DEVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DES ENFANTS DES FAMILLES RECOMPOSEES: CAS DES FAMILLES EN COMMUNE KINAMA, BUJUMBURA

Abstract: 

This article has focused on psychological development of children, who have been separated from their mothers, as a result of death or divorce, and they are now living with their stepmothers. The objective is to answer these key questions: How do children adapt to a new mother? What challenges do stepchildren face when they separate from their genitive mother and integrate them into a new family with a stepmother? How does integration affect psychology development of stepchildren in the new family? Thus, answers to these questions required a qualitative approach that investigated into the issue in Kinama Commune in Bujumbura. Results of the investigation reveal that, children integration into a new family disrupts their mental life because of identification difficulty with their stepmothers who are new faces for them. Indeed, stepmothers and stepchildren both misunderstand their deep affection and behavior change. Specifically, stepchildren negatively interpret the education strategies of their stepmothers and likewise do stepmothers misinterpret stepchildren’s behaviors. Furthermore, many children have revealed emotions such as anxiety, fear, anger and cognitive problem (failure at school), feeling of loss, relation problems.

 

Therefore, bringing up children in a family of social integration negatively impacts on them in that, they experience psycho-affective impairments like delinquency, social maladjustment, frustration, anxiety and depression. Therefore, the severity of psychological impairments heavily weighs on Bujumbura stepchildren, stepmothers and educators. This health issue requires psychological intervention, social expertise and support. The Ministry of Education, particularly, and its stakeholders should reflect on the best education strategies through well planned training programs for all parties involved.  

1.       Introduction

 

Cet article traite de la question du développement psychologique de l’enfant ayant été séparé de sa mère suite à des diverses circonstances (la mort, le divorce) et qui vit maintenant avec la belle-mère. Comment l’enfant parvient-il à intérioriser la nouvelle figure maternelle; comment parvient-il à affronter les problèmes dans la nouvelle famille recomposé ?

 

Quelle est son développement psychologique dans la famille recomposée ? La personnalité de l’enfant se construit par imitation et par participation aux comportements de ses parents. Chaque enfant dépend de ses parents, tant au plan spirituel qu’au plan matériel. Ainsi en est-il de son développement psycho-affectif. Pour que son développement soit favorable à la société, il faut qu’il y ait une harmonie et de bonnes relations entre les parents. Notre étude se propose de répondre à trois questions : Quelles sont les réactions psychologiques chez l’enfant, dues au remariage du père ? Quels sont les comportements et attitudes de la belle-mère face aux beaux-enfants ? Quelle pourrait être l’intervention du psychologue face à la famille recomposée? Pour répondre à ces questions, nous procédons par l’étude qualitative du cas des familles recomposées de Kinama, Bujumbura.

 

2.       Cadre méthodologique

 

Dans notre étude, nous avons  eu recours à une approche qualitative utilisant l’entretien clinique  semi-directif, l’étude de cas et l’analyse de contenu. Notre population d’enquête était de 25 enquêtés dont 10 élèves et 5 enseignants, tous de l’école primaire de Kinama I, et enfin  dix belle-mères. Au cours de notre étude, trois sortes d’outils ont été utilisés pour la collecte des données, telle que le guide d’entretien, l’observation directe et participative et enfin, la documentation. Pendant l’enquête, nous prenions notes au fur et à mesure que se déroulait l’entretien. Il fallait maintenir notre attention sur certains points de l’observation entre autres : les expressions orales et faciales, les mimiques, les gestes, le ton de la voix, les silences de l’enquête. Nous avons transcris tous les entretiens, puis nous nous en sommes imprégnés par plusieurs lectures verticales. Nous nous sommes impliqués à la recherche de la singularité de chacun donc étude de cas, car l’être humain est unique, il doit être appréhendé dans sa particularité et son unicité. Après avoir rassemblé les informations des sujets d’étude, nous avons classé le contenu selon les catégories thématiques avant de passer à l’analyse thématique des contenus.

 

3.      Présentation des résultats

 

Cette section présente et synthétise les propos recueillis auprès des interviewés. Les noms ne sont pas cités pour des raisons de confidentialité et d’anonymat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Récapitulation des cas étudiés

Code

Sexe

Age

Année

d’étude

Niveau

d’étude

Cause de

recomposition

1

A

F

13

4ème

Primaire

Séparation

2

G

M

14

5ème

Primaire

Décès

3

M

F

13

4ème

Primaire

Séparation

4

H

M

12

5ème

Primaire

Décès

5

D

F

13

4ème

Primaire

Décès

6

K

M

14

5ème

Primaire

Séparation

7

E

F

13

5ème

Primaire

Décès

8

S

F

15

6ème

Primaire

Décès

9

I

F

14

5ème

Primaire

Décès

10

N

F

15

6ème

Primaire

Décès

           

Cas observé №1

 

A est une jeune fille de 13 ans qui étudie à l’école primaire de Kinama en quatrième primaire. Sa mère a été séparée de son père quand elle avait sept ans. Elle est la sixième dans une fratrie de sept dont un garçon et six filles. Elle vient de passer deux ans avec sa belle-mère. Pendant les vacances elle se sent heureuse de vivre avec sa mère. Elle souhaite changer l’école, mais son père refuse. Elle passe beaucoup de temps dans la famille sa mère s’est remariée; car chez sa belle-mère, elle est maltraitée. Cela s’explique par des paroles blessantes que lui adresse sa belle-mère : « Uzoba imaraya nka nyoko !! (Tu seras une pute comme ta mère !!)». Ensuite, elle ajoute : « Lorsque je suis à la maison chez mon père, je ne peux pas passer deux jours sans être battue». Elle nous a dit que la seule chose qu’elle desire,  c’est l’affection dans ces mots « Si ma belle-mère me montre  de l’amour, je serai bien portante». Cette jeune fille mène une vie pleine de chagrin et de tristesse. Ses  résultats à l’école sont médiocres : le bulletin montre qu’elle a obtenu 40% pendant le premier trimestre étant la 45e  sur 55 élèves.

