EUROPE, OÙ VAS-TU ? DEFIS DU PRESENT ET REVES D’AVENIR

Abstract: 

In this European Chronicle, the chronicler particularly considers the difficult and complex time which the European Union is undergoing. He wonders whether or not the European Union will crumble and break up, or whether it will sink in meaninglessness, and/or rise up to newness. Being unable to predict the future, the chronicler outlines the present challenges that the European Union is wrestling with and shares some guess. Thus, the various challenges are divided into two categories.

The first comprises points of discord, namely; the Brexit that entails crystallization of identities and nationalism, weakening the rule of law and democracy, sacrifice of social needs to the advantage of market and Euro currency which has not yet fully taken its roots and value. The second category includes challenges commonly shared by all European countries. These are three fundamental issues such as, climate change and environmental management, changing geopolitical context, and social issues like health, social security that may fuel euro-skepticism. 

The implications of these challenges are that, some political leaders are conscious of the urgent task to consolidate the European project. In this case the challenges are rather a good opportunity to be transformed into reunification for the only common good for all European member states. On the other hand, the European Union is at the crossroads. The best way out would be a new treaty which would transcend the unanimity in the fiscal and social field. This is hardly thinkable currently, yet, could be envisaged in the context of the treaty.

  1. Coup d’oeil introductif

L’Union européenne vit une période particulièrementdifficile et compliquée. Vers quoi ces problèmes d’aujourd’hui conduiront-ils: l’effondrement ou l’éclatement, l’insignifiance ou le sursaut d’un renouveau ? Impossible de le dire à l’heure actuelle. On peut seulement formuler un souhait pour l’avenir, en explicitant les éléments sur lesquels il pourrait s’appuyer.

  1. Défis du présent : les points de discorde

Le présent de l’Union est marqué par des tensions, des divergences, des conflits plus profonds que jamais. Je retiens cinq champs de tensions.

    2.1.Le Brexit

C’est la première fois qu’un État demande le retrait de l’Union européenne. La présence de la Grande-Bretagne dans l’Union a toujours été difficile : elle n’a jamais eu qu’un seul but, profiter au maximum du marché européen et ouvrir ce marché à la mondialisation. Elle a toujours et systématiquement empêché toute avancée politique. Plusieurs observations sont nécessaires à cet égard. C’est le retrait de l’un des grands membres et de l’une des plus grandes économies de l’Union: cela affaiblit donc le poids de celle-ci au niveau économique et politique international. Du point de vue militaire, c’est aussi le retrait d’une puissance majeure: cela complique donc la possibilité d’une défense commune autonome. Par ailleurs, si dans le discours britannique le marché est premier, la décision ne se fonde pas sur le plan économique : tout le monde est d’accord qu’elle aura des conséquences économiques négatives lourdes tant pour la Grande-Bretagne elle-même que pour l’Union, mais surtout pour la première, quoi qu’il puisse en être à plus long terme. La décision est essentiellement politique : question de l’image de la dignité nationale. Comme quoi l’analyse marxiste donnant une priorité absolue à l’économie est ici trop courte. Un bon observateur de la politique européenne, Frédéric Mauro, remarque :

Le peuple britannique s’est montré peu sensible à tous les arguments d’ordre économique avancés pour montrer le coût exorbitant du Brexit et s’est laissé convaincre par des arguments irrationnels relatifs à sa “souveraineté”. Cela parce que la politique est avant tout affaire de passions. Les peuples aussi y sont sujets et l’histoire abonde d’exemples où ils se sont laissés emporter par leurs pulsions  (IRIS, 30 juillet 2020).

Du point de vue interne, ce fait accroît les tendances séparatistes de l’Écosse et en Irlande du Nord, favorisant ici le parti qui souhaite une réunification de l’île. Cette décision renforce les tendances eurosceptiques de certains États, mais les difficultés du processus les mettent en garde, à l’heure actuelle tout au moins, contre toute volonté de séparatisme.

