BURUNDI 2014-2018: DOMESTICATION DE L’ESPACE PUBLIC OU FIN DE RÊVE DÉMOCRATIQUE?

Abstract: 

This article traces the genesis of Burundi’s deep political crisis since April and May 2015 up to 2018 social unprecedented upheaval. All along that period, the heart of the matter raised this sensitive question, “Should Burundi opt for domestication of public space or stop dreaming about democracy?” Indeed, this crisis has heavily weighed on the consolidation of democracy and political freedoms. For example, the systematic vandalism of democracy foundations did not engage the government of Burundi into the reestablishment of an open public space for people, where citizens could have freely and willingly aired their views, to survive and reconnect to the existing democratic principle of equality, that is, freedom. Instead, the lords of public space have systematically undermined any challenging debate on power sharing. Henceforth, this resistance to openness to the public has been crystallized into a mere sphere of domination. In such a political context, however, a question prompts: “Is it possible to revalue a spatial setting for political discussions when public space is transformed into home-owned space?” Surely that results in the infringement of a genuine challenging debate on democracy. Convincingly, it is hard, if not impossible, to build democracy on that ground. Therefore, the article proposes some eclectic principles for the restoration of a genuinely informed democracy in Burundi through analysis and reflection on the current political crisis: the domestication of public space. The postulate is that, if there is no room for public space in Burundi, the dream about democracy might stop.

  1. Introduction

Avec la répression des manifestations du 26 avril 2015 et le coup d’Etat avorté du 13 mai de la même année, le Burundi s’est replongé dans une crise politique dont les conséquences néfastes sur la consolidation de la démocratie et les libertés politiques sont remarquables. Le ‘‘ vandalisme’’ des fondamentaux de la démocratie (la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la publicité des décisions politiques) auquel s’est livré systématiquement le gouvernement ne lui a guère permis de recréer un espace public où le citoyen s’affranchit des nécessités naturelles et se lie au principe démocratique ‘‘égalité- liberté’’.

Considéré aujourd’hui comme le socle de la démocratie, l’espace public suppose l’existence d’individus plus ou moins autonomes, capables de se faire leur opinion, non « aliénés aux discours propagandistes», croyant aux idées et à l’argumentation, et pas seulement à l’affrontement physique. En un mot, avec le concept d’espace public, c’est la légitimité des mots qui s’impose contre celle des coups. C’est l’idée d’une argumentation possible contre le règne de la violence, de l’intimidation et de la culture de la peur. L’espace public est aussi l’aboutissement du mouvement d’émancipation qui consiste à valoriser la liberté individuelle, donc d’une certaine capacité à afficher publiquement ce que l’on est, et le mouvement démocratique, qui lui aussi favorise l’idée de publicité contre celle de secret et d’interdit.

Ce projet de construction des opinions par l’intermédiaire des discussions et l’argumentation n’a visiblement pas été inscrit dans l’agenda du gouvernement burundais. Celui-ci a, par contre, procédé à la domestication et à la patrimonialisation de l’espace public reléguant aux calendes grecques tout débat contradictoire sur le pouvoir et réduisant ce dernier à la seule sphère de domination.

Dans une telle ambiance politique, est-il possible de reconstruire, au Burundi, un espace public de discussion dès lors que le projet du gouvernement semble être la transformation de l’espace public en espace domestique où ne s’organise qu’un débat à sens unique entre les citoyens pourfendeurs de la contradiction et partisans de l’unanimisme? Comment, dans ce contexte de domestication de l’espace public, une démocratie délibérative/participative peut-elle être initiée ? Au Burundi, l’heure du déclin de la démocratie encore embryonnaire a-t-elle sonné? Pour y prévenir, ne faut-il pas libéraliser l’espace public afin de favoriser l’avènement effectif de la démocratie délibérative/participative promotrice du débat contradictoire?

Cette réflexion entend répondre à ce questionnement. Aussi a-t-elle pour objectif de s’interroger sur la possibilité de sauvegarder les conditions fondamentales de la démocratie délibérative/participative dans l’espace public burundais. Pour atteindre cet objectif, elle se propose d’utiliser la méthode réflexive-phénomélogique et l’approche herméneutico-analytique qui permettent de décrire d’abord le cycle de domestication/ patrimonialisation au Burundi, puis d’en examiner la question de la démocratie et de ce sur quoi elle repose: l’espace public.

Le cycle de domestication/patrimonialisation de l’espace public, toujours en cours, qui nous intéresse peut être décomposé en trois sous-cycles: le premier sous-cycle, dominé par le démantèlement des médias privés, la traque des professionnels des médias privés, des opposants politiques et des membres de la société civile, court d’avril 2014 à la fin de l’année 2016; le deuxième sous-cycle voit la multiplication des manifestations politiques organisées et tenues par les militants du parti au pouvoir jusqu’à la fin de l’année 2017; enfin au courant de 2017 jusqu’en 2018 et, probablement au-delà, on assiste au phénomène d’érection des stèles/permanences et implantation des drapeaux aux couleurs du parti au pouvoir.

Cet article se propose de parcourir ces trois sous-cycles du cycle principal ‘‘domestication/patrimonialisation de l’espace public’’ en analysant les lignes directrices suivantes: Analyser l’espace public pour en définir la quiddité; Un espace public aux stigmates de la guerre des titans; Un espace public entre domestication et patrimonialisation ; en la conclusion: l’avenir de la démocratie au Burundi entre représentation et participation.

2. Analyser ‘‘l’espace public’’ pour en définir la quiddité

L'espace public est un singulier dont le pluriel –  les espaces publics  – ne lui correspond pas. En effet, les espaces publics désignent les endroits accessibles au(x) public(s), arpentés par les habitants, qu'ils résident ou non à proximité. Ainsi, au pluriel, le concept désigne des phénomènes très divers : des rues, des jardins, des plages, des cafés, des bistrots, des parcs et des sentiers forestiers, campagnards ou montagneux, bref, le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de chacun, dans le double respect de l’accessibilité et de la gratuité. Par contre, au singulier, l'espace public évoque non seulement le lieu du débat politique, de la confrontation des opinions privées que la publicité s'efforce de rendre publiques, mais aussi une pratique démocratique, une forme de communication, de circulation des divers points de vue. Il est le lieu symbolique où se forme l'opinion publique, issue du débat politique et de l'usage public de la raison grâce à la liberté de la presse et à la suppression de la censure (Paquot 2018). C’est à l’espace public, principe fondateur de la démocratie et lieu de débats contradictoires, que l’étude de cette communication est consacrée.

L’idée d’opinion publique évoquée ci-haut exige l’existence d’un cadre de discussion publique rationnelle des questions d’intérêt général grâce auquel elle peut se constituer et devenir capable de s’ériger en contre-pouvoir et d’exercer une influence sur l’Etat. Il convient donc d’admettre que l’opinion d’un public qui fait usage de sa raison n’est plus une simple opinion, ni ne résulte de la simple inclination, mais de la réflexion en privé et de la discussion publique sur les affaires d’intérêt général. Idéalement, ‘‘l’opinion publique’’ est l’expression achevée de la ‘‘volonté générale’’, et l’Etat ne serait, au fond, que son bras séculier. C’est donc bien l’usage public de la raison et la confrontation rationnelle entre différents points de vue qui permettent de dégager un vrai consensus.

