LA SECURITE COMME BIEN COMMUN EN AFRIQUE

Abstract: 

This article has evaluated the development of the definition of  “security” since the post-Cold War.  Indeed, this concept “security” has developed in multidimensional fields: protection of people, cooperative security, societal security, collective security, human security, international security to name but a few. Regrettably, the protection of people, which had been the central point of security, has been too often neglected for an extreme attention paid to state matters, ignoring the humans, ironically. Thus, political liberalization in Africa has quickly tamed this new vision of security in its complexity. This is reflected in the rally for the multiparty politics. To this end, the current situation shows that, security can only be a common good if countries and their neighbors or the region at large are safe. Outstandingly, on the continental level, the African Union has created an important organ that regulates security. This is the Council of Peace and Security (CPS). Therefore, this organ should be empowered via a close cooperation among countries over security issues.

1.       Introduction

 

Nous avons décidé de dédier à la rubrique africaine de ce numéro un sujet relatif à la notion de « Sécurité » qui est tellement complexe qu’elle embrasse tous les domaines de la vie sociale. La sécurité est ainsi une ressource primordiale pour tout développement humain et constitue ipso facto un bien commun (Common good) dans la situation actuelle de la mondialisation, de la villagisation de la Planète. Quand il y a insécurité dans un pays africain, par effet domino, cette situation risque de se propager dans les pays voisins, voire affecter tout le continent, d’où l’Union Africaine compte parmi ses organes les plus importants « Le Conseil Paix et Sécurité » qui est supposé veiller à la sécurité pour tous les Etats membres de l’Organisation continentale. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faudrait tout d’abord s’adonner à la définition des concepts-clés de « Sécurité » et « bien commun », quitte à voir justement comment la sécurité est réellement un bien commun en Afrique.

 

2.      La sécurité

 

Définie de façon simple comme « absence de menace » (Buzan 1991), et de façon approfondie comme « absence de menaces sur les valeurs centrales » au sens objectif et comme « absence de peur que les valeurs centrales ne fassent l’objet d’une attaque » au sens subjectif (Wolfers 1962), la notion de sécurité est l’un des concepts fondamentaux des relations internationales. Mais à l’image d’autres notions telles que l’intérêt national, puissance, équilibre des puissances, la sécurité est aussi une notion contestée quant à sa signification et à sa portée : les conceptions relatives au sujet de la sécurité, à ses enjeux, et à sa nature, varient selon que l’on est sécuritaire traditionnel, élargi ou critique.

S’inscrivant dans le paradigme réaliste, les sécuritaires traditionnels établissent une équivalence entre la stratégie et la sécurité : de même que les études stratégiques sont concernées par l’analyse des effets des instruments de force dans les relations internationales, de même les études de sécurité portent sur « la menace, l’usage, et le contrôle de la force militaire » (Walt 1991). La sécurité est alors synonyme de sécurité  nationale, à cause du dilemme de la sécurité auquel tout Etat est exposé du fait de la structure anarchique des relations internationales : le référent de la sécurité, c’est-à-dire l’unité dont il s’agit d’assurer la sécurité, est l’Etat ; les valeurs centrales qu’il s’agit de protéger sont la souveraineté étatique, l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale ; quant aux menaces qu’un Etat se doit d’être capable de dissuader ou d’affronter avec succès, elles concernent exclusivement la force armée à laquelle sont susceptibles de recourir, compte tenu de leurs capacités militaires objectives, d’autres acteurs collectifs, étatiquesmais aussi non-étatiques (groupes terroristes, par exemple).

Longtemps prédominante, malgré l’émergence dans les années cinquante de la notion de communauté de sécurité, cette conception traditionnelle sera concurrencée à partir des années quatre-vingt. L’évolution du contexte international y a été pour beaucoup : la maturation de l’anarchie au niveau des relations Est-Ouest et le moindre degré d’urgence des dimensions exclusivement militaires de la sécurité qui s’en est suivi ont suscité la régionalisation de la notion de sécurité d’une part, son élargissement de l’autre.