Un traité régissant les conditions de la séparation devait être signé pour le 1er octobre, de façon à pouvoir être ratifié tant par le Parlement européen que par la Parlement britannique avant la sortie de l’Union le 1er janvier 2021. À l’heure où je rédige cette chronique, début octobre, il n’y a toujours rien. Les négociations sont encore en cours pour obtenir un tel traité. Le Brexit sans accord, certainement plus coûteux et entraînant un certain chaos, les relations étant alors régies par les règles générales de l’OMC, est-il encore évitable ?

  1. Les replis identitaires et nationalistes

Le sens de l’Union comme communauté européenne s’est sérieusement affaibli au cours des dernières décennies. Un déséquilibre s’est progressivement établi dans le jeu des institutions européennes. Après la période de Delors, les États ont délibérément choisi des présidents de la Commission faibles, et ont pris le pouvoir en accordant par les derniers traités plus de prérogatives au Conseil européen (réunion des chefs d’État et de gouvernement). Et bien qu’il soit codécideur, le Parlement a été marginalisé quant aux décisions économiques et politiques majeures.

L’Union est devenue davantage le lieu des négociations des intérêts nationaux que celui d’une recherche du bien communautaire. Le projet européen, tel qu’il a été défini par le traité de Rome (1957), était un projet de solidarité : mise en commun des économies en vue du bien de tous et, en interne, solidarité des États plus riches vis-à-vis des États et régions plus pauvres (programmes structurels). Un coup de canif important a été donné à cette solidarité réelle lorsqu’il a été décidé de réduire le budget européen après l’élargissement (2000), alors qu’il était évident que les pays libérés du joug communiste avaient besoin d’une aide substantielle pour arriver progressivement au niveau des autres. Par ailleurs, dans le cadre de la mondialisation et de la concurrence internationale accrue, s’est développée une concurrence fiscale et sur les normes sociales entre États européens, avec pour conséquence une fragilisation de l’État providence dans tous les pays et donc de la protection tant des travailleurs que des couches moins bien nanties de la population.

Cette absence de solidarité se manifeste aujourd’hui de façon tragique dans la problématique d’accueil des immigrants et demandeurs d’asile : l’essentiel du poids de l’accueil repose sur les pays d’arrivée, Italie, Grèce et Espagne, qui connaissent déjà des difficultés économiques majeures. Tous les efforts de le Commission pour établir des clés de répartition entre tous les États ont échoué, en raison de l’opposition des États d’Europe centrale. Actuellement une proposition modeste est faite par la Commission : aucune obligation d’accueil, qui reste de la responsabilité de chacun des États, mais ceux qui refusent tout accueil auraient l’obligation d’une contribution financière pour les États qui assurent le premier accueil et de prise en charge de mesure des rapatriements pour les personnes qui n’obtiendraient pas le droit à l’asile. De plus, la proposition supprimerait ou assouplirait le règlement de Dublin qui impose au pays d’arrivée la charge de traiter la question de la demande d’asile. Il n’est pas sûr que l’ensemble des États acceptent cette procédure : il faut l’unanimité !

L’absence de solidarité s’exprime aussi par rapport aux programmes de relance de l’économie suite à la crise provoquée par le coronavirus. Dans tous les pays européens (mais pas seulement), l’économie a été paralysée pendant des semaines en raison des mesures de confinement. Pour nombre de secteurs la situation est dramatique (hôtellerie et tourisme, culture, activités événementielles, mais aussi pour des industries importantes, en particulier dans le secteur aéronautique. Certains États souffrent plus que d’autres, en particulier les pays du Sud. Alors qu’un principe européen s’opposait à toute aide financière de l’Union en faveur des États en difficulté, et que l’Allemagne était particulièrement intransigeante à cet égard (orthodoxie budgétaire), tant Angela Merkel, chancelière allemande, que Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, en alliance avec Macron, le président français, ont proposé et obtenu un gigantesque plan de relance de plus de 1.000 milliards d’euros : financement à partir du budget européen de projets industriels innovants, et pour 750 milliards de prêts et de dons aux gouvernements en difficulté, sans compter le rachat par la Banque centrale européenne de 1.350 milliards de dettes des États. La négociation est très difficile (il fallait l’unanimité), quatre États s’opposant à toutes forme de don : Pays-Bas, Autriche, Suède et Finlande, appelés dans les milieux européens les États frugaux ou États radins. Il y a finalement eu accord moyennant une forte réduction de la partie dons.

