UNIVERSITE ET FORMATION DU LEADERSHIP D’AVENIR POUR L’AFRIQUE

Abstract: 

This article highlights the training in a leadership at university of Africa for future generations. It reflects on how African universities could first focus on African required skills for future profession, after graduation, when they elaborate the prospectus for students that targets success in Africa and international relations. However, the problem rests on how to build the awareness of Africa’s needs, weaknesses and strengths to guarantee the well-being of her citizens. Thus, Africans can draw on fruitful strategies   to provide leadership knowledge for   basic needs first, and then move forwards to that  of self-actualization such as; independence, liberation, and identity. The resolution is both internal and external. Indeed, it is an illusion of leadership when African cultures and identities do not fulfill basic needs of their populations. Consequently, accumulations of all globalization paradigms have delayed African development and have, unfortunately, promoted imperialism. Still, choosing African values that can stand this evolving world remains an avenue for a positive evolution. This is why senior leadership should possess skills to understand and manage relationship more peacefully than musing on problems. Besides, a leader should first take care of the needs of people they lead and their own after. A mature leadership should bring younger generation to senior leadership. For this to become successful; there is a need to address mentors with life experience and relational wisdom in addition to intellectual baggage. Indeed, most African societies have scholars in many knowledge areas. Unfortunately, they still vie for leadership with emotional and spiritual maturity to manage their talents. Therefore, it is a requirement for the university of Africa to establish programs that will train a leadership of higher standard for a hopeful humanity.

  1. La question dans son contexte

L’appel à contribution donné par Ntibagirirwa (2017) pour nous introduire le  volume n˚13 de la RevueEthique et Société nous relate le parcours du leadership en Afrique, de l’époque coloniale à nos jours. L’auteur souligne que la conscientisation qui avait pour but la poursuite de l’ultime objectif des populations qui était de se libérer du joug de domination et de dépendance à l’époque coloniale est tombée dans l’oubli car poursuit l’auteur, après les Indépendances, le leadership s’est détourné de la philosophie ‘‘du don de soi pour le bien-être des populations’’.  D’aucuns se demanderaient pourquoi la motivation première devint tout d’un coup celle de plaire aux puissances coloniales et impérialistes au détriment des populations abandonnées à leur triste sort avec les conséquences de l’instauration du pouvoir arbitraire, tyrannique et patrimonial.En effet, le monde contemporain vit un changement rapide et déterminant marqué surtout par les effets de la mondialisation, la complexité de la société, la relativisation des valeurs, le relativisme moral et spirituel et les gens travaillent souvent dans la routine sans stratégies adéquates adaptées aux situations réelles. 

Notre regard sur le leadership de  l’Afrique nous invite à réfléchir surquatre questions :

  • A quels défis le leadership africain  fait-il face aujourd’hui ?
  • Comment l’Université peut former le leadership d’avenir pour l’Afrique ?
  • Comment concilier la formation universitaire avec la formation culturelle pour un leadership d’avenir ?
  • Quel conditionnement est-il nécessaire pour introduire le changement progressif ou l’évolution positive des systèmes africains?
  • Les défis auxquels  le leadership africain  fait face aujourd’hui 

Pour répondre à la question sur les défis majeurs rencontrés par le leadership  africain, nous nous sommes faits aider par la synthèse  des recherches effectuées par les chercheurs africains sur leur terrain de travail.  Il s’agit des recherches de la Commission rwandaise de l’unité et la réconciliation sur les causes profondes de la violence constatée après le génocide des Tutsi (Nzabandora, Karamira, Rwego-Kavatiri, Vuningoma & Tuyisabe, 2008, citées par Uwimanimpaye, 2010). Nous lions cette problématique de la violence avec le leadership car sa préoccupation première devrait être la sécurité interne et externe des citoyens.

Les causes qui troublent la paix, le bien-être des populations sont nombreuses. Nous retenons seulement celles qui ont attiré l’attention des recherches menées au Rwanda (Nzabandora, et al. 2008, cité par Uwimanimpaye 2010): l’ignorance, la jalousie, la peur alimentée par les blessures liées à l’histoire.