La notion de sécurité a été élargie pour prendre en compte les dimensions non-militaires d’une société dorénavant appréhendée sous un angle global. Toujours d’après Buzan et l’Ecole de Copenhague, tout autant que la sécurité militaire, qui concerne la survie des Etats pris dans l’interaction de leurs capacités offensives et défensives et des perceptions de leurs intentions respectives, la sécurité inclut : la sécurité politique, qui concerne la stabilité institutionnelle des Etats, leurs systèmes de gouvernement et la légitimité de leurs idéologies ; la sécurité économique, relative à l’accès aux ressources, marchés et finances nécessaires pour maintenir de façon durable des niveaux acceptables de bien-être et de pouvoir étatique ; la sécurité environnementale, portant sur la sauvegarde de la biosphère locale et planétaire comme support en dernier ressort de toute activité humaine, et ; la sécurité sociétale, définie comme « la durabilité (sustainability), à l’intérieur de conditions acceptables d’évolution, des schémas traditionnels de langage et de culture ainsi que de l’identité et des pratiques nationales et religieuses ».

Une telle sectorialisation de la sécurité introduit deux ruptures par rapport à l’approche traditionnelle. Tout d’abord, le référent de la sécurité n’est plus nécessairement l’Etat. Ainsi, l’humanité tout entière est potentiellement sujet de la sécurité, ainsi dans le cas de la sécurité environnementale (aucun Etat ne peut se protéger unilatéralement contre les menaces inhérentes aux dégradations environnementales). Surtout, la société, distinguée de l’Etat, est considérée comme référent de la sécurité, et ce dans le cas de la sécurité sociétale : suite à la mondialisation, les sociétés contemporaines, au sens d’entités d’ordre national et/ou religieux dont les membres se sentent liés entre eux par une forme de conscience collective distincte de, supérieure à, la somme des consciences individuelles, sont davantage menacées dans leur survie, id est leur identité, par un ensemble de processus tels que les flux migratoires, l’importation massive de biens culturels étrangers, la prise de contrôle des  richesses nationales par des intérêts extérieurs, l’intégration dans des entités plus vastes, etc., que les Etats ne le sont dans leur souveraineté par les menaces militaires. Les sociétés contemporaines « sont » menacées, ou plus exactement « se sentent » menacées, précise Ole Weaver, qui souligne que les menaces sociétales, mais aussi politiques ou environnementales, sont autant ressenties  subjectivement qu’elles n’existent objectivement.

En se référant aux travaux de Barry Buzan (1991), Ole Waever (1997) poursuit son analyse en développant un nouvel objet référent (la sécurité sociétale) et en adoptant une approche constructiviste et linguistique. Selon Waever, depuis la fin de la bipolarité, avec les phénomènes de mondialisation, de transnationalisation, de construction européenne et d'émergence des ethno nationalismes en Europe de l'Est, c'est la société plus que l'Etat qui est menacée. Dorénavant ce seraient plutôt les peurs liées à l'insécurité, aux incivilités, à l'Autre, à l'immigration, à l'invasion, à la perte des valeurs culturelles et des styles de vie etc. qui préoccuperaient les individus. Les attaques xénophobes contre les demandeurs d'asile en Allemagne, le " non " danois au Traité de Maastricht, la purification ethnique en ex-Yougoslavie seraient des exemples qui ne feraient que confirmer ces peurs. Bref, l’Ecole de Copenhague à laquelle appartient Ole Waever est une vision constructiviste qui considère que la sécurité peut être une notion objective, visible comme une attaque militaire à la frontière d’un Etat quelconque, mais elle peut être construite par nos perceptions telle la xénophobie générée par la peur de l’Etranger qui peut « pervertir nos mœurs », ce qui fait partie de la sécurité sociétale. L’exemple récent et éloquent est celui de la xénophobie en Afrique du Sud où l’on s’est attaqué aux travailleurs immigrés en arguant qu’ils viennent prendre du travail aux nationaux.

