LA CULTURE BURUNDAISE ENTRE CONSERVATISME ET PROGRESSISME

Abstract: 

This paper has defined culture as the sum-total of all constituents that shape the identity of a people   at a time and context. It is an eye-opening essay that enlightens the reader’s curiosity about the preservation of culture that is a permanent battle for cultural heritage. In this context, the Burundian cultural heritage is profusely diversified in its positive and grey areas components. Certain aspects such as values may upgrade the country’s development while others such as low attitude toward gender dimension may undermine it. Similarly, Burundian culture does not evolve in a vacuum. It is deeply rooted in the influences of modernity and cultural exchange. Some of its components such as;  umuganuro that means harvest of sowing feast,  are drifting out  and may soon be completely forgotten. Others are maintained sustainably such as traditional drums that have become part of the world heritage. Some still roughly change by adopting modernity without anticipation of unpredictable negative impacts on society in the future. Marriage celebrations are exemplary of the impacts.

Thus, Burundi’s cultural heritage needs to safeguard positive aspects of its culture to reshape negative ones that currently face many challenges. This will require a school of thoughts whose students should be state leaders, stakeholders and private sectors. As a credible reference, laudable efforts have been deployed since the national independence. Consequently, a lot of policies have been elaborated, many strategies devised and concrete actions had been taken with good results. Nevertheless, the numerous and tough challenges will be overcome with the possibility of communion of ideas expressed at a round table, where all shareholders will defend their proposals. Therefore, that is the only window of opportunities to better manage Burundi culture that waves between conservatism and progressism, to seek advancement of social and political reforms for the growth of the people.

1. Introduction

Selon les monographies des différentes provinces et communes du Burundi, élaborées par le ministère ayant la planification du développement en 2006, 
La culture peut être définie comme l’ensemble constitué d’éléments qui ont modelé l’identité d’un peuple ou d’une communauté au cours du temps. Le patrimoine culturel constitue l’ensemble des éléments matériels et non matériels qui contribuent à maintenir et à développer l’identité culturelle d’un peuple ou d’une communauté dans le temps et dans l’espace. Il s’agit notamment des éléments suivants: la langue, les croyances, les mœurs, les connaissances techniques, les fondements de l’organisation sociale, le patrimoine orale et physique dont les expressions musicales, folkloriques et artistiques etc. 
Le patrimoine culturel se réfère notamment aux traditions et expressions orales, à la poésie, aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, aux rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ainsi qu'aux savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. 
Au Burundi, le patrimoine culturel est très riche, très ancien et très original même si les traces physiques du passé ne sont pas toujours visibles dans certaines localités. Presque tous les aspects dudit patrimoine se retrouvent dans toutes les régions, parfois avec des variantes, voire des spécificités assez marquées. 
 

1. Quelques aspects du patrimoine culturel du Burundi

Comme les composantes du patrimoine culturel burundais sont très variées, il ne serait pas possible de les décrire toutes. Dans les lignes qui suivent, il est décrit quelques aspects d'illustration des enjeux et défis qu'il y a quand on analyse la culture burundaise confrontée au conservatisme d’une part ou au progressisme d’autre part.

1.1. Le kirundi, langue nationale                                             

Le Kirundi, en tant que langue nationale, constitue une culture partagée par l’ensemble de la population réunie sur un territoire unifié depuis le 18ème siècle, selon les historiens. Le kirundi est une langue parlée et comprise par l’ensemble de la population, toutes ethnies confondues sur l’ensemble du territoire avec des variations régionales au niveau des accents et mots de vocabulaires très mineures. En république Démocratique du Congo, RDC, on distingue quelque 250 langues parlées et un nombre sans doute équivalent de groupes ethniques. Le kirundi est une langue précise, quelque peu complexe et est utilisée avec circonspection dont chaque mot peut avoir plusieurs significations. Il faut remarquer que les langues officielles du Burundi sont le français et le kirundi. Le français reste une langue de l'élite, autrement dit parlée par une infime partie de la population. Toutefois, il a le statut de langue utilisée dans toutes les communications officielles et généralement à l'écrit. L'anglais est de plus en plus utilisé depuis l'adhésion du Burundi à la Communauté de l'Afrique de l'Est, CAE. Quant au swahili, il est avant tout parlé par les commerçants et reste circonscrit essentiellement aux zones urbaines.