Compte tenu de la façon dont l’opinion publique est formée, elle ne peut quasiment plus influer sur les décisions de l’Etat, sans faire appel à la médiation d’organisations ‘‘représentatives’’, le problème posé à ce sujet devenant celui de la représentativité. Aussi quelques conceptions peuvent-elles être évoquées pour en discuter. La première conception est celle qui réduit ’le public’ à une élite bien informée et compétente, capable de faire usage de sa raison, et susceptible de former l’opinion générale. Il s’agit au fond d’une approche fondée sur l’existence et l’action de ’leaders d’opinion’ qui renvoie à la théorie du ‘‘two-step flow of communication’’ (influence en deux séquences) dont parlent (Katz et Lazarsfeld cités par Willet(1992 : 328). Les leaders d’opinion se caractérisent par un plus grand usage des médias, un degré élevé de sociabilité et par le fait qu’ils sont conscients de leur influence sur les autres et de leur rôle de source d’informations et de guide. Ils ne forment pas un groupe social particulier. Au contraire, ils font partie intégrante de chaque groupe primaire et participent activement aux échanges quotidiens qui y ont cours à travers les relations interpersonnelles. Ainsi donc, le réseau de relations est structuré. Les individus sont intégrés dans un groupe où ils jouent un rôle ‘‘passif’’ ou un rôle ‘‘actif’’ (Willet 1992 : 328). La seconde conception, strictement institutionnelle, assimile purement et simplement l’opinion publique aux partis politiques de la majorité ou de l’opposition1. Ce sont eux qui constituent les véritables interlocuteurs de l’Etat et représentent alors la volonté générale.

Il découle de cette analyse qu’on peut, à propos de l’opinion publique, mentionner les acteurs principaux suivants: les leaders d’opinions, les citoyens, les hommes politiques, les hommes des médias et les médias. Ces différents acteurs se rencontrent dans l’espace public ; lieu d’échange d’opinions et de communications. Dans cette optique, l’espace public est considéré comme la totalité des hommes privés qui se publient sous certaines formes et avec certaines finalités en créant ainsi des liens normatifs, sociaux, culturels et politiques.

Au Burundi, à partir de 2014, le peuple voit l’espace public s’embastillait de plus en plus. De l’espace public comme un espace de l’agir social, plus ou moins libre d’accès pour les citoyens, on voit naître l’espace public monadique sans portes ni fenêtres dominé par le démantèlement des médias privés, la traque des professionnels des médias privés, des opposants politiques et membres de la société civile, la fermeture de l’espace public aux citoyens ; interdits ‘‘de penser par eux-mêmes’’ et ‘‘de penser tout haut’’.

De fait, il y a l’institution d’un pouvoir disciplinaire qui quadrille l’espace public, donne une petite marge de manœuvre au citoyen, le rend incapable d’exercer sa liberté d’expression et de délibérer publiquement avec les autres des questions politiques. Devenu étranger aux principes démocratiques, ce pouvoir impose un rapport de docilité-utilité et fonctionne sur base d’une architecture panoptique. Le « panopticon » qu’il crée est un lieu d'enfermement/répression des citoyens où ils sont décomposés en masses pliées à une véritable économie du pouvoir de nombreuses positions disciplinaires: prisons et espace public. Pourquoi l’espace public est-il considéré comme une position disciplinaire ? De nos jours, par exemple, tout rassemblement ou toute réunion politique des partis d’opposition dans l’espace public sont vivement interdites au nom de la sauvegarde de la sécurité, non sans relancer le débat sur l’articulation de la sécurité et de la libre circulation.

3. Un espace public aux stigmates de la guerre des titans

3.1. Du vandalisme à l’inféodation des médias

Au Burundi, le projet de formation d’une véritable sphère médiatique de participation à la vie publique date des années 1990. Ainsi, tout au long de la guerre, pendant la transition, les médias (en particulier les radios) ont donné la parole durant le conflit à tous ses protagonistes. Pourtant, dès son arrivée au pouvoir en 2005, le CNDD-FDD a été très méfiant à l’égard des médias et professionnels des médias; et ses moyens, pour faire baisser le seuil des critiques, ont été du même acabit que ceux employés pour réduire l’opposition partisane dans le but de restreindre l’espace public et la liberté de la presse (Hirschy et Lafont 2018).

Le CNDD-FDD a-t-il cherché, dans un premier temps, à contrebalancer les outils de communication en constituant des équipes d’information progouvernementales. Conscient donc de l’impact de la communication, le parti au pouvoir a ainsi créé ses propres médias, comme le journal Intumwa (2005-2008), puis relayé par la radio Rema FM. Ces deux outils médiatiques ont été mis au service d’une propagande pugnace destinée à « rééquilibrer » le poids des opinions publiques (Hirschy et Lafont 2018).

S’il est fait dans le but de favoriser le débat contradictoire dans l’espace public, le ‘‘rééquilibrage’’ des poids des opinions publiques, en démocratie, est en fait une bonne disposition politique. Mais dans le cas de CNDD-FDD, l’émergence des outils de communication à la solde du pouvoir ont été les moyens de mobilisation et de propagande, considérés comme différents des médias «perçus comme trop citadins, trop élitaires et trop tutsi» (Justine Hirschy et Camille Lafont, ibidem), au point que, pour une certaine opinion, la loi sur la presse contestée pour ses atteintes à la liberté d’informer et au secret des sources, promulguée le 4 juin 2013, a paru une loi liberticide contre une presse ‘‘qui dérangeait’’ le pouvoir en place. Pour cette opinion, l’arrestation, puis l’incarcération du journaliste « pour avoir diffusé l’interview d’un homme impliquant le Service National de Renseignement (SNR) dans l’assassinat de trois religieuses italiennes à Bujumbura en septembre 2014 » est un puissant étayement des manœuvres ourdies pour faire taire ces médias ‘‘trop citadins, trop élitaires et trop tutsi’’.

Le cas de l’ancien directeur de la RPA est emblématique. Il l’est d’autant que sa libération en février 2015 a occasionné une spectaculaire manifestation de liesse des milliers de Burundais qui l’ont acclamé à son passage dans les rues de Bujumbura2.

En avril 2015, les manifestations contre le troisième mandat qui ont connu une couverture médiatique des médias de toutes tendances ont permis d’apprécier à juste titre le rôle de ces derniers dans le débat sur une question qui a tant divisé l’opinion nationale burundaise. En mai 2015, après l’annonce par le chef des putschistes de la destitution du président de la République et la dissolution du gouvernement sur les ondes des radios Bonesha FM et Isanganiro (le putsch rapidement avorté), les locaux de cinq radios privées ont été détruits : Rema FM, la Radio-Télévision Renaissance, Bonesha FM, la Radio Publique Africaine et Isanganiro. Les quatre derniers médias ont été accusés par le gouvernement d’avoir soutenu le coup d'État. Détruits, ces médias avaient alors cessé d’émettre, alors qu’ils participaient et faisaient participer les citoyens burundais au débat contradictoire sur la gestion de la République (res publica)3.

Depuis 2016, sur les cinq radios seules les radios Rema FM et Isanganiro ont été autorisées à rouvrir après avoir pris un ferme engagement de fournir une information "équilibrée et objective" ne portant pas atteinte à la "sécurité" du pays ; ce qui, pour Reporters sans frontières (2018), limite de fait leur liberté éditoriale. Outre ces deux radios, Iwacu est le dernier journal indépendant continuant à fonctionner dans le pays même si, le journal semble avoir baissé sa rigueur dans le traitement des sujets sensibles et la profondeur dans ses enquêtes. Ceci serait dûà une certaine peur et une restriction quelconque qui ne permettent plus au journal de travailler librement et efficacement (Niyoyankunze, 2018: 4).