  1. L’affaiblissement de l’État de droit et de la démocratie

Un nationalisme exacerbé, soutenu par des partis d’extrême droite en Hongrie, en Roumanie et en Pologne, partis qui sont arrivés au pouvoir, a pour conséquence de graves atteintes à l’État de droit : contrôle du judiciaire par le politique, limitations imposées à la liberté de presse et à la liberté académique, limitation des droits des étrangers… Dans ces pays ce n’est pas l’étranger en tant qu’étranger qui se trouve exclu (en Pologne, il y a de très nombreux Ukrainiens qui occupent des emplois subalternes), mais c’est spécifiquement le musulman et le Noir.

Les traités européens prévoient des sanctions contre des États qui ne respecteraient pas l’État de droit ‒sanctions votées par le Parlement ‒, mais certains États mettent leur veto, craignant d’être eux-mêmes victimes de sanctions : celles-ci requièrent l’unanimité. Le Belge Didier Reynders, commissaire européen de la Justice, veut imposer une analyse annuelle de l’État de droit dans chacun des États européens. Cela sera-t-il efficace ?

L’un des piliers fondamentaux des valeurs déclarées de l’Union européenne ancrées dans les traités est ainsi progressivement sapé : la démocratie est en cause. Et on sait que l’extrême droite monte dans la plupart des États…

  1. Le social sacrifié au profit du marché

Schuman, en 1950, avait parié qu’en liant les économies, on irait vers l’unité politique (la déclaration parlait d’une Fédération européenne); le traité de Rome (1957) était sous-tendu par cette même perspective. Mais le politique est resté à la traîne. Delors a fait le même pari en créant le marché unique  (traité Acte unique européen, 1986). Le politique n’a toujours pas suivi.

Or, le contexte mondial a profondément changé : la mondialisation s’est imposée et, façonnée par les États, elle a pratiquement donné tout le pouvoir à l’économie, l’économie productive devenant elle-même de plus en plus otage de l’économie financière. Dans ce cadre, la valeur de l’entreprise s’identifie à la valeur pour l’actionnaire. L’emploi et le social en sont les victimes. Les inégalités qui s’étaient largement réduites dans la période allant de 1945 à 1975, se sont à nouveaux creusées, et une classe de super-riches a fait sécession de la société dans son ensemble en captant l’essentiel des profits.

Il faut reconnaître que l’Union européenne n’a pas tenu ses promesses pour les citoyens, ou n’a pas pu les tenir : croissance et développement avec les bénéfices partagés au profit de tous. L’ensemble des questions sociales et fiscales relèvent de l’unanimité, et donc sont bloquées. En situation concurrence entre États européens sur ce terrain, le moins-disant jouit d’un avantage compétitif. En conséquence, baisse continue de la taxation sur les profits et les patrimoines, donc réduction des ressources de l’État, et donc pression sur les coûts sociaux : salaires, retraites, santé (le déficit de financement et d’investissement dans les hôpitaux a éclaté au grand jour avec la crise du coronavirus), éducation… De-là, l’insatisfaction des citoyens et une montée de l’euroscepticisme accompagné et soutenu par les divers populismes de droite, mais aussi de moindre ampleur de gauche. Et mise en cause non seulement de l’institution européenne, mais aussi de l’État.

3.1.L’euro inachevé

Comme les traités l’ont prévu, une monnaie unique a été créée. Cette monnaie, l’euro, a été adoptée par dix-neuf États (certains n’en voulant pas, comme la Grande Bretagne, d’autres n’étant pas prêts économiquement). Mais cette monnaie souffre d’un défaut congénital : elle ne s’appuie pas sur une politique budgétaire commune ni sur une harmonisation des politiques fiscales, ce qui l’empêche de jouer le rôle fédérateur qu’il était censé jouer.

