INTÉGRATION DE LA DIMENSION GENRE DANS LES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES AU BURUNDI

Abstract: 

The paper assesses the mainstream of gender in Burundian environmental policies regarding sustainable development. Convincingly, sustainable development drives long-term economic investments, human and environmental capital. People manipulate the earth and are direct cause of environmental issues, especially, with the role of women that are targeted as “household managers” in the deterioration and conservation of environment.

Thus, conservation of natural resources, and promotion of environment should involve women at all levels of public policy making processes to achieve sustainable development. However, two challenges emerge to achieve sustainable development vis-à-vis gender and environment in Burundi, namely;(i) low-income status of the population in general, especially,women and (ii) lack of access to knowledge and information about environmental conservation strategies. Yet, Burundi has assets that can enable sustainable management of its environment such as;adequate political and legal instruments withinstitutional framework to steer upthe process. Thus, effective implementation of those instrumentsand a solid governing framework would then confirm governmentcommitment to promote women participation in environmental challenges.This would lead to learning, dissemination and applicationof good environmental practices nationwide, and equally enough; reinforcewomen economic empowerment for an effective protection of the environment.

Therefore, a"holistic decision-making" process should consider all dimensionsof environmentalproblem,including gender, toensure a collectiveparticipationprocess that should be the guiding principle to promote a participatory democracy.

1. Introduction

La problématique de l’environnement et du développement durable préoccupe tous les habitants de la planète. L’être humain a pris conscience de l’amenuisement des ressources face à un nombre d’habitants qui ne cesse de croître (dans les pays en développement), ce qui rend difficile la satisfaction de leurs besoins (Barayintura 1997: 5). L’être humain se rend compte au jour le jour des dangers qui accompagnent la dégradation des écosystèmes et la prolifération de substances polluantes sur notre planète terre. Plusieurs études (Barayintura 1997: 5; GIZ 2006: 1; Robert 2011 : 14 ; Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012 : 4) soulignent l’importance accrue qu’ont pris les questions environnementales dans la thématique du développement durable au cours des différentes conférences et rendez-vous internationales sur cette dernière. 
D’après le GIZ (2006 : 1), les gouvernements et institutions ont longtemps négligé le problème de l'accès des femmes aux ressources naturelles et leur rôle dans la gestion et la préservation de l'environnement. Les femmes ont pourtant un rôle fondamental à jouer dans l'adoption de modes écologiquement rationnels de consommation, de production et de gestion des ressources naturelles biens durables. Ce rôle est de plus en plus souligné à l'échelle internationale depuis les années 1980 et particulièrement affirmé vers les années 1990 avec les conférences et autres rendez-vous internationaux déjà évoqués. On peut s'interroger sur la pertinence d'une approche genre en matière d'environnement et de développement durable. Par le passé et encore aujourd'hui, on note en effet une différenciation femmes – hommes sur le plan socio-économique et culturel, ce qui implique que l'expérience et le savoir des femmes est différent de celui des hommes et soulève par conséquent un certain nombre de questions au niveau théorique, analytique et pratique sur la relation femmes – environnement et hommes – environnement.
Cet article initie une discussion dans la prise en compte de la question du genre et son intégration dans les politiques et programmes environnementaux et de développement durable national. Il tentera de poser les bases de cette discussion en essayant de (i) faire un état des lieux de l’impact des femmes et des hommes sur notre environnement, (ii) dresser le cadre politique, légal et institutionnel régulant ces deux secteurs ; (iii) comprendre les défis majeurs freinant la gestion effective de cet environnement et enfin (iii) trouver des opportunités « de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».

