SACERDOCE MINISTERIEL ET SACERDOCE COMMUN: DE LA DICTATURE DES CLERCS AU LEADERSHIP DE COMMUNION

Abstract: 

This paper argues that, priests are not the bosses of sacraments and ministries. Instead, they are servants of Christ and for Christ’s people. In other words, they are slaves of love. Their leadership is never ever for personal interests. Rather, priesthood is a leadership that aims to Jesus and the Kingdom of God.  Unlike some selfish pastors believe it, priests guide to Christ’s pastures. Indeed, they neither celebrate sacraments for themselves, nor for their pastures, rather they perform them for Christ’s sake and His Church, that is to lead people into God’s Kingdom. Indeed, priesthood is an authentic service of what should be the hub of leadership in communion and charity, a leadership to and for holiness. Convincingly, the ecclesiastical leader is, but a manager, an organizer, and a facilitator, just like a secular leader performs their duties. Further, the article argues that, priests are humans who thirst for God because they are Jesus’ living images: they celebrate at the altar and gather petitions of the faithful to offer them to God for their own sanctification and that of the faithful. They are called to holiness through this leadership. Thus, they guide people to green pastures of the Kingdom of God, that is, the scriptures and traditions of the Church.     

Therefore, to understand and live leadership in this way could make one avoid some clerical and tyrannical ecclesiology that gives room to a reactionary laity and bitter anticlericalism. Nevertheless, this vision of leadership can effectively move some schools of thought from anti-clericalism to ecclesiology of union as a vertical and horizontal communion. This will motivate a leadership of communion and discourage clerical dictatorship, as celebrating at mass is leading a thanksgiving to God at all cost. 

  1. Introduction

Deux termes peuvent résumer l’ecclésiologie de Vatican II : Eglise  communion et l’Eglise peuple de Dieu (Clifford 2015: 271-292). Par ces termes, Vatican II voulait tourner la page d’une ecclésiologie élitiste, pyramidale où l’institution hiérarchique tendait à écraser et occulter la dimension mystérique et communionnelle. Vatican II voulait revenir à une ecclésiologie où nous sommes tous frères et sœurs et non comme des chefs ou présidents des uns et des autres. Plus de 50 ans après Vatican II, il importerait de voir l’implémentation de ce renouveau ecclésial entre le sacerdoce dit ministériel et celui dit commun des baptisés, en vue de la communion avec le Christ et d’un leadership moins central et centralisé.

 Un pasteur est un leader. Mais, comme leader, son leadership n’est guère pour ses intérêts propres. C’est pour le Christ et le Royaume. Car, ce n’est pas pour lui-même ni à ses propres pâturages qu’il conduit le peuple de Dieu, comme le font aujourd’hui certains pasteurs prévaricateurs. C’est pour les pâturages du Christ. Comme Jean le Baptiste et les autres prophètes et pasteurs, il montre le Christ (cf. Jn 1, 19-39 ; 3, 26-30), il montre le Berger des bergers à la suite duquel il se met aussi avec les brebis qu’il conduit. Il paît les brebis du Seigneur aux pâturages de l’Evangile d’où il se fait lui-même paître. Il montre le Berger en Le suivant comme étant sa brebis, lui aussi. Il est berger pour le troupeau, mais brebis pour le Christ qui est le Berger de tous, même des bergers.

Dans la perspective du leadership dans l’Eglise, notre réflexion vise à un déplacement du clérical à l’ecclésial où tous sont enfants de Dieu  -à part égale- dans le Corps de l’Eglise (cf. 1 Co 12. 12-26 ; Ep 1.22 ; 4.15 ; 5.23 ; Col. 1.18). C’est de montrer les dangers du cléricalisme pour un leadership de communion dans l’Église peuple de Dieu et Corps du Christ. Ce leadership de communion suppose que, dans l’Eglise peuple de Dieu, tout le monde, même les membres de sa hiérarchie, fassent partie de ce populus Dei  qui a, à sa Tête, le Christ comme Berger, le Leader avec qui nous sommes en union et comm-union.

L’idée de peuple de Dieu et de communion brise donc la pyramide et la structure pyramidale de l’Eglise. Elle nous fait repartir de ce qui fait de nous réellement un peuple divin : l’élection gratuite par Dieu, notre réponse baptismale de foi, et la fraternité dans le Christ qu’elle implique. Elle obéit au principe de diaconie mutuelle ordonnée par le Christ, le Serviteur des serviteurs de l’humanité, en son testament d’amour.

Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car c'est un exemple que je vous ai donné: ce que j'ai fait pour vous, faites-le vous aussi. En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l'envoie. Sachant cela, vous serez heureux si du moins vous le mettez en pratique(Jn 13. 14-16 TOB[1]).

La théorie des places et des faces, des postes et des offices se conjuguent avec l’impératif fraternel christique : Vous êtes tous des membres du Christ, sans distinction de race, de couleur, d’origine ou de statut social (cf. Ga 3. 28 ; Rm 10.12 ; 1Co 12.13 ; Col 3.11 ; Mt 23. 8). Le plus grand parmi vous est celui qui sert (cf. Mt 23. 11). Le vrai boss, le vrai patron est celui qui sert et non celui qui est servi ou qui asservit. Comme la charité est service, elle devient, par le fait même, le critère de leadership véritable pour tous les membres du Corps du Christ. Ce leadership de service et de charité du Christ et à la suite du Christ demande ainsi de reconsidérer, de redéfinir un certain cléricalisme tyrannique dont l’oppression fait monter un certain ‘laïcisme’ réactionnaire, défensif, revendicateur et tout le moins anticlérical. 

Les prêtres et les personnes consacrées sont-ils des chrétiens supérieurs ? Des chefs ou des serviteurs ? Quel leadership pour le Corps du Christ qui est l’Église? Comment aller du clérical à l’ecclésial afin que tous aient droit d’appartenance comme enfants du Royaume de Dieu ? Une telle ecclésialité de tous et pour tous demande de donner aussi aux laïcs la voix et la voie de la mission contemporaine de l’Évangile. Mais alors, comment écailler les vieilles écailles et éviter l’écueil cléricalisme versus laïcisme anticlérical ? Comment sortir du ghetto clérico-laïcal divergent pour une convergence diaconale mutuelle en vue du Royaume? Telles sont les questions que nous voulons adresser. Elles constituent l’ossature même de notre réflexion. L’avenir de la communion et de l’Eglise peuple de Dieu, c’est des clercs avec des laïcs ensemble, exclusion ni marginalisation dans le Corps ecclésial commun. 

  1.  Prêtres et personnes consacrées : des chrétiens supérieurs ?

Beaucoup d’entre nous continuent à penser que l’ordination sacerdotale et la consécration par les vœux ont fait de nous des chrétiens supérieurs. Princes, non pas au sens de la grâce et de l’adoption filiale en Dieu– car nous sommes tous des enfants de Roi-Dieu -, mais dans le sens que, dans l’Eglise en particulier et dans la société en général, on serait comme des chefs, supérieurs aux autres en chrétienté. La relation avec les autres personnes de l’Eglise et de la société devient comme celle d’un chef monarque traditionnel avec ses sujets. Au nom de notre consécration religieuse et sacerdotale, nous prenons alors la place du Christ à la droite du Père ; on Le détrône, on détourne les gloires et les honneurs qui Lui reviennent à Lui seul.