Depuis 2015, beaucoup de professionnels des médias ont été soit poussés en exil (le Directeur du groupe de presse Iwacu, de la Radio et Télévision Renaissance, Bonesha FM), soit sommés de procéder par le strict filtrage de l’information (Radio Rema FM et Isanganiro4), soit contraints de travailler en clandestinité (SOS Médias Burundi), soit intimidés à cause des mesures de suspension des programmes (Directeur de la Radio CCIB Fm+)5, soit apeurés par la disparition des confrères (Groupe de Presse ‘‘Iwacu’’) ou encore agressés dans leurs pays d’accueil (Bonesha FM)6.

En s’attaquant systématiquement aux médias et aux professionnels des médias, le pouvoir de Bujumbura s’est érigé en indéniable atteinte à la liberté de l’information et obstacle à tout pluralisme médiatique. La conséquence immédiate qui en découle est la fabrique de l’espace médiatique voué au filtrage de l’information, à la diffusion des idées du régime, à la célébration des faits et gestes des gouvernants.

L’année 2014-2015 n’est pas seulement la période au cours de laquelle le pouvoir monte les stratégies pour museler les médias et les professionnels des médias, mais elle est également le moment où la restriction de l’espace public et des libertés civiles est évidente. Tout est savamment orchestré pour réduire en silence toute pensée libre. Ainsi, des instruments juridiques potentiellement coercitifs ont existé. A titre d’illustration, on peut mentionner la loi de 2013 concernant les manifestations et les réunions publiques qui limite notamment les droits et libertés de leurs organisateurs, qui peuvent être tenus responsables des infractions commises en ces occasions, au civil et au pénal7. C’est au nom de cette loi que les manifestations d’avril 2015 ont été réprimées dans le sang et la plupart des organisateurs (leaders politiques et de la société civile) poussés à l’exil.

3.2. ‘‘Nyakurisation’’ ou liquidation de l’opposition politique ?

Au Burundi, le parti au pouvoir ne s’est pas seulement contenté de museler les médias et les professionnels des médias, il a aussi entravé l’activité des partis politiques qui se sont vu évoluer dans un espace politique privatisé et privé de tout débat national contradictoire. Dès lors, «toute contestation du système de vérité et de ses signifiants selon le seul point de vue du pouvoir politique s’est vu opposer les forces de coercition de l’Etat. Les arrestations arbitraires et tentatives de liquidations physiques d’opposants, l’interdiction ou la dissolution de partis…ont souvent été des techniques utilisées pour prévaloir le régime de vérité du pouvoir politique par le monopole de la violence » (Katubadi-Bakenge 2017 : 125).

Dans ce climat politique, certaines formations politiques ont particulièrement souffert de la violence politique (l’UPD, le MSD8 ou les FNL d’Agathon Rwasa), d’autres ont été victimes de l’intimidation et de l’« intolérance politique » (UPRONA ou FRODEBU). Ce verrouillage de l’espace public est minutieusement surveillé suite aux irruptions policières ou même de la Ligue des jeunes (Imbonerakure) pour interdire des rencontres des partis politiques d’opposition et la dégradation de certains de leurs symboles (drapeaux ou destructions de permanences locales).

Il faut également mentionner l’immixtion dans les affaires propres aux partis et en les «nyakurisant ». La « nyakurisation » des partis est une technique du « système DD » qui a consisté à orchestrer la scission des partis politiques en agréant légalement des ailes dites « véritables » (nyakuri en kirundi), dirigées par des leaders flexibles à l’égard du CNDD-FDD, contre des sections loyalistes qui deviennent dès lors « non officielles »: ainsi il existe/et ou a existé deux Frodebu (Sahwanya et Nyakuri), deux UPD (Zigamibanga et Feruzi), deux FNL (Rwasa et Icanzo), deux UPRONA (branches dites Nditije et Concilie). Ces manipulations ont marginalisé et phagocyté les formations d’opposition dont les leaders ont souvent critiqué la gouvernance de CNDD-FDD. Ces tendances politiques hostiles au pouvoir ont souvent vu leurs réunions/manifestations interdites, ou violemment réprimées quand elles sont organisées.

Il s’en est suivi l’affaiblissement des partis d’opposition par le harcèlement administratif et judiciaire, l’arrestation ou l’exil de leurs membres. Il faut aussi signaler les tentatives de réunification de certaines formations politiques (FRODEBU, UPD, UPRONA) en ADC-Ikibiri (Alliance des démocrates pour le changement) sans produire les effets escomptés. Au début de 2015, une nouvelle coalition est née. C’est le Rassemblement National pour le Changement (RANAC) qui a fonctionné difficilement et n’est pas arrivé à mieux s’organiser à cause de la restriction de l’espace public. Phagocytés, ces formations politiques n’ont pas été capables de jouer véritablement leur rôle de contre-pouvoir, qu’une partie des médias et de la société civile s’est chargée d’assumer.

3.3. Une société civile à l’interface du combat politique

Par sa diversité, la société civile burundaise constituait un cadre où les organisations économiques populaires9, les organisations de contrôle de l’action gouvernementale10 et les associations religieuses montrent à la fois le triomphe national de l’ idée de société civile appelée à contribuer à l’accélération de l’avènement d’une société civile burundaise administrée dans les limites de la raison et l’atteinte de cet objectif suite à l’omniprésence de la violence et du non-sens dans la sphère politique de l’Etat. Pour sortir de cette double impasse à laquelle s’expose l’exercice public de la raison, un engagement politique citoyen s’impose. Car, c’est en continuant à agir de façon raisonnable et non-violente, seul et/ou avec les autres pour l’avènement d’un Etat vrai, que les membres de ces différentes organisations peuvent contribuer à la construction de la société civile libre, démocratique et non politicienne.

Il est question pour les membres de ces organisations de tourner le dos aux ‘‘dieux tutélaires’’ et d’entrer dans les Lumières, c’est-à-dire la possibilité de faire usage public de leur raison dans le domaine socio-politique. C’est cet usage public de la raison-et non privé- qui peut amener les lumières parmi leurs concitoyens. Mais aucun membre de ces organisation ne peut s’arracher toute seule à la minorité, il a besoin du public pourvu que l’Etat leur en laisse la liberté. L’espace public des lumières est un espace de médiation entre l’Etat et les citoyens où ceux-ci délibèrent publiquement des questions politiques. L’apport de ces organisations à ce débat doit être significatif. Leurs membres deviennent des acteurs incontournables du jeu politique burundais qui luttent contre la répression et la violation des droits humains. Le Président de l’Association burundaise pour la Protection des Droits Humains et des personnes détenues (APRODH) est celui qui a incarné de manière emblématique ce combat politique. Que l’on se souvienne de son emprisonnement entre mai et septembre 2014 après avoir dénoncé des formations paramilitaires des jeunes burundais (vraisemblablement ceux du parti au pouvoir) dans l’Est de la RD Congo.

Dès lors, le conflit entre l’état burundais et une partie importante des organisations de contrôle de l’action gouvernementale devint ouvert. L’année 2015, qui a vu ces organisations conduire les manifestations contre le 3ème mandat du Président de la République, sonna la cloche de la crise durable entre ces organisations et le pouvoir de CNDD-FDD qui, à partir de cet instant, s’observent en chiens de faïence. L’espace public devient plus le ‘‘ring de boxe’’ que le lieu d’affrontement des discours contradictoires. C’est le plus fort, celui qui a tous les instruments de répression à l’instar de Procuste et Sciron, qui l’ a emporté et chassé de cet espace de discussion celui qui est devenu son ennemi juré : une frange importante de l’organisation de contrôle de l’action gouvernementale. Il s’en est suivi la domestication de l’espace public où seuls les ‘‘combattants’’, les ‘‘compagnons’’ ou encore les ‘‘frères de lait’’ du parti au pouvoir peuvent débattre les affaires de la maison ou du maquis. Or, par définition, le lieu de l’espace public est l’opposé de ce genre d’association naturelle centrée autour du foyer (oikia) qui confère à l’homme exclusivement sa vie privée et le prive de ce qui fait de lui le citoyen, à savoir sa bios politikos (Arendt, 1961/1983 : 61).

