OÙ VA L’UNION EUROPÉENNE ?

Abstract: 

Taking a bird’s eye view on the social, political, economic challenges facing the European Union, the chronicler wonders where the European Union is going.Indeed, the Union is plagued overwhelmingly by the effects of economic globalisation, the economic recession which is raging in all the member countries of the Union, the return to national interest, the debt crisis in certain member countries with policies of austerity as way out, the rise of euro-scepticism among citizens, and the rise of regionalisms. In the attempt to make sense out this worrying situation, the chronicler discusses three possible scenarios that could be envisaged, namely the dissolution of the Union, the stagnation, or a political start over. Despite the pessimism to which the present situation seems to lead, there is still hope based on the growing shared responsibility and participation of all citizens of each country.

1.       Introduction

L’Union européenne connaît à l’heure actuelle une conjoncture particulièrement difficile et inquiétante tant au niveau économique que politique. Est-ce seulement une mauvaise passe ? Il est difficile de le dire. Trois scénarios sont sans doute possibles : la dissolution de l’Union, une stagnation, synonyme peut-être d’une mort lente, ou une relance politique. Je voudrais ici préciser les difficultés, les impasses et les enjeux de la situation présente.

 

Ce présent est marqué par les effets de la mondialisation, par une récession dans l’ensemble des pays membres de l’Union, par le repli sur l’intérêt national, par la crise de la dette de nombre de pays membres, avec les politiques d’austérité qui cherchent à y remédier, par l’euroscepticisme croissant de la part des citoyens, par la montée des régionalismes…

2. L’Union européenne et la mondialisation

La Communauté européenne, créée par le Traité de Rome en 1957, faisant suite à la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier, 1950), réunissait six États : France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg. La mise en commun des économies devait assurer définitivement la paix entre ces pays, – objectif atteint, mais est-il définitivement assuré si tout dérape ? – et mettre en commun les économies, tendre vers un marché unique, en vue d’une croissance partagée dans la coopération et la solidarité. Peu à peu le marché commun s’est mis en place. On présupposait que l’économie commune serait comme le pilote automatique et le moteur d’un processus historique conduisant à une union des peuples.

 

La création d’une monnaie commune faisait dès le départ partie de l’objectif de ce marché commun : l’euro a été créé, bien que tous les États n’en soient pas partie prenante. Mais les conditions de fonctionnement de ce marché et de l’institution européenne qui l’accompagne ont complètement changé. Deux facteurs ont été déterminants dans ce changement. D’une part, la mondialisation telle qu’elle s’est mise en place et s’est imposée, surtout après la chute du communisme soviétique ; d’autre part, le fait qu’on est passé de six pays à vingt-sept actuellement (et à moyen terme à plus d’une trentaine).

 

Lors de la création de la Communauté européenne, le marché était relativement cloisonné : les principaux échanges commerciaux, tant agricoles qu’industriels, avaient lieu entre les six pays fondateurs et, mais à un degré moindre, au sein de l’Europe occidentale (sauf pour l’automobile, où les États-Unis étaient très présents). On était par ailleurs en période de forte croissance. Les syndicats, en particulier dans l’industrie lourde, étaient puissants et constituaient un rapport de force et de négociation permettant un partage de la croissance et une amélioration des conditions de vie (santé, vacances, retraites…) au profit des travailleurs et des personnes âgées. Cette mécanique positive a été brisée dans la seconde moitié des années 70, la croissance s’effondrant.

 

La mondialisation s’est imposée avec ses deux caractéristiques : l’effacement des frontières, sous le contrôle de l’Office Mondial du Commerce (OMC), et la montée progressive des pays émergents, en particulier ceux d’Asie. Il en est résulté une concurrence accrue sur le coût du travail, les produits importés étant nettement moins chers que les produits fabriqués sur place. Concurrence d’abord des produits peu élaborés, comme le textile, et ensuite montée en puissance des produits industriels, comme l’automobile et les produits électroniques. Cette concurrence a eu pour conséquence une pression très forte sur les salaires et une augmentation du chômage suite à la faillite d’entreprises trop peu rentables ou à leur délocalisation.