 

Quant à la belle-mère, elle nous disait que : « Élever l’enfant d’autrui n’est pas chose facile. Cela exige une grande patience». Elle ajoute, « Sans mentir, je ne peux pas prendre soin de ces enfants comme les miens». La jeune fille raconte : «Je me sens à l’aise lorsque mon père est à la maison! ». Quand il y a des querelles entre moi et ma belle-mère, c’est mon père qui, chaque fois, nous conseille. Mais, ma belle-mère elle, a tendance à dominer mon père dans les paroles et le convaincre que c’est nous qui sommes fautifs toujours, et la conséquence est que mon père prend la décision de nous battre après l’entretien avec lui. Quand la situation s’aggrave, nous sommes obligés d’aller appeler notre tante pour nous venir en aide, mais après son départ, la situation s’aggrave. En pleurant, elle ajoute que ça vaudrait mieux mourir que de continuer à vivre comme cela.

 

Cas observé № 2

 

Notre sujet est âgé  de 14 ans. Il étudie en cinquième primaire. Il a son grand frère et sa grande sœur. Sa belle-mère a 4 enfants. Le garçon manifeste un œil méfiant surtout envers un étranger. On voit qu’il se désintéresse de tout. Selon son éducatrice, il n’aime pas jouer avec les autres, souvent il s’isole. « Il y a des fois je ne veux pas être dans le groupe»  affirme-t-il.

D’après nos observations, il est en état de stress, car, l’éducatrice nous a dit que parfois, il pose ses bras sur la joue, mais, aussi que c’est un enfant qui frappe souvent les autres et il est toujours puni. Ensuite, les travaux accablants donnés par sa belle-mère le font souffrir moralement et psychologiquement. Nous l’avons constaté dans ce qu’il nous a dit: « Ma belle-mère  ne me permet pas d’aller jouer avec les autres, elle me donne beaucoup de travaux à faire».

 

Dans ce qu’il a raconté, il nous a fait part du climat qui prévalait dans leur maison avant la mort de sa mère. Voilà ce qu’il nous a déclaré: « Quand ma mère était vivante, elle m’aimait, m’achetait tout ce dont j’avais besoin, sans toutefois lui présenter mes doléances; mais pour le moment, je ne peux même pas trouver un stylo facilement». Cet enfant attend de la belle-mère de l’amour et ensuite la satisfaction de ses besoins (les habits, le matériel scolaire).

 

Personne dans la famille de ma mère ni de mon père n’intervient dans mes problèmes. Souvent je manque quelqu’un à qui confier mes problèmes, surtout quand je suis dépassé. Mais quand ma mère était vivante, elle nous disait de croire en Dieu, car celui qui a recours à lui trouve la solution. C’est ce que j’envisage dans ma vie. Ce garçon dit que s’il trouvait quelqu’un qui pourrait être à ses côtés pour lui donner des conseils et quelque consolation, il  croirait que Dieu lui-même pourrait lui faire des miracles, car, je  perds l’espoir de continuer à vivre ainsi.

 

Cas observé № 3

 

Il s’agit d’une Ellipse:     + fille de taille moyenne, elle est sympathique, apparemment toujours de bonne humeur. Elle est âgée de 13 ans. Elle étudie en  quatrième primaire. Elle est la cinquième dans une fratrie de six enfants. Sa mère est morte quand elle avait huit ans. Un an après, son père s’est remarié. La nouvelle femme n’a pas aimé les enfants qu’elle a trouvés  dans la maison. Elle les déteste, mais plus particulièrement, la jeune fille car, cette dernière apparait comme la plus intelligente parmi les autres qui restaient à la maison. Sa belle-mère voulait qu’elle soit envoyé chez sa grand-mère; et en la maltraitant, elle dit à son époux de l’envoyer chez sa grand-mère à Rutana, alors que cette dernière  a deux-fils et une fille.

 

Du côté de la belle-mère, elle a eu des enfants et les valorise surtout en l’absence de son mari ; ses enfants ne partagent pas la même nourriture avec ceux de la première union. « Quand notre père est absent, notre belle-mère nous considère comme elle veut, de façon qu’elle refuse même de nous donner de la nourriture», nous a déclaré l’enfant en pleurant. Pour elle, son père ne se soucie pas d’eux, car, il ne peut pas prendre même 20 minutes pour discuter avec eux et même leur donner des conseils en cas des mésententes entre eux et la belle-mère. C’est plutôt un Mushingantahe « Notable» du quartier qui vient souvent dire à leur belle-mère de les considérer comme ses enfants. Car, ils n’ont pas des droits comme les autres enfants dans la famille : « Le Mushingantahe vient nous défendre parce que mon père est corrompu par sa femme », nous a-t-elle dit. Cette fille éprouve donc de la tristesse à cause de la déception parentale surtout du substitut maternel. Elle manifeste une carence affective. Car, dans ses paroles, elle réclame de l’affection parentale.

 

Cas observé № 4

 

Il s’agit d’un jeune pubère dans une fratrie de trois enfants; il est l’ainé de la famille. C’est un garçon, qui, manifestement ne présente pas de difficultés au niveau physique, mais souffre psychiquement. On voit qu’il est réservé quand il parle. Il a peu d’amis; surtout qu’après l’école, il s’occupe de travaux ménagers. Il se montre sensible aux paroles qui lui rappellent sa situation familiale et on voit des larmes dans ses yeux. Il était brillant en classe avant la séparation, mais après le remariage, ses résultats scolaires régressent considérablement.

 

En quatrième année, il était  4e sur 50 élèves, mais en cinquième année, il est le 45e sur 47 avec une note de 41%. L’enfant nous a expliqué la cause en ces mots : « Souvent, ma belle-mère m’empêche d’aller à l’école et j’y consens pour ne pas être puni. Aussi quand je tombe malade, elle ne  peut pas s’autoriser à m’amener à l’hôpital». Nous constatons que l’enfant n’étudie pas bien car, il n’est pas motivé.

