FAMILLE, MONDIALISATION ET COMMUNE HUMANITE

Abstract: 

This editorial note frameworks articles published in this issue.  It highlights three major characteristics of globalization, namely; physical and spiritual mobility, Information and   Communication Technology with liberal democracy. The argument in force claims that, the impact of globalization on the family passes through each of those three characteristics. Thus, there is a need to balance between global and local responsibility in order to adequately respond to this impact. De facto, common humanity regulates that humans are intimately and durably interrelated through a common anthropological condition. Indeed, humankind cannot live otherwise if they are not human beings who are created in the image and family of God. Therefore, the editorial provides a panoramic view of articles in this journal issue.  This editorial note frameworks articles published in this issue.  It highlights three major characteristics of globalization, namely; physical and spiritual mobility, Information and   Communication Technology with liberal democracy. The argument in force claims that, the impact of globalization on the family passes through each of those three characteristics. Thus, there is a need to balance between global and local responsibility in order to adequately respond to this impact. De facto, common humanity regulates that humans are intimately and durably interrelated through a common anthropological condition. Indeed, humankind cannot live otherwise if they are not human beings who are created in the image and family of God. Therefore, the editorial provides a panoramic view of articles in this journal issue.  

  1. Introduction

 

Le présent numéro traite de l’impact de la mondialisation sur la familleDans les deux derniers numéros, nous avons proposé comme cadre de lecture, la responsabilité. Pour rappel, nous ne pouvons pas apprécier la valeur de la famille, ni d’ailleurs celle du mariage, sans réaffirmer notre responsabilité dans le processus du devenir de l’être humain. Ainsi, avons-nous suggéré de repenser nos relations humaines et notre responsabilité pour une sexualité qui reflète notre rationalité et notre dignité. Dans le présent numéro, nous insistons encore une fois sur la responsabilité humaine en faisant appel à la commune humanité[1] pour bien répondre à l’impact de la mondialisation sur la famille.

 

Pourquoi se préoccuper de la mondialisation sur l’état et l’avenir de la famille ? Par ailleurs, qu’est-ce que la mondialisation pour devenir objet de notre attention ? Un mot simple et pourtant difficile à définir. Difficile d’autant plus qu’il n’existe pas de définition redondante de la mondialisation. Simple mot parce qu’il est aujourd’hui très utilisé et synonyme de plusieurs mots comme villagisation de la planète, pour signifier que le monde est devenu comme un village. Aujourd’hui, certaines parlent du village planétaire. Non sans raison. En effet, comme le dit Sylvie Brunel (2007), autrefois, les événements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendant les uns des autres. C’est ainsi que nous observons, aujourd’hui, la tendance à l’intégration des phénomènes économiques, financières, écologiques et culturels (Adda 2006). De fait, un événement qui se passe dans le coin le plus reculé du monde est facilement connu du monde et a un impact partout.

 

Dans cet éditorial, je soulignerai certains aspects de cette villagisation de la planète pour mettre en évidence leur incidence sur la famille. J’en retiendrai trois, à savoir la mobilité, la communication et la démocratie libérale. En marge, le lecteur pourra découvrir que la famille ne peut vraiment pas s’épanouir dans ce village mondial sans prendre au sérieux une « commune humanité ». La base  fondamentale de cette commune humanité est la famille sans laquelle l’humanité elle-même serait en danger. Aristote ne disait-il pas que la famille est l’unité de base de l’Etat d’autant plus que l’être humain est un animal social. C’est dans ce cadre que sont circonscrites les réflexions et les analyses de ce numéro.

 

  1. Mobilité physique et spirituelle

 

Le premier aspect caractéristique de la mondialisation est la mobilité. Aujourd’hui, les gens sont plus mobiles qu’hier pour plusieurs raisons, notamment : le travail, les études, la curiosité, le tourisme, etc. Et même la mobilité physique est réduite, il y a la mobilité spirituelle. Grâce au téléphone sans fils, l’internet, les gens sont occupés à voir ou à écouter ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il s’agit de voyager, d’être mobile tout en étant sur place. Il y a un autre aspect de cette mobilité spirituelle, c’est la recherche de la nouveauté. Les gens sont occupés à rechercher la nouveauté du fait que l’esprit humain n’est plus satisfait de ce qu’il a et de ce qu’il est. Il cherche et se recherche. Evidemment, cela peut paraître comme une platitude, étant donné le caractère de l’auto-transcendance de l’être humain. Ce que nous voulons souligner justement, c’est surtout que cette auto-transcendance s’opère dans un nouveau contexte, celui des frontières fluides. La demande incessante  de faire disparaitre les frontières physiques et réglementaires est à comprendre dans ce sens.