Il y a dans cette attitude une sorte d’idolâtrie, une sorte d’atteinte implicite au premier commandement de Dieu. Cette idolâtrie peut aussi se muer en un certain athéisme ou ‘jacobisme’ (au sens de Jacob supplantant Esaü). Car, on prend la place de Dieu, on fait écran à son ostentation, on le supplante et on devient ‘Dieu’ à sa place. Dans le mystère de l’Eglise, telle que définie par Vatican II, la hiérarchie a un caractère et une fin ministériels. De plus, le sacrement d’ordination sacerdotale et épiscopale n’est pas un sacrement-sommet. La consécration religieuse par les vœux n’est pas un sacrement, ni moins encore un acte de promotion chrétienne et de sainteté. La plus grande promotion de vie à laquelle nous devrions aspirer est la sainteté, le salut en Dieu, la Vie éternelle.

L’ordination sacerdotale n’est pas une promotion sociale. Comme Jean Baptiste, le prêtre doit s’effacer devant le Christ (Jn 3.30) […]. Dire : “Je suis prêtre ; je suis donc intouchable”, c’est parler en païen. Le cléricalisme est un danger mortel. C’est la tentation de se mettre à la place de Dieu, de se faire le centre de tout. C’est enfantin, sot, païen et sacrilège(Zoa 1997: 10) !

Les prêtres et les consacrés ne sont pas dispensés de la lutte pour la sainteté. Ils ne sont pas dispensés de la vie dans l’Esprit ; de la vie en actes de charité et en vérité (cf. 1 Jn 3, 18) qui, dans notre foi et espérance, conditionne cette sainteté même. De la sorte, « la tyrannie des clercs » (Ela 2009 : 82, Rigal 1990 :79-96) et de certains épiscopes, tout comme la course et la guerre pour ces titres, deviennent une grande menace à la mission et à la communion. Elle a fait du sacrement de l’ordre - qui est un sacrement de service et de charité au peuple de Dieu. Elle fait de la cléricature une monarchie oppressive de quelques ‘ordonnés de Dieu’ contre une foule immense de pauvres du Christ, laminés du haut.

En effet, si en Europe, et à la faveur des crises de vocation sacerdotale, il y a une inversion du cléricalisme par la dictature des laïcs (que j’appellerais volontiers laïcisme), en Afrique, l’on subit et souffre abusivement encore de la dictature des clercs. Ainsi on les appelle, à bien des égards : « des tyrans à cols romains ou en clergymen, des césars en robes blanches ou noires.» Ils sont comme ces pasteurs qui terrifient leurs brebis.

Ils ont une langue facile pour parler contre la monarchie politique et dictatoriale installée en maîtresse dans plusieurs pays, mais ils perdent de vue leur propre dictature et centralisation cléricale auprès des fidèles. On décrie les dictatures pour la décentralisation des structures politiques de l’Etat alors que celles de l’Eglise où nous sommes et que nous dirigeons restent encore d’un centralisme monarchique et dictatorial sans précèdent.

Par ailleurs, si l’institution est légère, faible et trop libérale, elle nous fait aller dans tous les sens. Dans les deux cas, la monarchie cléricale est à craindre tout comme l’anarchie, dans les mouvements évangéliques. Toutes deux constituent  une menace grave à la communion. Pourtant, pour dire l’Evangile du Christ qui s’est fait pauvre et obéissant, esclave et oppressé jusqu’à mourir (cf. Ph 2. 6-11), l’Eglise doit éviter d’être triomphaliste, toute-puissante. L’histoire nous apprend, en effet, que chaque fois que l’Eglise avait pris les allures politiques, elle était devenue elle aussi militaire, monarchique, dictatoriale, oppressive plutôt que Mère de l’Evangile de miséricorde et du salut universel.

Au niveau des ministères et de la mission, le péché de cette dictature cléricale est que, non seulement elle tue la communion, mais elle étouffe et tue aussi l’évangélisation à/de la base. Elle ne rend pas effectifs le souci et l’action missionnaires par rapport à la moisson dont le Christ dit être abondante avec les ouvriers peu nombreux (cf. Mt 9.37-38) – surtout dans le ‘Sud global’, grand en besoins évangéliques et davantage plus peuplé.

Jusqu’à cette date, par exemple, l’état de Lagos (au Nigéria) qui est, à lui seul, plus qu’un pays, et qui compte plus de la population de deux ou trois pays africains mis ensemble, n’a qu’un seul diocèse.[2] Les évêques, jusque-là, n’avaient guère voulu le diviser, le décentraliser en y créant plusieurs autres diocèses pour plus d’efficacité pastorale et d’évangélisation.

Dans l’un des passages de son commentaire sur l’Evangile de Matthieu, Origène ne manque pas de décrier cette posture princière et monarchique de certains évêques:

Les évêques parfois surpassent en orgueil les mauvais princes de ce monde et ils se donnent les gardes du corps comme des rois. Ils sont terribles, inabordables, surtout pour les pauvres. Quand on arrive jusqu’à eux et quand on leur adresse une requête, ils sont plus insolents que ne le sont pas les tyrans et les princes les plus cruels pour les suppliants. Il ne faut donc pas espérer dans les évêques(Origène 1970).

Ils sont plus des princes que des serviteurs. Et l’on comprend alors pourquoi, se comportant comme des présidents africains (et parfois pires qu’eux) qui veulent rester à vie au pouvoir, certains évêques, aussi assoiffés de pouvoir qu’eux, vont jusqu’à modifier leurs âges afin de prolonger l’âge canonique de démission et de jouir du pouvoir épiscopal actif pour quelques années encore. Ils ne sont pas, en cela, différents de ces présidents qui modifient la constitution de leur pays afin de prolonger leurs mandats. On comprend aussi pourquoi, face aux politiques africains, surtout ceux qui abusent de leur pouvoir politique et oppressent leur peuple, ces évêques à pouvoir ne brillent que par leur silence-complice, n’étant eux-mêmes pas différents de ces présidents. En cela, la gouvernance des Eglises, en Afrique, n’est que le reflet de la gouvernance politique des États africains.

  1. Serviteurs et non chefs

En Afrique, pour que le Dieu de miséricorde et de tendresse nous écoute, nous devons cesser d’entretenir cette sorte de leadership ‘commando et commandant en chef’. Car, le vrai nom du leadership est communion ; communion avec Dieu pour Son peuple et communion avec le peuple pour Dieu. À propos, saint Dominique parlait de « cum Deo, de Deo » (avec Dieu et de Dieu). Même la pratique de la démocratie qu’il choisit, dans le gouvernement dominicain, visait ce principe de communion. 

« C’est mauvais pour l’Église quand ses pasteurs deviennent des princes, loin des gens, loin des plus pauvres : ce n’est pas l’esprit de Jésus. »  (Pape François 2016). L’esprit pastoral du Christ c’est qu’on soit tout à tous, avec une option pastorale préférentielle pour les plus pauvres du Christ qui sont les non-chrétiens, les pauvres de foi, d’espérance et d’amour, les démunis, les laissés pour compte. Autrement dit, l’Eglise a besoin des pasteurs et non pas des princes. Elle a besoin des pasteurs qui imitent le Christ, le Pontife suprême.