1.2. L'habillement et la coiffure

Très anciennement, les Burundais portaient des vêtements confectionnés à partir d'écorces de bois. Actuellement, ces modes d'habillement ne se voient qu'à l'occasion des cérémonies ou autres évènements rituels ou folkloriques. La colonisation et d'autres références ont beaucoup influencé les normes vestimentaires des Burundais qui ont adopté le mode oriental, pour les femmes, et occidental, pour les hommes. L'accoutrement des femmes, en milieu rural, dit "imvutano" serait d'inspiration indienne. Le port de la culotte/du pantalon et de la chemise et éventuellement avec un veston ou un tricot sont une imitation de l'habillement occidental. La mini-jupe qui n'est pas bien vue surtout en milieu rural est aussi une imitation de l'occident. Le pantalon et la chemise cousus dans un même tissu, connu sous le nom d'"ensemble" ou "abacost" seraient une création de la République Démocratique du Congo, RDC, que les Burundais ont beaucoup appréciée et adoptée.
Il est courant de voir de jeunes Burundais, filles et garçons, s'habiller et se coiffer comme des "stars" musiciens ou sportifs ou autres personnalités prises pour référence. Les jeunes femmes et jeunes hommes porteront facilement le jean. Selon l'époque, le jean sera ample ou plus ou moins serré. Pour la coiffure, les jeunes hommes laisseront pousser une longue chevelure, comme les Noirs Américains d'antan, ou demanderont à leur coiffeur d'ajuster leurs cheveux en leur donnant de surprenantes formes géométriques rappelant la coiffure des anciennes stars de la célèbre troupe musicale appelée "UB40". Cette coiffure fut appelée "agacube" qui n'est autre qu'une déformation du titre d'une chanson de l'UB40 "I've got you babe". Selon les goûts, les jeunes filles mettront des "dread" rappelant Bob Marley, le roi du reggae ou feront défriser leurs cheveux pour les rendre lisses comme ceux des Européennes. Les adultes ne sont pas stables en termes de coiffure. Ne voulant pas imiter forcément les jeunes, ils en arrivent à se faire raser complétement et de façon régulière. En un mot, que ce soit pour l'habillement ou la coiffure, la société burundaise a définitivement rompu avec les habitudes des ancêtres.

 

1.3. Les croyances, les mœurs et les connaissances techniques

Comme tous les peuples, les Burundais ont leurs croyances. Bien qu'une infime partie de la population soit considérée comme animiste, les croyances des Burundais se réfèrent essentiellement à celles des ancêtres, au christianisme et à l'islam dans une moindre mesure. Une grande majorité des Burundais sont, en effet, familiers des croyances ancestrales et du christianisme et partagent plusieurs points :
  • Une croyance en un esprit créateur souverain sur les esprits. Cependant cet être suprême est rarement la cause de tout évènement. Le nom de Dieu créateur est proche du mot « père ». Certains groupes le voient comme étant partout, omniprésent, d'autres le voient comme siégeant dans le ciel. On notera que dans le Burundi traditionnel, le lien avec le Dieu créateur était assuré par un certain Kiranga,
  • Une croyance en une force essentielle qui anime le corps mais qui le quittera à la mort pour devenir un esprit ancestral. Cette force continue à être active parmi les vivants de la même famille, soit en les punissant soit en leur faisant du bien. Des cultes sont régulièrement organisés à l'attention de certains anciens esprits ancestraux,
  • Des fétiches peuvent avoir des pouvoirs surnaturels positifs ou négatifs. Même certains "intellectuels" y croient,
  • Les sorciers, les devins et les guérisseurs agissent comme intermédiaires pour accéder au surnaturel.
Certaines des croyances héritées des ancêtres sont entretenues par ces sorciers, devins, guérisseurs ou tradi-praticiens. Les guérisseurs sont très connus pour être spécialistes dans le traitement de différentes maladies avec des plantes ou des herbes médicinales. 
Le patrimoine culturel burundais, c’est aussi l'artisanat très riche et fin qui est une importante forme d'art au Burundi. Il s'agit d'une tradition plastique englobant les domaines de la création picturale et la sculpture sur bois. La peinture et la sculpture de tradition burundaise s’orientent essentiellement vers les objets utilitaires obtenus à partir des techniques artisanales telles la vannerie, la forge, la poterie, etc. Les principaux bijoux traditionnels du Burundi étaient de cuivre, de coquillage ou de corne. La vannerie est l’art des Burundais par excellence. La poterie est une activité essentiellement féminine et une spécialité de l’ethnie des Batwa. Avec le modernisme, certaines croyances, mœurs et connaissances techniques changent. A titre d'illustration, l'usage des ustensiles métalliques a affecté la vannerie.
 

1.4. Les expressions folkloriques et musicales

 
Sur le plan culturel le Burundi est surtout connu à travers le monde pour ses célèbres tambours qui ont joué un rôle extrêmement important dans la construction du Burundi monarchique. Le mot « ingoma » signifie à la fois « tambour » et « royaume ». Les tambours étaient le symbole du pouvoir royal. Les tambourinaires du Burundi sont devenus très célèbres à travers le monde.  Disposés en arc de cercle autour d’un tambour central appelé « inkiranya », les tambourinaires battent des tambours dits « amashako » et d'autres appelés « ibishikizo » à une cadence donnée par le tambour central. Le soliste placé au tambour central lance un appel de ralliement en direction de ses partenaires. Tous répondent en chœur par une forte acclamation unanime, puis sous la direction du tambour central, la batterie se déchaîne en un rythme on ne peut plus envoûtant. La réputation des tambourinaires a donc dépassé les limites du Burundi pour devenir internationale. L'UNESCO a inscrit l'art des tambourinaires sur la liste du patrimoine mondial. 
En dehors du tambour, le folklore burundais reste très varié avec des spécificités régionales assez marqués telles la danse Intore en Province de Kirundo, l'Agasimbo et l'Umuyebe en province Makamba, l'Umutsibo dans la région de Buyogoma, l'Umuhanga dans la province Bururi, l'Ihuruma et l'Ubudemera dans la région de Kumoso, l'Urwedengwe en province de Ngozi etc. Une grande richesse est également observée au niveau de la poésie pastorale, la poésie épique et des berceuses, etc. Le théâtre est aussi un domaine culturel dans lequel le Burundi est très actif. Les expressions folkloriques et musicales subissent les effets du modernisme. Dans le cadre du modernisme, des filles ont tenté de battre et de danser autour du tambour. Elles en ont été sévèrement découragées. Pour le célèbre tambourinaire Antime Baranshakaje de Gishora, "jamais de la vie, la femme ne peut battre du tambour. C'est une aberration, une acculturation sans égale".