 

Mais comment la mobilité influe sur la famille ? Quelle est l’incidence de la mobilité sur la famille ? Il y a deux angles sous lesquels nous pouvons envisager l’influence de la mobilité sur la famille. L’angle positif et l’angle négatif. Sous l’angle positif, il faut noter le fait que la famille vit dans environnement plus ouvert, contrairement à ce qu’elle vivait traditionnellement. Les technologies de l’information lui permettent d’être plus informée sur ce qui se passe ailleurs, même d’aller voir et de s’en inspirer si nécessaire. Par ailleurs, les technologies de l’information lui permettent de nouer des amitiés, des relations et des connaissances sur des terres lointaines tant réelles que virtuelles. Le Facebook, Twitter, Whatsapp, Viber et d’autres réseaux de communication permettent à la famille d’être désenclavée pour faire partie d’une famille plus large. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner les contrats d’amitié allant jusqu’au mariage en ligne et l’adoption des enfants en ligne. Sous l’angle négatif, la mobilité sépare les membres de la famille physiquement. Les opportunités de travail ou d’étude, ou même de la recherche de la vie tout court, loin de son milieu, séparent les membres de la famille. La communication avec les amis lointains par les nouveaux moyens de communication fait que les membres de la famille communiquent moins avec les membres de sa famille présents sur place. Dans sa dernière chronique européenne, Ignace Berten nous a référé à des sites internet qui facilitent et promeuvent les rencontres extraconjugales arguant qu’une rencontre extraconjugale coûte moins cher à la sécurité sociale que la dépression. Nous pouvons imaginer les conséquences de cette approche du mariage et de la famille dans son ensemble. En tout cas cet état de fait est rendu possible grâce à la communication de plus en plus facile et rapide.

 

  1. Communication

 

Une autre caractéristique très proche de celle de la mobilité est la communication. En fait, comme on vient de le voir, la mobilité et la communication vont de pair si bien que nous sommes tentés de ne pas les séparer. Pourtant, il faut effectivement les séparer d’autant plus que la communication est le moteur de la mondialisation en premier lieu et l’instrument de la mobilité par implication. Dans la définition de la mondialisation, les facteurs qui en sont les propulseurs incluent la technologie en général, et la technologie de l’information en particulier. Par la technologie de l’information, nous entendons donc une infrastructure de communication, notamment les transmissions numériques qui se généralisent.

 

Même si la technologie de l’information, dont les moyens de communication sont issus, reste le privilège d’un petit nombre qui a un grand pouvoir d’achat (mondialisation économique), nous ne pouvons pas ne pas parler de son impact sur la famille. Parmi les technologies de l’information, il y a lieu de noter le développement de la télécommunication, notamment la radio, la télévision, les téléphones (fixes et portables) et l’internet qui, aujourd’hui, peuvent être trouvés facilement sur le téléphone portable. 

 

Parler de l’impact de la mondialisation revient à parler de l’impact de ces nouveaux moyens de communication sur la famille. Sur ce point, il faut d’abord évoquer l’imitation des styles de vie. Les nouveaux moyens de communication nous exposent aux styles de vie des gens proches de nous et ceux des sociétés éloignées. Or, dans la plupart des cas, les citoyens de pays pauvres tendent à imiter la consommation des produits des pays développés plutôt que d’imiter la production. En effet, la production est  toujours un signe de la réincarnation de l’esprit humain. Le danger qui guette les familles est donc celui du consumérisme qui submerge l’esprit et le prive de la créativité et de l’innovation, particulièrement dans les pays en voie de développement.