2. Développement durable, environnement et genre 

2.1. Développement durable et environnement 

En juin 1992, s’est tenue à Rio de Janeiro (Brésil) la conférence des Nations Unies (NU) sur l’environnement et le développement. Il fallait réfléchir sur la relation entre la pression démographique et les schémas intenables de consommation et la dégradation de l’environnement. L'innovation politique résultant du débat sur la durabilité résidait dans l’accent mis sur la définition des objectifs à long terme sur une large base politique et sociétale, l’intégration des objectifs de la politique environnementale dans d’autres domaines politiques (intégration intersectorielle), une politique de coopération en matière de groupes cibles et la mobilisation de ressources décentralisées supplémentaires et des capacités sociétales (Barayintura 1997: 5 ; Jänicke et Jörgens 1999 : 177).
Stimulé initialement par la Commission Brundtland, qui a rendu compte en 1987, et la Conférence de Rio Sommet de la Terre cinq ans plus tard, le développement durable a commencé à porter ses espoirs et les aspirations des peuples et des gouvernements. Il est également venu accumuler plus de bagages conceptuel et politique qui avaient pesé sur la « durabilité ». Des politiques de coalition se sont développées, tant au Sud que dans les pays industrialisés, afin de faire progresser les objectifs de développement durable. C’est devenu un point de ralliement pour de nouvelles formes de travail social et activité politique (Redclift 1999 : 65). Ce nouveau projet s'intitulait « Développement Durable » et le troisième paragraphe « d’Agenda21 » - le document complet adopté au Sommet de la Terre de Rio en décembre 1992 définissant la vision globale pour le premier siècle du millénaire - appelait les gouvernements à élaborer des stratégies, plans, politiques et processus nationaux pour assurer la mise en œuvre d’un développement durable (Meadowcroft 1999 : 12).
Selon la Commission Mondiale de l’Environnement et du Développement (1987) (cité dans Meadowcroft 1999 : 13), un « Développement Durable » est un développement répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Cette définition contient deux concepts-clés à savoir : 
  • le concept de « besoins », en particulier les besoins essentiels des pays pauvres du monde, lesquels devraient être priorisés; et
  • l’idée de limitations imposées par l’état de la technologie et de l’organisation sociale dans la capacité de réponse de l’environnement aux besoins présents et futurs.
La conférence sur la Population et le Développement tenue au Caire en septembre 1994 est revenu sur la même thématique, mais cette fois-ci sous l’angle de la « Population et Environnement ». Les participants à cette conférence se sont convenus à dire que « les facteurs démographiques conjugués à la pauvreté, à l’absence de ressources dans certaines régions, à la consommation excessive, aux modes de production économique, entraînent ou exacerbent les problèmes de détérioration de l’environnement et d’épuisement des ressources, compromettant ainsi le développement durable » (Barayintura 1997 : 5).
Au Burundi, l’article 12 de la loi sur l’environnement désigne  « l'Environnement » comme l'ensemble des éléments naturels et artificiels ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui conditionnent l'existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes et des activités humaines. L'environnement burundais constitue un patrimoine commun dont la sauvegarde incombe à l'Etat, aux collectivités locales, aux organismes publics et aux citoyens, individuellement ou groupés en association (Loi n° 1/010 portant Code de l’Environnement de la République du Burundi2000 : 3). 
La protection de l'environnement a donc pour but (Article 13 de la Loi n° 1/010 portant Code de l’Environnement de la République du Burundi 2000 : 3-4) :
  • de préserver l'équilibre écologique, de maintenir et d'améliorer la qualité du milieu naturel ;
  • de développer rationnellement les ressources économiques ; et
  • d'assurer les conditions de vie et de travail aussi bonnes que possible. La protection de l'environnement est mise en œuvre par l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, par la prévention de la pollution et par la lutte contre cette pollution et contre les effets nocifs des phénomènes naturels.

