néolibérale s’est retrouvée dans le tourbillon des mouvements de contestations de la société civile.  Ces mouvements sont, entre autre : « Y en a marre », « le balaie citoyen », ainsi que le printemps arabe. Ce phénomène tendait à se généraliser dans tous les pays africains, montrant ainsi la capacité de mobilisation de la société civile catalysée par certaines organisations non-gouvernementales.  

Ainsi, de leur préoccupation des questions de solidarité et de la morale sociale, les ONG passent aujourd’hui à la préoccupation socio-économique comme fournisseurs de certains services qui peuvent augmenter la confiance des citoyens dont elles bénéficient de plus en plus au détriment des administrations et des gouvernances nationales. Selon un document de la « Central Intelligence Agency (CIE), certaines ONG notent que leurs donateurs sont enclins à contribuer quand ils perçoivent que les gouvernements des pays dans lesquels elles œuvrent sont faibles ou en situation d’échec!

  1. De la préoccupation humanitaire à l’implication politique: Quelle éthique pour quelle action?

Depuis leurs origines dans l’histoire, les ONG posent une question d’éthique. Il s’agit du devoir humain envers l’autre. En partant de la philosophie morale de Kant, Carla Bagnoli (2004) soutient que l’intervention humanitaire des ONG est un devoir parfait. Il suggère, en même temps, que l’assistance humanitaire des ONG devrait surpasser les exigences du respect de l’intégrité. De même les motifs des ONG doivent être guidés par le devoir moral d’intervenir afin de restaurer la dignité humaine. La question est celle de savoir jusqu’où ce devoir parfait de restaurer la dignité peut aller. A-t-elle une limite ?

Le cadre d’opération des ONG est devenu plus complexe aujourd’hui. Pour reprendre les mots  Hulme et Edwards, le mythe de l’ «Etat omniprésent » des années 1970 remplacé dans les années 1980 par le mythe de l’ « Etat plus le marché » est devenu le mythe de l’ «Etat plus le marché plus la société civile » représentée par les ONG (Hulme & Edwards 1997). Dans ce contexte, le devoir moral envers autrui qui, jadis, était local est devenu global. Aujourd’hui, ce devoir humanitaire devient aussi un devoir politique via l’engagement dans le développement (participatif). Les besoins de l’autre ne sont plus seulement humanitaires. Ils sont aussi  le droit de participer au développement et le droit d’être bien gouverné.

En conséquence, les ONG entrent dans une nouvelle dynamique qui peut être représenté comme un triangle, que nous appelons ici le triangle de solidarité(Ntibagirirwa 2014: 298-299). Désormais, l’Etat est considéré comme un des acteurs de la gestion publique. Il doit partager sa responsabilité avec le secteur privé (dans le cadre du Partenariat Public-Privé) et les organisations de la société civile ou le secteur non-gouvernemental.

 

Figure 1 : Triangle de Solidarité

Dans cette perspective, les agences multilatérales tendent à favoriser l’action des ONG dans la prise en charge de la gestion des biens et des services collectifs qui sortent du champ social régulé par le marché(Antlani-Duault 2005: 6).

La préoccupation politique des ONG est de plus en plus évidente. Les ONG locales sont des leviers de contestations du pouvoir de l’Etat. Les observations du PNUD faites en 1997 gardent leur pertinence aujourd’hui. Selon le PNUD, les ONG semblent former la partie de la société qui relie les individus au domaine public et à l’Etat, c’est-à-dire la dimension politique de la société. Elles organisent les citoyens en groups qui peuvent constituer un contrepouvoir face au gouvernement. Dans certains pays, cette préoccupation s’est concrétisée davantage par la tendance à occuper une place laissée presque vacante par les partis politiques d’opposition qui semblaient avoir déserté le lieu de leur combat politique. Dans les deux cas, les agences multilatérales semblent répondre au devoir d’aider les réseaux de ces ONG locales par des financements conséquents ainsi qu’un plaidoyer utile dans les forums de pouvoir international. Cela l’est davantage quand les questions de la démocratie, de l’Etat du droit et des droits humains sont en  jeux. Ainsi, Laetitia Atlani-Duault a raison d’observer que les ONG sont devenues des instruments de la gouvernance locale et mondiale et les réseaux des bailleurs des fonds. C’est dans ce cadre que les « ONG locales sont convoquées dans un nouvel art de gouverner les pays en développement » (Atlani-Duault 2003). Aussi, l’avènement des ONG locales nombreuses et fortes, semble-t-il correspondre à l’espoir de changement politique répondant à l’appel de la bonne gouvernance.