 

En deuxième lieu, en plus de l’information sur ce qui se passe ailleurs, il faut noter l’impact de ce consumérisme issu de l’imitation des styles de vie  sur la jeunesse surtout et donc sur l’éducation familiale. Deux aspects sont à souligner. Le premier porte sur les objets de consommation. Le jeune d’aujourd’hui veut avoir ce qu’il voit chez les autres jeunes qui sont proches ou éloignés. Ainsi, par exemple, s’il voit d’autres jeunes avec un téléphone mobile, il est tenté d’avoir la même chose lui aussi, coûte que coûte, peu importe les voies et les moyens pour l’obtenir. Or tous les moyens ne sont pas toujours bons moralement. Le deuxième porte sur le type d’information consommée par ceux qui se procurent ces nouveaux moyens de communication. Il n’est pas toujours évident que les informations consommées contribuent à leur édification morale ou les ouvrent à des valeurs édifiantes.

 

Dans leur étude, Les effets des technologies Internet sur les relations entre les parents et les adolescents dans les familles québécoises,Manon Berge et Véronique Garcia (2009) observent que les jeunes utilisent les technologies de la communication et de l’information plus pour les loisirs que pour autre chose. Le problème, cependant, est que la plupart des parents sont encore des novices dans l’utilisation de ces nouveaux moyens de communication et d’information. Si tel est le cas, comment les parents peuvent les éduquer valablement? Comment peuvent-ils jouer la médiation entre les transmissions numériques dont la technologie les dépasse et les enfants ? Comment peuvent-ils jouer de bons intermédiaires dans la transmission numérique avec les enfants lorsque cette technologie les dépasse ?

 

 

 

 

  1. La démocratie libérale

 

Un dernier aspect caractéristique de la mondialisation ayant un impact sur  la famille est la démocratie libérale. La démocratie libérale est la politique même de la mondialisation. Tout au moins, elle en est le contexte. Depuis les années 1980, nous observons une forte urgence des droits démocratiques dans le monde, surtout dans les pays jadis à régimes autocratiques ou à économie planifiée. Le résultat de cette demande est la promotion de la culture de la libéralisation politique ou le pluralisme politique. Cette libéralisation n’a pas épargné la famille. La famille se libéralise certes, ses membres s’individualisent, bref, la famille est une institution sociale qui se démocratise.

 

Désormais, la famille  se voit engager dans un processus de perte de sa densité ontologique. Pour caractériser cette perte, il faudrait relire les nombreuses questions que nous avons posées dans l’éditorial du premier numéro de ce volume (pp. 3-5). Mais peut-être faudrait-il souligner davantage que la famille idéale, unie et stable, subit des secousses issues des revendications d’identités sexuelles que nous connaissons aujourd’hui ainsi que la question du genre. En conséquence, la référence première des individus n’est plus nécessairement la famille, mais davantage le vaste monde des droits à « la liberté et à l’égalité ».

 

Ce n’est donc pas étonnant qu’au moment où les homosexuels réclament le droit de se marier et d’adopter des enfants, les parents se demandent s’ils n’ont pas perdu leur droit et devoir d’éduquer. Les enfants ne semblent plus avoir des responsabilités et des obligations, mais des droits seulement. De nombreuses questions se posent alors à propos de la famille comme lieu d’éducation : comment balancer pour se situer entre les droits/devoirs de la famille à éduquer et les droits des enfants d’être éduqués d’une part, et d’autre part la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants et la responsabilité des enfants envers leurs parents. Comment la famille peut-elle rester le lieu non pas seulement de justice comme équité mais, fondamentalement, un lieu d’amour et de vérité ?  C’est ici que la question de la responsabilité localement et globalement doit être posée.

 

  1.  De la responsabilité familiale locale à la responsabilité familiale mondiale: assumer une commune humanité

 

Comme indiqué plus haut, l’idée d’une « commune humanité» est empruntée au document De la mondialisation à l’universalisation: une ambition sociale. Il s’agit d’un principe selon lequel tous les êtres humains sont intimement et durablement liés les uns aux autres par leur condition commune et anthropologique. Nous sommes tous des humains, homme et femme, créés à l’image et la ressemblance de Dieu, si bien que nous ne pouvons pas vivre autrement que comme des humains doués de raison, de liberté et de dignité. Ainsi, le rapport nous invite à l’universalisation comme partage des valeurs et la coexistence pacifique universelle fondée sur l’appartenance de tous à une commune humanité. Contrairement à la mondialisation qui facilite les relations entre les personnes tout en nous conduisant à quitter nos appartenances singulières, la commune humanité nous conduit à reconnaitre l’humanité de l’homme et de la femme en chacun des habitants du monde. Nous sommes une famille humaine universelle, d’où la famille particulière, composée d’hommes, de femmes et d’enfants, tire tout son sens.