 

La situation a été rendue d’autant plus difficile du fait des élargissements successifs, pour atteindre à l’heure actuelle vingt-sept membres. Avec un peu de bonne volonté et des concessions réciproques, on arrivait sans trop de difficultés à négocier à six pour aboutir à ces consensus qui permettaient à chacun d’y trouvait son compte. À quinze, avant le grand élargissement à l’Europe centrale, les choses étaient moins simples, mais on y arrivait encore à force de négociation. Au fur et à mesure de l’élargissement de la table des négociations et de la divergence croissante des intérêts, les consensus sont de plus en plus difficiles à obtenir.

 

Dernier facteur, lié aussi à la mondialisation, le développement et l’imposition d’un capitalisme financier marginalisant le capitalisme industriel : le marché dominant n’est plus celui des producteurs, mais celui des finances, constitué d’opérateurs sans frontières, sur lesquels les États individuels n’ont pratiquement pas de prise, et dont la puissance financière est plus importantes que celle de la majorité des États. Pour ces opérateurs, seul le profit à court terme vaut.

3.La primauté de l’intergouvernemental sur le communautaire

Les procédures décisionnelles sont complexes dans l’Union européenne. La procédure législative ordinaire, qui a été étendue à de plus en plus de domaines, est celle d’une codécision qui repose sur l’interaction entre trois acteurs. La Commission fait une proposition, à sa propre initiative ou à la demande des États, et cette proposition est soumise à la fois au Parlement européen et au Conseil (formellement, le Conseil de l’Union européenne, qui réunit l’ensemble des ministres compétents dans le domaine traité), avec des procédures d’amendements et de conciliation, et la nécessité d’obtenir de la part du Conseil une majorité qualifiée (en simplifiant, une majorité des deux tiers). Cette procédure vaut dans l’ensemble du domaine économique et ce qui lui est directement lié, mais non en ce qui concerne le social et le fiscal, ni tout ce qui relève de la politique étrangère et de la défense. Ces domaines sont régis par l’unanimité, ce qui signifie qu’un seul pays peut mettre son veto et bloquer toute discussion[1].

À côté de ces trois instances, – Commission, Parlement et Conseil, – il y a eu depuis la  création de la Communauté européenne une instance politique informelle : la rencontre régulière des chefs d’État et de gouvernement, qui élabore les grandes orientations politiques communes. Depuis le traité de Maastricht (1992), cette instance a été officiellement instituée et est devenue le Conseil européen. Ces dernières années, et en particulier depuis la crise financière de 2008, ce Conseil s’est réuni de plus en plus souvent et à pris un pouvoir croissant, dans un processus de décision qui court-circuite tant la Commission que le Parlement. C’est à ce niveau seulement qu’a été traitée la réponse à donner à la crise de la dette. Or ce déplacement du lieu décisionnel a une signification politique importante. La Commission est censée représenter le bien de l’ensemble des pays membres en tant qu’ils constituent une union ; le Parlement, lui, représente les peuples européens dans l’expression des différentes options idéologiques (socialistes, démocrates chrétiens, libéraux, écolos, etc.). Par contre, le Conseil européen est le lieu de la confrontation des intérêts nationaux divergents, lieu de compromis, voire de chantages, car il fonctionne selon le principe de l’unanimité.

 

Dans le contexte des difficultés économiques des différents États, la tendance est alors de réduire le champ d’action de l’Union en tant que telle, en réduisant systématiquement les dépenses, ce qui met de fait en cause les politiques et les responsabilités décidées par ailleurs (voir plus loin au sujet du budget européen).