Dans la pratique, la conception critique de la sécurité a ouvert la voie à la notion moins utopique de sécurité humaine, définie dans la filiation de la notion de paix positive de Johan Galtung (1996) comme « la protection des individus contre les menaces, qu’elles s’accompagnent ou non de violence ». Promue par le PNUD et défendue par la diplomatie de certains Etats, le Canada notamment, la sécurité humaine englobe la sécurité économique (absence de pauvreté), alimentaire (accès aux ressources alimentaires), sanitaire (accès aux soins de santé et protection contre maladies), environnementale (prévention des dégradations environnementales), personnelle (protection contre la torture, la guerre, la violence domestique, les crimes, l’usage des drogues, le suicide), communautaire (survie des cultures traditionnelles), et politique (jouissance des droits civils et des libertés publiques). La sécurité n’est plus simplement associée à la protection de l’Etat, elle est partie intégrante d’un état d’être (state of being).

3.      Le Bien commun

 

L’expression est utilisée dans quatre sens différents, ce qui prête à confusion lorsque des changements de registre se produisent dans un même discours. A l’origine, la notion de Bien Commun héritée de la philosophie grecque et reprise par la doctrine sociale de l’Eglise catholique désigne l’ensemble des conditions permettant à chacun de s’épanouir de la façon la meilleure et la plus complète, individuellement et collectivement. Le Bien commun rend compte de l’unité des hommes et de leur commune aspiration à l’amélioration de la condition humaine. La paix, la préservation des ressources naturelles de la planète peuvent être considérées comme faisant partie du Bien commun. La notion de Biens communs planétaires (global Commons) désigne des domaines qui sont hors de la juridiction nationale des Etats, soit qu’il y ait une impossibilité physique d’y exercer un contrôle souverain (la haute mer, l’espace atmosphérique), soit qu’un accord international en ait décidé ainsi (Antarctique). La croissance industrielle et la prise de conscience des atteintes à l’environnement du fait des activités humaines ont amené à s’interroger sur la gestion de ces biens publics planétaires. A l’instar des «  biens communaux » de l’Ancien Régime, il existe des ressources naturelles en accès libre qui bénéficient à tous ceux qui en usent, mais qui sont en danger d’épuisement en l’absence d’institutions adaptées pour en réguler l’usage : par exemple les ressources de la mer ou les forêts tropicales. Depuis que Garret Hardin (1968) a soulevé cette question dans un article au titre provoquant « La tragédie des biens communaux » (The tragedy of the commons), une abondante littérature s’est développée autour de ces « biens communs à usage partagé » (commons). Dans la tradition libérale pour qui chacun peut être convaincu des bienfaits d’une coopération volontaire, la question majeure est celle de savoir comment faire surgir les institutions les plus aptes à définir les meilleures règles possibles de telle façon que tous trouvent leur intérêt dans un usage modéré de la ressource. Cette approche se situe dans la mouvance du néo-institutionnalisme et de la théorie des régimes. Une rhétorique récente proclame l’existence de biens publics planétaires (global public goods) en transposant la notion économique de « bien public » à l’échelle mondiale. L’approche est normative et cherche à montrer qu’il faut produire des biens qui bénéficient à tous les pays, toutes les populations, toutes les générations, par exemple la surveillance épidémiologique, la diffusion du savoir, la stabilité financière, la lutte contre l’effet de serre.

 

Elinor Ostrom a publié plusieurs ouvrages sur la gouvernance économique et à ce jour un seul est traduit en Français : « Gouvernance des biens communs », condensé de longues études de cas d’initiatives fructueuses ou infructueuses, et  qui

se veut un effort de critique des fondements de l’analyse des politiques telle qu’elle est appliquée à de nombreuses ressources naturelles[…], (en tentant) d’expliquer comment les communautés et les individus façonnent différentes manières de gouverner les biens communs (Ostrom 2010).