Le rôle des ONG et leur impact sur la gouvernance nécessite une théorisation éthique continue. Cette théorisation éthique doit tenir compte de l’équilibre géopolitique qui est en train de basculer de l’Occident vers l’Orient. Il s’agira de réfléchir sur l’éthique qui doit gouverner les ONG au niveau interne et au niveau externe. N’est-ce pas la question de l’éthique d’intégrité qui doit animer les ONG au niveau interne et au niveau des relations avec les lieux où ils opèrent ainsi que leurs relations avec les bailleurs ?  Mais alors : comment gérer cette éthique et qui doit le faire?

  1. Aperçu panoramique du contenu

Ce numéro unique comprend six articles incluant cet éditorial. Dans l’article,Autonomisation du champ des ONG et impact sur le développement participatif en Afrique subsaharienne Cathy Hasimbola et Salikou Kouyate soulignent l’importance du rôle des ONG dans le processus de développement en Afrique, particulièrement dans le développement participatif. Ils s’appuient sur la théorie du champ de Bourdieu pour mettre en exergue comment les ONG influencent et reconfigurent l’univers du développement au point d’être perçues comme constituant un champ indépendant par rapport aux autres acteurs du développement. Partant des contextes ivoirien et malgache, ils mettent en évidence la dynamique du champ des ONG pour en dégager les caractéristiques. Les deux auteurs soulignent l’impact d’une telle autonomisation sur la mise en œuvre de politiques de développement, et proposent à l’État de se redéployer dans son rôle régulateur pour mieux harmoniser les ONG avec les politiques de développement afin d’optimiser l’efficacité de l’action publique.

Dans l’article,Construire une économie éthique en Afrique: un développement dans le creuset de l’économie solidaire, Jean Marie Katubadi-Bakenge attire notre attention sur le foisonnement d’organisations économiques populaires telles que les coopératives, les mutuelles ou les associations. Ces organisations veulent se construire un pouvoir économique capable d’influencer la vie publique, résister au darwinisme du système économique mondiale, construire les bases d’une économie éthique capable de lutter contre la pauvreté grâce à la philosophie d’ubuntu.  Elles constituent des lieux d'échanges d'idées et d'expériences, de développement de l'esprit de solidarité et d'entraide au sein de paysanneries aux prises avec les défis de la modernité et des conséquences du désengagement de l'État et des politiques des programmes d'ajustement structurel(PAS).Ainsi, Katubadi-Bakenge pose un certain nombre de questions qui peuvent orienter l’auditoire : quel paradigme du discours d’économie éthique faut-il théoriser pour mettre en œuvre un socle axiologique de l’économie solidaire? Si, en Afrique, cette économie solidaire évolue en marge d’une économie du marché, comment l’intégrer dans le marché pour la sauver de la simple survie et pour en faire un des enjeux de la responsabilité éthique dans l’économie marchande?

Dans l’article, Le développement économique sous l’angle de la foi: l’eucharistie a-t-elle une valeur ajoutée?, Symphorien Ntibagirirwa envisage le développement dans la perspective de l’Eucharistie dans les Eglises du Rwanda et du Burundi. Il soutient que, dans les pays où les autorités publiques nourrissent l’ «ambition morale » de développer, avec comme résultats la croissance économique, le bien-être des citoyens, l’augmentation du pouvoir et la gloire de l’Etat, le développement dans la perspective de l’Eucharistie est effectivement une valeur ajoutée.  Cette valeur ajoutée comporte deux choses majeures. La première est le développement intégral, c’est-à-dire le développement de tout l’être humain et de tout être humain. La deuxième est le développement intégré comme un aspect du bien commun, c’est-à-dire l’ensemble des conditions qui contribuent à l’épanouissement de l’être humain. L’argument ainsi élaboré a une double implication. La première implication est l’appréciation des valeurs, notamment la subsistance, l’estime de soi et la liberté. Ces valeurs structurent une bonne vie comme finalité ultime du développement que l’Eglise doit poursuivre d’autant plus qu’elle est le sens même de l’auto-transcendance comme mouvement humain vers l’horizon de Dieu. La deuxième implication est la gouvernance du développement. Cette gouvernance pourrait exiger la convergence de l’ambition morale de développer et le développement comme une marche vers les horizons de Dieu. Une reconsidération innovée et innovante de la relation entre l’Eglise et l’Etat est à ce prix. Ainsi le développement envisagé dans la perspective de l’Eucharistie permet d’aller et de voir plus loin dans le sens profond du développement. Ainsi, le développement est notre esprit à la recherche des dimensions universelles de Dieu au-delà de nos dimensions particulières humaines. 