  1. Jalousie

Nous assimilons la jalousie à l’envie qui est une émotion qui « inspire de l’aversion pour celui qui possède ce que l’envieux désire  avec, corrélativement, la volonté de nuire.  En fait c’est l’expression de la  pauvreté avec ses nombreux effets  négatifs, dont l’augmentation de l’aversion entre groupes privilégiés et non privilégiés. Elle active ou intensifie l’expérience d’injustice, et l’injustice sociale perçue en se comparant aux autres, fait monter la jalousie, la colère et le ressentiment qui aboutissent à la violence.

Selon Nzabandora, et al. (2008), la jalousie est à l’origine de la méchanceté dans la société, de toutes les violences physiques communautaires non directement liées au génocide et des six types de violences psychologiques et économiques sur les neuf identifiées dans la société rwandaise, soit 66.66% des cas.

  1. Peur liée à l’histoire

Le passé est lourd, il nous pèse sur les épaules et rend difficile un nouvel envol. Le phénomène de la peur liée à l’histoire renforce inévitablement le sentiment d’insécurité. Les auteurs (Jarymowicz, M. & Bar-Tal, 2006) qui ont travaillé dans les régions du Moyen Orient ont mis en évidence le phénomène d’une peur paralysante qui handicape l’évolution de la société ou des institutions  et qui est alimentée par la blessure de la mémoire collective. Elle devient source de violence, parce qu’elle conduit la personne à rester toujours sous ses défenses et l’incite à attaquer avant d’être attaquée, à détruire plutôt qu’à construire.

 

  1. Ignorance

Sans connaissance de  soi et des autres, il y a perte d’une vision des objectifs communs pour le futur ! Avec cette vision narcissique ou un repli sur soi-même, la personne perd même le sens de son identité qui ne devient authentique que lorsque l’individu ne souffre pas du besoin d’appartenance.

Cette difficulté d’intégrer la raison sur le plan collectif, et symétriquement individuel détermine et explique le clivage entre la pensée  et la réalité, la représentation et le vécu ; ce qui entraîne  la fragilité de l’identité et la difficulté de certaines  sociétés à se projeter dans l’avenir et à définir  des fins collectives pour un projet social (Mappa, 2005). Il y a une confusion entre  évolution et répétions dans le temps qui constitue un obstacle au changement.

Lorsqu’on est dans la répétition de l'échec, cela veut dire que l’on ne se laisse pas instruire par l’histoire et que l’on ignore ses propres expériences et  celles d'autrui dans le temps. A ce moment,  ce qui apparait comme changement à un moment précis, est une réédition du passé que l'on nomme, à chaque fois, différemment.

Le leadership africain est piégé par le  manque du temps pour méditer sur un projet  social propre,  lancé pour relever les défis communs  identifiés.  Serait-il  possible pour le leadership africain d’élaborer un projet social sans la  volonté de se remettre en cause, d’avoir un regard critique sur soi?

  1. Fonctions de l’éducation universitaire
  2. Comment peut-on former le leadership?

Toute éducation universitaire se spécialise en trois domaines : donner des connaissances intellectuelles, promouvoir la pratique des actions sociales communautaires et mener des recherches dans différents domaines. Au profil de sortie nous évaluons le savoir intellectuel, le savoir-faire et le savoir servir ainsi que le savoir être. Cette orientation remplit bien les critères d’une formation intégrale, ce qui fait défaut, c’est l’orientation innovatrice et productive.  

En plus de ces piliers universellement reconnus, l’université devrait former les gens en tenant compte des défis relevés au niveau mondial et plus spécifiquement au niveau local comme la satisfaction des besoins personnels et des autres,  le respect dans la transmission des valeurs collectives et la promotion des connaissances, des aptitudes  et des valeurs propres à chaque société. En effet, le changement d’une société s'aligne sur un projet qui se construit à travers le débat social et à partir de ce qui est là,  comme matière première (Mappa  2005).