1.5. Sites historiques, musées, monuments et aires protégées

Les sites historiques du Burundi sont liés à plusieurs aspects dont le pouvoir monarchique et le culte de "Kiranga" qui, selon la croyance des Burundais servait d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. La capitale royale, en tant que site historique, était une grande cour qui comprenait le palais royal, les demeures des princes et du personnel, les lieux de culte, les greniers et les espaces pour le bétail. La capitale royale était aussi un centre d’attraction pour tout le royaume. A l'époque monarchique, Gishora et Higiro, localisés en province de Gitega, furent les grands domaines des tambourinaires que comptait le Burundi. Ces sites gardent leur importance même aujourd’hui. Makebuko, situé à 25 km de Gitega, capitale politique du Burundi, est un autre domaine de tambourinaires. Les Bakani, tambourinaires, ont déjà fait de nombreuses exhibitions à l’étranger.
Situé à Gitega, le Musée National conserve depuis 1955 une riche collection ethnographique constituée d’objets liés à la royauté et à la cour. À Bujumbura, le musée vivant tout près du lac Tanganyika conserve certains objets dans un cadre plus vaste entouré d’un imposant jardin. Il possède aussi une volière où vivent quelques espèces d’oiseaux du Burundi et un centre de recherches herpétologiques qui expose dans ses fosses et vitrines certaines espèces de reptiles, notamment les crocodiles du lac Tanganyika. Depuis 2011, un centre culturel s'est développé autour de ce musée, avec un amphithéâtre extérieur pour accueillir des représentations, ainsi que des boutiques d'artisanat local.
Le Burundi compte plusieurs monuments répartis sur tout le territoire national. À Bujumbura, sur le Belvédère » surplombant la ville, se trouve le mausolée Prince Louis Rwagasore, fondateur du parti UPRONA (Unité pour le Progrès National) et héros de l’indépendance du Burundi. En dehors de Bujumbura, on peut énumérer d'autres monuments. A titre d'illustration, on peut citer :
  • la pierre dressée pour commémorer la rencontre des explorateurs Stanley et Livingstone à 10 km de Bujumbura vers le sud,
  • la pyramide érigée sur la source la plus méridionale du fleuve Nil à plus de 2.000 m d’altitude à 114 km de la capitale, à Rutovu sur la route Bujumbura-Ijenda-Matana,
  • l'ancien château Mauss transformé en hôtel restaurant, à Rumonge,
  • l'ancien palais du roi Mwambutsa Bangiricenge à Gitega,
  • le sanctuaire de la Vierge Marie à Ngozi,
  • les maisons commerciales d'architecture arabo-musulmane, à Muyinga,
  • le panneau métallique symbolisant le passage à Nyanza-Lac de Richard Burton et John Hanning Speke en 1858 à Bururi, etc.
Le Burundi compte parmi les territoires les plus variés d’Afrique en termes de paysages et de leurs richesses. Selon les spécialistes, le Burundi disposerait de 2.909 espèces végétales, 163 espèces de mammifères, 215 espèces de poissons et 716 espèces d’oiseaux. Pour sauvegarder cette importante biodiversité, certains écosystèmes ont été érigés en aires protégées. L’Etat reste le principal gestionnaire des aires protégées. Il a élaboré des lois pour les régir. La population riveraine desdites aires n'a pas un accès facile aux ressources naturelles de ces écosystèmes protégés. 

1.6. Les rituels et sites y associés

Deux rituels ont marqué l'histoire du Burundi. Il s'agit de l'intronisation du roi et de la cérémonie dite "Umuganuro". Selon les historiens, l'intronisation du roi comportait plusieurs phases dont le choix d’une vestale pour le culte complexe du tambour "Karyenda" (le tambour égide du Burundi), qui était conservé sur le flanc ouest du mont Saga (Mbuye). Pendant la colonisation, la cérémonie d' "Umuganuro", appelée aussi "fête des semailles" était la plus importante des fêtes rituelles de la monarchie. La cérémonie avait lieu annuellement au mois de décembre et au cours de laquelle le roi donnait l’autorisation de commencer les semailles de sorgho. Soulignons que c'est en 1929 que l’administration coloniale interdit cette fête sacrée et actuellement peu nombreux sont les Burundais qui en connaissent la substance. On notera que les fêtes nationales et jours fériés sont notamment :
  • la fête du travail célébrée le 1er mai,
- l'Unité nationale célébrée le 5 février,
- l'Indépendance nationale célébrée le 1er juillet,
- l'Assomption, célébrée le 15 août,
- la commémoration de l'assassinat du Prince Louis Rwagasore, héros de l'indépendance, le 13 octobre,
- la commémoration de l'assassinat du Président Melchior Ndadaye, héros de la démocratie, le 21 octobre,
- la Toussaint, célébrée le 1er novembre,
- la commémoration de la naissance de Jésus Christ, le 25 décembre, 
- l'Aid-al-Fitr, ou fin du Ramadan, et l'Aïd el kebir, ou fête du mouton qui n'ont pas de dates précises, etc.
 