Les différents États qui l’ont adopté étaient et sont toujours très différents en ce qui concerne leur économie : d’un côté, il y a un grand État dont l’économie est très forte, l’Allemagne ; il y a des États dont l’économie est de puissance moyenne, comme la France ou la Belgique ; et enfin des États dont l’économie est faible et fragile, comme les pays du Sud, Italie, Grèce, Espagne. Les conséquences de cet état de fait sont lourdes. La richesse de l’Allemagne est largement liée à son industrie lourde (automobile, machines-outils) et exportatrice : cela a contribué à affaiblir les industries des pays européens importateurs. Par ailleurs, la politique de la Banque centrale européenne, indépendante du pouvoir politique, a été essentiellement inspirée de la politique monétaire allemande : limitation de l’inflation et taux d’intérêts les plus bas possibles. En raison de ces derniers, les États plus faibles en ont profité pour se surendetter, mais aujourd’hui, ils sont étranglés.

3.Défis du présent: trois enjeux majeurs

L’Union européenne est clairement un projet incomplet, une réalisation en-deçà de ses promesses, en-deçà des engagements pris par les traités fondateurs et les valeurs déclarées par le traité en cours, le traité de Lisbonne. Les lieux de tensions contribuent à une certaine paralysie. Mais si l’Union s’effondrait et que chaque État retrouvait sa totale autonomie, les effets négatifs pour chacun d’entre eux l’emporteraient certainement sur les bénéfices d’une autonomie très illusoire dans le contexte présent de mondialisation.

Malgré ses déficits, l’Europe dispose cependant d’instruments, si imparfaits soient-ils, qui permettent d’espérer un avenir plus positif.

  1.  Le climat et l’environnement

La question du climat est aujourd’hui déterminante et urgente. Elle ne l’est pas seulement pour l’Europe, mais pour l’avenir de l’humanité elle-même. Depuis 1992, l’ONU a organisé une série de sommets sur les questions climatiques. L’Union européenne y joue un rôle important : c’est elle qui s’engage le plus pour la réduction des émissions à effet de serre. Le problème est que nombre d’États européens ne tiennent pas leurs engagements. Une difficulté réside, entre autres, dans la gestion des sources d’énergie. Des pays, comme la Pologne, font principalement appel au charbon, largement disponible, mais extrêmement polluant. Changer assez rapidement tout son système de production de l’électricité serait très coûteux. Par ailleurs, certains États (Allemagne, Belgique) ont décidé de renoncer aux centrales nucléaires, en raison à la fois des risques qu’elles représentent et de l’absence de solution satisfaisante à long terme de la gestion des déchets. Mais il n’y a pas de garantie suffisante de production d’énergie verte (éolien et photovoltaïque essentiellement) dans les délais prévus pour le démantèlement des centrales nucléaires.

La nouvelle Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a déclaré que l’un des axes prioritaire de la politique qu’elle veut mener est le Green Deal, le pacte vert européen. Le Parlement la soutient. Il faut encore obtenir le soutien du Conseil. Ce qui n’est pas acquis.

La mise en œuvre de ce pacte se heurte à plusieurs obstacles. Il y a d’abord son financement : celui-ci devrait s’alimenter par une fiscalité verte commune, l’imposition d’une taxe carbone européenne pour les émissions de dioxyde de carbone, mais la mise en œuvre de cette taxe se heurte au principe d’unanimité.

Un autre obstacle est conjoncturel. L’Union européenne a pris des mesures financières et donc budgétaires considérables pour combattre les conséquences destructrices sur le terrain économique et social des politiques mises en place pour combattre le coronavirus (confinement, mesures de protection des personnes, etc.). Cette mobilisation risque de venir en concurrence avec les disponibilités pour la lutte climatique.