 

Il manque de résidence stable, accueillante et sécurisante. Lorsqu’il se trouve à la maison, sa belle-mère le maltraite. Lorsqu’il la quitte pour rejoindre sa mère, ses demi-frères et sœurs ne sont pas heureux de le voir. Cette situation, le déséquilibre socialement, moralement et psychologiquement. Les propos de la belle-mère sont exprimés dans ces mots: « Les enfants d’autrui sont les enfants d’autrui, on ne peut rien faire pour les satisfaire. Ils sont toujours insatisfaits ».

 

Cas observé № 5

 

Il s’agit d’une fille, apparemment très jeune. Elle est de taille moyenne, âgée de 13 ans. Elle étudie en quatrième primaire. Après la mort de sa mère, son père s’est remarié et pour le moment, il a trois filles à la maison. Dans sa famille, elle est la deuxième dans une fratrie de trois enfants. Les relations avec sa belle-mère deviennent tendues. Il doit attendre le retour de son père pour satisfaire certains de ses besoins: comme le matériel scolaire, la nourriture, etc.

 

Il y a une inégalité dans le traitement des enfants. Lorsque la belle-mère se rend au marché, elle achète l’équipement (habit, matériel scolaire, etc.) pour ses propres enfants et laisse  de côté ses beaux-enfants. Et quand elle le fait, elle achète peu par rapport aux siens. Cet enfant se sent à l’aise lorsque son grand frère est à la maison, car, pour le moment, il vit à Kinindo il travaille comme domestique. Elle s’exprime dans ces mots « Vu la situation que je suis en train de traverser dans cette période, je veux quitter ma belle-mère pour aller me débrouiller seule comme d’autres filles du quartier nous vivons».

 

Cas observé № 6

 

Le cas No 6 est un garçon de 14 ans qui étudie en cinquième primaire. Il est dans une fratrie de trois enfants. Sa famille est conflictuelle, raison pour laquelle son père a divorcé légalement avec sa mère et s’est remarié. Il a trois filles et un garçon de la seconde union. Sa mère est retournée chez elle, c’est-à-dire chez sa grand-mère. Avant la séparation, l’enfant souffrait de la mésentente qui régnait entre ses parents. Il a manqué de résidence fixe il peut vivre. Tantôt il vit avec sa mère et tantôt avec sa belle-mère. Cette dernière le gronde souvent en lui disant qu’il n’a rien fait. Ce garçon réclame la satisfaction de ses besoins tant scolaires que sanitaires. «Je ne trouve pas son intervention quand je tombe malade», confie-t-il.

 

La belle-mère se plaint de la désobéissance de ce garçon en ces mots : « J’en ai assez pour le moment et je me tais. Il fait ce qu’il veut. Je lui ai laissé toute sa liberté, car, il ne me comprend pas, on dirait qu’il est devenu fou! ». Le garçon dit qu’il attend de sa belle-mère l’amour et le respect, car elle le minimise devant ses enfants et l’entourage.

 

Cas observé № 7

 

Il s’agit d’une fille de 13 ans qui étudie en cinquième primaire. Elle a perdu sa mère à l’âge de 7 ans, c’est-à-dire  qu’elle vient de passer 5 ans avec sa belle-mère. Elle est la troisième dans la fratrie de quatre enfants. Sa relation avec sa belle-mère  n’est pas bonne dit-elle avec des larmes dans les yeux. Les enfants s’aiment, mais la belle-mère gâte ses propres enfants. Elle dit : «Elle nous achète des habits simples, mais pour ses propres enfants elle achète des habits de qualité et qui sont à la mode.» Ensuite elle ajoute : «Quand je fais une faute, elle me bat comme une chèvre !!» Moi je ne l’aime pas, quand je tombe malade en absence de mon père, elle ne peut pas m’amener à l’hôpital. Elle a redoublé en 4e année primaire mais, ses résultats aussi ne sont pas bons pour le moment. Au premier trimestre, elle a obtenu 55% alors qu’elle était promue avec une note de 68 points en quatrième année. Elle s’absente beaucoup en classe. Au premier trimestre, elle a eu douze absences non justifiées et elle nous a dit que c’est sa marâtre qui l’interdisait d’aller à l’école, soi-disant qu’elle va l’aider dans certains travaux. Les attentes de cet enfant sont diverses, mais ce qui est prioritaire c’est l’affection; ensuite les habits, le matériel scolaire etc.

 

Cas observé № 8

 

Ce cas est une jeune fille de 15 ans. Orpheline de mère morte alors qu’elle avait cinq ans. Elle est d’une fratrie de cinq enfants dont deux garçons et trois filles. Après la mort de sa mère, son père s’est tout de suite remarié. Ses frères et sœurs ont vivre avec leur belle-mère. Dès son arrive dans la maison, tout a changé, elle les faisait travailler durement et les beaux-enfants trouvaient à peine de quoi manger. Sans cesse elle les accusait faussement auprès de leur père qui les battait sans leur laisser le temps de s’expliquer. Son grand frère et sa grande sœur n’ont pas pu supporter cette situation et ont fini par abandonner la famille pour aller chercher un milieu plus sécurisant. La sœur vit avec d’autres filles à Kamenge et le frère se débrouille avec des amis de Bwiza et de Buyenzi. Elle nous a raconté que sa situation était difficile à vivre, mais qu’elle n’avait pas d’autres choix. Elle pense quitter sa belle-mère pour aller vivre avec sa grande sœur à Kamenge. Elle aussi, c’est la prostitution qui la fait vivre et elle nous a déclaré que sa belle-mère fait appel à des garçons pour la courtiser afin qu’elle soit enceinte afin que son père la chasse de la maison. Elle nous a dit qu’elle est n’avait personne pour l’aider dans cette situation qu’elle traversait.  Elle éprouvait des difficultés d’apprentissage à tel point qu’elle est encore en sixième primaire à l’âge de quinze ans. Elle se plaint de ne pas être considérée comme les autres enfants de sa belle-mère. Elle souhaite que sa belle-mère la considère comme ses propres enfants.

 

Cas observé № 9

 

Ici il s’agit d’une fille 14 ans et étudie en cinquième primaire. Sa mère est morte quand elle avait huit ans. Elle vient de passer sept ans avec sa belle-mère. Elle est la sixième enfant dans une famille de huit enfants. C’est-à-dire un grand frère, quatre grandes sœurs, un petit frère et une petite sœur. Elle a une grande sœur qui est mariée et, pour le moment, elle vit avec ses sept frères et avec sa belle-mère qui a un garçon. Il y a toujours des disputes entre sa belle-mère et ses grands frères de sorte que leur père juge bon de se taire pour le moment.