1.2. Développement (durable) et genre

Historiquement, le courant de pensée concernant les femmes a porté sur l’intégration de celles-ci au développement. Il a été appelé dans le langage des instances de coopération et de l’Organisation des Nations Unies (ONU) l’« Intégration des Femmes au Développement » (IFD). Cette approche ne faisait aucune référence à la discrimination faite aux femmes, mais elle insistait plutôt sur le fait que des stratégies devaient être mises en place pour inclure les femmes dans des composantes de projets ou dans des projets en soi. Cela a permis d’avoir de moyens plus importants pour s’occuper de leur ménage (Robert 2011 : 27).
Puis vers les années 1970, l’approche « Femme et Développement » (FED) a fait surface après le constat que les femmes ont participé davantage aux projets, mais sur des bases inégales par rapport aux hommes. Il est dit par ailleurs que cela n’a pas amélioré leur pouvoir de décisions et leur accès aux ressources. Avec l’approche FED, le constat a été qu’il ne fallait plus que tabler sur les stratégies d’intégration des femmes, mais sur la valeur de leur contribution en termes de modernisation économique et sociale. Le courant a changé et le discours a donc porté sur la relation entre le processus de développement et les femmes. Théoriquement, cette approche mettait l’accent sur la participation accrue des femmes et sur les impacts sociaux. Cette approche avait tout de même tendance à regrouper les femmes sans tenir compte elle aussi des inégalités existantes entre les femmes et les hommes et des relations culturellement construites qui ont eu une incidence sur le statut des femmes (Robert 2011 : 27-28).
L’approche « Genre et Développement » (GED) a donc été vue comme une solution pour corriger les autres approches précédentes dans ce sens où elle reconnaissait que les différences entre les femmes et les hommes ne sont pas que d’ordre biologique, mais également socioculturel. Cette approche se veut transversale et a permis de dresser une définition plus ou moins concise du terme « Genre ». Le genre décrit donc la construction d’un ensemble de responsabilités et de rôles féminins ou masculins assimilés et inculqués culturellement. Ces rôles comme déterminés par la société se rapportent aux activités des femmes et des hommes et la position qu’ils occupent dans ladite société. La notion de genre fait également référence à la relation inégalitaire qu’ont les femmes et les hommes dans la société (Robert 2011 : 28).
L’approche GED examinait donc les relations entre femmes et hommes. Elle visait à équilibrer les rapports de pouvoir entre eux. Contrairement aux approches précédentes, elle ne visait plus seulement les projets dédiés qu’aux femmes mais aux deux sexes. Elle supposait, par contre, que l’on adresse les questions et les difficultés des femmes en distinguant les particularités des deux groupes, mais aussi les rôles sociaux spécifiques de chacun qui se sont construits au fil du temps et à travers les cultures. Elle cherchait également à assurer une distribution équivalente des ressources, des bénéfices et des chances dans les diverses couches de la société et des groupes marginalisés dont font partie les femmes (Robert 2011 : 28-29).
Toutefois, cette approche comporte certaines limites. Puisque cette approche se voulait transversale, les différents organismes de coopération internationale ont constaté que les ressources financières et humaines qui étaient auparavant déployées pour les projets particuliers aux femmes n’apparaissaient plus dans la ventilation des budgets de divers projets. Ceci signifie donc que les investissements consacrés à l’égalité des sexes n’étaient plus quantifiables. De plus, cette approche comportait des risques, car en étant transversale elle demeurait très peu visible dans les programmes et projets de coopération internationale ; la question du genre avait tendance à s’estomper dans les différents programmes et politiques (Robert 2011 : 28-29).
C'est en réponse à cette prise de conscience qu’une nouvelle approche a vu le jour ; « l'Intégration de la Dimension Genre » (IDG). Cette approche est apparue comme une nouvelle approche et comprenait que les opérations des organisations devraient également être la cible de changements transformateurs et pas seulement de programmes. L'idée de l'intégration a d'abord fait son apparition dans le discours sur le développement international dans les stratégies pour la promotion de la femme adoptées lors de la troisième Conférence mondiale sur les femmes à Nairobi en 1985, mais le concept d'intégrer les questions de genre dans le courant dominant de la société a été clairement établi en tant que stratégie mondiale pour la promotion de l’égalité des sexes dans le Programme d'Action adapté lors de la quatrième Conférence mondiale des NU sur les femmes à Beijing en 1995. La conférence a souligné la nécessité de veiller à ce que l’égalité des sexes soit un objectif primordial dans tous les domaines du développement sociétal (Bizimana 2019 : 18-19).
En juillet 1997, le Conseil Economique et Social des Nations Unies a défini le concept de l’IDG comme le processus d'évaluation des implications pour les femmes et les hommes dans toute action planifiée, y compris la législation, les politiques ou les programmes. Il s'agit d'une stratégie visant à faire des préoccupations et des expériences des femmes et des hommes une partie intégrante de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l'évaluation des politiques et des programmes dans toutes les sphères politiques, économiques et sociales, afin que les femmes et les hommes bénéficient de manière égale et que l'inégalité ne soit pas perpétuée. Le but ultime de l’IDG est alors d'atteindre l’égalité effective des sexes (Bizimana 2019 : 18-19).
L'attention portée à cette nouvelle approche a été initiée à mesure que des critiques croissantes sur les approches précédentes ont transpiré, pour supposer que les autorités et les institutions ont un parti pris masculin en termes de culture organisationnelle, de règles et de résultats et cela pouvant reproduire les hiérarchies conventionnelles et les inégalités. L'intégration ne consiste pas seulement à ajouter une composante femme ou même une composante égalité des sexes à une activité existante et ça va aussi au-delà de la simple augmentation de la participation des femmes. Ce paradigme veut mettre un accent particulier sur l'expérience, les connaissances et l'intérêt des femmes et des hommes au programme de développement en modifiant les objectifs, les stratégies et les actions afin que les femmes et les hommes puissent influencer, participer et bénéficier des processus de développement (Bizimana 2019 : 19).  
En conséquence, l'objectif de cette approche est la transformation de structures sociales et institutionnelles inégales en structures égales et justes pour les femmes et les hommes. De plus, c’est une approche holistique soutenant qu'une analyse de genre devrait être intégrée systématiquement dans toutes les considérations politiques, dans tous les groupes de programmation et pas seulement dans les domaines traditionnellement associés aux femmes dans le développement tels que la microfinance, l'éducation ou la santé, entre autres. Les résultats de l’émancipation des femmes ne s’amélioreraient donc qu’en s’attaquant de manière globale aux causes structurelles profondément enracinées de l’inégalité des sexes et à la nature sexo-spécifique de la répartition du pouvoir dans la société (Bizimana 2019 : 19).
Le concept d’IGD, ou l'incorporation d'une perspective de genre dans l'élaboration des politiques, a représenté un développement ultérieur - et une version plus institutionnelle - des autres paradigmes tels que l’IFD, le FED et le GED. Ce changement dans la stratégie d'intégration de l’égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes doit beaucoup aux universitaires féministes du Sud, qui ont plaidé pour une focalisation sur les relations sociales qui produisent des inégalités. De manière significative, l’IGD diffère de l’IFD, par exemple, en ce qu'elle prend comme point de départ une analyse approfondie et rigoureuse de la situation de développement, plutôt que des hypothèses a priori sur les rôles et les problèmes des femmes. L'expérience a montré que les questions de genre étaient différentes selon les pays, les régions et la situation concrète. En même temps, l'expérience a également montré qu'une analyse rigoureuse et sensible au genre révélait invariablement des besoins et des priorités différenciés selon le sexe, ainsi que des inégalités entre les sexes en termes d'opportunités et de résultats. L’approche de l’IGD cherche à remédier à ces problèmes (Bizimana 2019 : 19-20). Quel est donc le lien concret entre le genre, l’environnement et le développement durable ? 