Le caractère ministériel conféré par le sacrement de l’Ordre, les configure au Christ-Tête afin qu’ils soient, comme Lui et à sa suite, des vrais pasteurs du peuple de Dieu et des serviteurs par excellence selon la triple fonction d’enseignement, de sanctification  et de gouvernement  (Code 1983: 1008). Ainsi, les baptisés ordonnés (diacres, prêtres et évêques) choisis parmi les fidèles du Christ exercent, par leur ordination et chacun selon son ordre, « une consécration et une mission pour représenter sacramentellement le Christ » (Barras 1994 : 180) et le Christ-Tête, Pasteur des pasteurs et Serviteur des serviteurs (Barras 1994 : 179, 180-181.195). Dans une note épistolaire à son confrère Gilbert, Saint Thomas Becket écrivait :

Si nous sommes soucieux d’être tels que l’on nous dit, si nous voulons connaître la signification de notre nom, nous qu’on appelle évêques et pontifes, il nous faut considérer avec une attention et suivre effectivement les traces de Celui que Dieu a établi Pontife pour l’éternité. Il s’est offert pour nous à son Père sur l’autel de la croix ; de l’observatoire suprême du ciel, il observe constamment les actes et les intentions qui font agir tous les hommes, lui qui finalement rétribuera chacun selon ses œuvres(Becket 1976 : 1685).

De la sorte, si la romanisation ou ‘curialisation’ (néologisme dérivé de curie romaine) de l’Église est à craindre, l’épiscopalisation et le cléricalisme sont aussi à craindre. Ils tendent à tuer la communion et la diversité, favorisant ainsi la dictature de l’institution et de l’administration au nom d’un certain leadership monolithique non partagé. Ils ne nous donnent pas d’imiter le Christ qui est le Serviteur des serviteurs.

Même dans les ordres et les communautés de vie consacrée où la fraternité est ou supposée être la règle de vie, certains sont plus prêtres que frères religieux. Ce qui brise et occulte la règle et le principe de fraternité au nom d’une cléricature hiérarchique. La fraternité religieuse de service et de charité devient une véritable monarchie cléricale de domination et d’oppression des frères clercs contre les non-clercs. C’est ce qui justifie que la vocation des frères convers, coopérateurs ou oblats, qui veulent servir le Christ sans être ministres ordonnés, soit en voie de disparition, aujourd’hui, dans certains ordres et congrégations religieux. Cependant, le fait que la cléricature détermine le critère de rapports fraternels a contribué aussi à la disparition progressive de cette partie du Corps du Christ, dans les ordres et communautés de vie consacrée.

« Le cléricalisme est stérilisant, il défigure l’Église, il trahit l’Eglise. Il cultive l’ignorance ! Il cultive l’exploitation des gens sous couvert de religion » (Zoa 1997:10)! Ainsi, l’épiscopalisation, la sacerdotalisation, la monastisation et la congrégationisation (O’Meara 1983 : 97-98) sont autant de dangers et de réductions si elles ne s’ouvrent pas à la communion. Aucune structure ne doit ni ne peut enfermer ou totaliser la grâce de Dieu. Nous devons cesser d’entretenir le leadership où, quand que le prêtre n’est pas là, l’Eglise doit arrêter de fonctionner jusqu’à ce que ce prêtre-chef revienne. « En Afrique où l’Église tend à se confondre avec la hiérarchie et le clergé, il convient aussi d’éviter les pièges d’une ecclésiologie de la chefferie pour promouvoir une Église participative » (Ela 2003: 268).

L’ecclésiologie de la chefferie est l’un des substrats - encore résistant à la conversion – de l’organisation politique de certaines sociétés traditionnelles africaines qui se meurent aujourd’hui. A la chefferie, pour ne prendre que ce cas, le chef est roi. Il est tout et ses sujets ne sont rien. Avant l’avènement de la modernité avec la déclaration universelle des Droits humains, certains chefs avaient droit de vie et de mort sur leurs sujets. Et c’était le cas dans certains sultanats et lamidats d’alors. Devenus chrétiens, prêtres, religieux et religieuses, beaucoup d’Africains ont gardé encore à l’esprit cette mentalité dans leur rapport à l’Église et au service de Dieu. Ce qui cause beaucoup de tort à l’Eglise et brise la communion.   

Même si, en son sacerdoce ministériel, le prêtre est l’autre Christ et célèbre l’Eucharistie dans la Personne du Christ, cela ne fait pas de lui un ‘Chrétien des chrétiens’, ‘Roi des rois’. Il n’est sacramentellement que son représentant, en vertu du sacrement de l’ordre qui le configure au Christ.

Si sacramentellement, les baptisés ordonnés représentent le Christ-Tête ou Chef du Corps ecclésial, s’ils deviennent pour cela des vis-à-vis de tous les autres baptisés du Corps pour signifier l’altérité du Christ, ils n’en restent pas moins aussi des frères de ceux-ci (Barras 1994: 179-180). Ils sont des vis-à-vis, par leur configuration au Christ-Tête. Mais, ils restent des frères, par le fait même du baptême qui fait de nous tous  des fidèles du Christ et des membres de son Eglise. Or, cette fraternité ou confraternité dans le Corps du Christ nous rend un, un en la personne même du Christ (cf. Ga 3.28 ; Col 3. 11).

Ainsi, plus les fidèles laïcs nous respectent ou plutôt respectent la sacramentalité du Christ prêtre en nous, plus nous devons aussi, en retour, les respecter doublement. Le sacrement de l’ordre n’est pas un sacrement supérieur, un sacrement des sacrements. Le caractère reçu à l’ordination est un caractère ministériel, un caractère de service et non celui de puissance dictatoriale.  Et s’il confère un certain pourvoir personnel au sujet, c’est un pouvoir qui le porte au service, à la diaconie la plus absolue de la communauté où le clerc est lui-même est incardiné comme ministre (serviteur). Il en le porte  pas à écraser la communauté.

De plus, ce n’est pas le sacrement de l’ordre qui nous initie au Royaume de Dieu et dans le Corps et la Chair du Christ qu’est l’Eglise. Ce sont le baptême, la confirmation et l’Eucharistie (source et sommet de tous les sacrements) qui nous y initient. Comme sacrement de service et de communion, le sacrement de l’ordre ne peut se comprendre sans les sacrements d’initiation chrétienne. Sans le baptême, en effet, on est rien dans l’Eglise et dans le Royaume. Par conséquent, ce sont les sacrements d’initiation qui fondent les sacrements de service et autres.

Heureusement qu’il n’y a pas dans l’Église un ‘baptême commun des fidèles’et un ‘baptême sacerdotal des prêtres’, comme nous l’avons avec le sacerdoce commun des chrétiens et celui ministériel des prêtres. « Le baptême et la confirmation et l’eucharistie ne concernent pas seulement les laïcs et l’ordination les ministres ! Baptême, confirmation et eucharistie sont le fondement commun. » (Deniau 1994: 108) Bien que l’Eucharistie soit « source et sommet de toute la vie chrétienne » (Lumen gentium 2003: 11), elle implique le lavement des pieds (cf. Jn 13), signe et le symbole du service d’amour et du don de soi du Christ à l’humanité  « Il n’y a pas d’eucharistie, sans lavement des pieds.» (Barras 1994 : 181, 1995, 199).

Le Christ nous inspire un vrai leadership dans l’Eglise et cela reste valable pour tous les temps. Le leadership du Christ est un leadership d’amour et de service. Il est Roi en servant et en donnant sa vie pour son peuple (Mc 10.45 ; Jn 15. 13). Il est le Roi-Serviteur et martyr qui donne sa vie pour le peuple, alors que bien des pasteurs et présidents veulent que ce soit leur peuple qui donne leur vie pour eux. Ils inversent donc le principe caïphéen : il est bien qu’un seul meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière (cf. Jn 11. 50).