 

2. La sauvegarde de la culture burundaise, enjeux et défis

2.1. Enjeux de la sauvegarde de la culture burundaise

2.1.1. La culture nationale comme valeur à sauvegarder jalousement

A part que le patrimoine culturel peut contribuer à la consolidation de l'Etat-Nation, il représente aussi une immense valeur socioéconomique. La sauvegarde de la culture nationale doit donc faire partie des préoccupations des pouvoirs publics et d'autres parties prenantes, en l'occurrence les privés. Ces préoccupations se situent dans un cadre national, régional et même international. Il est intéressant de noter la prise en compte de la sauvegarde du patrimoine culturel dans les principaux textes de planification et dans les différentes manifestations auxquelles des privées prennent une part active. En effet, des initiatives privées s'associent aux pouvoirs publics pour sauvegarder et faire progresser la culture nationale. 
2.1.1.1. La culture nationale dans les textes de planification
La Vision « Burundi 2025, le Plan National de Développement du Burundi 2018-2027, PNDB 2018-2027, le Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté, Deuxième Génération, CSLP II, le cinéma et la littérature ont retenu l'attention de cette analyse.
La Vision « Burundi 2025 » projette une image qui correspond à un avenir que les Burundais souhaitent partager. Elle repose en priorité sur une nation unie, solidaire et en paix d’une part, et sur une économie prospère au service du bien être socio-économique des Burundais, d’autre part. Selon la Vision 2025, le pays est bâti sur une société de droit qui jouit de son patrimoine culturel riche et diversifié. En outre, la Vision « Burundi 2025 » se donne comme objectif de valoriser la richesse culturelle du Burundi afin qu’il devienne le pays phare de la culture sous régionale à travers différentes manifestations socio-culturelles propres au terroir burundais. 
La Vision 2025 prévoit que le kirundi sera renforcé notamment en renouant avec la littérature burundaise composée essentiellement de contes, de proverbes (les bitito, les migani, les bisokozo, etc..) de poésie, de théâtres. En outre, la Vision assurera la promotion des danses folkloriques dans toute leur richesse et leur diversité en tant qu’élément de l’identité culturelle nationale du pays et veillera à lui conférer une place importante devant la percée des danses modernes. 
Le PNDB 2018-2027  note d'abord les performances réalisées dans le domaine de la culture, dont : i) l’inscription du Tambour sur la liste du patrimoine mondial, ii) la préparation des textes d’adhésion aux Conventions de Berne et de Rome sur la protection des œuvres littéraires et artistiques et d’autres traités internationaux, iii) la validation de la Politique Nationale de la Propriété Intellectuelle et iv) la mise à jour de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel burundais. 
Malgré les performances enregistrées dans le domaine, le PNDB relève des défis à relever : la visibilité des activités culturelles et des beaux-arts du Burundi ; l’augmentation des centres d’exposition des objets d’art ; le soutien aux orchestres traditionnels (inanga, ikembe, etc.) et le rétablissement, la revalorisation et la sauvegarde du patrimoine et de l’industrie culturels. Le pays capitalisera sur les initiatives des clubs culturels qui ont fait connaître et aimer les danses folkloriques en mettant en relief les spécificités régionales.
- Comme perspectives, le PNDB se fixe l'objectif de promouvoir et protéger le patrimoine culturel et naturel. Il se donne le programme de rétablissement, de revalorisation et de sauvegarde du patrimoine culturel et naturel et développement de l'industrie culturelle et créative. Il prévoit des projets de : 
- redynamisation des valeurs culturelles burundaises au service de la cohésion sociale, au développement et au changement des mentalités, 
- aménagement des infrastructures culturelles, réhabilitation et restauration des musées, des sites historiques et des monuments, 
- appui à la créativité artistique et littéraire, les spectacles et les loisirs, promotion et protection du droit d’auteur, 
- promotion des archives et revalorisation de la bibliothèque nationale.
A ces textes de planification, il faut ajouter l’adoption en 2005 de la loi relative aux droits d’auteur, du document de Politique Culturelle en 2007, de la mise en place de l’office burundais du droit d’auteur, de la mention de la culture dans le CSLP II. 
2.1.1.2. Réalisations des initiatives publiques et privées 
A part ces outils de planification, il faut noter des avancées significatives en termes de réalisations. L'analyse porte essentiellement sur le tourisme, la littérature et le cinéma. Plus haut, il a été analysé la création des aires protégées qui sont souvent des sites qui attirent les touristes. Le Burundi dispose des parcs nationaux et des réserves naturelles avec faunes et flores denses, des paysages et micro climats variés, le Lac Tanganyika, les lacs au Nord, des rivières avec des faunes variées, bref de nombreux et beaux sites écologiques et touristiques. 
Ces sites offrent donc une piste touristique qui constitue une des entrées de devises et de création d’emplois et de richesses. Toutefois, le constat est que les potentialités touristiques du Burundi restent jusqu’à présent inexploités alors que c’est un grand secteur aidant à créer des opportunités pour petits et moyens entrepreneurs avec peu de moyens et peu de revenus. Les infrastructures exigées par des touristes telles que les hôtels, les moyens de déplacement, la communication, l’approvisionnement en eau, l’énergie, l’hygiène, la sécurité publique et les services de santé sont en réalité bénéfiques à toutes les composantes de la société.
Dans le cadre des productions cinématographiques, on soulignera deux importantes réalisations à savoir : le premier long métrage dit "Gito" ou "l'ingrat" de Léonce Ngabo, sorti en 1992 et le deuxième long métrage dit "Amaguru n’amaboko ou "Les Pieds et les Mains" de Roland Rugero sorti en 2012. En 2009 fut créé le Festival international du Cinéma et de l'Audiovisuel du Burundi, FESTICAB, qui vise à promouvoir et à récompenser les films, cinéastes et acteurs burundais. Le FESTICAB est un cadre efficace de création et de diffusion du cinéma et de l’audiovisuel.
Côté littérature des inspirations privées, comme celle du groupe de presse IWACU, ont donné naissance au prix littéraire Michel Kayoya. Les danses culturelles sont valorisées, transmises et parfois revisitées par des clubs nés d’un besoin urgent de perpétuer la tradition. Même si les pouvoirs publics et les privés s'investissent et fournissent des efforts pour sauvegarder le patrimoine culturel national, des défis persistent. Selon certains analystes, le secteur manque de visibilité, d'organisation efficiente et de structures professionnelles, éprouve des difficultés financières. L'organisation est jugée peu efficiente tandis que l’entreprenariat culturel reste une notion encore balbutiante au Burundi. 