1.3. Environnement et genre

C’est lors de la 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes qui a eu lieu à Beijing (Chine) en septembre 1995 que le lien entre l’Environnement et le Genre a officiellement été évoqué. Cette conférence a montré que la dégradation de l’environnement avait des répercussions négatives sur la santé, le bien-être et la qualité de la vie de l’ensemble de la population. Elle indiquait en ces termes que « les politiques en faveur du développement durable qui ne faisaient pas intervenir la femme au même titre que les hommes ne sauraient être couronnées de succès à long terme […]. Tant que la contribution des femmes à la gestion de l’environnement ne serait pas reconnue et encouragée, l’objectif du développement durable continuerait de se dérober » (Barayintura 1997 : 5-6).
La déclaration de Copenhague, elle, a ensuite affirmé que « le développement économique et social ne pouvait être assuré d’une manière durable sans la pleine participation des femmes ; et que l’égalité et l’équité entre femmes et hommes étaient pour la communauté internationale un objectif prioritaire qui devait en tant que tel, se situer au cœur du développement économique et social » (Barayintura 1997 : 5-6). En somme, ces conférences ciblaient les femmes comme partenaires à ne pas négliger si l’on voulait un développement durable et pour que la contribution de la femme à la conservation et à la gestion des ressources naturelles, à la protection de l’environnement devait être reconnue à sa juste valeur, les gouvernements et les autres acteurs devant favoriser une politique qui intègre une démarche soucieuse de l’égalité entre les sexes. Le Burundi a participé à ces différentes rencontres internationales et ne peut non plus se soustraire à la mise en application de l’agenda 21 des NU (Barayintura 1997 : 5-6 ; GIZ 2006 : 4).
L'Agenda 21, à propos du genre dans l’environnement, propose des actions pour renforcer le rôle de femmes dans le développement durable en éliminant les obstacles à leur participation, plus particulièrement dans les processus de décision. Les gouvernements se sont notamment engagés à définir un nouveau modèle de développement mettant l'accent à la fois sur la durabilité de l'environnement, sur l'égalité entre les sexes et sur la justice non seulement entre les membres d'une même génération, mais d'une génération à l'autre (GIZ 2006 : 4).
En février 2005, la 23ème session du Conseil d'Administration du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a adopté la décision 23/11 sur l'égalité entre les sexes dans le secteur de l’environnement. Le Conseil des ministres s’est convenu de (UNEP 2006: 9):
  • renforcer l’égalité de participation des femmes dans la prise de décision environnementale ;
  • encourager l'intégration du genre dans les politiques et programmes environnementaux ;
  • évaluer les effets des politiques environnementales sur les femmes ;
  • et intégrer davantage l'égalité des sexes et les considérations environnementales dans les travaux des ministères de l’environnement, du PNUE et d’autres organismes des NU.
Enfin, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, adoptée en mars 2005, fixait les engagements généraux à souscrire par les donneurs de fonds et les pays récipiendaires pour rendre l’aide plus efficace en mettant en relief la nécessité de la prise en compte des questions de genre dans chacun des cinq principes fondamentaux : l’appropriation, la responsabilité mutuelle, l’alignement, l’harmonisation et la gestion axée sur les résultats (Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012 : 5-6).