Suivre le Christ c’est accepter d’entrer dans ce leadership de serviteur-martyr-d’amour. C’est un leadership d’amour et de communion :

Vous le savez, nous dit Jésus, les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur, et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.(Mt 20. 25-28 ; Ph 2.7 ; Mt 26.28 ; Mc 10.45 ; 1 Tm 2. 6).

Pour cette raison,  nous devons être davantage proches des âmes qui sont le peuple que Dieu nous a confié. Nous devons le faire tout en écoutant le Maître de la moisson, Lui qui nous a appelés et envoyés à sa vigne (cf. Mt 20. 1-16), à sa moisson (cf. Lc 10.2), afin de Le servir et non pas d’asservir ou de nous en servir. « La gloire de l’homme, disait encore Irénée de Lyon, c’est de persévérer dans le service de Dieu. » (Irénée de Lyon 1985: IV, 14, 1) Et pour faciliter cela, le sacerdoce hiérarchique et ministériel doit être toujours au service du sacerdoce commun, c’est-à-dire au service de la communauté (Rigal 1987). Entre les deux doit régner un leadership, non de domination, d’oppression religieuse ou de lutte mutuelle, mais un leadership diaconal qui seul inspire et conduit la communion.

  1. Pour un leadership de sainteté

Parler d’un leadership de sainteté peut paraître prétentieux, idéaliste et même abstrait, surtout que le leadership fait le plus souvent penser à la technocratie gouvernementale et organisationnelle de la société. Toutefois, dans l’Eglise, quand on sert ses frères et sœurs en vue de la sainteté du Christ à laquelle nous sommes tous conviés, le leadership prend une autre dimension que celle séculière. Un leadership de sainteté a, en vue, le Christ et la sainteté du Christ. Il s’agit, pour tout ministre de l’Église, de tendre vers la sainteté par son ministère et de se sanctifier en Dieu à travers son ministère (Code 1983 : 271, 1).

Il n’est pas suffisant d’être ‘custodian’, d’être intendant ou gérant des gens et des biens de l’Eglise en vue du partage et de la charité. Il s’agit aussi de s’identifier au Christ Tête et Saint, d’être saint à son image et ressemblance. Tout comme un athlète du Royaume, le leader se donne une discipline rigoureuse pour son leadership. Il court, dirige, conduit de manière à  remporter le prix du leadership (cf. 1 Co 9. 24-27). Le leadership de sainteté ne commande et ne conduit pas seulement par les lois, fussent-elles divines ou ecclésiastiques. Il commande et conduit aussi par la sainteté qui est la grande houlette de commandement, du berger de troupeau et de leadership.

Malheureusement, comme le souligne Anthony Akinwale, le plus souvent en Afrique, nous préparons nos prêtres plus à l’ordination qu’à ce noble ministère de vie et d’amour à la suite du Christ. Ou plutôt, nos candidats préfèrent se préparer ou se former plus pour l’ordination que pour le ministère de sainteté et d’amour. Pourtant, le but de la formation sacerdotale et même religieuse est de préparer les gens « d'une façon plus particulière à communier à la charité du Christ Bon Berger» (Jean-Paul II 1992 : 57).

Quand, en effet, on ne voit que l’ordination, on perd de vue toutes les autres dimensions de la vie sacerdotale. Pour cette raison, devenus prêtres, l’on veut seulement commander en prêtres-rois, en prêtres-chefs, et non pas en prêtres serviteurs, sacrificateurs et sacrifiés pour le peuple de Dieu. À cet égard,  le chemin vers l’ordination n’est rien comparé au chemin vers et dans le ministère sacerdotal lui-même. Celui-ci est bien plus long et sacrificiel que le chemin pour l’ordination qui ne dure que quelques années. Le chemin vers et dans le ministère sacerdotal est un chemin de vie. Nous ne cesserons jamais de servir Dieu. Car, si « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant » (Irénée de Lyon 1965: IV, 20, 7), « La gloire de l’homme c’est de persévérer dans le service de Dieu.» (Irénée de Lyon 1965: IV, 14, 1).

La prêtrise n’est pas encore, comme telle, la sainteté pour qu’on en fasse une fin en elle-même. Mais, la sainteté c’est la prêtrise en ce qu’elle est la plus grande offrande que l’on puisse faire à Dieu. L’on peut être prêtre sans être saint. Car la sainteté est l’offrande de soi en sacrifice agréable à Dieu (cf. Rm 12.1). Cette offrande sacrificielle de soi est l’expression même du sacerdoce, de la prêtrise dans le Christ :

La sainteté est ensuite, il faut le reconnaître, une base essentielle et une condition absolument irremplaçable pour l'accomplissement de la mission de salut de l'Eglise. C'est la sainteté de l'Eglise qui est la source secrète et la mesure infaillible de son activité apostolique et de son élan missionnaire. C'est seulement dans la mesure où l'Eglise, Epouse du Christ, se laisse aimer de Lui, et L'aime en retour, qu'elle devient Mère féconde dans l'Esprit(Jean-Paul II 1988 : 17).

En d’autres termes, la sainteté devrait aussi s’inscrire dans le principe du leadership chrétien, selon que le monde actuel regarde plus de saints témoins que de simples maîtres et administrateurs.

  1. Du clérical à l’ecclésial : tous membres du Corps du Christ

Ce que Jean Rigal appelle « ecclésiologie cléricale » (Rigal 1990: 90-96) est dangereux et mortifère pour l’Eglise. S’il y a, de part et d’autre aujourd’hui, des Eglises ou des communautés ecclésiales parallèles fondées par d’anciens laïcs, l’une des causes se trouverait évidemment dans cette ecclésiologie cléricale absorbante et réductrice. La dictature du sujet, du "je" clérical se pose tellement si fort qu’elle domine et écrase le "nous" de la communion en Christ du peuple de Dieu. Car, quand le "je" clérical est trop fort, il asphyxie et tue le "nous" communionnel.

A cause de cela, la mission universelle de l’Eglise est centralisée et réduite à sa bande cléricale et pyramidale. Pourtant, l’évangélisation, la mission et la communion pour être telles doivent pouvoir sauter ce que Marie-Dominique Chenu appelait: « la barrière cléricale» (Duquesne 1975 : 148) qui est un mur de Berlin électrocutant et non pas une simple frontière ouverte à franchir. Quand on réussit à franchir cette barrière ou, plutôt, quand on la laisse tomber, on découvre combien l’Église est belle de l’intérieur, très belle, avec son organisation, sa liturgie, ses sacrements, ses enfants, ses prêtres, ses consacrés et ses saints. Cette barrière du cléricalisme devrait donc être sautée ou du moins s’ouvrir à la communion, à la diversité et aux autres ministères (cf. 1 Co 12. 4-11). Comme prêtres et religieux, nous ne devons pas faire de l’Eglise un obstacle pour le salut, mais plutôt un chemin de salut en le Christ Jésus (Rigal 1984).