  1. Satisfaction des besoins personnels et des autres

Pourtois et Desmet (2004), abordent le sujet des besoins pour répondre à la question de savoir comment l’éducation implicite participe à l’élaboration de l’identité psychosociale de l’individu. L’hypothèse exploratoire qui a orienté leur étude était que, l’identité de l’individu se construit au fur du temps sur base d’une multitude d’expériences vécues qui laissent des traces dans la mémoire, lesquelles traces ou traits du passé exerçant par la suite leurs effets sur les multiples dimensions de l’identité de l’individu.  Il s’agit, selon ces auteurs, d’un processus complexe et conflictuel qui active les composantes affectives, cognitives, sociales et idéologiques. Ces dimensions fondamentales de l’identité renvoient à la notion de besoins, ceux-ci exprimant la dépendance de l’individu et concrétisant l’importance de l’éducation implicite car même si elle exerce un pouvoir sur l’individu, elle est aussi nécessaire à son développement, voire à sa survie.

Ce renforcement, moteur de tout apprentissage et tout réapprentissageapporte des changements. En cherchant à satisfaire les besoins des personnes pour leur bien, leur changement et leur croissance  deviennent possibles (Uwimanimpaye 2010). Ainsi, en répondant et en adaptant ses réponses aux besoins de la société, le leader est-il à l’origine de l’élaboration de l’identité de la population.

  1. Le respect dans la transmission des valeurs collectives

En psychologie, une valeur est un trait de personnalité différent des besoins parce qu’elle exerce un attrait sur l’esprit humain contrairement au besoin qui exerce un pouvoir. Les valeurs interviennent dans la créativité ou capacité de faire émerger de nouvelles relations, des rencontres ou des liens dans un processus de « coévolution »  (Benoit, et al. 1988).

Une valeur est aussi reconnue comme un idéal abstrait et durable qui conditionne la conduite présente dans le but d’atteindre un objectif final dans son existence. Elle diffère de l’intérêt car ce dernier  est transitoire, occasionnel, et surtout sans charge affective. On a de l’intérêt pour la profession, l’art, l’argent, un hobby et même une personne, dans la mesure où ils peuvent satisfaire un besoin immédiat. De cette position, deux catégories de valeurs sont distinguées: les valeurs terminales qui concernent la fin que l’on veut atteindre, et les valeurs instrumentales qui concernent les moyens mis en œuvre pour atteindre la fin. Les valeurs sont souvent incarnées dans une culture qui a comme composantes: les comportements appris communs, les traditions et les significations communes, ainsi que la transmission du tout d’une génération à l’autre (UNESCO 1982). Dans la nature humaine, chaque fois que l’on prend la valeur instrumentale comme valeur finale, on aboutit à une violence et un désordre sans fin.

Aucune culture n’est meilleure par rapport à l’autre, mais les jugements éthiques sont relatifs, ils diffèrent d’une culture à l’autre dans ce sens que ce qui est apprécié dans une culture peut ne pas l’être dans l’autre. Ainsi, le leadership  prendra connaissance, que la culture contient des valeurs collectives indispensables au développement et à la socialisation de l’être humain  mais qu’elle détient aussides croyances rigides facilement utilisées pour dresser les gens les uns contre les autres, par exemple, les oppositions chrétiens et musulmans, Nord-Sud, Est-Ouest… Cette situation ambivalente  se trouve chez les croyants, qu’ils soient chrétiens, musulmans, bouddhistes… et dans  toutes  les cultures comme dans toutes les ethnies et institutions.  

  1. Formation universitaire etobjectifs  d’ouverture au monde

Dans certains cas, nous constatons que la culture moderne a ignoré les méthodes culturelles locales ou les a remplacées par des approches plus techniques ou professionnelles alors que ces premières peuvent s’avérer très pertinentes si leurs aspects positifs étaient combinés avec des méthodes plus modernes (Uwimanimpaye &  Zanolli 1999). 