2. Genre et dégradation de l’environnement au Burundi

L'influence du genre est en fait particulièrement évidente dans le domaine environnemental, compte tenu de la division du travail selon le genre et de la problématique de l'accès et du contrôle des ressources et des bénéfices selon le genre. Les femmes et les hommes ont en effet des rôles et des responsabilités différents au sein du ménage et de la communauté (division du travail selon le genre). Les femmes rurales, de par leurs multiples activités productives (agriculture, artisanat, …) et reproductives quotidiennes (approvisionnement en combustible, eau et nourriture pour la consommation du ménage, …), sont des usagers majeurs des ressources naturelles. Par ailleurs, la répartition du travail entre les femmes et les hommes (produit d'un contexte social et culturel) influence la gestion et l'utilisation des ressources naturelles selon les rôles assignés à chacun et les besoins à couvrir et donc le rapport à l'environnement. Les femmes, en charge d'assurer la reproduction de la famille, cherchent généralement à maintenir les ressources naturelles nécessaires à l'usage quotidien, à la santé et à la biodiversité (GIZ 2006 : 5).
En général, la femme burundaise joue un rôle important aussi bien dans la dégradation que dans la préservation de l’environnement ; de part sa fonction reproductrice qui lui confère un statut social considérable lorsqu’elle a une nombreuse progéniture en particulier masculine, et de part sa fonction de productrice avec une place centrale au cœur du fonctionnement et de la survie de la famille. C’est elle la principale actrice dans l’agriculture pour la production des denrées alimentaires nécessaires pour nourrir la famille. Il lui revient aussi les multiples tâches telles que la recherche du bois de chauffage, la recherche de l’eau potable, l’hygiène, la bonne santé de la famille, l’assainissement du milieu et l’éducation des enfants. Sa fonction de procréation contribue dans une certaine mesure à rompre l’équilibre entre population, ressources naturelles et environnement, étant donné que la population ne cesse de croître sans que les ressources augmentent (Barayintura 1997 : 6).
La discussion qui suit se fait sur des activités qui ont un impact direct sur l’environnement tels que les activités ménagères, les travaux agricoles et pastoraux, l’éducation des enfants, les soins de santé aux membres de la famille, la salubrité du ménage et du milieu (hygiène, eau et assainissement). Il sera montré aussi comment la femme contribue à l’épuisement des ressources, par sa nombreuse progéniture qui entraîne une forte pression démographique.  
Les femmes participent à tout le processus de production agricole. Toutefois, son degré de participation varie d’une région à une autre ou selon la nature de l’activité. Dans les cultures de rente, le couple coopère dans les travaux agricoles alors que dans l’agriculture de subsistance c’est (presque) uniquement la femme qui travaille. Pendant ce temps, rares sont les hommes qui assistent leur femme dans les activités ménagères (Barayintura 1997: 13-14).
L’élevage est traditionnellement dévolu à l’homme mais la femme participe dans certaines activités telles que la recherche du fourrage, de la litière, le ramassage du fumier, etc. Dans certaines régions, l’élevage de bovins est la responsabilité exclusive des hommes, assistés par les enfants masculins. C’est dans des cas où l’homme est absent car possédant un travail formel ou pas en ville que ces tâches reviennent à la femme. La femme et l’homme contribuent tous à la gestion de l’environnement à travers les activités agricoles et pastorales. Ces dernières ont une importance capitale dans la nutrition (Barayintura 1997 : 14).
L’homme étant sensé s’occuper des contacts extérieurs au ménage, la femme doit s’occuper de la gestion quotidienne du ménage. Il revient à cette dernière la préparation des repas, par conséquent la recherche et la coupe du bois de chauffage. La principale utilisatrice de cette source d’énergie est donc la femme. Toutefois, s’il est vrai que c’est elle qui recherche le bois de chauffage ou les brindilles, l’homme s’occupe de la transformation du bois en charbon de bois puisque la vente de ce dernier lui procure un revenu. Les deux acteurs contribuent donc à la destruction de l’environnement même si l’homme le fait dans une moindre mesure. L’exploitation du bois de chauffage, toujours croissante face à la poussée démographique, ajoutée à la surexploitation des terres à vocation agricole produit des effets néfastes sur l’environnement notamment la déforestation et l’érosion (Barayintura 1997: 15-17; Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012: 13).
La corvée de l’eau incombe essentiellement à la femme ; les filles interviennent dans une large proportion et les enfants males participent dans une certaine mesure. En 2005, 79,7% de la population urbaine et 63,4% de la population rurale avaient accès à une source d’eau améliorée (potable). Mais en milieu rural, la plupart des ménages s’approvisionnaient aux bornes fontaines, ruisseaux et rivières. En ce qui concerne l’évacuation des ordures ménagères, c’est aussi une tâche qui revient à la femme. La situation est relativement bonne en milieu rural qu’en milieu urbain puisqu’en milieu rural la population utilise des fosses à ordures (Barayintura 1997 : 18-19 ; Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012 : 13).
La femme est la principale éducatrice des enfants surtout en bas âge. Elle est apte à véhiculer les messages qui peuvent contribuer à la destruction ou à la préservation de l’environnement. En effet, elle transmet les techniques d’exploitation agricole telles qu’elle les détient de ses parents tout comme elle peut transmettre les enseignements relatifs à l’hygiène et l’environnement. L’important est qu’elle soit formée ou informée, mais l’est-elle toujours ? Les connaissances qu’elle transmet peuvent parfois être contraires aux méthodes d’utilisation durable des ressources de l’environnement (Barayintura 1997: 20).
Non seulement la femme veille à l’éducation des enfants, c’est elle aussi la première responsable des soins de santé des membres de la famille. N’ayant pas suffisamment de revenus et les centres de santé étant parfois éloignés, elle aura tendance à recourir au guérisseur traditionnel ou ira elle-même à la cueillette des plantes médicinales. Il arrive que celles-ci disparaissent car ni la femme ni le guérisseur n’en replantent surtout lorsque ce sont des racines qui sont utilisées (Barayintura 1997 : 20 ; Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012 : 14). Dans ce même ordre d’idées, l’artisanat de la femme concoure à la disparition de certaines espèces de végétales puisque qu’elle les utilise pour confectionner des objets d’art pour le ménage tels que des nattes, des corbeilles, des paniers, des greniers, etc. (Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012: 14).
Comme dit plus haut, plus une femme a beaucoup d’enfants, plus elle est valorisée et considérée dans la société. La forte croissance démographique entraîne la surexploitation des terres agricoles d’où la dégradation des sols. Celle-ci accélère le phénomène d’érosion qui est à la base d’une diminution de la production et par voie de conséquence d’un déficit alimentaire. La pression démographique a d’autres conséquences sur l’environnement telles que la pénurie croissante du bois de feu, le déboisement, la diminution des étendues forestières, le développement anarchique des quartiers périphériques entraînant des difficultés d’assainissement, etc. (Barayintura 1997 : 20).
Enfin, la femme participe à une série d’activités qui ont un impact négatif sur l’environnement. Sans intention de nuire, elle est forcée d’agir de la sorte pour le bien-être de sa famille tant que les modes de production, de consommation et de gestion de ressources naturelles restent inchangées.