Elle va ainsi à l’encontre de la « Tragédie des biens communs », courant de pensée néolibéral très en vogue aux Etats-Unis dans les années 1970-1980 et développé entre autres par Garrett Hardin (1968). Ce dernier considère que l’homme est naturellement prédateur, et si l’on ajoute la surpopulation du globe, il ne peut que surexploiter les ressources naturelles si celles-ci sont laissées en total libre accès : « la liberté d’usage d’un bien commun apporte la ruine de tous » (Hardin 1968) ; la solution serait alors à chercher non pas dans la nationalisation, l’Etat étant là, avant tout, pour réglementer et protéger, mais dans la privatisation complète des ressources naturelles considérées alors comme de simples marchandises dont l’accès est régulé par le droit de propriété et la concurrence du marché.

Pour Ostrom (2010), faire référence aux cadres naturels considérés comme des « tragédies des biens communs », conduit l’observateur à se retrancher « derrière l’image d’individus impuissants pris dans un inexorable processus de destruction de leurs propres ressources » (Ostrom 2010). Au contraire, dit-elle, on peut avoir une toute autre représentation si l’on veut bien prendre la peine de ne pas se laisser enfermer dans ces aprioris et considérer que des hommes et des femmes «peuvent conclure des accords contraignants en vue de s’engager dans une stratégie coopérative qu’ils élaboreront eux-mêmes » (Ostrom 2010).

Ostrom précise qu’un bien commun n’a pas d’existence préétablie en tant que telle -sinon sous forme de déclarations de principe ou d’intention, par exemple « la terre appartient à tout le monde »-, mais qu’il s’agit en premier lieu d’une ressource qui ne deviendra éventuellement commune que par une action d’appropriation, sans exclusive, par des personnes qui s’auto-organisent et s’autogouvernent « pour retirer des bénéfices collectifs dans des situations où les tentations de resquiller et de ne pas respecter ses engagements sont légion » (Ostrom 2010). Il s’agit donc bien d’une transformation des représentations du rapport à l’économie et à l’Etat, venant d’une prise de conscience commune à des hommes et des femmes faisant d’une ressource un bien commun partageable avec équité et à protéger. A l’évidence, nul ne peut décréter ou imposer une telle démarche et l’on se rend compte de la difficulté à la faire émerger auprès du plus grand nombre. C’est l’un des enjeux importants pour la gouvernance des biens communs, mais aussi pour l’économie sociale et solidaire (ESS).

Le Dictionnaire de la Science Politique et des Institutions Politiques (Hermet, et al. 1998) définit les biens communs comme des biens qui constituent la propriété commune de l’ensemble de l’humanité et dont chaque individu est responsable pour assurer la survie de tous. Cette notion valorise la réalité d’un patrimoine partagé par tous les individus et dont la gestion relève ainsi de la vertu publique. Elle prend une pertinence politique particulière dans le cadre de la société moderne à mesure qu’apparaît la réalité d’enjeux collectifs majeurs : santé, hygiène, environnement, protection des ressources rares…Elle permet d’accéder à une définition fonctionnelle de l’intérêt général au sein de chaque société (c’est-à-dire la protection des biens communs) et à une construction renouvelée de l’ordre international qui s’interprète de plus en plus comme lieu de gestion indivisible d’un patrimoine commun de l’humanité qu’il soit matériel (atmosphère, eau…) ou symbolique (valeurs transculturelles, droits de l’Homme…).