  1.  La place de l’Europe dans le contexte géopolitique

La période qui va de la fin de la guerre (1945) à la chute de l’Empire soviétique (1991) était caractérisée par un monde bipolaire défini par deux grandes puissances et deux systèmes économiques et politiques, capitalisme libéral et communisme. S’est ensuite institué un ordre multilatéral situé sous la dominance politique et économique des États-Unis. À partir des années 2000, la Chine est montée en puissance comme acteur économique et politique mondial : cessant d’être l’atelier bon marché du monde capitaliste, elle offre ses technologies de pointe et investit largement à l’extérieur, entre autres en Afrique. Elle entre ainsi en concurrence avec les États-Unis dans leur prétention à être les gérants du monde. Elle cherche à s’imposer politiquement et économiquement dans tout l’espace extrême-oriental, suscitant les craintes du Japon, qui se réarme, et de l’Australie. Avec Trump, la concurrence est devenue affrontement. Pour réassurer la suprématie des États-Unis, celui-ci détricote systématiquement tout l’ordre multilatéral, méprisant l’ONU, se retirant de l’Unesco et de l’OMC, reniant les accords avec l’Iran… Dans cet affrontement, la Russie est devenue une puissance secondaire, mais voisine de l’Union européenne, celle-ci est évidemment concernée par elle.

La question qui se pose à l’Europe est de savoir comment se situer dans ce jeu géopolitique. Divisée, elle est de plus en plus insignifiante : aucun État européen ne fait le poids. Quant à la Grande Bretagne, elle a toujours eu un penchant atlantiste ; elle s’alignera sur les États-Unis, cherchant des avantages commerciaux, mais sans avoir de poids politique. Si elle n’est pas unie, l’Europe ne peut éviter d’être la victime de l’affrontement entre les États-Unis et la Chine. Par exemple, elle ne peut résister aux diktats des États-Unis qui imposent des sanctions aux entreprises européennes qui commercent avec l’Iran ou avec celles qui collaborent avec certaines entreprises chinoises, que si elle développe une politique commune autonome et ferme. Une certaine prise de conscience se fait jour dans ce domaine.

La force traditionnelle de l’Union européenne est son action diplomatique. Mais celle-ci ne peut être efficace que si l’ensemble des États parlent d’une seule voix : c’est beaucoup trop peu le cas aujourd’hui. Exemple : suite aux élections présidentielles truquées en Biélorussie, aux manifestations d’opposition qu’elles ont donné lieu et à la répression brutale qui s’en est suivi, tant la Commission par la voix de la haute représentante pour la politique étrangère, Catherine Asthon, que le Parlement se sont prononcés pour des sanctions contre cet État. Mais au Conseil, la politique étrangère relève de l’unanimité. Chypre[1], l’un des plus petits États de l’Union, y a mis son veto pendant des semaines, exigeant des sanctions européennes contre la Turquie, en raison du conflit qui oppose les deux pays. Finalement, lors du Sommet européen des 1er et 2 octobre, un compromis a été trouvé : des sanctions contre 40 personnalités biélorusses (mais pas contre le président !) et des menaces de sanction contre la Turquie s’il n’y a pas de véritables négociations au sujet du différend avec Chypre. L’utilisation du chantage ou du seul intérêt national par le veto rend trop souvent impossible toute politique étrangère commune et, par le fait même, rend l’Union européenne insignifiante dans l’ordre géopolitique.

L’Europe, pour exister, a besoin d’être un acteur de puissance. Un volet de la puissance passe nécessairement aussi par la défense. Il ne s’agit nullement de devenir une grande puissance militaire. Dans l’Otan, les pays européens qui en sont membres, sont les vassaux des États-Unis. Les États d’Europe centrale s’en remettent de fait aux États-Unis pour leur défense. Or, s’il devait y avoir un conflit à dimension armée avec la Russie, conflit aujourd’hui nécessairement local (occupation, par exemple, de l’un des pays baltes, Estonie, Lettonie ou Lituanie, comme elle le fait au Donbass après avoir annexé la Crimée), il est de moins en moins sûr que les États-Unis se mobiliseraient. Seule une défense crédible peut prévenir les aventures, défense assurant une certaine autonomie au sein de l’Otan.