 

Plus fondamentalement, il y a un déséquilibre entre la puissance du marché et de l’économie, d’une part, et la fragilité du pôle politique, d’autre part. Le traité de la CECA (1950), traité proprement économique, devait être suivi d’un traité établissant une défense commune : la Communauté européenne de défense (CED). Ce traité signé par les six pays membres de la CECA et ratifié par cinq d’entre eux s’est heurté à un veto du parlement français (1954). Or le traité de la CED prévoyait explicitement la

négociation d’un nouveau traité créant une Communauté politique européenne. Le refus de la France a de fait enterré la perspective politique jusqu’à ce qu’elle soit timidement réintroduite par le traité de Maastricht (1992). La situation est d’autant plus difficile que l’Angleterre, depuis son adhésion (1973), pousse systématiquement à la libéralisation du marché en bloquant toute initiative politique. Les tendances néolibérales dominantes depuis l’époque de Reagan aux États-Unis et de Thatcher en Grande-Bretagne ont contribué à délégitimer la puissance politique, la Commission européenne elle-même étant sensible à cette tendance.

 

L’inconsistance politique de l’Union européenne l’empêche d’être un véritable acteur mondial, en particulier face aux États-Unis ou à la Chine, et face au processus de mondialisation. Le protectionnisme, qui implique une certaine fermeture des frontières et l’imposition de droits de douane élevés, conduit à une impasse, parce que les mesure de rétorsion seraient brutales, et le manque d’autorité politique commune n’offre pas les moyens d’un véritable pare-feu à la puissance des marchés mondialisés, pare-feu qui devrait reposer sur une politique industrielle commune active et innovante et une politique fiscale convergente.

4.Le difficile parcours de l’euro

La monnaie unique, l’euro, est introduite en 1999 pour les transactions financières, et en 2002 pour la circulation des billets et pièces. Actuellement dix-sept pays sont membres de l’eurogroupe. L’euro présente bien des avantages : il est devenu une valeur internationale rééquilibrant un peu la toute-puissance du dollar ; il facilite les déplacements entre les pays membres, sans plus de problèmes de change ; il simplifie les transactions commerciales, etc. Mais l’euro présente aussi des inconvénients et surtout des incohérences, et en raison de celles-ci il déstabilise l’Union. Les pays membres perdent évidemment une partie de leur souveraineté au profit d’une souveraineté commune : de ce point de vue, l’euro est l’institution européenne la plus proprement fédérale. De ce fait, les gouvernements n’ont plus la possibilité de jouer sur les taux de change et de dévaluer éventuellement pour soutenir leur économie. Pour assurer une certaine cohérence, les États membres ont signé un Pacte de stabilité qui impose une discipline commune, entre autres en termes de déficits publics. Ce pacte accordait à la Commission un pouvoir de contrôle et de mise en cause des États ne respectant pas les termes de ce Pacte, et à la limite de les traduire devant la Cour européenne de Justice. Or il se fait que les deux premiers pays à ne pas avoir respecté les clauses de ce pacte en ce qui concerne le déficit public ont été la France et l’Allemagne, c’est-à-dire les deux économies les plus fortes de la zone euro. Politiquement, il a été hors de question que la Commission intervienne. Résultat, cette dernière a été privée du pouvoir de contrôle et d’intervention pour tous les autres États. On savait plus ou moins que la Grèce avait triché ou trichait, qu’elle trafiquait ses comptes, mais la Commission avait été désarmée.