4.      Le développement humain comme enjeu sécuritaire en Afrique

 

Les pays africains ont fait des progrès significatifs dans toutes les dimensions du développement humain, comparables à d’autres régions du monde. En 2014, 17 pays africains sur 52 ont atteint un niveau élevé ou moyen du développement humain. Cependant, ces progrès s’accompagnent d’importantes inégalités entre et au sein des pays. Les niveaux d’éducation, de santé et de revenu ont augmenté nettement plus vite dans les pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest qu’en Afrique centrale, du Nord et australe. Ces 15 dernières années ont été caractérisées par une forte reprise après les « décennies perdues » des années 1980 et 1990, marquées par un ralentissement des gains et parfois même, dans certains cas, des régressions. Depuis 2000, les indicateurs de développement humain se redressent en Afrique centrale et australe et connaissent une certaine accélération en Afrique de l’Est. En Afrique centrale, la République du Congo et le Tchad surclassent les autres en termes de croissance des indicateurs de développement humain, tandis qu’en Afrique australe, ce sont l’Angola, le Botswana, le Malawi, le Mozambique et la Zambie. En Afrique de l’Est, le Burundi, l’Ethiopie, le Rwanda et la République-Unie de Tanzanie arrivent en tête. En Afrique de l’Ouest, les progrès sont toujours élevés et constants, avec des performances particulièrement fortes au Bénin, au Libéria, au Mali, au Niger et en Sierra Leone. Les avancées ont également été importantes en Afrique du Nord, même si le rythme de la progression s’est ralenti entre 2000 et 2013.

Les niveaux de développement humain en Afrique restent beaucoup plus faibles que la moyenne mondiale. En Afrique subsaharienne, par exemple, le niveau moyen en 1990 était de 0,40, comparé à 0,60 pour la moyenne mondiale ce qui représente une différence de 33%. Ce niveau a légèrement augmenté à 0,50 en 2013, mais reste encore inférieur de 28% à la moyenne mondiale de 0,70 (PNUD 2014). Les progrès sont dus à l’amélioration de l’éducation et de la santé et à la croissance du revenu par habitant. De nombreux pays sont en train de rattraper les plus performants, poussés par des améliorations dans la réduction de la pauvreté et les résultats de santé et d’éducation.

Des niveaux élevés d’inégalité affectent de manière significative le développement humain. L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) pour l’Afrique subsaharienne révèle une perte de 33,6% de la valeur une fois les ajustements faits pour l’inégalité dans la distribution des revenus, de la santé et de l’éducation. En Afrique, les importantes disparités dans l’accès à la santé et à l’éducation sont la cause principale de l’inégalité dans les valeurs de l’IDHI.  Cela contraste fortement avec les pays à développement humain élevé, où l’inégalité est davantage liée aux revenus.

L’inégalité de genre et l’exclusion demeurent un défi. En moyenne, le niveau de développement humain des femmes est de 13% inférieur à celui des hommes. Les femmes en Afrique sont confrontées à des niveaux élevés de discrimination qui ont un impact sur leurs droits socio-économiques, comme indiqué par l’indicateur SIGI « Institutions Sociales et Egalité femme-homme » (www.genderindex.org). Cela est particulièrement visible en ce qui concerne la restriction des ressources et des actifs, l’intégrité physique et les pratiques discriminatoires au sein des ménages et des familles. Les violences contre les femmes restent elles aussi alarmantes.

Le développement humain reste très vulnérable aux risques économiques, politiques, sociaux et environnementaux. Certains gains ont été renversés en Afrique centrale et en Afrique australe dans les années 1990. Plus récemment, le virus Ebola a eu des conséquences socio-économiques néfastes en Afrique de l’Ouest. Les autres sources de vulnérabilité comprennent la baisse des prix des produits de base, les guerres civiles et les conflits. Les politiques de développement humain doivent s’engager à maintenir le progrès accompli en luttant contre la vulnérabilité aux catastrophes naturelles, le changement climatique et les pertes financières pour les personnes les plus exposées aux risques. Les conférences récentes ont appelé à la mise en œuvre du Programme d’action d’Istanbul pour les pays les moins avancés (PMA), dont les domaines de priorité incluent le développement des capacités productives, le commerce, les matières premières, le développement humain et social, la réponse aux chocs, la mobilisation des ressources financières, la promotion de la bonne gouvernance et de l’agriculture, la sécurité alimentaire et le développement rural (ONU 2011). Les pays doivent se concentrer sur l’intégration de l’équité, de la durabilité et de la réduction de la vulnérabilité pour définir les objectifs du programme de développement post-2015 et améliorer la collecte des données pour mesurer l’état d’avancement des objectifs, en tenant compte des conditions initiales de chaque pays.