 

La belle-mère les entretenait très bien dès son arrivée, mais après six mois à peu près, les conflits ont commencé. Pour le moment, leur père est en train de se construire une autre maison à Bubanza pour les laisser seuls et aller vivre avec son épouse. « Cela me fait peur car je n’arrive pas à comprendre quelle vie nous allons mener vraiment alors que nous trouvons à peine la nourriture suffisante même avec nos parents», dit-t-elle. L’enfant exprime aussi sa souffrance en ces mots: « J’ai perdu ma vie en perdant ma mère. Pour le moment, mon seul amour est ma grand-mère qui ne peut pas m’aimer comme ma mère». Cependant je me sens en paix lorsque je suis chez ma grand-mère. Cet enfant nous avoué qu’avant la mort de sa mère, après avoir mangé, ils se mettaient ensemble pour prier, mais pour le moment, cela ne se fait plus car la belle-mère ne prend pas le temps pour être avec nous. « Nous nous sentons marginaliser par elle. Dans les différents problèmes, nous ne trouvons personne de la famille pour nous comprendre et nous consoler », a-t-elle conclu.  

 

 Cas observé №10

 

Âgée de 14 ans, le cas No10 est une élève de sixième primaire. Elle était fille unique dans sa famille. Pour le moment, elle vit avec sa demie-sœur et son demi-frère et les deux sont des faux jumeaux âgés de 11 ans. Sa mère est morte quand elle avait cinq ans. Après sa mort, elle a été élevée par sa grand-mère qui est morte aussi deux ans après. C’est à ce moment-la que son père l’a amenée à la maison. L’enfant a été mis à l’école. Depuis l’âge de sept ans, elle a été élevée  par sa belle-mère. Tout au long de sa vie, elle n’a pas été satisfaite de la façon dont elle a été traitée par sa belle-mère qui n’avait que deux enfants.

 

Voici les propos de cet enfant : « Je n’ai jamais pris ma belle-mère comme ma mère selon ce qu’elle m’a fait. Elle ne me considère pas comme son enfant. Je n’oublierai jamais le jour elle m’a battue comme un cochon en absence de mon père. Quand je suis avec elle, je n’ai pas envie de lui parler. Je veux parler seulement à mon père car c’est lui qui m’écoute et qui se soucie de moi». Cette enfant se voit privée de ses besoins primordiaux. Elle le dit en ces mots: « J’attends de ma belle-mère l’amour et les besoins matériels, comme les habits, les cahiers et le matériel dont les filles de mon âge ont besoin pour question de propreté, etc.»

 

Quant à la belle-mère, elle se plaint des comportements de cet enfant devant elle. Elle s’exprime en ces mots : « Eduquer l’enfant d’autrui ! Ce n’est pas chose facile. Quoique tu fasses pour la bien traiter, tu ne la satisferas jamais. Je fais tout mon possible mais je reste toujours son ennemi au lieu d’être sa mère».

 

4.      Analyse et interprétation des données

 

Une analyse qualitative des éléments de ces entretiens a été faite sous forme des commentaires et d’observations personnelles. Après avoir rassemblé les informations des sujets d’étude, nous avons classé le contenu selon les catégories thématique pour nous permettre d’en faire une analyse thématique et répondre aux questions de cette présente recherche. Notre recherche porte sur trois questions majeures: La situation psychologique chez de l’enfant, due au remariage du père ; les comportements de la belle-mère face aux beaux-enfants et l’intervention du psychologue face aux problèmes psychologiques des enfants issus de familles recomposées. Les  données de ces trois questions de recherche recueillies sont analysées sous quatre thèmes.

 

4.1.Difficultés d’attachement et d’identification

 

Le remariage du père entraîne une relative fragilité des structures de parenté. Les enfants se retrouvent avec leur belle-mère et avec des demi-fratries. En  effet, la mère joue un rôle spécifique et primordial dans la vie de l’enfant. Elle est le personnage le plus important pour son développement psychique. Son absence ou son indifférence entraîne des conséquences indélébiles dans le développement de l’enfant. Osterrieth le confirme ainsi

 

En fait l’enfant perd une partie essentielle de lui-même d’autant plus importante qu’il est plus jeune, mais l’adolescent aussi a besoins de sa mère comme témoin du monde adulte et comme source de l’assurance. […] souvent il se renferme sur lui-même et rompt dans une certaine assurance le contact avec le monde ambiant(Osterrieth 1963 : 102).

 

Cette situation devient plus grave lorsque les personnes qui devraient jouer le rôle de substituts maternels deviennent défaillantes dans leur monde de relations avec l’enfant. Par conséquent, elle apporte des entraves dans leurs processus d’attachement. A ce sujet, un enfant est très explicite en s’exprimant dans ces termes: « Je ne peux pas dire mon problème à ma marâtre lorsque mon père est , car elle se montre indifférente à mon égard ». L’attachement de l’enfant à un quelconque adulte dépend de l’ambiance qui règne entre eux. L’enfant a besoin de relations affectives privilégiées autant que la nourriture. L’indifférence, la mauvaise relation, la négligence qu’affichent certaines belles-mères ne permettent pas aux beaux-enfants d’établir des liens affectifs stables et valables avec ces derniers. Tous les enfants rencontrés nous ont déclaré être rejetés par leurs belles-mères. Ils ne sont pas tenus en considération. L’un des enfants est très clair en ces termes : « Ma belle-mère ne me donne pas ce dont j’ai besoin. Elle n’achète que des habits pour ses propres enfants alors que nous en avons tous besoin ». De plus, l’enfant se voit attribuer toutes les fautes commises à la maison. A ce sujet, l’une d’elle l’a exprimé ainsi : « Ce qui me rend très furieuse, c’est le fait de m’attribuer toutes les fautes alors que je suis innocente».