3.4. Le citoyen burundais: un acteur réduit à la ‘‘vita contemplativa’’

Le miracle démocratique athénien était fondé sur le double enjeu que (i) l'animal politique est doué de raison, (ii) il est capable de conduire souverainement son destin en association avec ses congénères. Mais pour les athéniens, il était également possible que la démocratie dégénère en son contraire: l’anarchie ou l’ochlocratie dont se servent les démagogues et propagandistes pour «manœuvrer » le peuple en flattant ses instincts plutôt qu'en s'adressant à sa raison.

Le Burundi est certainement à ‘‘mille lieux’’ de la démocratie antique. Ses citoyens ont certainement acquis le droit de vote. Toutefois, le devoir capital qui leur incombe reste celui de voter en conscience, en usant de leur raison souveraine, non sans épreuves comme l’ont montré les deux derniers votes (élections présidentielles du 21 juillet 2015 et le référendum constitutionnel du 17 mai 2018). Le citoyen burundais a acquis certes la liberté de se rendre aux urnes pour voter, il rencontre néanmoins d’énormes obstacles pour participer à la vie publique. Aussi, depuis 2014, son droit de vote a-t-il remplacé son « métier du citoyen ». Cette inférence pose la problématique de sa responsabilité dans un pays où la démocratie ne semble réduite qu’à la ‘‘démocratie représentative’’11.

La démocratisation d’un pays n’exige pas seulement « qu’une grande partie de la population soutienne la démocratie, mais aussi que les citoyens adoptent des normes et des types de comportement (favorables à) la démocratisation, et…adhèrent à une culture politique démocratique » (Tessler et Gao 2007 : 219-231.). Pour qu’elle dure, la démocratie burundaise doit reposer aussi bien sur l’engagement et l’activité de l’élite politique que sur les orientations normatives et comportementales des citoyens ordinaires.

De ces orientations de la culture politique, Mark Tessler et Eleanor Gao (ibidem) retiennent, outre l’approbation de la désobéissance civile et l’attachement à l’indépendance des médias,

  1. la tolérance politique. Elle est vitale dans la démocratie pour deux raisons interdépendantes : d’abord, la démocratie suppose l’égalité de tous les citoyens devant l’État et la loi ; et cette égalité ne peut apparaître comme légitime que si le droit du citoyen d’exprimer des opinions dissidentes est reconnu ; puis, la tolérance à l’égard de points de vue divers ou opposés est nécessaire à la contestation politique et à la libre discussion, qui sont elles-mêmes des conditions essentielles de la démocratie. Si le droit de discuter, de revendiquer et de contester n’était pas respecté, les citoyens ne pourraient pas demander des comptes à leurs dirigeants et le gouvernement ne pourrait pas se fonder sur le consentement des gouvernés ;

  2. la conscience que les citoyens jouissent de leurs droits : il n’y a pas de vraie démocratie quand la moitié des citoyens n’ont ni les mêmes droits ni les mêmes possibilités d’accéder à l’influence et au pouvoir politiques que les autres. Il faut non seulement accorder les mêmes droits à tous les citoyens, mais encore respecter les différentes opinions et les différentes préférences ;

  3. la participation à la vie civique : elle favorise le développement de certaines compétences utiles aux citoyens d’un État démocratique comme diriger des réunions, mettre en œuvre une manifestation, faire circuler une pétition, préparer un référendum. La participation à la vie civique peut aussi accroître le sentiment d’efficacité, qui renforce en retour la participation à la vie politique;

  4. la confiance les uns pour les autres : grâce à la confiance, les citoyens peuvent se réunir et mener des actions politiques collectives. La confiance est nécessaire pour que se constituent de puissantes organisations de citoyens qui amélioreront à leur tour la qualité de la gouvernance suivant deux processus importants: du côté de la demande, les citoyens peuvent exiger une meilleure gouvernance, et mener des actions collectives si le gouvernement ne répond pas à leurs exigences; du côté de l’offre, les gouvernements représentatifs peuvent compter sur de nombreux citoyens qui sont autant de législateurs potentiels. Des citoyens qui se font confiance comprennent que la coopération et le compromis sont nécessaires dans une démocratie.

La démocratie burundaise est en panne de ces éléments constitutifs de l’orientation démocratique de la culture politique. Elle n’est attachée à aucune idée de l’indépendance des médias comme nous nous sommes évertués à le démontrer ci-haut. A propos de la tolérance politique, le parti au pouvoir érige de plus en plus un mur politique qui quadrille davantage l’espace public et rend hypothétique tout projet d’ouverture à des idées politiques diverses pour un débat sérieusement contradictoire sur les sujets les plus controversés, comme celui de la gouvernementalité. Du coup, la conscience que les citoyens jouissent des mêmes droits est en train de s’effriter. Certains (les militants du parti au pouvoir) peuvent exercer leur droit à manifester librement; d’autres ont déjà perdu ce droit qui ne relève désormais que du possible. Ce traitement inégal crée le sentiment de frustration chez ces derniers et ravive le sentiment des vainqueurs chez les premiers qui, au lieu de coopérer pour trouver le compromis nécessaire en démocratie, se regardent en ennemis incapables de se faire confiance.

Cette situation relance le débat sur la nature du pouvoir détenu par le parti au pouvoir qui ne le limite qu’à la seule dimension stratégique de la domination et de la division versus la dimension communicationnelle libératrice et l’entente. La jeunesse militante du parti au pouvoir reste le fer de lance de cet antagonisme comme elle l’a démontré lors des différentes mobilisations pour s’opposer notamment à l’ingérence de la communauté internationale dans les affaires propres à la nation burundaise d’une part, et l’érection des stèles/la construction des permanences et l’implantation des drapeaux aux couleurs du parti au pouvoir, d’autre part.

4. Espace public entre domestication et patrimonialisation

4.1. Puissance mobilisatrice d’une jeunesse aux allures visionnaires

Pendant l’année 2014-2015, des acteurs de la vie politique burundaise étaient encore capables de mobiliser les citoyens pour réclamer la justice ou dénoncer l’arrestation de certains leaders de la société civile. Les journées de manifestation ‘‘vendredis’’ et ‘‘mardis’’ verts dédiées à Mbonimpa et Bob Rugurika rappellent une telle capacité de mobilisation. Celle-ci atteignit presque son apothéose en février 2015 lors de la manifestation presque spontanée des milliers des burundais sortis de chez eux pour venir saluer Bob Rugirika libéré de la prison. Elle l’a été davantage lors des manifestations, en avril 2015, contre le troisième mandat considéré par l’opposition et une partie de la société civile comme une violation des Accords d’Arusha et de la Constitution. Après cette date, la répression féroce des manifestations et l’interdiction systématique de toute manifestation politique ou supposée telle ont rétréci considérablement l’espace public, transformé en un domaine privé dont l’accès est interdit aux ‘‘citoyens étrangers’’12.

Cette situation accélère de facto la politique de domestication de l’espace public auquel n’ont accès que les militants du parti au pouvoir. Ainsi, entre 2016 et 2017, les cadres et la jeunesse militante du parti au pouvoir ont souvent battu le pavé. Il s’est agi à chaque moment de fortes mobilisations et des appels à l’action concertée des ‘‘Imbonerakure’’, rassemblés et dynamisant leurs énergies, afin de fustiger la politique française au Burundi aux cris : « À bas le colonialisme de la France! Nous sommes contre l'ingérence de la France au Burundi » (SOS Médias Burundi:, ou de récuser Michel Kafando, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Burundi, taxé « d’instrument des occidentaux… qui ne donne que des rapports mensongers au conseil de sécurité des Nations Unies» (SOS Médias Burundi, ibidem).