 

Mais il y a plus grave : l’euro a été introduit dans des pays dont les performances économiques sont très différentes. Les conséquences négatives de ce fait apparaissent brutalement aujourd’hui, alors qu’on avait espéré que l’euro contribuerait à une certaine convergence des économies et des sociétés. L’introduction de la monnaie commune, gérée par la Banque centrale européenne (BCE), a eu pour conséquence que les gouvernements ont perdu l’instrument monétaire d’ajustement (possibilité de dévaluer pour favoriser les exportations) et l’euro a, de ce fait, accru les inégalités entre les pays du Nord, fortement industrialisés, et en particulier l’Allemagne, et les pays périphériques : Grèce, Irlande, Espagne, Portugal et même Italie. Par ailleurs, l’Allemagne a de fait imposé sa politique économique et financière à la BCE : lutte prioritaire contre l’inflation et taux d’intérêts bancaires très bas. Cette politique a incité les pays dont l’économie est plus faible et moins productive à fortement emprunter (tant au niveau des États, que des entreprises et des particuliers), en accumulant une montagne de dettes auxquelles ils n’ont plus pu faire face. La plupart des grandes banques allemandes surtout et françaises, par calcul de profit et par imprudence ont prêté sans compter. Cet endettement a entraîné, pour les pays débiteurs, des taux d’emprunt sur les marchés internationaux tout à fait prohibitifs, augmentant encore leur endettement. Au risque de se trouver affrontés à des problèmes majeurs de solvabilité de leurs grandes banques (too big to fail), les États membres de l’euro ont dû intervenir pour empêcher les États endettés, à commencer par la Grèce, d’être conduits à la faillite. Les plans d’aide ont ainsi été mis en place, avec retard et beaucoup de réticence, et en espérant récupérer une partie de la mise (solidarité très parcimonieuse), plans finalement beaucoup plus coûteux pour tous que si on avait joué la solidarité et le soutien de façon plus rapide. Mais tout n’est pas encore gagné : la Grèce ne représente pas grand-chose, ni le Portugal ni non plus l’Irlande, pour lesquels il a aussi fallu intervenir. Si les difficultés financières et budgétaires de l’Espagne ou de l’Italie venaient à s’aggraver (ce qui n’est pas impossible), le problème deviendrait beaucoup plus délicat et menacerait la stabilité de l’euro. L’instabilité politique de l’Italie n’arrange rien.

5.Euroscepticisme et tendances centrifuges

Dans le contexte économico-politique présent les citoyens souffrent : le chômage ne cesse d’augmenter et la durée des allocations se réduit un peu partout ; la pression sur les salaires est considérable ; les statuts salariés sont de plus en plus précaires ; le modèle social européen (en fait différents modèles offrant cependant une certaine convergence par rapport aux États-Unis ou à l’Asie), qui offrait de sérieuses garanties à tous (éducation, santé, retraite, etc.) et spécifiquement aux plus faibles  (allocations de chômage, allocations familiales, aides au logement, aides diverses pour les situations de pauvreté, etc.), ce modèle social est de plus en plus érodé[2]. Il en résulte un mouvement profond de sentiment populaire de méfiance et de critique par rapport à l’institution européenne. Des sommes gigantesques ont pu être dégagées par les États pour sauver les grandes banques menacées de faillite à cause de leurs opérations spéculatives (subprimes et titrisation), faillite qui aurait objectivement entraîné le chaos. La plupart des banques se sont redressées, mais on ne trouve pas les ressources pour lutter contre l’appauvrissement de secteurs importants de la population. Différents sondages montrent que les travailleurs moins qualifiés, les chômeurs et les jeunes sont ceux qui contestent le plus l’Union européenne : c’est eux qui souffrent le plus. L’Europe est devenue le bouc émissaire des difficultés sociales, alors que les décisions principales, dans ce domaine, ont été prises soit au niveau du Conseil européen (c’est-à-dire à celui des chefs d’État et de gouvernement), soit au niveau national. Le chacun pour soi des procédures intergouvernementales empêche toute orientation et toute action commune de quelque ampleur.

 

Objectivement, le fonctionnement européen est par ailleurs de moins en moins démocratique : tant les parlements nationaux que le Parlement européen sont de plus en plus court-circuités du fait de la prise de pouvoir du Conseil européen, Conseil largement soumis aux injonctions du marché financier mondial.