L’Université devrait former  au sens de responsabilité envers soi-même et envers la société.  Par cette formation, la vision du monde devrait s’élargir pour distinguer l’Universalitéde la  Singularité. Aspirer à l'universalité de la théorie  quelconque, comme on le fait  souvent, c'est masquer et la pluralité des théories et celles de leurs originalités qui ne se valent pas, c'est cacher  à  la fois ce qui est global et  spécifique, général et particulier. Il en va de même pour la démarche opposée, celle qui occulte le global au nom du particulier et du multiple (Mappa 2005). Avec l’uniformité on  se trouve ainsi dans une situation paradoxale : les propositions qui viennent des élites du Tiers Monde souffrent d'une intenable contradiction, soit elles sont calquées  sur le modèle du système dominant qui fait fi de la situation locale; soit, ce qui revient au même, elles restent fixes à l'idéalisation de la société locale telle qu'elle est et évacuent la question de changement. Selon Mappa (2005), ce n'est pas l'action mais la réaction qui prend le pas pour la révolte identitaire. Cela ne nous étonnerait pas donc, si nous trouvons qu’après les révolutions des Africains contre la colonisation, il y ait eu  stagnation ou même recul en arrière.

  

Il faudrait voir comment ces révoltes s'articuleraient pour aller vers un changement ou une autonomie sans refus catégorique de l’apport extérieur et sans absorber ce qui est incompatible  à sa culture.  Autrement dit,  intégrer la modernité est une condition sine qua non! Mais comment le leadership africain peut-il y arriver sans comprendre ce qui lui est spécifique et sans une idée de sa propre spécificité?

  1.  Le leadership équitable pour les générations futures

Plusieurs valeurs se présentent et le leadership africain  ne se mettrait pas à l’écart du jeu, il lui faudra seulement ne pas perdre son équilibre.

  1. Négociateur  des deuxtypes de valeurs : individualisme  et don de soi

Les sociétés nordiques valorisent l’indépendance et les Sudistes les trouvent individualistes tandis que les Sudistes  liés à la vie sociétale sont caractérisés de dépendants. Les deux milieux ont tous ces deux valeurs.

Les personnes valorisant l’indépendance, selon Dazen (2007), ont une conception analytique, un jugement personnel, et moins d’empathie dans les interactions sociales alors que personnes favorisant la vie commune, utilisent une conception globale, se laissent influencer par leur entourage, aussi bien au niveau de la cognition que dans le champ social, et sont facilement empathiques. Les uns diront que les gens  ayant  un jugement personnel sont plus mûrs alors que ceux qui réagissent face à la souffrance des autres sont plus mûrs.

En effet, la pensée occidentale, et la pensée négro-africaine traditionnelle développent des représentations particulières de la nature et de l’homme. Dans la première, l’homme est différent et domine de la nature  qu’il doit conquérir pour en devenir le maître. La seconde perçoit la nature comme une totalité organisée dont l’homme fait partie ; ce dernier ne serait donc prendre son indépendance sans menacer sa vie, ce qui  nécessite, positivement l’esprit de négociation (Panu-Mbendele, 2005).

Dans notre cas, nous trouvons que les deux approches ont quelque chose à nous apprendre. La dépendance à l’égard de la communauté, rappelle que dans l’éducation, il faut être près des gens en formation pour modelage et la transmission des normes. En complémentarité, le modèle d’indépendance à l’égard du groupe, apporte l’élément d’une certaine distance qui doit exister dans les relations interpersonnelles. Ainsi, l’éduqué peut explorer d’autres manières de faire, d’autres relations humaines, pour enrichir sa personnalité et augmenter ses compétences. Ainsi donc, la mondialisation vue dans son côté positif,  qu’elle provienne des grandes puissances ou qu’elle provienne des partenariats simples, gérée en tenant compte des besoins humains contextuels, pourrait enrichir davantage les relations et diminuer les conflits.