Ce contre quoi pensent s’insurger les ‘‘Imbonerakure’’ lors des différentes mobilisations, c’est, d’une part, l’impérialisme occidental (Belgique, Etats-Unis et France), d’autre part, la ‘‘conspiration’’ de la communauté internationale contre les Burundi et leur leader politique. Outre sa méfiance envers la communauté internationale, ces jeunes militants n’ont pas cessé de lancer des diatribes envers une partie de l’opposition politique et de la société civile burundaises qu’ils jugent vassales de l’Occident. Pour rendre aphones ces acteurs politiques, ils utilisent l’intimidation et les mauvais traitements des habitants lors de des patrouilles (Manirakiza et Bigirimana 2017: 7-8), promettent de marcher sur les pays qui veulent déstabiliser le Burundi ou lui choisir les dirigeants (Manirakiza 2017: 9), se lancent dans les écarts locutionnaires en incitant au viol et à la violence contre les opposants (Nikiza 2017: 7), demandent, lors d’Imbonerakure Day, au Chef de l’Etat actuel de «rester au pouvoir à jamais», en kirundi: «Hanagama ku ngoma » (Ndirubusa 2017: 3).

Ces mobilisations des militants révèlent que le CNDD-FDD reste un parti profondément ancré dans la culture combattante qui laisse une marge infinitésimale au dialogue politique. Souvent, à chaque manifestation organisée par ses partisans, ceux-ci transforment ‘‘l’espace public’’ en un lieu de fulmination ou de démonstration de rapport de force, d’où résonne uniquement la voix des membres de la même famille politique qui ne peuvent ni juger, ni commenter, ni débattre de l’action étatique. Ce manque d’exercice de la pensée ouvert prive l’espace public burundais une communication véritablement publique et substitue la confrontation des opinions à l’élaboration d’une opinion solipsiste. Du coup, cet espace public qui devrait être un cadre devient un carcan où seule prévaut la logique monologique et non dialogique. Dans un tel cadre, le militant-manifestant pense ‘‘penser par lui-même’’ alors qu’il pense par quelqu’un d’autre qui le pousse à faire l’expérience de la fêlure citoyenne: il paraît acteur, et pourtant il demeure un simple spectateur que l’agent de mobilisation et de propagande veut entraîner dans la marche ‘‘citoyenne’’ en se servant de la manipulation de son individuation.

‘‘Ce brouillage des repères entre la vie privée et la sphère publique’’ permet à la nécessité d’avoir de la préséance sur la liberté ; ce brouillage….sonne le déclin de la vie publique qui s’efface au profit de l’affichage des sentiments intimes. Cette situation entraîne, selon l’analyse de Richard Sennet, la fusion des individus rationnels dans une communauté émotionnelle, domaine de la pratique de la tyrannie de l’intimité, d’une part ; et la fin de la civilité, socle des liens sociaux respectueux et protecteurs ‘‘du moi des autres moi, d’autre part. (Richard Sennet cité par Eric Dacheux (2008:17).

Un espace public où la tyrannie de l’intimité supplante le libre exercice de la parole devient un espace privé, tourné vers la logique de la monopolisation versus la logique de la discussion. Il est celui où seuls y entrent et restent « des êtres passionnels, irrationnels, ‘‘dupables’’, fascinés par le bruit et le visible, et épatés par les emblèmes, ceux dont toute parole, tout geste et tout regard sont filtrés et surveillés à la loupe (Katubadi-Bakenge, 2017 : 124-125). Un tel espace public, d’après Aminata Diaw, ne l’est que par le nom, car il n’est régi ni par le droit, ni selon des normes et procédures consensuellement acceptées, mais devient plutôt un espace qui n’est pensable que comme lieu de l’obscénité, de la sortie de la société et de la culture et d’affirmation des identités de terroir. On ne peut, en effet, s’inscrire dans un tel espace qu’en excluant l’autre, le privant d’espace, le délestant de toute signification politique, le ramenant au négatif du citoyen (Diaw, 2004 : 43).

4.2. Mobiliser par l’écriture murale et les repères identitaires

Depuis 2017, au Burundi et en particulier à Bujumbura, les Imbonerakure construisent presque quotidiennement les stèles et implantent les drapeaux aux couleurs de leur parti politique pour en pérenniser l’idéologie et la mémoire des combattants. De fait, l’espace public est transformé en patrimoine privé. A Bujumbura, nous assistons au phénomène d’érection des stèles et d’implantation des drapeaux aux seules couleurs du parti au pouvoir. Sournoisement, ceci ‘‘patrimonialise’’ l’espace public et réinstaure de facto le monopartisme. Devenu le patrimoine du parti, seuls ses militants peuvent l’occuper (cas d’incessantes manifestations) et en exclure les autres.

Cela ressemble à une diversification des stratégies d’occupation permanente et d’accaparement de l’espace public qui consiste à asseoir l’idéologie propagandiste du parti, fondation de la bâtisse de la communauté émotionnelle.

Cette nouvelle stratégie de propagande est sui generis, car elle a la spécificité de ne pas seulement domestiquer l’espace public, mais aussi de vouloir en faire le patrimoine du parti. La stratégie adoptée est beaucoup plus ingénieuse qu’on ne se l’imagine. Elle est essentiellement narrative, car elle tente de retracer l’histoire douloureuse du Burundi et son articulation avec la crise récente et lointaine, elle montre la place des passions dans la formation et la création des opinions publiques à partir d’une rhétorique des mobiles politiques propres au parti: victoire, travail de mémoire, intimidation, ultimatum.

Le ressentiment que dénote l’écriture des stèles ressemble à la hargne avec laquelle la ligue des jeunes défile souvent dans les rassemblements au pas cadencé des militaires, une manière de signer leur empreinte digitale sur ‘‘ce qui leur revient désormais de droit’’ : l’espace public burundais. Justine Hirschy et Camille Lafont perçoivent ingénieusement cette attitude lorsqu’elles écrivent :

l’influence de l’héritage maquisard sur la gou­vernance de la société burundaise donne aussi au régime une allure farouche, dans la mesure où sa norme n’est pas le compromis mais la soumission, toute désobéissance ou indocilité étant réprouvée par la coercition. Tout ceci établit donc une empreinte sur les dix années du pouvoir CNDD-FDD: il n’est pas parvenu à mettre à bas cette logique du « commandement » qui prime sur la démocratisation électorale» (Justine Hirschy et Camille Lafont, ibidem).

Les messages sur les stèles sont différents les uns des autres. Ils exploitent divers thèmes aussi bien idéologisants que propagateurs. Ainsi :

  1. l’histoire lointaine et récente du Burundi rappelle un souvenir précis à travers un court récit aux allures des mots de passe. Par exemple, le mot ‘‘twarumvise’’ (nous avons entendu) rappelle les années 1965, 1972 et 1988; twarabonye (nous avons vu) l’année 1993; twaratahuye (nous avons compris) l’année 2015.

  2. l’éternel maintien au pouvoir : CNDD-FDD hora ku ngoma (CNDD-FDD règne éternellement), Hangama ku ngoma (règne éternellement).