3. Cadres légal, politique et institutionnel de la protection de l’environnement

3.1. Cadres légal et politique de la protection de l’environnement

Le Burundi est un petit pays enclavé situé dans la partie orientale de la région des Grands Lacs d'Afrique centrale. La population estimée dans tout le pays est près de 11 millions de personnes vivant sur 27 834 km2. Sur cette superficie, 25 200 km2 sont terrestres, tandis que les 2 000 autres km2 se trouvent dans les eaux territoriales du Lac Tanganyika. Le Burundi est bordé au Nord par le Rwanda, à l'Ouest par la République démocratique du Congo et au Sud et à l'Est par la Tanzanie. L'économie du Burundi est dominée essentiellement par le secteur agricole, qui emploie 90% de la population (World Bank 2017: 1).
Quand on parle de développement (durable) généralement, les principaux instruments de référence pour la programmation au Burundi sont au nombre de deux : (i) le Programme du Gouvernement et (ii) le Cadre stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Le document de CSLP trace la stratégie environnementale du gouvernement qui permet de consolider le lien entre la sauvegarde de l’environnement, le développement et la question du genre et tous ces deux instruments font référence à d’autres instruments comme les Objectifs du Millénaire pour le Développement – OMD (qui ont été par après changés en Objectifs de Développement Durable – ODD en 2015) et la « Vision 2025 » (UN-HABITAT 2008 : 9 – 10 ; Institut National pour l’Environnement et la Conservation de la Nature 2012 : 23 ; Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme – Ministère de l’Energie et des Mines 2013 : 1).
Dans le souci d’être à la hauteur des défis environnementaux, le Gouvernement Burundais (GB) s’est ensuite doté d’outils juridiques de gestion des ressources naturelles et de l’environnement dont les plus importants sont le Code Foncier (1986) ; le Code Forestier (1985) et le Code de l’Environnement adopté en 2000. Le Code de l’Environnement fixe les règles fondamentales destinées à permettre la gestion de l’environnement et la protection de celui-ci contre toute forme de dégradation, afin de sauvegarder et de valoriser l’exploitation rationnelle des ressources naturelles, de lutter contre les différentes formes de pollution et de nuisances et d’améliorer les conditions de vie de la personne humaine, dans le respect de l’équilibre des écosystèmes (Nzigidahera 2009 : 25 ; Institut National pour l’Environnement et la Conservation de la Nature 2012 : 26).
Le GB a ensuite adopté plusieurs politiques tels que la Stratégie Nationale de l’Environnement au Burundi (SNEB), élaborée en 1992-1993. Actualisée et préconisée par le code de l’environnement, elle est l’instrument politique par excellence en matière de gestion de l’environnement la Politique Nationale d’Assainissement (PNA), elle vise un état où l’évolution des pratiques hygiéniques et l’utilisation des dispositifs d’assainissement adéquat permettent la protection du milieu de vie et des ressources naturelles et l’amélioration durable du cadre de vie des populations. Les objectifs globaux dépassent le cadre strict du secteur de l’assainissement et touchent au développement global du pays. (iii) La Politique Nationale de l’Eau (PNE), adoptée en décembre 2009, vise la disponibilité de l’eau en quantité et en qualité suffisantes pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures et utilisées de manière efficiente et équitable pour un développement socio-économique durable sans compromettre l’environnement (Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA 2018 : 13-15).
Enfin, pour ce qui est de l’intégration de la dimension genre dans toutes les politiques, lois, et sphères de la vie de la nation, le GB a élaboré et adopté en 2003 (et par ensuite actualisé en 2011) une Politique Nationale Genre (PNG) dont certaines orientations stratégiques visent à la contribution à la bonne gestion de l’environnement et dès lors la formation en genre de tous les acteurs œuvrant dans le secteur environnemental (Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre 2012: 28 ; Bizimana, 2019 : 61).

3.2. Cadre institutionnel de la protection de l’environnement

Sur le plan institutionnel, la gestion des questions de sauvegarde environnementale et de genre relèvent de deux ministères à savoir (i) le Ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage (MEAE) via (a) la Direction en charge de l’environnement et (b) l’Office Burundais de Protection de l’Environnement (OBPE) et (ii) le Ministère des Droits de la Personne Humaine, des Affaires Sociales et du Genre (MPHASG) par le biais de la Direction Générale pour l’Egalité des sexes et l’Emancipation de la Femme et ses deux départements à savoir (a) le Département de l’Egalité des sexes et (b) celui de l’Emancipation de la Femme (Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA 2018 : 19 ; Bizimana 2019 : 75).
De plus, deux commissions ont été créées pour réguler les deux secteurs. En premier lieu, la Commission Nationale de l’Environnement (CNE) a été créée en 2004 et réorganisée en mars 2007 pour intégrer les changements ministériels et pour élargir sa composition. Ses missions d’assistance au Ministre de l’Environnement portent sur l’évaluation de la SNEB, la mise en application du Code de l’Environnement, la réglementation des normes environnementales et des mesures d’impacts, l’analyse du rapport annuel de l’état de l’environnement. En deuxième lieu, la Commission Nationale Genre (CNG) est une commission établie par la Constitution de 2005 dont le rôle était entre autres d’assurer, en collaboration avec le ministre en charge des questions de genre, la mise en œuvre de la PNG et de chercher les fonds nécessaires à cette mise en œuvre (AETS – COWI 2007 : 38-39 ; Bizimana 2019 : 76).