  1. Négociateur des valeurs dites universelles et spécifiques

Pour l’UNESCO (1982), la culture, dans le sens le plus large, peut être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. 

Quand il s’agit de la rencontre de plusieurs cultures, la méthodologie s’avère ici très importante car, plusieurs fois les interventions entre plusieurs personnes font émerger des produits originaux qui constituent des règles de conduite, des échelles de référence communes ou des normes. Il faut un dialogue, créant des dissonances cognitives entre les valeurs à changer et des valeurs nouvelles.

Premièrement, si on enseigne seulement les valeurs traditionnelles, la valeur extrême de l’amour ne sera pas absente, mais c’est l’amour exclusif et non l’amour inclusif qui sera acquis. Deuxièmement, en rejetant les valeurs traditionnelles au profit des valeurs chrétiennes ou autres valeurs modernes de la mondialisation, on obtiendra par l’effet de réaction le renforcement des valeurs traditionnelles car l’objet qui en résulte est toujours recherché. Donc, par ce repli identitaire, c’est l’amour exclusif qui se renforce et non l’amour universel prêché par Jésus dans la loi nouvelle (Uwimanimpaye 2010).

Le fait de ne pas travailler pour la refondation de ces valeurs ne peut que laisser les individus dans les situations conflictuelles. L’être humain possède une aptitude de s’adapter aux changements institutionnels aussi longtemps  que ses valeurs qui structurent sa vie et son existence ne sont pas bafouées. Ainsi, pour que l’individu retrouve son équilibre psychique, les apports étrangers doivent eux-mêmes subir des transformations pour qu’ils ne soient plus perçus par la culture autochtone comme éléments étrangers, mais plutôt comme faisant partie intégrante d’elle-même.

  1. Connaisseur  de son milieu et celui des autres

Le leadership africain s’appuie sur  la culture  traditionnelle et la religion.  Le côté positif de ces systèmes est incontestable: le respect des normes établies, valorisant particulièrement l’autorité et  les hiérarchies. Les autres  valeurs partagées sont par exemple, le sens de la communauté et de l’autorité, un grand respect de la tradition, le sens de la fête, la foi en la providence et dans l’intervention permanente du surnaturel dans tous les aspects de l’existence.

Les traditions séculières et religieuses peuvent véhiculer aussi les mêmes antivaleurs: le rejet de l’altérité, le rejet de la raison qui ne s’aligne pas à la coutume, l'apprentissage des contraintes, l’intolérance, la discrimination ou l’exclusion des coupables qui ne se soumettent pas, l’opposition au partage du pouvoir.

Le nouveau leadership devrait faire une réactualisation du passé par une lecture renouvelée, en fonction des nouvelles valeurs et sens des sociétés, des nouvelles questions posées au lieu d’avoir  une fixation sur le traumatisme vécu et la nostalgie  passé. Avoir  les prises de position non dictées par des questions d’intérêts est une formation à acquérir  pour orienter le leadership d’avenir. Etre capable de reconnaitre  ses faiblesses sans tomber dans la dépression,  sans nier le tout en bloc et sans se détourner complètement contre ceux qui donnent ces reproches constituerait la force du leadership.

  1. Leadership, agent du changement

Le début du changement consiste dans la prise de conscience individuelle ou collective du problème et la prise de conscience de ses valeurs et de ces capacités pour le changement. Le leadership devrait être un agent de changement  environnemental, culturel et  structurel ainsi que  personnel.

 

  1. Agent pour le changement dans la satisfaction des besoins fondamentaux

Les Africains ont été critiqués de calquer souvent les systèmes économiques des grandes puissances et de travailler bien sûr pour l’intérêt de ces dernières. Sans abandonner l’idée de collaborer avec ces puissances économiques, le leadership d’avenir pour l’Afrique devrait faciliter  des innovations qui montrent une vision pour le bien-être des  humains.