 

La menace de dilution du projet européen pèse considérablement dans ce contexte. Elle prend différentes expressions. Les citoyens se sentent de plus en plus éloignés des processus de décision européens, sans prise sur eux, du fait du fonctionnement intergouvernemental, les chefs d’État et de gouvernement n’étant tenus de rendre aucun compte aux parlements respectifs, et du fait de la complexité croissante de la législation et des règles européennes devenues totalement illisibles. Résultat la participation aux élections européennes de 1979 à 2009 est tombée de 63% à 43%. Or, sans adhésion citoyenne, le projet européen perd de sa légitimité et est, de plus, menacé de s’effondrer.

 

L’Union est maquée par une autre contradiction : le Conseil européen lui assigne des responsabilités croissantes, cohésion territoriale, stimulation de l’innovation, politique énergétique, etc., mais ne cesse de réduite son budget.  Ce budget est fixé selon un cadre pluriannuel de six ans par le Conseil européen. Jusqu’en 2007, il était fixé à 1,17% du Produit Intérieur Brut (PIB) des pays membres : à cette époque on avait déjà dénoncé le fait que l’élargissement demandait un effort supplémentaire. Cet effort avait été refusé. Pour le cadre financier 2007-2013, ce taux a déjà été réduit à 1,12%. Dans le contexte présent de crise et d’austérité, les débats en vue de définir le cadre 2014-2020 ont été très difficiles. Le premier ministre britannique, David Cameron, avait déclaré que si ce budget n’était pas réduit, il opposerait son veto. On est arrivé à un accord sur 1% du PIB. Le Parlement européen, qui doit ratifier ce budget, a déclaré par la voix des présidents de ses quatre principaux partis (socialistes, démocrates chrétiens, libéraux et écolos) qu’il le refuserait, le jugeant inacceptable. Il faudrait alors reprendre les négociations année par année, ce qui promet de fameux affrontements…

 

L’Union est, par ailleurs, confrontée à une montée incessante à la fois des nationalismes et des revendications régionalistes : il y a un double repli sur le périmètre national par rapport à la réalité européenne, et sur le périmètre régional par rapport à la réalité nationale. Il s’agit toujours de régions plus riches que l’État dans lequel elles sont incluses, régions qui souhaitent ne plus contribuer au soutien de régions nationales plus pauvres. C’est depuis plusieurs années le cas de la Flandre par rapport à la Belgique, du Pays Basque par rapport à l’Espagne, de la Padanie (Nord de l’Italie) par rapport à l’Italie, de l’Écosse par rapport à la Grande-Bretagne, après que l’ancienne République de Yougoslavie s’est fragmentée en une série d’États indépendants. Il y aura un référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014. Si le oui l’emporte, il est sûr que cela aura une influence sur les autres régions revendiquant leur autonomie. Cela conduira à une fragmentation croissante de l’Union européenne en une multitude de petits États rendant les processus décisionnels de plus en plus ingérables.

 

Enfin, il y a le fait que David Cameron a annoncé que s’il est réélu en 2015, il organisera un référendum proposant le retrait de l’Angleterre de l’Union européenne. Si le oui l’emporte, ce qui est possible et dans l’état actuel des choses vraisemblable (mais Cameron n’est pas encore réélu !), cela aura aussi de très grandes conséquences sur l’ensemble de l’Union. En attendant, Cameron joue constamment le chantage, sous cette menace, empêchant toute avancée politique. Il veut obtenir une renégociation des traités permettant à la Grande-Bretagne de décider des règles et politiques auxquelles elle participerait et de celles auxquelles elle se soustrairait : une Europe complètement à la carte. Très clairement, les autres pays membres refusent une telle perspective qui détricoterait totalement le projet européen.