4. Genre et protection de l’environnement au Burundi

4.1. Défis majeurs

En général, selon la Banque Mondiale (World Bank 2017 : 6) et Mbazumutima (2019), des études de vulnérabilité ont été menées dans les secteurs jugées prioritaires, à savoir l’agriculture, les ressources en eau, l’énergie, la santé, l’écosystème et les paysages. La conclusion de ces différentes études montrait que l’état de l’environnement était alarmant. En général, la performance environnementale du Burundi est faible. En 2010, l’Indice de Performance Environnementale (IPE) du pays était de 43,9 classant le pays 141ème sur 164 au niveau mondial, indiquant une haute fragilité écologique et des capacités très limitées pour l’investissement dans l’infrastructure environnementale, le contrôle efficace de la pollution et la gestion systématique de l’environnement. En 2016, le Burundi s'est classé 168ème sur 180 pays, avec un score de 43,37. Le Burundi n'était suivi que par le Mozambique (avec un score de 41,82 et un rang de 172) parmi les pays d'Afrique du Sud-Est et le Burundi marquait près de 10 points de moins que le score moyen de l'Afrique subsaharienne de 53,29. 
Selon l’Institut National pour l’Environnement et la Conservation de la Nature (2012 : 19), les défis de l’environnement au Burundi sont liés à la déforestation, aux feux de brousse, à la pollution de l’eau, au braconnage, à l’introduction des espèces exotiques envahissantes et aux changements climatiques. La Banque Mondiale (World Bank 2017 : 10) a ajouté la persistance de la pauvreté; la croissance démographique rapide, la fragilité due aux conflits et à l’instabilité politique ; les difficultés institutionnelles et matérielles aux problèmes généraux de l’environnement au Burundi.
Barayintura (1997 : 15-16) résume les problèmes empêchant la pleine participation de la femme à la protection de l’environnement sous deux rubriques à savoir le non-accès aux moyens de production et les mauvaises conditions de travail et de vie. En ce qui concerne le non-accès aux moyens de production, les mécanismes légaux de succession de la terre ne sont pas encore définis et même si la femme est le principal producteur agricole, le droit sur la production n’est pas clair. Vivant sous l’autorité de son mari, elle ne dispose d’aucun capital, et a peu d’autonomie de gestion. En outre, les terres deviennent exiguës, ce qui fait que la femme surexploite le sol qui, à la longue, devient infertile. Ce qui entraine que certaines femmes seront tentées d’exploiter les réserves terriennes (comme la brousse). Pour ce qui est des mauvaises conditions de travail et de vie, l’usage des techniques culturales peu adaptée alourdissent les conditions de production et les pratiques pastorales sont faiblement maîtrisées.
En outre, la faible participation des femmes aux projets de développement ; le faible niveau d’instruction ; la difficulté de concilier les travaux domestiques et les travaux agro-pastoraux ; le faible pouvoir de décision au niveau du foyer accentuent la dépendance économique de la femme par à l’homme parce que la femme consacre plus de temps au travail non rémunéré (elle est liée aux mécanismes d’autosubsistance ne lui permettant pas d’acquérir des revenus monétaires). De plus, les pratiques de transformation et de stockage sont peu adaptées et les techniques peu développées de commercialisation et de consommation ne permettent pas son développement économique (Barayintura 1997 : 16, 22). 
Deux contraintes se dégagent : la pauvreté et l’insuffisance ou le manque d’information. Un facteur constant qui sous-tend les problèmes environnementaux au Burundi est le lien clair entre les problèmes environnementaux et la pauvreté. La pauvreté est derrière les taux élevés de déforestation, la fragmentation excessive des terres et l'usage de pratiques agricoles et d'élevage non durables. En ce qui concerne le manque d’information, il existe une faible compréhension des relations entre croissance démographique, vie familiale responsable, développement économique et social des communautés. Pour ce qui est de la planification familiale, la femme ne fait pas suffisamment attention aux séances d’animation ; et en matière d’environnement proprement dit, la femme n’est pas suffisamment informée pour acquérir des produits de substitution en vue de protéger les écosystèmes menacés et en même temps subvenir aux besoins quotidiens du ménage ; elle a de faibles connaissances en matière d’amélioration et de conservation des sols (Barayintura 1997 : 22-23 ; World Bank 2017 : 55-56).