 

Pour le citoyen, la valeur de l’obéissance à l’autorité interne ou d’outre-mer  garde son sens pour la stabilité et la maintenance du système à condition que le système ait des objectifs clairs pour le bien de tous  et que la personne ait eu le temps de bien  comprendre  les objectifs du leadership et dans le cas du possible de participer dans la prise de décision  pour l’atteinte du but fixé.

 

Si après les Indépendances, le leadership s’est détourné de la philosophie du don de soi pour le bien-être des populations (Ntibagirirwa, 2017),  nous postulons  qu’il a senti que ses  besoins sont plus satisfaits par les puissances impériales que par les concitoyens et que l’idée de sacrifice n’y est pas. Ainsi donc, le leader dont les besoins de base ne sont pas satisfaits et qui n’est pas formé pour dépasser le niveau narcissique ne peut jouer que le rôle du mauvais berger qui maltraite les brebis (...) ou du mauvais berger déguisé en mercenaire  qui cherche ses intérêts au détriment du bien être des brebis (Jn 10, 11-13).

 

Il faut donc un développement des Institutions  qui se définissent en termes culturels, proposant une réponse adaptée à l’état actuel du monde mondialisé. Il serait erroné de conclure que toutes les  revendications  identitaires  soient hostiles à la modernité, ni que l'identité soit forcément un repli, un retrait par rapport à la réalité et au monde extérieur. Certains cas montrent que l'identité forte pourrait être une condition d'ouverture et d'intégration dans le monde (Mappa, 2005). A titre d’exemple, une des stratégies de réduction de la pauvreté au Rwanda est basée sur la pratique culturelle d’« Ubudehe » ou l’entraide mutuelle et cela n’entrave pas la marche vers la mondialisation.

 

  1. Agent pour le changement culturel et structurel

Le changement ne concerne pas seulement l’environnement, mais aussi le cadre culturel et organisationnel. Tant que les sociétés du Tiers-Monde restent piégées dans le mimétisme, c'est le système actuel de la mondialisation  qui est renforcé, la tradition faisant obstacle au  changement et favorisant la soumission indiscutable à l'intérieur comme vis-à-vis de l'extérieur (Mappa 2005). Tant que le cadre relationnel actuel n'est pas remis en cause par les deux partis, tant que les dominés sont préoccupées par le désir de dominer et non pas de servir, c'est leur domination qui sera probablement soutenue (Mappa 2005).

Mais pour que la société puisse se projeter dans l'avenir et déployer d'autres formes d’organisation, d'autres valeurs et significations imaginaires, il faut encore qu'elle puisse reconnaitre  les qualités et les défaillances  de sa culture et cela est du domaine des intellectuels. La formation universitaire devrait donc prendre distance du fanatisme politique ou culturel pour permettre une évolution plus positive. Par la promotion culturelle, le changement structural adéquat pourrait avoir lieu sans recours à la brutalité  des mesures administratives imposées, appelées à tort réformes qui démontrent combien il est encore difficile de se représenter le changement comme un processus interne à la société.

  1. Agent pour le changement personnel
  2. Le leadership  modèle d’une moralité exceptionnelle 

Le leader est celui qui enseigne par l’exemple. Un tel engagement n’est pas fondé sur la contrainte, la manipulation, l’intolérance ou la violence consistant à convertir les autres contre leur volonté, mais sur une éducation méthodique et raisonnée dans laquelle l’éducateur doit être lui-même une illustration vivante de ce qu’il enseigne.

 Le leader s’entraîne à atteindre la maturité morale (Kohlberg 1983) passant de la morale pré-conventionnelle, orientée vers la punition et l'obéissance (stade 1)  ou  vers l'échange (stade 2), la morale conventionnelle orientée vers les bonnes relations familiales et interpersonnelles (stade 3) et orientée vers le maintien de la loi et de l'ordre (stade 4) pour atteindre l’étape de la morale post-conventionnelle orientée vers  le respect du contrat social et des droits individuels (stade 5).