6.L’avenir de l’Union et l’avenir de la démocratie

Dans la conjoncture présente, la démocratie est doublement menacée. Comme je l’ai souligné, elle l’est d’abord au niveau proprement européen, où la mécanique  communautaire est grippée, le Conseil européen ayant de fait pris le pouvoir en dehors de tout contrôle parlementaire, tant européen que national, tandis que la Commission a pris une tournure trop technocratique. Mais la démocratie est aussi menacée au niveau national. La souffrance et la déception d’une partie significative de la population, en particulier dans les milieux populaires, ouvre le champ aux discours populistes qui sont porteurs de promesses intenables, souvent animés de perspectives souverainistes antieuropéennes, et qui alimentent les sentiments anti-immigrés et islamophobes. Les dernières élections en Italie, en France, aux Pays-Bas ou en Belgique, à des titres divers, sont significatives à cet égard. Dans plusieurs pays, il est très difficile de dégager des majorités gouvernementales et ces majorités sont fragiles. Certains, trop rapidement peut-être, font un parallèle avec les années 30 du siècle dernier qui ont conduit à la guerre. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a de quoi s’inquiéter de ce double recul de la démocratie.

 

Les situations de crise ont souvent été l’occasion d’avancées de l’institution européenne. Mais il n’y a jamais eu de crise aussi profonde que celle que nous connaissons. Cette crise a déjà permis quelques avancées positives : progrès vers une union bancaire et contrôle des banques ; mécanismes limités de solidarité avec les États menacés de faillite, débats sur la fiscalité… Ce n’est sûrement pas suffisant et c’est tardif.

 

La voie de sortie par le haut serait dans la ligne d’une Europe plus fédérale, d’un fédéralisme à inventer qui ne supprimerait pas la réalité de l’État-nation (Jacques Delors parlait d’une fédération d’États-nations).  S’agirait certainement aussi d’une Europe à plusieurs vitesses : les pays membres de l’euro constituant le noyau d’avancée. Mais il s’agirait aussi d’assurer la cohérence du projet européen, ce qui n’est pas évident : les pays membres de l’euro ne sont pas exactement ceux qui sont membres de l’espace Schengen (plus aucun contrôle aux frontières entre ces pays), ni ceux qui sont membres de l’OTAN…

 

Un effondrement de l’Union aurait des conséquences dramatiques pour la majorité des citoyens, le coût en serait énorme, la désorganisation juridique et législative très difficile à gérer. Rien ne permet dans le présent d’être optimiste, mais l’échec n’est pas non plus inéluctable. Il reste à espérer, en cherchant à développer la responsabilité et la participation citoyenne dans chaque pays. De ce point de vue, la responsabilité associative est considérable.

 

 


[1]Deux exemples du pouvoir exorbitant de petits pays. 1) L’île de Chypre (un million trois cent mille habitants) est actuellement divisée en deux du point de vue politique : la République de Chypre (un million d’habitants, seule reconnue internationalement, et concernant toute l’île) et la République turque de Chypre du Nord (trois cent mille habitants, sans reconnaissance internationale, sauf par la Turquie). Une médiation de l’ONU en vue d’une réunification, impliquant une certaine autonomie des deux parties, a échoué : le plan a été accepté à 65% par la partie turque, mais refusé à 75% par la partie grecque. Or Chypre bloque toute avancée dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. 2) La Grèce bloque de son côté toute avancée dans les négociations d’adhésion de la République de Macédoine, parce qu’elle conteste à cette république le droit de s’appeler Macédoine.

[2]L’Allemagne est l’économie la plus forte d’Europe, grâce à sa spécialisation industrielle et exportatrice haut de gamme, fondée sur la qualité, l’innovation et la performance productive. Mais la pression sur les salaires et surtout sur les statuts des travailleurs a été considérable. De ce fait la pauvreté a fortement augmenté, y compris la multiplication des travailleurs pauvres. Aujourd’hui, 15,6% des Allemands ont des revenus en dessous du seuil de pauvreté. Après plus de dix ans d’austérité, une certaine revalorisation salariale est cependant en cours.

 

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