  3. invincibilité et immortalité: Caratuvunye ntakugugumwa (Il nous a couté cher, nous ne tremblons pas), CNDD-FDD ntibakorako ntibishoboka (CNDD-FDD impossible de le toucher), CNDD-FDD Abagumyabanga Imbonerakure turiho, tuzokwamaho kandi dutegerezwa kubaho (CNDD-FDD Abagumyabanga Imbonerakure, nous existons, nous existerons toujours et nous devons exister).

  4. fidélité au guide: twebwe abakenyerera rugamba, abagumyabanga, imbonerakure, turazi aho wadukuye nico gituma tutazoguhemukira (Nous, les abakenyerera rugamba, bagumyabanga et imbonerakure, nous reconnaissons combien tu nous a sauvés, c’est pourquoi nous ne te décevrons jamais).

  5. conquête du pouvoir : CNDD-FDD, tsinda 2020 (CNDD-FDD, remporter les éltions en 2020), CNDD-FDD, force 2020, ntawubuza inkona kwarara (on ne peut pas empêcher l’aigle de voler).

  6. résolution et obstination : « Intwari ziriho kandi zizokwamaho » (Des vaillants existent et ont toujours existé), « Haduga, hamanuka, hanyerera, tuzobasongako » (Sur une montée, une descente ou même un terrain glissant, nous fonceront sur eux), « Intumva zamyeho kuva kera » (Ceux qui font toujours la sourde oreille ont toujours existé).

Ces messages, pour la plupart, écrits sur une tonalité martiale, évoquent que la construction du sens et sa configuration se fait à travers un rapport ‘‘forme-sens’’, sous la responsabilité d’un sujet d’intentionnalité pris dans un cadre d’action et ayant un projet d’influence sociale qui s’évertue à imposer une procédure de sémiotisation du monde. La réalisation de cette dernière passe par un double processus : (i) le processus de transformation ; qui consiste à transformer le ‘‘monde à signifier’’ en ‘‘monde signifié’’, (ii) le processus de transaction, qui fait du “monde signifié” un objet d’échange avec un autre sujet parlant qui joue le rôle de destinataire de cet objet (Charaudeau 2018).

Dans ce schéma, Patrick Charaudeau (ibidem) s’intéresse uniquement au processus de transformation pour en débrouiller l’écheveau. Selon lui, le processus de transformation comprend quatre opérations : l’identification, la qualification, l’action et la causation. Grâce à l’identification, le sujet parlant repère dans le monde phénoménal les êtres matériels ou idéisés, les conceptualise et les nomme pour pouvoir en parler. Les êtres du monde sont transformés en “identités nominales”. Il les qualifie, leur donne des propriétés et caractéristiques, partant les transforme en identités descriptives (c’est l’opération de la qualification). Ces êtres conçus et qualifiés sont consignés dans un schéma d’action qui leur donne une raison d’être. Le sujet parlant agit sur eux et les transforme en ‘‘identités narratives’’ (c’est l’opération d’action). La causation inscrit ces êtres (humains et non humains) dans une chaîne de causalité. Dès lors, le sujet parlant tente de transformer les faits du ‘‘monde à expliquer’’ en ‘‘rapports de causalité’’.

Appliqué à l’écriture des stèles, le processus de transformation permet de décrypter le projet de transformation de l’espace public burundais en patrimoine privé (processus de patrimonialisation). Dans ce premier processus, l’approche monologique a la préséance sur l’approche dialogique. Deux types d’acteurs sont impliqués dans ce processus de transformation. D’abord, les ‘‘sujets parlants’’, les Imbonerakure, transforment sans discussion le ‘‘monde à signifier’’ en ‘‘monde signifié’’, celui des identités nominales, descriptives et narratives qui renvoient respectivement aux opérations d’identification, de qualification et d’action. En second lieu, les sujets parlants destinataires, les autres, à qui ils imposent la manière dont le monde des choses est transformé en monde des identités nominales, descriptives et narratives.

Considérons l’écriture ci-après pour étayer ce qui précède: « 1965, 1972 et 1988 : twarumvise », c’est-à-dire ‘‘1965, 1972 et 1988: nous avons entendu’’. L’identification est marquée par l’expression twarumvise, qui détermine le sujet parlant (Imbonerakure) et sa communauté d’appartenance transformés en identités nominales (mode de repli identitaire et de mise à l’écart de l’autre). La qualification se trouve dans le choix de quelques années emblématiques dans l’histoire du Burundi (1965, 1972 et 1988), que les sujets parlants (Imbonerakure) s’approprient et accommodent à leur communauté d’appartenance. L’action est exprimée par l’acte perlocutionnaire de l’acte locutoire/illocutionnaire que subissent les sujets parlants destinataires (les autres citoyens burundais) sans émettre un avis contraire (probablement avec les mêmes moyens) dans un espace public devenu patrimoine privé. La causation est ingénieusement exprimée dans les trois années (1965, 1972 et 1988). Les rapports de causalité qui en constituent la quintessence reposent sur le principe de déterminisme, celui de cause à effet. Dans les trois années choisies par les sujets parlants (Imbonerakure), ni les causes, ni les effets n’apparaissent. Toutefois, ils le savent (Imbonerakure et communauté d’appartenance), parce qu’ils l’ont entendu. Il s’agit ici d’un travail de mémoire à partir duquel, ce que les sujets parlants (Imbonerakure) racontent les identifie et identifie leur communauté d’appartenance à une histoire événementielle. Partant, il y a une sorte d’auto-agissement et d’action menée sur la communauté d’appartenance que les Imbonerakure transforment en identités narratives.

Ce processus de transformation où s’engagent les Imbonerakure pour s’approprier l’espace public national est différent du processus de transaction. Ce dernier, selon Patrick Charaudeau (ibidem), repose sur quatre principes: (i) le principe d’interaction qui pose que tout acte de langage est un phénomène d’échange entre deux partenaires langagiers (présents l’un à l’autre, ou non) qui doivent se reconnaître semblables (partage commun des univers de référence=savoirs partagés/des finalités= motivations communes) et différents (principe de dissemblance ou d’altérité). (ii) Le principe de pertinence : ce principe formule que les partenaires de l’acte de langage doivent reconnaître les univers de référence. En d’autres termes, ils doivent partager, et non adopter, les savoirs sur le monde, les valeurs psycho-sociales et les comportements contenus dans l’acte de langage. (iii) le principe d’influence : il pose que tout sujet produisant un acte de langage (SPAL) vise à atteindre sa cible d’influence, le sujet recevant-interprétant (SRI), soit pour le faire agir, soit pour l’émouvoir, soit pour orienter sa pensée. Cela donne au sujet recevant-interprétant la possibilité d’interagir et oblige les deux partenaires (SPAL et SRI) à respecter des contraintes dans lesquelles ils peuvent exercer cette influence. (iv) le principe de régulation : il stipule qu’à toute visée d’influence est susceptible de répondre une contre-influence. Pour que l’échange ne se termine pas en affrontement corporel ou en rupture de parole, les partenaires (SPAL et SRI) doivent réguler ce jeu d’influences dans un espace de stratégies (cadre d’échange) qui assurerait une intercompréhension.

Grâce au processus, il est possible d’obtenir le second schéma suivant :

 

On peut remarquer sur ce second schéma une transformation au niveau des acteurs. Les sujets parlants du premier schéma sont transformés en sujets communicants, les sujets parlants destinataires en sujets interprétants. Les deux acteurs reconnaissent le même monde à signifier et le monde signifié (principe de pertinence). Cette reconnaissance facilite l’échange entre eux dans le respect de la diarchie ‘‘identité-différence’’ (principe d’interaction). C’est dans cet agir mutuel qu’il est possible de comprendre la finalité intentionnelle: les effets perlocutoires de l’acte langagier sur le partenaire (principe d’influence), dans le strict respect des règles d’intercompréhension (principe de régulation).