 

Tout ceci influe sur le processus d’attachement de ces enfants et ils éprouvent des difficultés à former des liens affectifs stables et positifs avec les belles-mères. A cause de cela, ces enfants éprouvent des difficultés de s’identifier à leurs belle-mères qui manifestent une attitude hostile à leur égard. L’un des sujets est très clair: «Ma belle-mère ne peut plus me servir de modèle. Comment puis-je m’identifier à elle? Alors qu’elle m’insulte, me maltraite et me rend la vie difficile».

 

L’acquisition d’une nouvelle identité familiale est la tâche la plus difficile à réaliser dans de telles conditions. Les beaux-enfants se sentent souvent mis en évidences avec leurs belles-mères qui ne se soucient pas d’eux. De lors, naissent des difficultés d’attachement et d’identification. Ainsi donc, tous les enfants rencontrés nous ont déclaré que leurs relations avec leurs belles-mères ne sont pas bonnes. Tous les enfants interrogés nous ont confié qu’ils nouent de bonnes relations avec leur père, mais que de temps en temps, ces derniers ne sont pas à la maison. Sans substitut maternel stable et adéquat, l’enfant, au lieu de former de nouveaux liens d’attachement, se détourne peu à peu de la relation avec la belle-mère pour réinvestir en lui-même avec des personnes étrangères qui lui témoignent de l’amour et un visage souriant et de bonne humeur, car ces substituts décodent mal les vrais besoins de leurs beaux-enfants.

 

4.2.Les problèmes psychologiques des beaux-enfants.

 

Selon  Rondal (1999 :524), « La cellule familiale joue un rôle considérable dans l’émergence tant des conduites socialement adaptées que des comportements inadaptés». Ainsi, les beaux-enfants dans les familles recomposées éprouvent beaucoup de problèmes psychologiques. Cela est lié au fait que la plupart d’entre eux ne sont pas bien encadrés par les substituts maternels. Ces enfants vivent des émotions intenses et restent longtemps dans l’état de choc de sorte que l’adaptation sociale les rend psychologiquement très vulnérables. D’après les résultats de notre recherche, les problèmes psychologiques éprouvés par ces enfants les affectent dans trois aspects majeurs.

 

4.2.1.Aspect affectif

 

Pour pouvoir se développer normalement, chaque individu a besoin des rapports affectifs et maternels de sa famille et de son entourage. Ainsi  les enfants élevés par leurs belles-mères se voient, dans la plupart de cas, privés de ces rapports d’indépendance primordiale. 

 

i.        La délinquance

 

La plupart des enfants rencontrés ont été dégoûtés de leur vie familiale. Un des enfants confie qu’il était dépassée par sa situation. «Même si je ne connais pas la vie que mènent mes collègues, je vais les rejoindre dans quelques jours». D’autres, à force d’être privés d’affection nécessaire à leur développement harmonieux, éprouvent des difficultés à s’associer avec qui que ce soit. Ils voient le monde qui n’a pas réussi à intervenir dans leurs souffrances. Comme nous le constatons, les enfants vivant avec leurs belles-mères sont exposés à la délinquance. Cela se remarque dans leurs propos. Les propos des enfants avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont révélé que même ceux qui, actuellement vivent avec leurs belles-mères, ont tendance à abandonner leurs familles : «La situation est très difficile à vivre, je ne peux pas continuer à vivre une telle situation. Je compte quitter ma belle-mère comme mon grand frère  et mes grandes sœurs l’ont fait».

 

Selon Rondal (1999:524), « La famille conflictuelle (structure déficiente, présence des modèles antisociaux, manque d’affection, difficultés d’affection) et la famille inexistante (absence d’encadrement, abandon, vide affectif) sont des milieux propices à l’explosion de la délinquance».

 

ii. Sentiment d’insécurité

 

L’absence de sécurité dans les familles recomposées est l’un des problèmes auxquels font face les beaux-enfants. Ces enfants n’espèrent aucun soutien de la part de leur marâtre qui les maltraitent et qui les considèrent difficilement comme de leurs propres enfants. Nous savons que c’est le comportement d’attachement qui crée le sentiment de sécurité. Or, dans de nombreuses familles recomposées, les beaux-enfants ne parviennent pas à former des liens affectifs. Ce sentiment d’insécurité serait aussi à la base de mouvements de va-et-vient qu’effectuent ces enfants. Leurs souffrances s’aggravent au vu des autres enfants vivant sous le même toit bien encadrés et soutenus. Ce sentiment d’insécurité se trouve dans les propos d’un des intervenants: « En présence de ma belle-mère, je ne me sens plus à l’aise ; j’éprouve du plaisir lorsque mon père est présent bien que ma belle-mère le détruit en me battant ».

 

Ce sentiment d’insécurité se manifeste chez les beaux-enfants lorsqu’il est l’heure de quitter l’école pour la maison. D’après, « Si c’était possible, je resterais à l’école. Je sens l’insécurité lorsque le tambour annonce l’heure de rentrer à la maison. Je commence à songer à l’attitude de ma belle-mère à mon égard». Deux autres intervenants ont le même avis : « je me sens déséquilibré de ne pas résider dans un endroit pacifique».

 

iii.Sentiment d’ambivalence

 

Winnicott (1971) nous rappelle que tout individu déprimé à une composante fondamentale de la « structure dépressive de bas». A cette réactivation s’associe l’ambivalence et des fantasmes d’incorporation avec toutes les vicissitudes qui accompagnent ce type de relations d’objet, en particulier l’autoagressivité et la tendance de la mort (Winnicott 1971). 