2.2. Défis de la sauvegarde du patrimoine culturel burundais

Dans le patrimoine culturel national, il y a des composantes qui ont une importante valeur socioéconomique indéniable. C'est le cas du tambour et des aires protégées dont les potentialités touristiques ne sont plus à démontrer. De telles composantes doivent être sauvegardées pour être léguées aux générations futures.
Par contre, il y a d'autres éléments du patrimoine culturel qui peuvent être des entraves au développement tant souhaité. C'est le cas de l'héritage culturel qui maintient la femme dans un rang inférieur par rapport à celui de l'homme. Pour cet élément, un des conséquences qui ont retenu l'attention des décideurs est la sous-représentation des femmes dans les instances de prise de décisions. Ce n'est qu'à une date récente que cette question a été prise au sérieux mais la suite a été heureuse. La dimension genre a été adoptée et constitutionnalisée pour que la femme soit plus représentée dans les instances décisionnelles. Mais le chemin à parcourir, pour gagner le pari de l'égalité des genres, reste long.
De tels éléments du patrimoine culturel, considérés comme des handicaps ou des freins au développement socioéconomique, ont besoin d'être débattus à fonds pour s'inscrire dans la logique du changement qui valorise tout être humain, quelle que soit sa catégorie. Les analyses qui suivent illustrent quelques situations de la confrontation de la culture burundaise au modernisme ou de la persistance des éléments culturels "rétrogrades" et les défis à relever pour garder des éléments positifs et bannir des éléments négatifs du patrimoine culturel national. 

2.2.1. Progressisme et dégradation de la culture burundaise

Plus haut, le kirundi a été décrit comme la langue nationale parlée et comprise par l’ensemble de la population. Nombreux sont les Burundais qui sont très fiers de leur langue et la considèrent comme une aubaine. Toutefois, le "progressisme" fait que certains Burundais, une minorité certes, surtout ceux que l'on considère comme des "intellectuels" encouragent leurs enfants à apprendre le français ou l'anglais au détriment du kirundi. Au salon, certains parents sont très fiers quand leurs enfants savent s'exprimer en français impeccable, devant des visiteurs, même s'ils sont incapables de formuler une seule phrase en kirundi.
Le même "progressisme" fait que dans certains ménages des milieux urbains, comme la zone Buyenzi de la Mairie de Bujumbura, les parents ne sont pas inquiets quand leurs enfants ne parlent que du swahili. Dans ces localités, est ridicule la personne qui ne parle que le kirundi sans pouvoir s'exprimer en swahili. Mais l'inverse est une situation jugée normale. Il n'y a pas longtemps, dans certaines écoles secondaires, le fait de parler swahili était un grand atout pour un jeune footballeur qui prétendait faire partie de l'équipe de l'établissement. La connaissance de cette langue passait avant les performances sportives sur terrain. A ce sujet, combien de parents connaissent des contes, "imigani" la poésie dite "ibicuba" pour les apprendre à leurs enfants ? Les chansons, les poèmes, les contes, les proverbes et les dictons qui étaient déclamés le soir, autour du feu, par les ancêtres en faveur de leurs enfants, de leurs petits-fils et petites-filles, ne le sont plus à grande échelle comme c'était autrefois.
Au niveau des croyances, l'opinion semble être partagée quand on évoque la place ou l'importance du métier des guérisseurs dans la société. Pour certains "progressistes", les guérisseurs ou les tradi-praticiens sont de purs charlatans qui ne devraient même pas exercer leur métier en face de la médecine moderne. Pour ceux-là, le cas de l'Abbé Léopold Mvukiye, diplômé de l'université du Burundi, qui traite des maladies de façon traditionnelle à Buta est atypique. Et pourtant tout le monde sait que tous les Burundais n'accèdent pas à la médecine moderne. Et à l'Abbé Mvukiye de s'interroger : "cette couche sociale de la population qui n'accède pas à la médecine moderne, pensez-vous qu'elle ne tombe jamais malade ? S'elle tombe malade, où va-t-elle se faire soigner ? C'est chez les tradi praticiens " C'est pour dire que les tradi praticiens font leur travail et les patients qu'ils guérissent ne cessent de témoigner. Il est à souligner qu'en Ouganda, les tradi praticiens se sont organisés pour devenir de véritables auxiliaires du ministère ayant la santé publique dans ses attributions.
 