  1.  Le social

Depuis son origine, le social est à la traîne dans l’Union européenne, parce qu’il est soumis à l’unanimité. La crise du coronavirus a révélé les insuffisances de l’Union dans le domaine d’une réelle politique commune de la santé. Celle-ci relève de l’initiative de chacun des États, mais ces derniers ne peuvent se montrer à la hauteur par rapport à certains défis, comme la capacité de produire sur le sol européen les médicaments indispensables ou les matériels médicaux en quantités suffisante. La question d’une véritable politique européenne de la santé s’impose donc aujourd’hui. Les États relèveront-ils ce défi ?

De façon plus générale, la concurrence économique entre les États l’emporte sur le bien des travailleurs et les conditions de protection sociale de l’ensemble de la population. Celle-ci, à juste titre, ne perçoit pas les avantages que l’Europe apporte dans ce domaine, ce qui alimente l’euroscepticisme. Les ravages sociaux provoqués par le coronavirus risquent d’alimenter des mouvements anti-européens et d’avoir des effets de déstabilisation politique.

  1.  La démocratie et l’État de droit

Sous la responsabilité du commissaire à la justice, Didier Reynders, la Commission a présenté le 30 septembre un premier rapport sur la situation de l’État de droit à l’échelle de l’Union. Ce rapport est conçu comme un avertissement pour empêcher toute détérioration ultérieure. Il porte sur le système judiciaire, la lutte anticorruption, le pluralisme des médias, ainsi que les contrôles et les équilibres institutionnels. La Pologne et la Hongrie sont directement mis en cause ; des questions sont posées sur la Bulgarie, de la Roumanie, de la Croatie et de la Slovaquie. Ce rapport est une nouveauté significative.

La Commission veut conditionner l’octroi de certaines aides financières à des réformes dans ces domaines. La solidarité entre ces pays risque de s’opposer totalement à de telles mesures. Et on se demande donc si elles seront applicables.

L’enjeu véritable est la possibilité d’un avenir démocratique en Europe.

            Conclusion

Les questions portant sur les migrations, sur l’environnement, sur le conséquence du coronavirus, avec les risques croissants de troubles sociaux, d’une part, les dérives nationaliste et d’extrême droite, d’autre part, ont pour conséquence qu’un certain nombre de responsables politiques prennent conscience qu’il y a urgence à consolider le projet européen. Ce peut être une chance…

L’Union européenne est à la croisée des chemins. Avec Ursula von der Leyen, on a une présidence de la Commission qui s’exprime avec force et dont les options sur ces trois terrains ‒environnement, présence géopolitique et social ‒sont claires. Actuellement, elle peut compter sur l’appui de l’Allemagne et de la France, et sans doute des États du Sud. L’inconnue reste, d’une part, le jeu des États d’Europe centrale et, d’autre part, la résistance des États radins. La présidente arrivera-t-elle à convaincre ? Quels compromis ? Pour avancer, il faudrait en fait un nouveau traité : dépasser le cadre de l’unanimité dans les domaines fiscal et social, mais c’est difficilement pensable à l’heure actuelle. Un groupe d’États pourrait-il aller de l’avant ? Dans le cadre des traités, ce serait possible, mais difficile, et c’est l’image de l’unité de l’Union qui serait mise en cause.

 

 


[1]L’île de Chypre obtient son indépendance du Royaume-Uni en 1960 et devient la République de Chypre. La population du Sud de l’île est très majoritairement d’origine grecque, celle du Nord est surtout d’origine turque. Lors de la prise de pouvoir par les militaires en Grèce en 1974, la garde nationale chypriote constituée principalement de Grecs prend le pouvoir et demande l’intégration de l’île à la Grèce. La Turquie réagit, déclare protéger la minorité turque de l’île, intervient militairement et proclame la République turque de Chypre du Nord, qui n’est reconnue que par la Turquie. Actuellement, celle-ci prétextant son autorité sur les eaux territoriales, effectue des sondages aux abords de l’île à la recherche de ressources gazières.

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