5.      De la Gouvernance politique et économique

 

L’année 2014 a connu quelques évolutions positives sur le plan de la gouvernance. En Tunisie, la constitution adoptée en Janvier consacre la liberté religieuse et garantit l’égalité hommes-femmes. Les scrutins législatifs et présidentiels d’octobre et de décembre, peu contestés, sont venus confirmer la tendance. Vingt ans après les élections historiques de 1995, qui avaient marqué la fin de l’apartheid, l’Afrique du sud a vécu son cinquième scrutin pacifique. Globalement, plus de 179 millions d’Africains se sont rendus aux urnes pour des élections le plus souvent pacifiques et crédibles (IFES 2015). Au Burkina Faso, des manifestations de masse ont entraîné la chute du Président Compaoré, suivie par la nomination rapide d’un gouvernement de transition. Plusieurs pays ont néanmoins continué à connaître de l’instabilité, des actes de terrorisme ou des conflits comme le Burundi.

 

En 2015, un nombre record de 266 millions de personnes ont été appelées aux urnes (IFES 2015). Des élections ont été organisées dans des pays qui comptent parmi les économies les plus grandes et plus peuplées du continent, dont l’Egypte, l’Ethiopie, le Nigéria, le Soudan et la Tanzanie. Au Nigéria, les élections d’avril 2015 ont été saluées comme le premier transfert du pouvoir entre civils des différents partis politiques depuis l’indépendance.

Globalement, la gestion du secteur public ne s’est pas beaucoup améliorée pour le continent, même s’il y a des avancées dans certains domaines, notamment l’équité de l’utilisation des fonds publics, les capacités statistiques et l’administration publique. L’épidémie d’Ebola qui a frappé la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone a révélé la fragilité des systèmes de santé, même si elle a, parallèlement, démontré l’importance de l’engagement des responsables au niveau des communautés.

L’environnement des affaires s’est nettement amélioré dans les pays qui en avaient le plus besoin. L’Afrique subsaharienne reste la région la moins favorable à la pratique des affaires, mais c’est aussi celle qui a fait le plus de progrès, puisqu’elle compte pour un tiers des réformes réglementaires prises dans le monde. Parmi les dix pays à avoir vu leur environnement des affaires progresser le plus vite entre juin 2013 et juin 2014, on compte 5 pays africains du quantille inférieur pour la facilité de faire des affaires : le Bénin, la Côte d’Ivoire, la RDC, le Sénégal et le Togo. Le fait qu’ils restent dans le bas du classement signifie que de nouveaux efforts sont attendus.

Un nombre important de pays africains affiche depuis une dizaine d’années des taux de croissance significatifs, dopés par la demande mondiale en matières premières et l’intérêt de partenaires commerciaux toujours plus variés. Certains pays voient même apparaître plusieurs indicateurs de l’émergence : hausse des effectifs de la classe moyenne, développement des services, etc. Mais l’émergence peut être porteuse de nouveaux risques. En effet, les mutations structurelles à l’œuvre (démographiques, économiques, sociales, territoriales) s’inscrivent dans des contextes politico-institutionnels qui peuvent être défaillants, avec des États parfois mal équipés pour gérer efficacement les flux économiques et les revenus croissants. La croissance mal distribuée et inégalitaire peut alors générer des déséquilibres socioéconomiques et territoriaux porteurs d’instabilité. Régions marginalisées, exode rural et urbanisation précipités, inégalités sociales accrues, dépendance au cours des matières premières, revendications populaires, aspirations nouvelles de la société civile : les États et les organisations africains doivent développer une réflexion sur ces défis de l’émergence afin que croissance et sécurité aillent de pair.