2.2.2. Contraintes financières: menace à la culture burundaise

Au niveau des pouvoirs publics, les contraintes financières sont une réalité. Le Ministère ayant la culture dans ses attributions souffre, comme d'autres ministères, de la faiblesse de son portefeuille budgétaire qui restreint considérablement le champ de son action.
Au niveau des individus ou associations, le défi à relever est le même. D'une façon générale, il s'agit de pouvoir sauvegarder le patrimoine culturel dans un monde où les ressources financières s'amenuisent. La résilience aux contraintes financières ou à l'érosion des revenus est tellement difficile à réussir que l'organisation de certaines activités culturelles ou cérémonies typiques en est gravement affectés. D'autre part, le défi est de pouvoir garder le patrimoine culturel positif tout en voulant "innover", copier et/ou adopter du modernisme. Qu'il suffise de jeter un coup d'œil sur l'impact des contraintes financières et du fisc sur les spectacles culturels, les films, la dot, le mariage, la levée de deuil et les espaces culturels.
2.2.2.1. Les spectacles et les films 
Quand un club se propose d'organiser un spectacle, il se heurte notamment aux difficultés financières liées à la cherté des salles. C’est à peine qu'il rentre dans ses frais. Certains producteurs ne comprennent pas comment les télévisions peuvent diffuser leurs films sans payer un seul sou. A cela, s’ajoute un cadre fiscal que certains artistes trouvent peu favorable au développement de la culture : forte taxation du livre considéré comme "objet de luxe", manque de mesures incitatives pour l’investissement dans le domaine culturel.
2.2.2.2. Le mariage et les autres fêtes associées
Avant la dot, les deux familles des futurs époux organisent la fameuse pré-dot, ou "gusaba amarembo" en kirundi qui est une fête qui n'est pas des moins budgétivores. Au départ, ce premier contact avait pour but de fixer le montant de la dot. Aujourd'hui, ce sont les fiancés qui se mettent d'accord entre eux pour fixer ce montant. 
S'il y a une fête qui ruine les familles des futurs époux, c'est bien le mariage des enfants. Si la famille du futur époux a consenti de "payer" quelques têtes de vaches ou quelques millions de francs burundais, et il y en a qui y arrivent, la famille de la future épouse ne gardera grand-chose de ce qui aura été apporté en dot. Tout sera dépensé lors du mariage et de la levée de voile. Dans le pire des cas, la famille de la future épouse s'endettera pour organiser "une cérémonie grandiose" de mariage et de levée de voile de sa fille. Les boissons, la location de la salle de fête, les véhicules, les décorations, la sonorisation, pour ne citer que ces postes de dépenses, sont extrêmement budgétivores. Il est vrai que même dans le passé le mariage était une fête qui occasionnait beaucoup de dépenses mais le modernisme a renchéri davantage.
Dans le passé la cérémonie de levée de voile avait généralement lieu le lendemain du mariage. Aujourd'hui, il y a des familles qui, voulant faire des économies, battent le record d'organiser la dot, le mariage civil, le mariage religieux et la levée de voile le même jour. Elles réussissent cet exploit mais nombreux sont ceux qui estiment qu'une telle organisation est une dénaturation des cérémonies. C'est une atteinte à la culture nationale.
 
2.2.2.3. La levée de deuil 
Quelles que soient les bourses, la levée de deuil est une autre cérémonie qui ruine les familles au Burundi. Normalement la levée de deuil se fait en temps : la levée provisoire qui consiste à honorer la mémoire du défunt pendant une semaine et la levée définitive qui est organisée intervient en général une année après. Pour l'Abbé Adrien Ntabona, les gens ont détourné le sens symbolique du rituel. Auparavant, les invités offraient des cadeaux utiles en nature (vivres, bois de chauffage, poules, chèvres) pour soutenir la famille éprouvée et attirer sur elle la bénédiction divine. Actuellement, l'aspect commercial prime sur les liens de parenté. Comme il faut débourser à chaque fois entre 5 000 et 10 000 FBu, un fonctionnaire moyen ne dépensera pas moins de 120.000 FBu dans une année. Quand il s'agit d'un ami ou d'un parent proche, il faudra payer plus. Avec la cherté de la vie, certains ménages n'hésiteront pas à s'endetter. Comme le confirme l'Abbé Ntabona, le modernisme a détourné la cérémonie pour en faire une spéculation commerciale centrée sur l'ostentatoire. 
2.2.2.4. Les espaces culturels 
Les personnes affectées aux espaces culturels se plaignent toujours de ne pas être motivées, sous entendant que leur intéressement est modique. A cela s’ajoute la quasi-absence de suivi de la part du département de tutelle. Les Centres de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC), quant à eux, sont obligés de payer des loyers en constante croissance, faute de local propre, ce qui, en définitive, débouche sur leur fermeture.
Dans les écoles secondaires, il y a de petites bibliothèques. Leur équipement est souvent sommaire faute de moyens. Le théâtre y est pratiqué mais il souffre de l'insuffisance de l'encadrement. L’Eglise catholique fournit sa contribution en diffusant le journal «Ndongozi y'Uburundi» et par l’organisation des mouvements d’Action Catholique qui incluent dans leurs programmes les activités culturelles mais l'insuffisance des ressources reste une contrainte pour tous les intervenants. 