4.2. Opportunités et perspectives d’avenir

Les relations entre le genre et l'environnement dépendent des tendances de production, du potentiel de régénération des ressources et de la fréquence de leur consommation, qui à leur tour dépendent de l'accès aux ressources. Dans la majorité des sociétés, les femmes sont plus pauvres que les hommes et souffrent, non seulement du manque d'accès aux ressources les plus élémentaires, mais aussi de l'absence de droit de décision sur ces ressources. Elles ont l'accès en tant qu'utilisatrices et consommatrices des ressources, mais non en tant que citoyennes qui ont un droit de décider sur le devenir des ressources de leur pays/leur localité. Bien que la surexploitation des ressources naturelles soit généralement liée à des procédés nationaux et internationaux, ce sont surtout les femmes les plus démunies des Pays en Voie de Développement qui supportent les conséquences de la dégradation de l'environnement (GIZ 2006 : 7 ; OECD 2008 : 65-66).
Ainsi, il importe de placer les femmes au centre des questions liant environnement et développement. Leur rôle dans la gestion des ressources naturelles doit être reconnu et valorisé. Par leurs actions, les femmes sont à l'origine de prises de conscience collectives des problèmes de dégradation de l'environnement et elles sont très demandeuses d'information et de formation. Cela nécessite une reconnaissance du savoir-faire féminin en matière de gestion des ressources naturelles, mais aussi une maîtrise des impacts spécifiques des mauvaises pratiques adoptées par les femmes sur la dégradation de l'environnement (GIZ 2006 : 7 ; OECD 2008 : 66). Cela nécessite aussi l’amélioration de leur statut juridique et économique notamment par l’accès à l’héritage de la terre et par un accroissement des revenus pouvant mettre à profit sa force pour la protection de l’environnement (Barayintura 1997 : 6). 
Moser (1991) distingue trois rôles pour les femmes : en tant que gestionnaires ou gardiens de l'environnement naturel, réhabilitatrices de l'environnement naturel dans le sens du développement durable et en tant qu'innovateurs dans l'utilisation de technologies appropriées dans la création de nouveaux environnements (citée dans Aditya 2016 : 141).
L’importance numérique des femmes au Burundi devait être un facteur de développement si l’on tenait compte de leur représentativité dans tous les secteurs de la vie nationale. La contribution de la femme ne se mesure pas à ce qui est reflété dans les statistiques officielles. Par exemple, on n’a pas de chiffre qui indique son rôle dans la procréation, la nutrition, la santé et l’éducation des enfants. Le travail non rémunéré qu’elle accomplit dans le cadre de la famille (travaux ménagers) ou de l’exploitation familiale a son importance même s’il n’est pas quantifié. A travers son épanouissement, la femme dissémine les avantages dans sa famille, dans la société et parmi la génération future. La population féminine, majoritaire, constitue un atout majeur dans la gestion de l’environnement (Barayintura 1997 : 7). 
Pour réduire la pression démographique, l’adhésion du couple au programme de planification familiale semble être la meilleure solution. La femme est l’acceptatrice et l’utilisatrice des méthodes contraceptives. C’est sur elle qu’il faut faire agir principalement pour changer l’attitude d’avoir une nombreuse progéniture sans toutefois écarter l’homme dans l’action de sensibilisation car il a un grand rôle à jouer dans la reproduction et la décision doit être prise par les deux acteurs (Barayintura 1997 : 20). 
La femme contribue à la protection de l’environnement à travers l’éducation qu’elle donne aux enfants. En effet, elle peut leur transmettre des pratiques relatives à la bonne gestion de l’environnement notamment l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, les règles d’hygiène et l’assainissement du milieu, à condition qu’elle en soit elle-même informée. Elle doit veiller à les mettre en garde contre les pratiques néfastes à l’environnement et elle est mieux indiquée pour assurer l’initiation des jeunes déscolarisés aux activités du milieu rural (Barayintura 1997 : 21).
Les engagements tant internationaux que nationaux pris par le GB depuis quelques années montrent que le pays est sur une bonne lancée dans la protection de l’environnement et l’atteinte de ses objectifs de développement durable. Dans le cadre de l’échange d’information par exemple, le CSLP préconise d’informer et de former toutes les parties prenantes sur la gestion rationnelle des ressources naturelles et d’élaborer des programmes de sensibilisation (Nzigidahera 2009 : 25 ; Institut National pour l’Environnement et la Conservation de la Nature 2012 : 23).
Dans le futur, l'intégration de la dimension de genre devrait devenir la responsabilité de tous. L’engagement et responsabilité au plus haut niveau est une condition préalable, mais il faut aussi des unités techniques et des experts pour intégrer efficacement le genre dans le secteur de l’environnement. Le GB devrait mettre en place, via les deux ministères, des tâches et des responsabilités explicite en matière d’intégration de genre dans le secteur de l'environnement. Cette action aurait pour corollaire de dégager des « champions » de l’intégration de la dimension genre. Il devrait aussi nommer des points focaux genre dans les ministères et départements ayant en charge la protection de l’environnement. Ces personnes devraient disposer de ressources, être bien positionnées dans les différentes institutions et disposer d’un soutien adéquat de la part de la direction et de tout le personnel. 
Le GB devrait promouvoir la coopération entre les deux ministères via des contacts et dialogues mutuels et des ateliers de renforcement des capacités sur les deux thématiques. Par exemple, les thèmes pourraient porter sur une budgétisation sensible au genre, la collecte et l’analyse des données ventilées par sexe et indicateurs de genre et le processus de suivi et d’évaluation sensible au genre. Enfin, les femmes participant à une gamme d'activités parrainées par les organisations de la société civile et les gouvernements, le GB devrait garantir la participation des femmes à tous les niveaux dans le secteur environnemental et surtout dans les sphères de prise de décision et il devrait coopérer et soutenir les organisations de la société civile (organisations féminines et environnementales) actives dans le domaine du genre et de l’environnement et encourager le leadership des femmes dans ce domaine.
Même si la liste des actions à mener n’est pas exhaustive, le but de cet article est de lancer une discussion par rapport à la prise de conscience de la dégradation de l’environnement, la prise en compte de l’impact du genre tant dans la dégradation que dans la préservation de cet environnement et entreprendre l’intégration de cette dimension dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation de politiques et programmes environnementaux.

Conclusion

Le genre est un aspect important à prendre en compte lors de l'examen de l’environnement dans un pays. Les impacts sont non seulement physiques et économiques, mais aussi sociaux et culturels. Les femmes étant plus nombreuses que les hommes par rapport à la population totale au Burundi et représentant plus ou moins les trois-quarts de la main d’œuvre agricole, cette analyse a montré l’importance de la femme dans l’environnement en lien avec le développement durable. De par ses activités quotidiennes, la femme participe activement à la dégradation de l’environnement. L’analyse de l’état des lieux des secteurs environnement et genre combinés, ou du moins la dimension genre intégrée dans les activités environnementales, montre que le défi majeur reste la pauvreté de la population en général, mais de la femme en particulier, en tant que « chef de ménage » et son manque d’information par rapport aux bonnes pratiques. D’autres défis révélés sont entre autres, un manque de ressources tant humaines que matérielles pour les institutions en charge de ces questions et le faible pouvoir décisionnel de la femme.
L’analyse a aussi montré que le Burundi possède des atouts pouvant permettre une gestion durable de son environnement. L’atout majeur étant que le Burundi dispose d’un arsenal de textes politiques et juridiques de gestion des deux secteurs et un cadre institutionnel de pilotage approprié qu’il faudrait toutefois consolider. Une mise en œuvre effective de cet arsenal et une consolidation des institutions pilotes permettraient d’affirmer l’engagement pris par l’Etat de promouvoir la participation de la femme dans la protection de l’environnement, ce qui aurait pour corollaire l’apprentissage, la diffusion et l’utilisation de bonnes pratiques environnementales au niveau national ainsi que l’autonomisation et un développement économique durable de ces dernières pour une gestion et une protection efficace de l’environnement. 
Le concept de « prise de décision holistique » devra guider tout ce processus. Les décideurs publics devront prendre en compte toutes les dimensions de la question environnementale et assurer la participation de toutes les parties prenantes dans le processus décisionnaire pour atteindre un développement durable. Ce principe, ne devrait-il pas en outre guider toutes les discussions et interventions publiques en tant que vecteur de promotion d’une démocratie participative ? 

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