Quant aux deux processus de transformation et de transaction, ils se réalisent selon des procédures différentes, mais ils sont solidaires l’un de l’autre. La solidarité est partagée. Par exemple, le principe de pertinence (processus de transaction) exige un savoir commun, lequel est précisément construit au terme du processus de transformation. De même, les opérations d’identification et de qualification du processus de transformation se font en liberté surveillée, sous le contrôle du processus de transaction qui leur donne une orientation communicative et du sens (Charaudeau, ibidem).

La dialectisation du processus de transformation et de transaction permet de sortir de la situation de la ‘‘monolocution’’, dans laquelle les partenaires, qu’ils soient présents ou non, ne sont reliés que par un contrat d’échange différé, et d’entrer dans la situation de l’interlocution, où les partenaires de l’acte de langage sont présents physiquement l’un à l’autre et relié par un contrat d’échange immédiat.

La sortie du processus de transformation où le sujet parlant est recroquevillé (biosphère) permet d’entrer dans le monde des valeurs (sémiosphère). L’opposition faite ici entre la biosphère et la sémiosphère montre l’essence de chaque monde. La biosphère est le monde de l’incommunicabilité, du monologue et de l’accaparement de l’espace public. Il est différent de la sémiosphère qui met l’accent sur les valeurs de dialogue, de partage et de non embastillement de l’espace public. La sémiosphère est un monde des signes. Le pouvoir de traitement y est fortement reconnu. Il suppose un espace de jeu et d’interprétation qui médiatise la relation du signe et de son objet. Cet espace de médiation symbolique ou sémiotique mesure la liberté, parce qu’en fait le monde des signes est un monde du code, de la convention ou du contrat social.

Avec le processus de patrimonialisation l’espace public burundais n’obéit plus aux normes de l’espace de médiation, de codification de la liberté du citoyen et de régulation de la parole/écriture. Dans une telle situation, la seule communication idoine est la propagande, les seuls contrats sociaux possibles restent les discours publicitaires et électoralistes. Dans l’étude qui nous concerne, la seule stratégie de communication pour pérenniser ces contrats reste la publicité faite à travers les stèles pour manipuler, imposer sa vision de la société burundaise sans débat contradictoire et faire la démonstration du droit de la force. Or, par essence, la publicité est le fait de rendre publique son opinion dans le but du débat contradictoire. Pour ce faire, les contrats sociaux liés aux discours publicitaires et électoralistes sont antinomiques avec le contrat de communication du ‘‘débat’’ qui enchâsse les contrats particuliers comme ceux du débat médiatique (qui n’existe plus au Burundi), du débat scientifique (inexistant là encore : peut-on y organiser par exemple des colloques sur les pratiques gouvernementales autour des débats contradictoires?), du débat politique (inexistant même au niveau du parlement: le peuple n’en a aucune idée). En démocratie, il est souhaitable que pour les grandes questions posées sur le destin de la nation (comme le référendum sur la constitution) un pareil débat soit transmis en direct sur les médias afin que le peuple y assiste à sa manière).

Au total, la domestication et la patrimonialisation de l’espace public pose encore aujourd’hui la question du rôle du citoyen dans une démocratie participative et délibérative. Est-on encore en droit de parler de démocratie participative/délibérative au Burundi ? Ou ne s’agit-il que de la démocratie représentative dont le seul moyen d’expression reconnu reste les élections? Peut-on, dans ce cas, imaginer un espace d’interaction où les affaires collectives sont mises en discussion, où les citoyennetés se définissent sur la seule base de la logique dialogique et non sur le fondement de la radicale différence et le principe de l’exclusion?

Conclusion 

La démocratisation du Burundi n’est pas de l’ordre du fixum. Elle se laisse féconder incessamment par l’indéterminé et s’inscrit dans une praxis dialectisante où l’inespoir et le désespoir dans la réciprocité médiatisent continuellement et ouvrent la voie au dialogue entre l’espoir et l’espérance auxquels est lié le rêve démocratique du peuple burundais. Par conséquent, la démocratie à laquelle aspirent les Barundi n’est pas quelque chose de déjà réalisé, mais plutôt un infiniment réalisable d’une démocratie effectivement représentative où tous les Barundi sont libres de discuter et de délibérer sur l’avenir du Burundi.

Depuis 2014 (au moins la période à laquelle est consacrée la présente étude), l’inespoir renait au Burundi et chez les Barundi. Leur démocratie est confrontée à l’iconoclasme d’un des plus grands socles de la démocratie: l’espace public et de ce que ce dernier enchâsse: le débat contradictoire dans les médias, entre les partis politiques, parmi les citoyens, entre les membres de la société civile sur la gestion de la république.

A partir de l’année 2014, en effet, les Barundi vivent dans l’inespoir, c’est-à-dire dans un état d’inertie intérieure au sein duquel leur situation est vécue comme stagnation et putrescence. Cette paralysie les plonge dans une angoisse et les rende incapables de faire face à la temporalité, c’est-à-dire à l’articulation des événements les uns aux autres à travers le cheminement singulier de leur expérience en tant que Barundi du Burundi. Du coup, la plupart d’entre eux deviennent incapables de se temporaliser vers l’avenir, mais se passéisent davantage sans toutefois parvenir à faire le croisement entre avenir et passé qui créent le présent.

Cette incapacité de se saisir de l’essence de l’histoire événementielle dans sa neutralité transcendantale explique les causes de la crise récurrente à laquelle le Burundi fait souvent face. Ces causes sont beaucoup plus profondes parce qu’elles s’enracinent dans l’inertie intérieure et provoquent chez les Barundi, à chaque éclatement du conflit, l’angoisse, c’est-à-dire, selon l’explication de Rollo May cité par Jean-Marie Katubadi-Bakenge, « l’état de l’être humain en lutte contre ce qui menace son existence » (Jean-Marie Katubadi-Bakenge, 2013 : 173). Qui peut bien menacer l’existence de l’être burundais si ce n’est le burundais lui-même? Dans l’histoire du Burundi, la jeunesse a souvent été utilisée pour incarner et matérialiser ce projet de menace contre la démocratie et ses bases normatives. Hier, la JEDEBU, les SANS DEFAITE et les SANS ECHECS ont été les agents au service de la stratégie de l’intimidation et de l’ultimatum; aujourd’hui, ce sont les IMBONERAKURE.

La situation de menace récurrente fait douter des Barundi à qui désormais l’environnement socio-politique apparaît brusquement comme dénué de toute importance, devient dérisoire et s’effondre dans une sorte de vacuité. Aussi sont-ils privés de lieu de discussion pour débattre de la société comme un espace porteur d’espoirs, d’émancipation, de participation et de progrès vers une société plus juste. Ce doute provoque chez eux une vision quelque peu désenchantée de la démocratie au point qu’ils ne la considèrent plus «comme un régime politique où la souveraineté du peuple est garantie par sa participation éclairée à l’élaboration de l’opinion publique, mais comme un système qui contraint à renoncer, de manière douloureuse, aux attentes de rationalité et aux espoirs placés dans une revitalisation de la “vie” civile républicaine » (Le Bouter 2018).

Dès lors, l’état dans lequel se trouve le Burundi semble celui de déréliction, c’est-à-dire un état d’abandon de ce qui constitue la quiddité de la démocratie : l’espace public. Est-on alors en train de vivre la fin de rêve démocratique dans le Pays des Tambours ? « La démocratie est un régime politique qui permet une continuelle alternance entre le gouvernement et l’opposition et qui offre un équilibre entre stabilité et variété, lequel permet au système politique de se perpétuer : les gouvernements changent mais le système perdure » (Bouter 2018). Par conséquent, le décryptage du régime démocratique nous exige à ne pas le confondre avec le simple choix de ceux et celles qui vont siéger aux assemblées législatives ou composer le gouvernement.