Dans l’article,Pour une éducation efficiente au Burundi: des logiques  complémentaires, Hajayandi Nicolas et Siméon Barumwete reviennent à la question de l’éducation avec un triple objectif:comprendre le processus éducatif burundais à travers ses fondements culturels et traditionnels; rendre compte de la dynamique sociopolitique qui a marqué le processus de la transmission des valeurs et des normes sociales en vigueur au Burundi ; et interroger la place de l’instance publique dans la coordination des initiatives de différents intervenants en matière d’éducation. Les auteurs suggèrent de considérer les nouvelles initiatives éducatives dans des logiques complémentaires plutôt que concurrentielles. Deux raisons militent pour cette suggestion. Les nouvelles initiatives visent à utiliser au mieux les moyens mis à la disposition de la société burundaise afin de bien accomplir l’action éducative. Les conflits de socialisation qui peuvent naître suite aux influences contradictoires de différentes instances en charge de l’éducation sont évités.

Dans la chronique européenne,Europe, où vas-tu?: Défis du moment et rêves d’avenir,Ignace Berten jette un regard sur la période particulièrement difficile et compliquée que vit l’Union européenne. Il démarque les nombreux défis de taille auxquels l’Union Européenne  fait face. Certains de ces défis sont des points de discordes et sont beaucoup plus internes à l’Union. D’autres sont communs et même vont au-delà de l’Union comme le changement climatique. Berten se pose la question de savoir à quoi ces problèmes actuels pourront conduire, si c’est l’effondrement ou l’éclatement, l’insignifiance ou le sursaut d’un renouveau? Il tente de formuler un souhait pour l’avenir, en explicitant les éléments sur lesquels s’appuyer.

 

 

 


[1][1]Selon la Banque Mondiale, la gouvernance est « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays en vue du développement » (World Bank 1992). Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a élaboré sur cette nouvelle « science morale » et a défini la (bonne) gouvernance comme «l'exercice de l'autorité économique, politique et administrative en vue de gérer les affaires d'un pays à tous les niveaux ». La gouvernance « englobe les mécanismes, les processus et les institutions par le biais desquels les citoyens et les groupes expriment leurs intérêts, exercent leurs droits juridiques, assument leurs obligations et auxquels ils s'adressent en vue de régler leurs différends »(UNDP 1997:4). Si, dans le premier temps, les ONG se sont préoccupées des biens ponctuels dans un cadre humanitaire urgent, et dans le deuxième temps, la production de ces biens dans le cadre du développement, aujourd’hui, elles sentent que la gouvernance est bien dont les gens ont besoin pour leur vie, leur dignité et leur épanouissement (localement et globalement). La question est comment ?

[2]Les dix prescriptions macroéconomiques du Consensus de Washington sont ainsi libérées :

  1. La discipline budgétaire
  2. La réorientation de la dépense publique
  3. La réforme fiscale
  4. La libéralisation financière
  5. L'adoption d'un taux de change unique et compétitif
  6. La libéralisation des échanges
  7. L'élimination des barrières à l'investissement direct étranger
  8. La privatisation des entreprises publiques
  9. La réforme de la réglementation des marchés pour assurer l'élimination des principales barrières à l'entrée et à la sortie
  10. La garantie des droits de propriété

Référence Bibliographique: 

  • Antlani-Duault, L 2005. Les ONG à l'heure de la "la bonne gouvernance". Autrepart, 5, 3-17.
  • Atlani-Duault, L 2003. Les ONG locales, vecteurs de « bonne governqnce" dans le second monde: Introduction à l'étude de cas. Journal des anthropologues, 93-95.
  • Bagnoli, C 2004. Humanitarian intervention as a perfect duty. Nomos, 47, 1-29.
  • World Bank 1992. Governance and Development. Washington, DC: World Bank:
  • Hayek, F A 1948. Individualism and economic order. Chicago: UCP.
  • Hulme, D., & Edwards, M 1997. NGOs, States and Donors: Too Close for Comfort? New York: Palgrave .
  • Keynes, J M 1936. The General Theory of Employment, Interest, and Money. London: Macmillan .
  • Martens, K 2002. Mission impossible? Defining nongovernmental orgnisations. Voluntas: International Journal of Voluntary and Nonprofit Organizations., 13(3): 271-285.
  • Nozick, R 1974. State, anarchy and Utopia. Oxford: Blackwell.
  • Ntibagirirwa, S 2014. Philosophical premises of economic development. Geneva: Globethics.
  • Sachs, J 2005. The End of Poverty: How can we make it happen in our lifetime. New York: Penguin books.
  • Shivji, I G 2007. Silences in NGO discourse: the role and future of NGOs in Afrique. Nairobi/Oxford: Fahamu-Netzorks for social justice.
  • PNUD 1997. La gouvernance et le développement humain durable. New York: UNDP.
  • Vakil, A C 1997. Confronting the classification problem. Toward a taxonomy of NGOs. World Development, 25(12): 2057-2070.

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