Dans la communion telle que voulue par le Christ, c’est le "nous" communionnel qui devrait, non pas absorber le "je", mais déterminer et affilier le "je" tout comme le Christ notre Sauveur nous a affiliés à la communion trinitaire. Il faudrait donc une brisure parfaite des serrures du "je", de l’égoïsme de soi, pour que l’autre ait aussi accès à la communion avec le Christ. Comme Eglise et membres de l’Église, ceci doit être un travail de conversion permanent. Plaidant pour ce qu’il appelle la « fraternité oubliée » (c’est-à-dire les laïcs), Bernard Häring faisait cette remarque importante pour l’aujourd’hui de la communion et de la mission :

Le cléricalisme est un mur de séparation qui, en principe, a été détruit par la mort du Christ, mais qui néanmoins essaie de renaître de plus en plus de ses cendres. Les laïcs ont besoin de patience avec nous, nous avons encore un long chemin à parcourir pour comprendre le monde d’aujourd’hui et, là où c’est nécessaire, mettre de côté tout ce qui ne vient pas de l’évangile, mais qui est devenu simplement une forme conditionnelle-du-temps et une mentalité de notre profession(Häring 1966 : 25).

Les laïcs et les ministres ordonnés appartiennent et participent tous à l’unique sacerdoce du Christ, mais de manière différente et non pas à de degré différent (Kasper 2014: 345). Aucun n’est supérieur à l’autre. Tous se rapportent au Christ pour la sanctification et la communion à Lui. Si nous comprenions bien l’Eglise comme communion, et l’institution comme service de la communion et non asservissement de la communion, on rendrait mieux service à la mission universelle de l’Eglise.

A cause de cette incompréhension et surtout de l’opposition laïcs-clercs, nos laïcs par exemple, n’ont pas une formation théologique et spirituelle, comme les prêtres et les religieux. Mise à part les quelques connaissances catéchétiques pour les sacrements d’initiation et pour le sacrement de mariage, la majorité d’entre eux est sous-éduquée spirituellement, intellectuellement, moralement et pastoralement par rapport à l’ampleur et l’exigence des tâches de l’évangélisation à laquelle ils sont interpellés. La pauvre reconnaissance et le mauvais traitement que nous leur réservons souvent est une réelle offense à la mission, à la communion et au service du Royaume (Iheanyi 2010 : 280-284).

Ainsi, les laïcs devraient être formés autant que les prêtres et religieux, pour la mission d’évangélisation de l’Eglise et du monde. Le chapitre V de l’exhortation post-synodale sur la vocation et la mission des laïcs aborde bien ce sujet (Jean-Paul II 1988: 57-64). Cette formation les aide ou aiderait à avoir la maturité chrétienne pour eux-mêmes, en ce qui concernent leur sainteté personnelle, et pour les autres en ce qui concerne leur mission. Avec cette formation, ils devront pouvoir mieux rendre compte de la foi, de l’espérance et de l’amour qu’ils portent en eux (cf. 1 P 3.15-16). Selon Jean-Paul II, en effet,

La formation n'est pas le privilège de certains, mais bien un droit et un devoir pour tous. A ce sujet, les Pères synodaux ont demandé que la possibilité de la formation soit offerte à tous, surtout aux pauvres, qui à leur tour peuvent être eux-mêmes des sources de formation pour tous; et ils ont ajouté: Pour la formation, qu'on emploie des moyens adaptés qui aideront les chrétiens à mieux réaliser leur pleine vocation humaine et chrétienne(Jean-Paul II 1988 : 63).

  1. La voix des laïcs dans la mission contemporaine de l’Evangile

Selon le Catéchisme de l’Eglise catholique, « Le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie sont les sacrements de l’initiation chrétienne. Ils fondent la vocation commune de tous les disciples du Christ, vocation à la sainteté et à la mission d’évangéliser le monde. Ils confèrent les grâces nécessaires pour la vie selon l’Esprit en cette vie de pèlerins en marche vers la patrie » (Catéchisme 1997: 1533). Autrement dit, comme baptisés, confirmés et ‘eucharistiés’du Christ, sa mission nous appelle et nous attend tous. Nous avons tous la vocation à la mission universelle et à la sainteté. . Au contraire, cette mission et cette vocation commune sonnent plutôt comme un impératif pour tout chrétien.

Quand on parle de l’Eglise comme peuple de Dieu, on voit éminemment les laïcs à cause de leur nombre et aussi du fait que, l’étymologie grecque de laïc donne laikos qui veut dire appartenant au peuple, et laos qui veut dire peuple. De plus, en terme pastoral, ils sont plus en contact avec le monde que nous ; ils sont plus séculiers que nous, avec ce que cela comporte comme : choc culturel et spirituel, compromis des valeurs et perte d’identité, confrontation et challenge de foi, d’espérance et d’amour.

Nous devons beaucoup faire attention aux laïcs Marie Madeleine, celle qui la première a prêché l’essentiel de la foi chrétienne (la résurrection), était comme on le dirait aujourd’hui une laïque. A elle, Jésus dit : « Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples: J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit. » (Jean 20. 17-18). Elle a prêché aux Apôtres la résurrection. Par-là, elle devint l’Apôtre des Apôtres du Christ ; la Prêcheuse des Prêcheurs apostoliques de la foi chrétienne. Il y avait, avec elles, beaucoup d’autres femmes qu’on appellerait laïques aujourd’hui. De même, ceux qui furent les premiers témoins de la nativité n’étaient pas les grands prêtres, les scribes, les pharisiens et d’autres docteurs du judaïsme et de la liturgie du Temple. C’étaient des païens venus d’Orient qui, apparemment, ne connaissaient même rien des prophéties messianiques de l’Ecriture (cf. Mt. 2. 1-12). C’étaient des pauvres bergers (cf. Luc 2.8-20) et non des seigneurs.

Dans les Actes des Apôtres, on compte bien des chrétiens laïcs comme Tabitha ou Dorcas (Ac 9.36), Lydie (Ac 16.15), le couple Aquilas et Priscille (Ac 18. 3. 26), Mnason de Chypre (Ac 21. 16), un groupe de femmes (Ac 21. 5) et, dans une certaine mesure, le centurion romain Corneille (Ac 10. 2. 4. 22. 31). Ils ont soutenu la prédication et la mission des Apôtres, non pas seulement en croyants, mais aussi par leurs biens et œuvres de charité. Il y a aussi le magistrat Publius qui, amicalement, les hébergea dans sa maison pendant trois jours (Ac. 28. 7). De même, les autochtones et les habitants de l’île de Malte pourvurent à leurs besoins pendant leur voyage à Rome (Ac 28. 2. 10). Ceci est sans oublier que c’est « le fils de la sœur de Paul » (Ac 23. 16), c’est-à-dire son neveu, qui le sauva de la mort complotée contre lui par les juifs (Ac 23. 12-35). De plus, le centurion Julius l’a traité avec humanité durant son embarquement pour Rome et l’a sauvé des mains des soldats qui voulaient tuer tous les prisonniers avant le naufrage (Ac 27. 3, 43).

Nous pouvons aussi rappelé que la première et la plus vieille école catéchétique et théologique connue de l’Eglise primitive fût celle d’Alexandrie fondée vers 190 de notre ère. Elle était dirigée par un laïc, Pantaenus, suivi de Clément d’Alexandrie, Origène, etc (Quasten 1953 : 1-120). Il faut aussi reconnaître que beaucoup de Pères et docteurs de l’Eglise, ainsi que d’autres écrivains ecclésiastiques, furent d’abord des laïcs avant de s’engager, par la suite, à la vie monastique ou au ministère sacerdotal et épiscopal. Saint Augustin, Ambroise, Origène, pour ne citer que ceux-ci, en sont des s exemples. Même si on est devenus pape, cardinal, évêque, prêtre, diacre, religieux, supérieur majeur (ou ‘supérieur mineur’), n’oublions jamais, comme dit le pape François, que « nous sommes tous entrés laïcs dans l’Église » (François 2016 : 14-16).