Le débat posé ci-haut est celui de différencier sans les opposer la démocratie représentative et la démocratie participative. En démocratie, il ne suffit pas d’envoyer les électeurs, mais il est également impérieux de créer des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter l’implication des citoyens dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décision. Ce système, éminemment inclusif, favorise donc une pleine participation de tous les citoyens au processus démocratique où seule la politique délibérative a de la préséance. La conduite de la politique délibérative exige la création et le développement des structures communicationnelles, dans l’espace public démocratique, grâce auxquelles l’articulation des revendications de justesse et de vérité doit être faite. La vérité se comprend ainsi comme ce qu’une communauté politique projette spéculativement et hypothétiquement, comme l’ensemble des intérêts particuliers et contradictoires qu’elle se doit de transformer par la discussion et l’argumentation rationnelle en aspirations universalisables. Les normes entretiennent alors un rapport immanent à la vérité en ceci qu’au lieu de «régler» des intérêts divergents, elles expriment des aspirations communes; la vérité est ainsi communicationnelle, intersubjective et donc un bien politique (Katubadi-Bakenge, 2017 : 119).

La politique délibérative n’est possible que s’il y a prise en considération de la diversité des formes de communications qui conduisent à l’entente commune. Elle s’appuie donc sur les conditions de la communication. La procédure idéale de délibération démocratique est celle qui tisse un lien interne entre les négociations, les discussions sur l’identité collective et les discussions sur la justice. Il faut reconnaître toutefois que tout le monde ne peut pas participer à toutes les discussions dans l’esprit d’une démocratie directe. C’est pourquoi la théorie délibérative compte sur l’intersubjectivité supérieure de processus d’entente qui se déroule soit sous la forme institutionnalisée de délibérations menées dans les corps parlementaires, soit dans le réseau des communications des espaces publics politiques. Ces espaces publics politiques sont des « arènes » où une formation plus ou moins rationnelle de l’opinion et de la volonté peut s’opérer à propos de thèmes pour la société entière sur la base d’un débat contradictoire (Katubadi-Bakenge, 2018).

L’idée de confrontation atteste que la discussion n’est jamais définitivement ‘‘épurée’’, mais toujours ‘‘polluée’’, des mobiles cachés et des contraintes de l’action. L’espace public devient ce lieu où les discussions menées sont enchâssées dans la dialectique d’une entente qui réussit ou qui échoue. Dans un tel espace, aucune décision n’est prise sans discussion, ni délibération au préalable.

Au Burundi, la condition de possibilité de telles discussions doit passer par la déconstruction de l’espace clos et l’édification de l’espace ouvert où tout citoyen burundais sera plus un acteur politique qu’un simple membre confiné dans l’architecture domestique. Il en découle que

  1. Le système de l’Administration publique, où il va interagir, gouverne ; mais son pouvoir doit se régénérer à partir du pouvoir fondé sur la communication ;

  2. le droit dans ce système devient le médium d’une transformation du pouvoir fondé sur la communication ;

  3. le principe démocratique d’où émane la souveraineté des Barundi est lui-même déductible du pouvoir des citoyens et citoyennes fondé sur la communication ;

  4. au nom du principe de légalité et d’équilibre entre les pouvoirs l’administration respecte le pouvoir législatif sans y interférer ;

  5. Le pouvoir législatif est transféré aux citoyens grâce à leur capacité à générer le pouvoir communicationnel ;

  6. l’administration garantit des espaces publics pluriels/autonomes propice à la concurrence entre les partis politiques.

1 Cette conception constitue l’épicentre des théories sur la démocratie considérée comme ‘‘la loi de la majorité’’.

2 Lire la réflexion de Jean-Salathiel sur la libération de Bob Rigirika

3 C’est dans ce sens qu’au sujet de la RPA il convenait de parler justement, selon l’expression de Michel Pichette, de média citoyen, c’est-à-dire un véritable lieu d’expression libre des ‘‘sans voix’’.

4 Lire à ce propos l’acte d’engagement entre Les Radios Rema FM et Isanganiro et le Conseil National de Communication.

5 Les programmes de la Radio CCIB FM+ ont été suspendus le 28 septembre 2017 pour une période de trois mois par le Conseil National de Communication suite à cette information suivante livrée dans l’éditorial du média : « Ça fait longtemps dans notre pays le Burundi, nous perdons des citoyens. Leurs corps sont retrouvés flottant dans les rivières, d’autres jetés dans des caniveaux ; et tout ça, on dirait que ça ne signifie rien. Encore  hallucinant, plus d’une trentaine de citoyens burundais viennent d’être massacrés dans un pays voisin, la RDC. Est-il acceptable qu’on laisse les Burundais périr comme des fourmis ? » (Information reprise par Honoré Mahoro et Déo Ndayishimiye, Le CNC, garant de la liberté de presse ou gendarme? (2017).

6 Quand le Groupe de Presse Iwacu déplore la disparition de son journaliste Jean Bigirimana, le vendredi 22 juillet dans l’après-midi ; la radio Bonesha FM informe sur la situation de son journaliste Boaz Ntaconayigize poignardé le 30 juillet dans les rues de Kampala où il se trouve en exil (Burundi : les derniers mots de Jean Birigimana avant sa disparition 2016).

7 Loi n° 1/28 du 5 décembre 2013 portant règlementation des manifestations sur la voie publique et réunions publiques.

8Le 8 mars 2014 à Bujumbura, une manifestation du MSD à la permanence a été dispersée violemment par la police et tournée en affrontements après la séquestration de deux policiers et les tirs de leurs collègues sur les militants. Le jour même, Alexis Sinduhije reprit le chemin de la clandestinité, et parmi les dizaines de ses partisans arrêtés, certains furent condamnés à des peines de prison à perpétuité (Hirschy et Lafont 2018).

9 Cas du Forum des Organisations des Producteurs Agricoles du Burundi (FOPABU).

10 Cas du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC), de la Coalition de la Société Civile pour le Monitoring des Elections (COSOME), Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Burundi (ACAT BURUNDI), Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE), l’Association burundaise pour la Protection des Droits Humains et des personnes détenues (APRODH), de la Ligue burundaise des droits de l’homme (Ligue ITEKA), de l’Observatoire de la Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME), de la Plateforme intégrale de la société civile burundaise (PISC-BURUNDI), de l’Association pour la Consolidation de la Paix au Burundi (ACOPA BURUNDI), de la Société civile citoyenne (SOCIC).


 

11 Au Burundi, l’élection de la liste des candidats présentés à la députation par leurs partis politiques et non les individus qui entrent en contact avec leur électorat pour défendre leurs projets de société pose la question de la représentation : Comment les membres d’une liste peuvent-ils « vraiment » représenter ceux qui ne les ont pas élus normalement ?


 

12Je fais ici allusion à la nuance subtile entre les expressions ‘‘abenegihuku’’ et ‘‘abanyagihuku’’ d’usage récurrent aujourd’hui dans le vocabulaire de l’homme politique burundais (en particulier de CNDD-FDD).

Référence Bibliographique: 

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https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/04/burundi-le-pouvoir-s-a..., consulté le 2 juin 2018.
Charaudeau, P 1995. Une analyse sémiolinguistique du discours, Revue
Langages n° 117, Larousse, Paris, consulté le 23 juin 2018 sur le site URL: https://www.patrick-charaudeau.com/Une-analyse-semiolinguistique-du.html.
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CNRS Hermès. Paris: Les essentiels d’Hermès.
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