 

Les relations que les enfants entretiennent avec leurs belles-mères les entrainent à ressentir simultanément des sentiments positifs et négatifs. Ils deviennent tiraillés entre deux tendances et ne savent pas quoi faire. Certains enfants deviennent ambivalents quant au désir de continuer leurs études ou de les abandonner. Ceci résulte du fait que certains pères encouragent leurs enfants à étudier, mais en leur absence, leurs belles-mères les empêchent d’y aller. Cela étant, ils éprouvent des difficultés à identifier celui à qui ils vont obéir. Un intervenant les exprime en ces mots: « Mon père m’encourage à étudier mais lorsqu’il n’est pas présent, ma belle-mère m’empêche d’y aller pour me confier des travaux ménagers. De crainte d’être battu, j’obéis à ses ordres ». Un autre s’exprime en ces termes: « je songe souvent à quitter ma famille, mais je ne trouve pas où je peux me rendre». Suite aux divers problèmes que les beaux-enfants encourent quotidiennement, ils sont tiraillés entre le désir de quitter leurs familles respectives pour fuguer ici et là et d’y rester. Cette instabilité émotionnelle n’est pas de nature à procurer à l’enfant le bien être et le bonheur nécessaire à son développement harmonieux.

 

iv.Sentiment de tristesse

 

Le sentiment de tristesse ne peut pas manquer chez ces enfants, vu leur relation avec leur belle-mère. D’après un d’eux, « Quand ma belle-mère m’insulte sans cause apparente, je songe directement à ma vie que j’avais lorsque ma mère était encore vivante » Un autre intervenant ajoute : « Je me sens triste lorsque je vois comment les autres enfants se comportent devant leur mère et comment celle-ci répond à leurs besoins ». Dans l’entretien, nous avons aussi remarqué cette tristesse: par les pleurs et le changement d’humeur lorsque nous leur avons rappelé leur vie.

 

4.2.2.Aspect comportemental

 

Ce domaine concerne la façon de se comporter. Il est un ensemble des réactions d’un individu qu’on peut observer dans le milieu où il se trouve: il est normal et naturel que les beaux-enfants réagissent par des modifications comportementales à un vécu douloureux qu’ils rencontrent dans leur vie comme nous venons de le voir.

 

          i.Isolement ou repli sur soi

 

Bergeret et al (2004) décrit le comportement de l’isolement comme une névrose obsessionnelle, en particulier l’incapacité de s’adapter à l’ambiance affective et la poursuite indéfinie hors de propos de la réaction de ses idées. L’isolement permet en effet une mise à distance de toute proximité affective, d’où la froideur de ses gestes et l’absence d’émotivité, ce qui d’ailleurs ne confine pas forcement à l’isolement. Pour les beaux-enfants, suivant la situation à laquelle ils se trouvent, les relations avec l’entourage ont été affectées. Les liens sociaux ont été rompus ou suspendus temporairement car ils croient que tout le monde les rejette. Les éducateurs nous ont dit que ces enfants n’aiment pas parler. Quelque fois ils se mettent à l’écart et ne jouent pas avec les autres: «un tel s’isole pendant la récréation, on voit qu’il est triste », dit une éducatrice. Un autre éducateur nous a parlé d’un enfant qui refuse de jouer avec les autres; il le fait quand je le gronde. Un autre éducateur nous l’a confirmé par ces mots: « Parfois elle ne veut pas parler».

 

En effet, ils ont un sentiment d’isolement, et ne veulent pas communiquer. Ils éprouvent un sentiment de rupture à l’apparence. Ils mènent une vie solitaire d’autant plus qu’ils voient que le monde est méchant envers eux.

 

            ii.L’autoagressivité

 

Les manifestations auto-agressives de l’adolescent sont dominées par les problèmes de tentatives de suicidé (Marcelli & Braconnier, 2004 :118). Les enfants qui ont été maltraités développent en eux une certaine haine intérieure. Ces enfants sont disposés à attaquer, à chercher la lutte et à s’affirmer. Ces enfants constatent un véritable « mur du silence» sur un dysfonctionnement de l’institution scolaire qui favorise la maltraitance des plus faibles en isolant les victimes et en banalisant les actes (Vivet & Defrance, 2001). Ils deviennent des enfants violents à l’école, qui battent les autres sans cause apparente. Ce sont des enfants qui sont toujours punis à cause de leur agressivité et leur désobéissance.

 

L’un des éducateurs nous a dit : « Quand cet enfant avait sa mère, il était propre et obéissant, mais après la perte de sa mère, il a changé de comportement, à l’école. « Il est difficile !  C’est un enfant qui frappe les autres sans cause. Il étudie quelques fois ou fait l’école buissonnière : En outre, il est toujours puni en classe parce qu’il frappe les autres sans cause ». A la maison aussi, certains beaux-enfants méprisent, désobéissent et insultent leurs belles-mères. Les propos de l’une des belle-mères avec laquelle nous nous sommes entretenues, nous le décrivent ainsi: « Ça fait quatre ans que je supporte les affronts, les phrases qui font mal, l’ignorance de mes beaux-enfants, cela devient plus qu’insupportable. On dirait qu’ils ont des troubles mentaux. Je veux les quitter».

 

4.2.3.Aspects cognitifs

 

Le terme cognition désigne l’ensemble des actes et des processus de connaissance de l’ensemble de mécanismes par lesquels un organisme acquiert de l’information, la traite, la conserve et l’exploite (Doron & Parot 1998 : 211).

 

          i.                                                                                                                                  Manque de concentration

 

Ces enfants éprouvent des difficultés de concentration, car à l’école quelques fois, ils sont en train de penser à la situation qu’ils vivent. Ces enfants sont distraits et oublient facilement.  

 

       ii.                                                                                                                                  Echec scolaire

 

L’hostilité parentale est associée à une performance scolaire déclinante. Vu les bulletins de ces enfants interrogés, nous avons constaté qu’ils ont des échecs scolaires. Le bulletin de l’un montre qu’il réussissait bien avant le remariage de son père, mais après le remariage les points ont régressé. En quatrième année, il était le 4é/50 avec 75% et en cinquième année, il était la 45é/47 avec 41% de points.

 

     iii.Perte d’intérêt pour suivre les études

 

La plupart de ces enfants aimeraient bien suivre leurs études, mais ils sont découragés par leurs belles-mères. Un enfant nous le déclare en ces mots : «Qu’est-ce que tu étudies ? Qu’est ce que tu deviendras? » C’est une phrase prononcée par l’une des belles-mères face à son bel-enfant. A cela s’ajoute aussi les difficultés de trouver le matériel scolaire lorsque leurs pères ne sont pas à la maison. Selon le témoignage d’un enfant, « Quand je demande le matériel scolaire à ma belle-mère, elle ne me répond pas ou me dit d’attendre mon père ». En effet, la situation que ces enfants traversent occupe une place importante dans leurs pensées de façon qu’ils ne parviennent pas à se libérer  complètement de leurs émotions angoissantes afin de pouvoir réussir et avoir le goût d’étudier.