La bienheureuse Pauline Jaricot (1779-1862), française née à Lyon, fut l’une des protagonistes de la fondation, sinon l’inspiratrice de la Propaganda Fidei (la Propagande de la Foi) devenue, aujourd’hui, une des grandes congrégations de la Curie romaine. Elle avait compris, dès le XIXe siècle, notamment en 1855, qu’il fallait soutenir les missions d’évangélisation et elle dépensa tous ses biens à cette œuvre au point de mourir toute pauvre. Elle s’est faite pauvre et même misérable pour enrichir l’œuvre d’évangélisation par ses richesses (cf. 2 Co 8, 9).

Ainsi, les laïcs ne doivent plus être vus seulement sous l’angle des dévotions,  mais aussi au niveau de la théologie, selon qu’ils ont une certaine compétence tant en matière des dévotions qu’en celle de la théologie (Dulles 2002 : 107).

  1. Collaborateurs, collègues du Royaume et non concurrents

Pour ce faire, nous devons cesser de voir leur émancipation comme une menace ou une concurrence quelconque à notre hiérarchie et ‘Sanhédrin’ clérical et religieux. Mais, plutôt comme une puissance ecclésiale sans laquelle on s’atrophie et s’affadit. Les laïcs, dit le pape François, sont « protagonistes de l’Église et du monde » (François 2016 : 23-25). Selon le canon 275, § 2 du Code du droit canonique, il est de notre devoir de reconnaître et de promouvoir leur mission, leur être et leur réalisation dans l’Eglise et dans le monde. Leur rôle ecclésial et missionnaire peut être plus que celui de ‘passifs et de réceptifs’, comme ils le sont, en grande majorité aujourd’hui, dans le Corps de l’Eglise. Il n’est plus à hésiter ni à douter. Pour l’Église actuelle et à venir, nous avons intérêt à les rendre plutôt dynamiques et actifs.

En matière de présence missionnaire dans un monde profondément retourné au paganisme que jamais auparavant, l’avenir de l’Eglise, à ce point de son histoire, c’est beaucoup plus les laïcs que des prêtres et des religieux ; beaucoup de familles chrétiennes que des congrégations et des diocèses qui se meurent chaque jour sous le vent, disons mieux le ‘harmattan’ dévastateur, de la sécularisation et de la globalisation déchristianisant. En effet, ce n’est pas parce que les diocèses, les paroisses et les congrégations religieuses se vident, se ferment ou se vendent que la foi chrétienne va disparaître. A coup sûr, elle continuera à exister.

L’Afrique semble moins concernée par le vent de la sécularisation et de la déchristianisation. Elle garde un christianisme encore vivant avec le flux des vocations religieuses et sacerdotales, avec la création de nouveaux diocèses et communautés. Mais, elle se doit de former ses laïcs au défi missionnaire du 21ième siècle. «L’évangélisation en profondeur de l’Afrique, disait Marc Ela, exige une meilleure préparation des gens dans les Eglises et une mise en valeurs des ressources humaines locales» (Ela 2009 : 15).

Cette préparation va au-delà du catéchisme du baptême et de la première communion, étant donné les défis de l’athéisme, et surtout l’anti-christianisme,  qui, avec le New Age et la globalisation, sévit jusques dans nos Eglises. L’ambon ne suffisent pas pour nourrir et former pleinement et à consistance nos chrétiens exposés aux différents défis et contradictions qui entament et éprouvent au quotidien leur vie chrétienne et les fondamentaux de la foi à laquelle ils adhèrent.

La collaboration pastorale c’est cela aussi la communion. Dans certains lieux de mission et de la pastorale, les prêtres doivent ou devraient servir plus comme facilitateurs et non pas ou plus nécessairement comme ‘entrepreneurs’ - tâches que les laïcs peuvent bien faire si on les leur confiait. Nous devons aussi consulter les laïcs et les donner de la voix pour parler de la mission. « Tout laïc constitue, en vertu des dons qui lui ont été faits, un témoin et en même temps un instrument vivant de la mission de l’Église elle-même » (Lumen Gentium 2003: 33). Par leur activité missionnaire, dans le monde, les fidèles laïcs consacrent le monde à Dieu (Jean-Paul II 1988 : 14). Ils sont donc aussi des consécrateurs et jouent une fonction prophétique, sacerdotale et royale dans le monde.

8. Pour éviter l’écueil du cléricalisme versus laïcisme ecclésial

Cependant, avec la sécularisation, la dictature du cléricalisme tend à faire face à un ‘laïcisme’ réactionnaire amèrement anticlérical. Se sentant marginalisés, sinon rejetés du Corps du Christ, les laïcs se constituent en blocs réactionnaires et révolutionnaires pour s’affirmer et revendiquer leurs droits, en tant que collaborateurs du Christ et enfants de Dieu. Autrement dit, « les chrétiens les plus conscients refusent de rester de simples exécutants dociles et sans responsabilité. Ils veulent participer aux décisions, aux recherches qui les préparent, et à la détermination des modalités d’application » (Rigal 1990 : 94). Ce qui est tout à fait juste, en termes de leurs droits d’enfants de Dieu et de membres du Corps et du Sang du Christ qu’est l’Église. Mais, le faisant, ils ont tendance à se poser en s’opposant à tout ce qui est clerc et institution ; ils établissent alors un autre cléricalisme, « un néo-cléricalisme » (Rigal 1990 : 95) sans partage, et à la manière laïque. En face et contre une certaine « ecclésiologie cléricale », ils développent une ecclésiologie laïcale qui se pose en concurrence, en compétition et même en négation de celle cléricale.  Selon Jean Rigal,

Le cléricalisme se répand dans l’Église quand le pouvoir y appartient à une seule personne ou un seul groupe : les prêtres, mais aussi certains laïcs engagés, voire telle idéologie. Les termes “clérical” et “cléricalisme” désignent une attitude d’introversion où quelques-uns (personne ou communautés) deviennent une sorte de centre de gravité de la vie ecclésiale(Rigal 1990 : 79).

Autrement dit, dans son strict sens de monopolisation ou centralisation de pouvoir et de vie ecclésiale, le terme cléricalisme a une double coloration : il est laïc et clérical proprement dit. Mais, au terme cléricalisme laïcal, nous préférons celui de laïcisme. Dans ce ‘laïcisme’ tyrannique grimpant, les laïcs parfois veulent s’arroger les droits des clercs. Dans certaines parties de l’Europe, aujourd’hui, ce sont les laïcs qui décident auprès de leurs évêques quel prêtre doit leur être envoyé. Par toutes sortes d’influences et de trafic d’influences, ils décident du maintien ou du renvoi des prêtres d’une paroisse à une autre. Ils dictent aux clercs et même aux évêques, sous la menace de ne plus participer aux célébrations eucharistiques et au soutien paroissial. Et sous le coup de la déchristianisation de l’Europe, ils (clercs et évêques) ont tôt fait de céder à leur pression.