 

L’Afrique n’est pas un pays, mais un continent. Les descriptions ou les recommandations généralistes d’une « émergence africaine » ne sont pas applicables à ce territoire si vaste qu’il pourrait à lui seul englober l’Europe, les États-Unis, la Chine, l’Inde et le Japon réunis. La seule chose que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que le modèle de croissance économique des dix prochaines années sera variable et que certains pays s’en sortiront mieux que d’autres. Tout est question de leadership, de gouvernance, d’éducation, de compétences et de localisation. Dans les régions présentant un risque sécuritaire, comme le Sahel, les Grands Lacs et la corne de l’Afrique, les risques continuent de poser de sérieux problèmes de fiscalité et de croissance à court terme, qui découragent les investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers. Quelques tendances panafricaines se dégagent de la trajectoire variable de la croissance économique africaine. Pour garantir la sécurité et soutenir la croissance en Afrique, il est indispensable de transformer la démographie en un atout pour le continent. D’ici 2035, le nombre d’Africains rentrant dans la catégorie de la population active (entre 15 et 64 ans) va dépasser celui de tous les pays du monde. Et d’ici 2050, le Nigeria sera le troisième pays le plus peuplé du monde (après l’Inde et la Chine). Selon la Banque africaine de développement, entre 1960 et 2011, la population urbaine d’Afrique est passée de 19 à 39 %, et devrait atteindre les 50 % d’ici 2040. L’emploi est le principal enjeu des gouvernements africains. En effet, peu d’économies africaines ont la capacité ou le taux de croissance suffisants pour absorber le grand nombre de jeunes Africains à la recherche d’un emploi. Selon le Fonds monétaire international, l’Afrique subsaharienne devra soutenir un rythme extrêmement élevé de création d’emplois pendant une période très longue- environ 18 millions par an jusqu’en 2035.

 

Conclusion

 

L’Union africaine a mis sur pied le Conseil de Paix et de Sécurité pour essayer de suivre de près des problèmes de sécurité qui peuvent perturber la Paix sur le continent. Cette tâche incombe à toute la communauté africaine parce que chaque pays pris individuellement n’aurait pas les moyens d’assurer la sécurité sur toute l’étendue du Continent. Cette coopération est d’autant plus importante que l’insécurité qui se produit dans un pays ou dans une sous-région peut embraser tout le continent : l’exemple le plus éloquent des dernières décennies est le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994 qui a affecté toute la sous-région des Grands-Lacs. C’est ainsi que nous pouvons dire que la sécurité est un bien commun en Afrique étant donné qu’elle profite à tout le continent et que sa jouissance par un Etat n’empêche pas aux autres d’en profiter.

 

Le problème ne se trouve pas au niveau de la prise de conscience de l’importance de la sécurité comme aspect du bien commun de tout le continent, mais plutôt au niveau des moyens financiers pour mettre sur pied un système de sécurité collective en Afrique : les pays africains ne contribuent qu’à hauteur de 28% du budget de l’Union Africaine alors que le reste est donné par des bailleurs extra-africains. Il faut souligner que les intérêts divergents de certains Etats du Continent qui se battent pour marquer leur influences sous régionales ou régionales ne facilitent pas la tâche de la pacification du Continent.

En plus de la problématique des moyens financiers, il faudrait que les Etats africains développent une vision prospective sur l’évolution du Continent afin d’élaborer des stratégies efficaces dans le but de se préparer à des solutions aux problèmes sécuritaires qui vont menacer le Continent au cours de son évolution dans le futur.

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