2.2.3. Peur du changement et l'ignorance: facteurs de persistance d'une culture rétrograde

Le Burundi a ratifié un bon nombre d'instruments internationaux de droits humains. Il les a même incorporés dans la Constitution qui stipule que les enfants, fille et garçon, naissent libres et égaux en droits et en devoirs. Il y a un bon bout de temps qu'une certaine opinion, représentée surtout par les défenseurs des droits humains, se préoccupe de la question de succession. Bien que cette problématique concerne une grande partie de la vie des Burundais, la question reste régie par la coutume alors que tous les autres secteurs de la vie sont actuellement régis par des lois bien précises. Les femmes sont très concernées par la question de succession. Selon le Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2008, sur 80,2% de la population qui a la propriété foncière, 62,5% sont des hommes et 17,7% sont des femmes. 
La question de succession est délicate. Elle fait encore peur à une grande partie de la population burundaise qui souhaite qu’elle reste régie par la coutume qu'une certaine opinion trouve inadaptée et dépassée.  Pour ce dossier de succession, le modernisme n'a pas influencé les Burundais.
Dans une situation de faible niveau d’instruction, les femmes ne peuvent pas bénéficier pleinement des programmes d’information et restent dans une ignorance mentale. S’elles ne s’adonnent pas à des pratiques obscurantistes, pour "éloigner le mauvais sort". En cas d'injustice, elles ne porteront pas plainte sous la pression de la coutume et des traditions qui les contraignent à garder le silence. Si elles osent porter plainte, elles soustrairont rapidement leur plainte de la justice suite aux pressions et menaces de la part des membres des familles des époux. 
Pour cet aspect de l'ignorance, il faut tout de même noter qu'au Burundi, le taux d'alphabétisation est en hausse depuis la loi de 2005 sur la gratuité de l'éducation primaire. Le grand nombre d'élèves amenés sur les bancs de l'école a largement surpassé la capacité d'accueil des écoles, les infrastructures et le nombre des professeurs. 

2.2.4. Difficile cohabitation entre la poussée démographique et les aires protégées

Plus haut, les aires protégées ont été décrites comme des sites à fortes potentialités touristiques. Aujourd’hui force est de constater que ces aires protégées sont en continuelle dégradation due surtout au défrichement cultural, la pression démographique y étant pour quelque chose. Cet état de choses est à l’origine des conflits divers entre les communautés locales et les gestionnaires des aires protégées. La gestion de ces aires est caractérisée par une stratégie coercitive restreignant fortement l'utilisation de leurs ressources naturel¬les par les populations riveraines. 

3. Sauvegarde du patrimoine culturel burundais : quelles solutions et quelles stratégies

La consolidation de la culture nationale, comme un facteur du développement humain durable, est un enjeu crucial. Alors que certains aspects du patrimoine culturel ont subi de rudes épreuves depuis des temps reculés, comme l'interdiction de l'Umuganuro, fête des semailles, la restauration et la consolidation du patrimoine culturel national requiert l’effort de tous et devrait guider le vécu quotidien des Burundais.
Plus haut il a été décrit quelques dispositions des principaux textes de planification, à savoir la Vision 2025, le CSLP II et le PNDB 2018-2025. Ces instruments de planification édictent, en même temps, toute une série de stratégies et d'actions à mener pour sauvegarder ou promouvoir la culture nationale. La question est de savoir si ces dispositions suffisent ou s'il n'y a pas lieu de les compléter. Tout semble signifier que ce qui a été réalisé dans le cadre de ces outils de planification est nécessaire et pertinent mais ne suffit pas. D'autres stratégies et d'autres actions sont à adopter. Sous ce titre, il sera question d'identifier de nouvelles propositions et d'approfondir celles en vigueur tout en explorant les réflexions et suggestions de certaines hautes personnalités.

3.1. Quelques pistes de solutions complémentaires

La société doit arriver à faire évoluer ses habitudes et ses mentalités. Pour cela au-delà des Objectifs du Développement durable, ODD, et des conventions internationales ratifiées, la vision d’une culture participant à la dynamique du développement humain durable doit s'accompagner de stratégies claires. 
Plus haut il a été signalé que le secteur manque de visibilité, d'organisation efficiente et de structures professionnelles et éprouve des difficultés financières. L'organisation est jugée peu efficiente tandis que l’entreprenariat culturel reste une notion encore balbutiante au Burundi.
Une des stratégies découle de ce constat. En approche participative, tous les Burundais sont appelés à réfléchir et à se remettre en cause pour identifier les meilleures approches de sauvegarde du patrimoine culturel révolutionnaire, c'est-à-dire auxiliaire du développement et exempts d'éléments jugés rétrogrades. Le patrimoine culturel devrait s'auto entretenir. Autrement dit il devrait générer, lui-même, les ressources de son développement. Si le tambour du Burundi est apprécié un peu partout dans le monde, qu'est ce qui l'empêche de générer des devises ? Si certains rites sont budgétivores, qu'est ce qui nous oblige à continuer de les organiser et même à accroître le coût de certaines composantes ?
En 1985, le Président Jean Baptiste Bagaza avait adopté des mesures visant la restriction des fêtes jugées trop budgétivores pour les familles. Plutôt que d'adopter des mesures coercitives, il faudrait préalablement organiser un large débat de société sur la nouvelle forme à donner à ces cérémonies qui ruinent les ménages, en tenant compte de la situation socio-économique du pays.