Toutefois, selon Jean Rigal (1990 :95), que ce soit le cléricalisme des clercs ou celui des laïcs, rien ne change dans le système de domination et d’oppression de quelques-uns sur le grand nombre. Les deux constituent une épine dans le fonctionnement de l’Église et un obstacle à la communion et la mission.

Ainsi, se lève donc, parmi les laïcs, des laïcs chefs. Consciemment ou inconsciemment, ils érigent aussi leur propre pyramide des laïcs dont ils occuperaient le sommet et les clercs et religieux la base. On inverse juste la courbe tout en gardant le même principe de fonctionnement. On reste, cependant, dans la même logique d’une ecclésiologie de subordination ou d’assujettissement, et non celle de la complémentarité des ministères (Barras et Pottier 1998: 94).

Ceci fait dire que la lutte des classes, des places et des faces, dans l’Eglise aujourd’hui, n’est pas seulement celle des ministres entre eux et entre leurs tribus. Elle est aussi celle des ministères du clérical contre les ministères du laïcal. Cette lutte témoigne du refus de la différence et de la diversité des charismes, des vocations et des services. Elle est l’aveu de leur ‘monolithisation’ et uniformisation qui entraînent la confiscation et le monopole, par certains (ministres ordonnés et laïcs), des charismes et fonctions des autres baptisés du Corps du Christ (Barras 1994 : 183). Et pourtant, dans l’Eglise, les ministères et les charismes doivent fonctionner dans un esprit de complémentarité, d’unité et de communion dont la substance est l’amour (1 Co 12. 12-13.13), en vue de l’édification de la communauté du Royaume (1 Co 12.7 ; Ep. 4. 12 ; 1 P. 2. 5).

Selon Lumen Gentium  32 §3 et le canon 208 du Code du Droit canonique, dans le Christ et pour l’édification commune de l’Eglise, il y a égalité et même dignité dans tous ces ministères, activités et vocations du Corps du Christ. Jésus remplit sa fonction de prêtre et sa roi, tant par la hiérarchie que par les laïcs à la base. De même, « le Christ remplit sa fonction prophétique non seulement par la hiérarchie, qui enseigne en son Nom et par son pouvoir, mais aussi par les laïcs.» (Lumen Gentium 2003: 35).

Ainsi, que ce soit le cléricalisme des clergés ou celui des laïcs que nous avons appelé plutôt laïcisme ecclésial, il devient important et indispensable de passer à l’ecclésial (Rigal 1990 : 77-134). Car, en la Personne du Christ, il n’y a plus ni juifs, ni grecs ; ni hommes ni femmes, ni esclave ni homme libre, ni classe sociale, ministérielle ou ecclésiastique, etc (cf. Gal 3.28 ; Col 3.11). Il est urgent de passer du clérical à l’ecclésial ; du laïcal à l’ecclésial tout simplement. Il faut libérer l’Église et la communion de toute captivité cléricale ou laïcale (possible). Pour ce faire, « seule une ecclésiologie se donnant un  centre de gravité baptismal et non plus clérical, pourra être le véritable antidote aux cléricalismes obstinés que rejoint paradoxalement la revendication féminine d’un sacerdoce conçu comme un accomplissement-dépassement du baptême» (Pelletier 2017 : 56).  

La guérilla des classes pour les tâches et les places ne sert donc à rien dans l’Église. Le fond baptismal c’est le fond ecclésial. C’est lui notre mère, pour la nouvelle naissance en Jésus Sauveur (cf. Jn 3.3-9). C’est lui qui nous donne comme le ‘ID’ (identity card, la carte d’identité) pour la citoyenneté nouvelle, et le ‘laissez-passer’ pour passer à la Table Eucharistique.

La diversité des dons, des charismes et ministères dont parle saint Paul a pour but de créer la synergie et non pas une dichotomie (cf. 1 Co 12). C’est pour cela que Paul fédère et harmonise tous les dons, les ministères et leurs modes d’action en la sainte Trinité. «Il y a diversité de dons de la grâce, mais c'est le même Esprit; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur; diversité de modes d'action, mais c'est le même Dieu qui, en tous, met tout en œuvre. » (1Corinthiens 12. 4-6) Dans l’Eglise et dans la société, tous  forment ou doivent former une seule et même communauté de mission et d’évangélisation. Les différents dons de la grâce, la diversité des ministères dans le Christ et la diversité des modes d’action ne posent donc pas une question de pouvoir ou de territoire, mais celle d’harmonie et de synergie, d’union et de communion, de service et d’amour.

9. Des laïcs avec des clercs : Sortir du ghetto clérical et laïcal

Le « peuple de Dieu n’est pas un ghetto clérical » (Chenu 1977), ni encore moins un ghetto laïcal. C’est pourquoi il faut en sortir pour une convergence ecclésiale diaconale où l’on est frères, sœurs et serviteurs  des uns et des autres. Nous sommes, en Christ, le peuple de Dieu. Nous  sommes, tous  membres de ce peuple de Dieu, avec les mêmes droits et devoirs. Il n’y a pas une Eglise pour les laïcs et une autre pour les clercs. L’Église Corps du Christ est une (cf. Ep. 4.4). Le Christ y est comme la Tête et comme le plérome pour tous ses membres. Le code du droit canonique parle alors d’égalité fondamentale et radicale, en termes de dignité et de droits, de tous comme membres du Corps du Christ, membres du peuple de Dieu, enfants de Dieu (Code 1983 : 204). Prêtre ou laïc, nul n’est plus membre du Corps du Christ, plus enfant de Dieu que l’autre. La diversité fonctionnelle et charismatique des membres (Code 1983 : 207-208) ne saurait ruiner cette égalité, de grâce et de dignité d’enfants de Dieu. Nous sommes des autres christs (« alter Christi »), chacun et chacune à son niveau. Car nous avons Son image et Sa ressemblance. Nous sommes de sa race (cf. Ac 17.28), de sa chair et de son sang en vertu du mystère de l’incarnation.

L’Eglise c’est l’Église du Christ et c’est aussi notre Église, selon que le Christ est notre Frère en humanité. De la hiérarchie ou de la base, nous sommes gérants, garants et intendants de cette Eglise du Christ, selon nos différentes vocations, nos différents charismes et fonctions. «Qu'on nous considère donc, écrit saint Paul, comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, ce qu'on demande en fin de compte à des intendants, c'est de se montrer fidèles » (1 Co 4. 1-2).

En Jésusnous sommes tous des diacres. Cette vocation diaconale, nous la recevons de la Parole du Christ qui nous a commandés d’être, comme Lui, serviteurs de tous. Le lavement des pieds fut le signe et le symbole fort du service évangélique de tout disciple du Christ (cf. Jn 13.1-20). Cette diaconie universelle, élargie à tous, se fonde d’abord sur le Christ et sa Parole, et ne saurait se réduire à l’institution diaconale de s’approprier cette unique diaconie dans le Christ (Pelletier 2017 : 56).

Pelletier (2017: 46-56) parle « des femmes avec des hommes » comme étant une synergie, une unité qui fait et fera l’avenir de l’Église. De même, c’est avec les laïcs et les clergés tous ensembles (Pelletier 2017 :55) que se construit et se construira l’avenir de l’Eglise et l’Eglise de l’avenir. Nous appartenons à l’Église et l’Eglise nous appartient. Nous ne devons pas seulement être dans l’Église, mais être l’Eglise. Nous sommes pleinement l’Église et nous devons avoir un sens d’appartenance et d’intégration, à la fois comme serviteurs et servis. Vu dans ce sens, les prêtres ne sont pas laïcisés ni n’envient les laïcs. Les laïcs ne sont pas cléricalisés, ni n’envient les clercs.