En outre,  la personne mûre trouve qu’il existe différents points de vue, que les valeurs sont relatives, que les lois et les règles doivent être respectées pour préserver l'ordre social, mais qu’elles peuvent être modifiées suivant la situation contextuelle. Toutefois, certaines valeurs sont absolues, comme l'importance de la vie humaine et la liberté de chacun, et elles doivent être défendues à tout prix tout en  respectant les principes éthiques universels (stade 6).

Le citoyen lui, apprend par imitation. Il lui suffit de trouver un espace sécurisé pour s’approcher de ceux qui ont plus d’aptitudes que lui tisser des liens socioéconomiques orientés par le leadership.

  1.  Le leadership exceptionnel

Icyazo (1985 cité par Uwimanimpaye  (2010) et Warner et Wilder (2016), trouvent que la personne est capable d’amener les autres dans une voie de sécurité quant elle est, elle-même sécurisée. C’est un leader qui n’est plus préoccupé par ses besoins personnels et qui invite les autres à se surpasser (Brehm,  Kassin & Fein 2005)[1].

 Pour Charaudeau (2015), il s’agit d’un leader charismatique, dont les traits spécifiques sont la  source mystérieuse  du charisme, sa manifestation et son interaction avec le milieu.Beaucoup de personnes que nous côtoyons quand nous leur interrogeons  sur les qualités qu’ils aimeraient pour caractériser le leadership  ne cessent de citer : le sens de responsabilité, la communication,  la collaboration, l’écoute active,  la simplicité abordable par quiconque veut les approcher, la capacité de prise de décision réfléchie, la justice dans les attributions des charges,… Ces qualités épousent en quelque sorte celles du leader démocratique selon Charaudeau (2015) qui le démarque du leadership charismatique de la manière suivante : le désir de travailler, un haut niveau de rationalité et la capacité de délibérer caractérisent le leadership démocratique tandis que l’appel à l’émotion de l’audience et la concentration sur le bien commun spécialise le leadership charismatique. 

Pour avoir ces qualités attendues, il faut que le leader ait un développement moral post conventionnel qui transcende les normes culturelles et structurelles. Cela lui demande un total oubli de soi et un abandon à la volonté de Dieu, qui prend toute la place, ce qui veut dire que  l’auto-concentration habituelle de la personne est transcendée.

Ce  leader se trouverait au-delà des morales socioculturelles qui régissent la société, morales qu’il respecterait  généralement par compassion pour ceux qui s’y soumettent aveuglément, et parce qu’il ne cherche pas à être un objet de scandale. Il ne serait pas enfermé par les lois internes ou externes  d’autant plus qu’il aurait acquis  une éthique personnelle qui est bien plus forte et exigeante que la morale socioculturelle fondée sur la dualité du bien et du mal  (Ntezimana 2005, cité par Uwimanimpaye 2010).

Le leadership doté de ces dons  surnaturels,  maintient l’entraînement à de bonnes relations avec tous, ne se couvre pas de masques, sait souffrir dans la joie et faire des sacrifices (Warner & Wilder  2016).

Le leadership s’entraîne à la maturité émotionnelle, morale et spirituelle et y entraîne les autres, de telle façon que les règles et les lois se ne surplombent pas l’amour du prochain.

  • Le leadership entretient de bonnes relations qui ne condamnent ni ne culpabilisent  personne pour les crises sociétales, pas de rancunes et pas de vengeances, pas de bouc émissaire pour la situation difficile. La miséricorde précède la loi et l’inclusion l’emporte sur l’exclusion.
  • Sa simplicité lui fait accepter les défaillances sans décharger sa violence envers les faibles stigmatisés, il accepte aussi que les autres les pointent de doigt sans perdre le moral. Ainsi, la connaissance de soi et celle des autres lui donne la tolérance à l’égard des différences.
  • Le leadership maintient la joie même dans les périodes difficiles. Il reste le même, fier d’avoir  un  groupe d’appartenance et fidèle dans son engagement. 
  • Le leadership s’habitue à souffrir, à faire des sacrifices, à  accepter des manques d’aisance, de privilèges exagérés pour d’édifier son peuple. 