3.2. Quelques actions à mener et attitudes à adopter adapter la culture au contexte

À partir des résolutions et recommandations arrêtées lors des débats proposés plus haut, la prochaine étape serait de sensibiliser la population en général et en particulier les jeunes. 
Des réflexions éparses ont été déjà menées ici et là. Pour certains radicaux, il y a des cérémonies qu'il faudrait abandonner purement et simplement. C'est le cas de la levée de deuil qui est avant tout une affaire de famille, une cérémonie qui ruine les gens et qui n'enrichit personne. Pour d'autres, moins radicaux, il est hors de question d'abandonner la cérémonie de levée de deuil. Plutôt que de la supprimer, il faudrait mûrir la réflexion, débattre autour de sa simplification et des mécanismes d'appui aux familles nécessiteuses, en utilisant des fonds initialement affectés à la location des salles, à l'achat des boissons et à d'autres dépenses. Ce n'est qu'à cette condition que la cérémonie aurait un sens humain. 
Plus que dans le passé, les jeunes diplômés sont éprouvés par le chômage. Ont-ils des yeux ouverts pour voir que les choses ont changé ? Sont-ils prêts à changer et à vivre le contexte ? Monsieur Winston Churchill disait : "Vaut mieux prendre le changement par la main avant qu'il ne vous prenne à la gorge". Les jeunes et leurs parents doivent effectivement changer leur vision de la culture et hiérarchiser les fêtes selon le degré de parenté et la bourse des ménages ? A ce sujet l'abbé Ntabona Adrien, s'exprimant sur la cérémonie de levée de deuil, conseille aux familles déjà accablées par la cherté de la vie d'arrêter ce "commerce dévalorisant" et de renouer avec la tradition. Monseigneur Venant Bacinoni exhorte ceux qui organisent des fêtes de réduire fortement les boissons, surtout importées, les décorations, les sonorisations les danses folkloriques, les cadeaux (imirongo y’ibiseke) les habits loués, etc.
Tout en gardant notre culture, il y a effectivement des cérémonies dont les ménages peuvent se passer ou simplifier. Pour une opinion, plus ou moins partagée, les fêtes organisées quand un jeune élève termine les humanités ou à l'occasion des anniversaires sont des occasions créées pour dépenser inutilement. Souvent nous ne savons pas mesurer la portée de nos actes. Pour feu Gérard Nibigira, qui fut alternativement ministre du plan et Ministre des finances, "des parents qui n'hésitent pas à contracter des crédits afin d'organiser des fêtes pour leurs enfants qui terminent la sixième primaire ou l'école secondaire participent à la spirale inflationniste de l'économie". Combien de burundais connaissent cette réalité ?

Conclusion

La culture d’un Etat n’est pas figée. Elle est amenée à évoluer. En fonction des enjeux et des besoins, les citoyens doivent y apporter des ajustements. Au Burundi, le patrimoine culturel est très riche, très ancien et très original mais certains facteurs de sa sauvegarde ou de son altération existent.
Si l'Umuganuro était l'occasion annuelle pour le roi de se retrouver avec les représentants des différents territoires de son royaume, il est temps de réfléchir dans le sens de commémorer cette fête extrêmement historique. Le Burundi est connu à travers le monde par ses célèbres tambours. Comme l'UNESCO en a fait un élément du patrimoine mondial, il est plus que temps que le Burundi en fasse un facteur de développement socioéconomique typique compte tenu de sa forte potentialité touristique. Dans la même logique, plus que dans le passé, la langue nationale, le kirundi, les monuments, les sites historiques, les aires protégées, les croyances, le métier des guérisseurs, pour ne citer que ces éléments doivent, d'une part, contribuer à la consolidation de l'Etat-Nation et, d'autre part, participer au développement humain durable.  
Par contre, tous les éléments du patrimoine culturel jugés rétrogrades, comme les cérémonies de mariage, de levée de deuil, dénaturées avec le temps et devenues budgétivores, la faible prise en compte de la dimension genre, éléments considérés actuellement comme des menaces à la société, doivent être débattus pour être transformés en opportunités.  

Référence Bibliographique: 

  • République du Burundi 2011. Vision Burundi 2025. Bujumbura : Ministère du Plan et du Développement Communal/Cellule prospective. République du Burundi 2018. Plan National de Développement du Burundi 2018-2027. Bujumbura : République du Burundi.
  • République du Burundi 2006. Monographies des provinces de Gitega, Bururi, Makamba et Ngozi, Bujumbura: Ministère de la Planification du Développement et de la Reconstruction Nationale.
  • Kinezero, M et Gasunzu, P 20l2. A la découverte du Burundi, Cœur d'Afrique. Bujumbura.
  • Culture du Burundi, http://fr.m.wikipedia.org, consulté le 25 juin 2019. La culture burundaise, sauvegarde des dictons, des proverbes et des contes, www.ppbdi.com, consultée le 26 juin 2019
  • Songore, N 2013. Rapport de l'atelier de réflexion et d'échange sur la mise en œuvre de la Politique culturelle du Burundi, Bujumbura : Rapport.
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