Je veux des laïcs, disait Newman,non arrogants, non durs de propos, non disputailleurs, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui s’y intègrent, qui connaissent leur juste place, qui connaissent ce qu’ils détiennent et ce qu’ils ne détiennent, qui connaissent bien leur credo qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent bien de l’histoire qu’ils peuvent la défendre (Newman 1942: 300)[3].

Ce que Newman dit des laïcs, ici, peut aussi bien se dire des prêtres, évêques, cardinaux et papes. Chacun doit connaître sa place, savoir y être simplement et humblement, savoir y travailler sans jalousie. Dans toutes les instances de l’Eglise, l’humilité d’être soi-même et rien que soi-même est un gage pour la communion. Car, quand le pape est plus que le pape, il n’est plus le pape, mais peut-être quelque chose d’autre. Et quand il n’est pas plus que le pape, il est réellement le successeur de Pierre, le vicaire du Christ, c’est-à-dire le serviteur des serviteurs (Tillard 1982: 15-87). Quand l’évêque est plus que l’évêque, il n’est plus l’évêque, mais peut-être quelque chose d’autre. Et quand il n’est pas plus que l’évêque, il est vraiment le pasteur des brebis du Seigneur à lui confiées (cf. Jn 10.11-16). Quand le prêtre est plus que le prêtre, il n’est plus le prêtre, mais quelque chose d’autre. Quand le laïc est plus que le laïc, il n’est plus le laïc, mais quelque chose d’autre.  Il y a une limite à chaque état de vie, à chaque ministère dans l’Eglise. Cette limite doit se comprendre par rapport à la charité.

Conclusion

Etre prêtre ne veut pas dire qu’on est un boss des sacrements et des ministères que nous exerçons ; un patron de l’Eglise et du Royaume dont l’Eglise fait partie. Au contraire, c’est être serviteur du Christ pour son peuple, c’est-à-dire son esclave d’amour. C’est cela l’enjeu de la diaconie de communion et de charité qui est ou devrait être au centre d’un leadership de sainteté selon lequel, ‘le leader ecclésiastique’ n’est pas juste un gérant, un manager, un organisateur et un facilitateur à la manière d’un leader séculier. Mais, il est aussi un assoiffé de Dieu, appelé à la sainteté qui, à travers son leadership, est convié à se sanctifier lui-même et aussi aider le peuple à se sanctifier. Il le conduit aux verts pâturages du Royaume que sont l’Écriture et la Tradition de l’Eglise.

Connaître, comprendre et vivre le leadership de cette façon nous éviteraient, une certaine « ecclésiologie de la chefferie », une « ecclésiologie cléricale » et « la tyrannie des clercs ». Cette vision du leadership nous aiderait à passer effectivement du clérical à l’ecclésial, dans la perspective de l’ecclésiologie de l’union et de la communion verticale et horizontale.

Quand la cléricature devient dictature, elle perd toute sa signification christologique, toute sa représentation du Christ-Tête de l’Église et Serviteur. Elle devient une pure institution inégalitaire humaine. C’est en réaction contre cela que certains laïcs, aujourd’hui dans l’Église, développent à revers un laïcisme anticlérical qui ne manque pas d’endommager, lui aussi, la mission et la communion.

De la sorte, pour éviter cet écueil cléricalisme versus laïcisme et sortir du ghetto clérical et laïcal conséquent, nous devons fondamentalement passer à l’ecclésial dans lequel, nous nous considérons, nous recevons et nous acceptons mutuellement comme frères et sœurs de Jésus et à la suite de Jésus. C’est par Lui, en Lui et pour Lui seul, ce Jésus, ce Christ, le Berger et le Leader des Nations (cf. Jn 10. 1-18), que nous sommes qui nous sommes, que ce soit à la hiérarchie ou à la base des ministères.

Nous accepter et nous recevoir mutuellement supposent le service de charité, surtout envers les pauvres. La Royauté du Christ-Roi nous le montre bien, dans le texte de la parabole de la charité et du jugement dernier. Comme Roi, Il s’identifié aux pauvres et petits : les malades, affamés, assoiffés, étrangers, prisonniers, et tous les déguenillés du genre (cf. Mt 25. 31-46). Ainsi, Il n’est pas seulement le Roi de ces pauvres et de ces petits, mais un Roi tout à fait pauvre et tout petit lui aussi qui nous élève à la grandeur de Dieu.

Ceci paraît exigeant en matière de métanoia radical pour la diaconie caritative de l’universel, dans une mutualité de communion. Mais, aussi exigeant que cela puisse paraître, passer du clérical à l’ecclésial, du laïcal à l’ecclésial, ne détruit pas l’organisation des places, des espaces et des faces qui suppose une certaine hiérarchie institutionnelle. Car celle-ci est et ne doit qu’être au service de la mission et du Royaume. Elle n’est pas une puce, une carte-sim de pouvoir, d’oppression et d’asservissement au nom de Dieu. Elle est partage et entraide des membres du Corps du Christ, sans exception, et en vue de son édification (cf. 1 Co 12.7 ; Ep. 4, 12 ; 1 P. 2. 5). Tout ministère, dans l’Eglise, porte l’empreinte du service pour lequel il a été institué ou inspiré par le Christ, Serviteur des serviteurs. Tout ministère doit être diaconie d’amour. Si la hiérarchie, si l’institution n’est pas diaconie, elle deviendrait tyrannie, qu’on le veuille ou non. Elle deviendrait pire que le plus mauvais régime politique.

Pour éviter cela, il nous faudrait davantage ‘désasservir’ et décentraliser la hiérarchie dont la tentation de la montée pyramidale ne cesse de monopoliser, concentrer et, pour finir, gèle la mission et les forces de la mission de l’Eglise dans le monde. ‘Désasservir’ et décentraliser la hiérarchie aujourd’hui, par exemple, c’est ouvrir grand les vannes de la mission et de la gestion de l’Église aux fidèles laïcs. C’est les appeler co-serviteurs. C’est les traiter comme des collègues de la diaconie du Royaume et non plus comme des subalternes et des commis.

Plus que jamais, il faudrait redonner de la voix et des voies aux laïcs de l’Eglise, afin qu’ils exercent librement leur mission se tenant à leurs places, gardant leurs faces et leurs espaces. En voulant être le centre-contrôle et les maîtres de tout, ces clercs ont souvent tendance à les occulter et à les verrouiller, à cause d’un ‘Moi clérical’ trop fort en eux, et qui écrase le grand ‘Nous ecclésial’. Pour répondre à cela, le ‘Moi laïcal’ s’avère tout aussi clérical que tyrannique. Il est dangereux pour le ‘Nous ecclésial’. Qu’on soit prêtre ou pas, le leadership serviteur est celui qui nous aide à vivre et à demeurer dans ce grand ‘Nous ecclésial’.

 

 


[1]Toutes les références bibliques de cette réflexion sont de la Bible TOB.

[2]Lagos, à ces jours, compte environ entre 15 et 20 millions d’habitants, majoritairement chrétiens.

[3]  Ma traduction. Voir Newman (1985).

Référence Bibliographique: 

Références bibliographies

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