 

Certains pourraient dire que l’humanité n’est plus qu’un phénomène qui ne se réfère qu’à la nature humaine, et rien de plus. Or l’humanité a une densité morale puisque l’être humain ne peut vivre autrement que comme être humain. Un des aspects caractéristiques de la vie de l’être humain, c’est la responsabilité envers soi-même et envers les autres. Chaque être humain doit assumer cette commune humanité en lui et dans les autres d’une part, et d’autre part, chaque être humain doit être éduqué à cette commune humanité depuis son enfance. C’est dans ce bagage de responsabilités que l’être humain doit se localiser et se globaliser. Voilà le cadre dans lequel nous invitons les lecteurs à lire les articles publiés dans ce numéro.

 

5.  Vue panoramique des contributions de ce numéro

 

Dans l’article Le défi du style de vie des pays développés sur la famille des pays en développement, Mathias Kinezero réaffirme que l’histoire et le mimétisme marquent le cheminement socio-économique de l’Afrique. Grâce aux médias et à la publicité, les africains imitent les styles de vie des pays développés, sans se soucier d’imiter ni la production ni l’esprit qui stimule cette production. Cela n’est pas sans impact sur la famille, particulièrement sur la famille burundaise, et sur son style de vie. Ainsi, Kinezero suggère à la famille des pays en développement de prendre sa responsabilité afin d’imiter ce qui rapporte et de viser l’éclosion des styles de vie durable qui tiennent compte des besoins de l’Afrique. C’est cela « être connecté » au monde d’une manière responsable qui renforce la commune humanité.

 

Dans l’analyse réflexive Développement psychologique des enfants des familles recomposées: cas des familles  de la commune Kinama, Bujumbura, Dieudonné Safari étudie le développement psychologique des enfants issus des familles recomposées, en utilisant la méthode qualitative. Il soutient que la famille recomposée dérange l’ordre psychologique et affectif des enfants avec comme conséquences la délinquance, la frustration, l’anxiété et la dépression. L’intervention psychologique, l’expertise sociale et le soutien communautaire sont les solutions que propose Safari. Il s’agit donc du renforcement de la commune humanité au niveau local comme base de la commune humanité au niveau global.

 

Dans l’articleLa famille dans les instruments régionaux des droits de l’homme, Fidèle Ingiyimbere poursuit une réflexion qu’il a commencé dans le premier numéro de ce volume. Après avoir analysé la famille dans les instruments internationaux, il analyse maintenant la famille dans les instruments régionaux des droits humains, et cela dans un ordre chronologique. Il soulève des questions issues de la confrontation des normes internationales avec les cultures locales qui informent les instruments régionaux des droits humains. La résultante est que les droits humains doivent être inculturés tandis que les valeurs culturelles doivent être soumises à une évaluation morale.Il s’agit d’équilibrer balancer entre le local et le global en vue de donner plus de substance à la commune humanité.

 

Enfin, Symphorien Ntibagirirwa partage ses notes de lecture à propos du livre de William Easterly, The Tyranny of experts: Economists, dictators, and the forgotten rights of the poor. La pauvreté mondiale, nous dit Easterly, n’est pas un problème technique qu’il faut résoudre en faisant appel à des solutions d’experts, mais plutôt, une question des droits politiques et économiques individuels à conquérir, à défendre et à soutenir. Ntibagirirwa valide ces droits tout en soulignant que la prospérité politique et économique de l’individu ne doit pas se poursuivre au détriment de la société comme famille globale: L’homme économique a des relations sociales sans lesquelles le développement économique ne peut déboucher sur un véritable épanouissement. Cela nous ramène alors à l’exigence de notre commune humanité qui fait appel à la responsabilité individuelle. En effet, un développement économique qui n’enrichit pas la famille ne peut pas aller très loin.

 

 

 

 

                          

 




[1][1]Le concept de la « commune humanité » est emprunté au Rapport intermédiaire du Président de la République Française, notamment : De la mondialisation à l’universalisation : une ambition sociale (2010).

 

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