 

4.3. Les attentes des beaux-enfants envers la belle-mère

 

Les attentes des beaux-enfants envers leurs belles-mères ne sont pas les exigences ni des désirs très élevés, ce sont leur droit dont ils se voient privés.

 

1.3.1.Les besoins psychologiques: l’affection

 

L’affectivité est un ensemble d’états affectifs, des sentiments, des émotions et des passions manifestés par un individu. Les beaux-enfants réclament en première lieu l’affection. Nous le constatons dans les propos d’un enfant qui l’affirme ainsi: « Ce que je veux, c’est l’amour seulement». N ajoute « La seule chose qui m’intéresse c’est de me sentir aimé, les choses matérielles viennent après » Le rôle primordial que devrait jouer ce substitut maternel, c’est d’aimer, aimer simplement car l’enfant aimé se sent accepté et équilibré psychologiquement. Plusieurs auteurs estiment que le besoin primordial de l’enfant est l’affection. 

 

Par l’affection maternelle, la mère essaie de créer l’ambiance maternelle dont l’enfant a besoin, ensuite avec les autres membres de la famille ». L’enfant a besoin des relations affectives stables et privilégiées autant que la nourriture. Selon Osterrieth (1963:63), « Se sentir accepté pour l’enfant, c’est avant tout se sentir aimé. Ceci suppose, non seulement des marques explicites de tendresse que la plupart des parents disposent sans doute  plus ou moins fréquemment et avec plus ou moins de générosité à leur enfant, mais surtout une tonalité générale d’affection et de bon vouloir imprégnant tous les rapports de l’entourage avec l’enfant » (Osterrieth 1963:63).

La sensibilité des parents à l’égard de l’enfant, c’est-à-dire l’aptitude à répondre aux besoins de l’enfant, à être attentif à ses demandes, à être ouvert à ses projets, sont certains signes d’affection des parents envers leurs enfants. Néanmoins, les belles-mères montrent souvent de l’insensibilité aux besoins de l’enfant. Cette insensibilité aux besoins conduit l’enfant au refus de son insertion dans la société, il grandit dans le mépris et devient de plus marginal. Ces substituts deviennent incapables d’assumer un maternage de première nécessité. Parmi les sujets interrogés, tous nous ont déclarés que leurs belles-mères deviennent indifférentes à leurs soins et besoins.

 

1.3.2.Les besoins biologiques

 

Pour un bon épanouissement, l’enfant a besoin de se nourrir, d’être soigné, de dormir et de se vêtir. Or, certaines belles-mères ne se soucient pas des besoins de leurs beaux-enfants et favorisent leurs propres enfants. Dans son discours, un enfant nous le déclare: «Notre belle-mère peut acheter les habits trois fois à ses propres enfants sans poser aucun geste pour nous; et quand elle ose le faire, elle achète des habits plus simples par rapport à ceux de ses propres enfants ». Aussi il ajoute: « Quand mon père est absent, nous ne partageons pas la même nourriture avec les enfants de notre belle-mère ». Les belles-mères ne traitent pas de la même manière tous les enfants, alors que tous les enfants ont les mêmes besoins.

 

1.3.3.Les besoins sociaux

 

Pour être un bon citoyen, l’enfant a besoin de s’intégrer de la société dans laquelle il vit. C’est premièrement sa mère ou son substitut qui doit lui apprendre ce comportement. C’est elle, qui doit l’aider à distinguer le bien ou le mal. En effet, certaines marâtres restent indifférentes dans les familles recomposées et l’enfant en souffre. L’un d’eux nous a fait part de sa souffrance en ces mots : « Comment ma belle-mère peut-elle m’apprendre quelque chose alors qu’elle ne se permet pas de causer avec moi en me donnant des conseils».

 

1.4.Attitudes et comportements de la belle-mère

 

Le mot attitude est défini  comme  une disposition intérieure de la personne qui se traduit par des réactions émotives modérées qui se sont épuisées puis ressenties chaque fois que cette personne est en présence d’un objet (ou d’une idée); ces réactions émotives la portent à s’approcher (à être favorable) de cet objet» (Morissette & Gingras 1989 :49). La belle-mère est en général présentée comme une mauvaise mère. Si on tient compte des proverbes et même du langage Burundais,  « Mukaso ntiyovamwo nyoko/ Ta belle-mère ne peut pas devenir ta mère», « Akabura ntikaboneke ninyina w’umuntu”. Ce qui manque et qui n’est pas trouvable c’est ta mère». Tout ceci nous montre combien la belle-mère est mal placée pour satisfaire les beaux-enfants. Les attitudes et comportements que manifestent les belle-mères envers les beaux-enfants sont de deux sortes:

 

Il y en a qui éprouvent des attitudes négatives envers leurs beaux-enfants : « L’enfant d’autrui c’est l’enfant d’autrui, je ne peux pas me cramponner pour le nourrir car il ne le saura pas». Les enfants d’autrui créent la jalousie instinctive.  Il faut que la belle-mère accepte le fait qu’elle arrive derrière une autre femme et que ces enfants lieront les relations avec leur passé. Les enfants comparent toujours l’attitude de sa mère et celle de sa belle-mère.

 

Nous avons également constaté que certaines belles-mères éprouvent une attitude positive envers les  beaux-enfants en essayant de les élever comme leurs propres enfants. Voici les propos d’une belle-mère : « Je fais tout mon possible pour éduquer tous mes beaux-enfants comme les miens, mais ils me déçoivent. Mes beaux-enfants racontent toutes sortes de mensonge à mon sujet : “Je les bats quand mon mari n’est pas là ; je ne leur donne pas la nourriture en son absence, etc. Ces enfants me désobéissent et font ce qu’ils veulent». Selon l’entretien que nous avons mené avec les belles-mères, elles affirment que c’est l’entourage qui corrompt ces enfants en leur inculquant de mauvais comportements.