Conclusion

Notre article a tenté de répondu à 4 questions concernant les défis du leadership, le rôle de la formation universitaire, la négociation entre les valeurs et le changement.Comme les guerres et les violences, sont engendrées par les idées que nous concevons et entretenons comme la haine, le mépris, la méfiance, la discrimination nous pouvons par conséquent conclure que le changement positif, les initiatives transformatrices pour notre société viennent des capacités du leadership à percevoir objectivement les problèmes entravant le progrès de son peuple pour ainsi orienter toutes les pensées, tous les efforts, toutes les activités en faveur du bien-être des citoyens.

Le leader pourra influencer les autres positivement en ayant des objectifs clairs pour le bien-être de tous (répondre aux besoins fondamentaux des personnes), simples et assimilables par ses collaborateurs. Le leader encouragera les initiatives constructives, s’il est fidèle à ses convictions en donnant de bons exemples et s’il est prêt à faire des sacrifices pour qu’il y ait un changement des mentalités tant individuelles que collectives.

La formation universitaire ne devrait pas donc être seulement théorique. L’intelligence humaine a des limites qui doivent être transcendées par les forces de l’au-delà. La formation devrait par conséquent envisager aussi les démarches pratiques pour l’acquisition du savoir-faire, du savoir être sans oublier le savoir servir incarnant l’idée du don de soi pour la réussite de la mission reçue comme sacrée. Pour que cette maturité soit envisageable, les personnes expérimentées, menant une vie exceptionnelle dans les relations interpersonnelles, le don de soi ou le sacrifice en vue du bien public sont nécessaires pour l’accompagnement du leadership futur en Afrique.

 

 

 

 

 

 

 


[1]Transformational leaders motivate followers to transcend their personal needs in the interest of the common cause-particularly in times of growth, change, and crisis. Through consciousness raising and raw emotional inspiration, they articulate a clear vision for the future and then mobilize others to join in that vision.

Référence Bibliographique: 

Références bibliographiques

Brehm, S.S, Kassin, S & Fein, S 2005. Social Psychology(6th ed). New York: Houghton Mifflin.

Charaudeau, P 2015. Le charisme comme condition du leadership politique. Revue française des sciences de l’information et de la communication. En ligne sur https://online.stu.edu/charismatic-leadership,consulté le 06 décembre 2017

Dasen, P 2007. L’approche interculturelle du développement. Paris: PUF.

Jarymowicz, M., & Bar-Tal, D 2006. The Dominance of fear over hope in the life of individuals and collectives. European Journal of Social Psychology, 36, 367-392.

Kohlberg, L1983. Essays in moral development. The psychology in moral development, 2. New York: Harper & Row.

Mappa, S 2005. Le savoir occidental au défi des cultures africaines. Paris: Amazon

Nzabandora, J., Karamira, C., Rwego-Kavatiri, A., Vuningoma, F., Tuyisabe, F 2008. Les causes des violences après le génocide de 1994 au Rwanda. Kigali: CNUR.

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Pourtois, J. P & Desmet, H 2004. L’éducation implicite. Socialisation et individualisation. Paris: PUF

UNESCO 1982. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles http://portal.unesco.org/culture/fr/files/12762/11295422481mexico_fr.pdf....

Uwimanimpaye, D., & Zanolli (1999). Can indigenous knowledge of conflict management be applied to conflict resolution education in Africa ? Rwanda as an example. Presentation at the 8th Annual Conference of the center For African Peace & Conflict resolution. California State University, Sacramento.

Uwimanimpaye, D 2010. Role de l’éducation à la paix dans le développement intégral de la personne. Thèse de Doctorat. Université de Fribourg/Suisse. Publication on-line. http://ethesis.unifr.ch.

Warmer, M & Wilder, E J 2016. Rare Leadership: 4 uncommon habits for increasing trust, joy and engagement in the people you lead. Chicago: Moody publishers.

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