 

En effet, le fait d’éduquer l’enfant d’autrui pose des problèmes et exige une grande patience comme l’affirme beaucoup de belle-mères avec lesquelles nous nous sommes entretenus. L’attitude et le comportement de la belle-mère résultent de deux facteurs. D’une part, son attitude peut être influencée par lui-même; d’autre part par l’attitude que manifestent les beaux-enfants envers elles.

 

2.      L’intervention psychologique pour les familles recomposées

 

Dans notre enquête menée sur les enfants vivant avec leurs belle-mères, nous avons montré les différents problèmes de l’intervention faite par leurs membres familiaux. Lors des querelles entre l’enfant et sa belle-mère dans les familles, c’est le père qui intervient. Les enfants finissent par être battus par leurs pères, car leurs femmes les influencent et les pères se montrent différents envers ses enfants.

Sur ce sujet, c’est le Mushingantahe (notable)  qui intervient quelques fois quand il y a mésentente dans la famille, car le père n’est pas intéressé par ces problèmes. Un autre enfant ne voit pas celui qui pourrait intervenir en sa faveur, car le monde est méchant pour lui. Certains d’entre eux voudraient avoir une autre personne capable d’intervenir en leur faveur par des conseils, pour faire comprendre à leurs parents qu’ils ont le droit d’être encadrés comme les autres enfants. Les belles-mères avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont voulu un soutien psychologique dans leurs familles, car elles se sentaient dépassées par les comportements que leurs beaux-enfants affichaient. Pour le cas d’un des enfants intervenants, certains croient qu’il est devenu fou et sa belle-mère nous ont invité de l’amener chez Legentils au Centre Neuropsychiatrique de Kamenge, car elle ne comprend pas son comportement. Toutes les dix belles-mères avec lesquelles nous avons mené l’entretien ont tendance à se défaire de ces enfants: « L’enfant d’autrui c’est l’enfant d’autrui, je ne peux pas me saigner aux quatre veines pour le nourrir puisqu’ il ne le reconnaitra jamais». Les éducateurs voudraient qu’il y ait l’intervention de psychologues en milieu scolaire, car, la tâche d’enseigner une classe de plus 70 enfants est une lourde tâche. A eux seuls, ils n’ont pas le temps de suivre tous les enfants qui manifestent des problèmes psychologiques. Dans notre entretien avec les enfants, les garçons étaient coopératifs, mais brutaux surtout quand nous touchions les points sensibles qui leur rappellent leur situation familiale. Les filles étaient surtout émotionnelles au sujet de leur situation  familiale puisque certaines pleuraient et d’autres étaient calmes et sages en inclinant la tête. Dans l’entretien mené avec les belles-mères, certaines d’entre elles voulaient camoufler quelques situations qui se passent entre elles et leurs beaux-enfants.

 

Conclusion

 

Le remariage est un phénomène qui déséquilibre l’être humain, et plus particulièrement l’enfant;  un être en développement. L’enfant se trouve alors dans l’incapacité de s’assurer une vie continuelle et unie du fait de ses changements surtout dans un milieu familial insécurisant. Nous tenons à signaler que le phénomène de la perte de la mère, le phénomène de remariage et l’attitude du substitut parental ont un impact sur le développement psychologique des enfants de la première union, comme  le montre notre étude. Les beaux-enfants adoptent des comportements déviants résultant du sentiment d’insécurité, de la tristesse, des difficultés d’apprentissages, de l’isolement, de la délinquance, des difficultés d’attachement et d’identification, qui trouvent leur origine dans les souffrances endurées. Leurs attentes envers leurs belles-mères sont d’ordre psychologique (l’affection), matérielles (matériel scolaire) et sociales.

 

Certaines marâtres éprouvent des attitudes négatives envers les beaux-enfants, d’autres éprouvent des attitudes positives et sont déçues par les attitudes des enfants. Cependant, la famille joue le plus souvent un rôle de structure sociale idéale où chacun trouve épanouissement, chaleur et tendresse. Elle peut aussi devenir un lieu de souffrance psychique lorsqu’il y a aurait carence relationnelle comme nous l’avons constaté dans les familles recomposées. Il est à remarquer que la plupart des troubles psychiques trouvent leur origine dans le milieu  familial qui est en conflit avec un ou plusieurs de ses membres.

 

Les enfants nous ont  manifesté leur souhait d’avoir  les psychologues qui pourraient intervenir en cas de mésentente entre eux et leurs belles-mères. D’après nos observations, nous avons vu que ces enfants souffrent des problèmes psychologiques qui exigent l’intervention des psychologues cliniciens et d’assistants sociaux, que ce soit à l’école ou à la maison. Les belles-mères nous ont aussi affirmé avoir besoin de psychologues pour les aider à éduquer ces enfants qu’elles qualifient de difficiles. Les éducateurs nous ont affirmé qu’ils ont besoin de psychologues dans les écoles pour aider les enfants qui éprouvent des problèmes psychologiques.

 

Remerciements :Nos sincères remerciements s’adressent a Beng Riro Twikander de nous avoir accompagné avec les moyens logistiques pour que nous  puissions réaliser ce travail.

 

 

 

 

Référence Bibliographique: 

Bergeret. J et al, 2004. Psychologie pathologique « théorique et clinique», 9e

éd. Paris: Masson

Marcelli, D & Braconnier, A 2004. Adolescence et psychopathologie.Paris:

Masson

Doron, R. & Parot, F 1998. Dictionnaire de la psychologie. Paris: PUF

Morisssette, D & Gingras, M 1987. Enseigner les attitudes. Bruxelles: De Boeck

Osterrieth, A P 1963. Introduction à la psychologie de l’enfant. Paris: Scarabée

Porot, M 1971. L’enfant et les relations familiales. Paris : PUF

Rondal, J A 1999. Introduction à  la psychologie scientifique. Bruxelles : Editions Labor

Vivet, P & Defrance, B 2001. Violence scolaires. Paris: Syros 

Winnicott, D W 1975. Jeu et réalité. Paris : Gallimard

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