Le Volume 11 de la Revue Ethique et Société va se pencher sur la thématique de la sécurité, une question éthique très actuelle. Pendant que nous rédigions cet argumentaire, des soldats Burundais étaient au champ de bataille à Cibitoke (Nord-ouest du pays), la MONUSCO et les FARDC envahissaient les bases de FNL dans le Sud-Kivu en RD Congo, la CIRGL et la SADC parlaient de comment et quand attaquer le FDLR au Congo. Nous déplorions le massacre des milliers de personnes à Baga, dans l’Etat de Borno, au Nigeria par Boko Haram, tandis que Paris était devenu le Centre du Monde où des millions de gens faisaient une marche- manifestation contre le terrorisme. Les tueries et actes terroristes en Centre-Afrique, Libye, Syrie, Irak, Pakistan, Afghanistan sont continuellement à la Une de l’actualité internationale sur la sécurité/insécurité. La question de la sécurité se pose avec acuité et chaque Etat y fait face selon l’étalon de ses moyens.
Les sociétés occidentales apparemment paisibles après la seconde guerre mondiale font face aujourd’hui aux énormes aléas de l’insécurité. Les Etats-Unis habituellement connus comme vigiles de la sécurité internationales sont perpétuellement sous la menace des actes terroristes depuis l’attaque du 11 Septembre sur le World Trade Centre. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner le cas des femmes et des enfants souvent victimes de l’insécurité. L’insécurité se mondialise et chaque personne en est une cible potentielle. Même là où les canons se sont tus, leur n’est pas nécessairement synonyme de sécurité. En fait, nous vivons dans les sociétés qui ressemblent au cratère du volcan toujours prêt à déborder. Nous baignons dans les tensions larvées capables d’engendrer des conflits armés. Citons à titre d’exemple : les tensions entre les partis politiques dans les pays où les populations s’apprêtent à élire, les conflits identitaires, les fondamentalismes religieux, le pouvoir politique, la pauvreté, le chômage, etc.
Les missions de maintien de la paix se multiplient, mais toutes ne sont pas efficaces. Plusieurs d’entre elles, incapables de fédérer les désidératas des peuples qu’elles sont censées protéger, sont souvent des cibles privilégiées des rébellions ou du courroux desdits peuples. En Afrique et ailleurs dans le monde, des rébellions ou des mouvements islamistes armés naissent ou, comme phénix, renaissent de leur cendre quand on pense les mâter. La communauté internationale et les régimes des différents Etats n’arrivent toujours pas à endiguer ces phénomènes de protestation. Dans nos pays, il fut une période où toutes les populations ou presque crurent à l’efficacité du dialogue entre les parties en conflit, à la gestion pacifique des conflits, à la réconciliation, à l’alternance au pouvoir après les élections libres et démocratiques et à la bonne gouvernance. Mais ces mécanismes de gestion sont de plus en plus relégués au second rang. Nos régimes, au lieu d’être des foyers de prévention des conflits, en sont plutôt des géniteurs. Du coup ces régimes font preuve d’irresponsabilité pour avoir oublié que la première obligation pour tout Etat souverain et responsable est d’assurer la sécurité de ses citoyens. C’est même ce qui fonde en légitimité son existence. Bref, il est difficile de savoir si l’insécurité est une constituante de l’humanité ou si plutôt l’humanité qui est constituante de l’insécurité. Dans tous les cas, nous nous heurterions sur le problème de les séparer et les démarquer.
Ce qui précède soulève des questions. Comment comprendre la sécurité ? Par quels indices est-elle évaluée? La sécurité est-elle un bien commun ou une marchandise à vendre, et donc privatisable? Quelles questions éthiques sa gestion peut-elle soulevées? Est-il possible de théoriser sur une éthique de la sécurité? A quoi l’insécurité est-elle due? Celle-ci est-elle ontologiquement atavique à l’être humain ? Ou un simple épiphénomène des mutations en cours dans nos sociétés ?
Quelle est la genèse de nos conflits internes ? Est-ce le fruit des plans machiavéliques des nations nanties et puissantes déterminées à déstabiliser les nations pauvres et sans moyens de défense? Ou l’œuvre des multinationales et des forces obscurantistes autochtones.
Quelles sont les conséquences de l’insécurité sur l’habitat humain et l’écosystème?
Ces questions seront au centre du débat auquel les ‘‘débatteurs’’ de ce volume 11 seront soumis. En voici les grandes articulations: le premier numéro fera l’état des lieux de la sécurité, le deuxième se focalisera sur la sécurité et la question du bien commun et le numéro se concentrera sur la sécurité et les perspectives d’avenir. Aussi, sans prétendre à l’exhaustivité des sous-thèmes des principales thématiques des différents numéros, voulons-nous proposer, à titre d’indication et d’aiguillon, quelques-uns d’entre eux pour votre réflexion tout en vous laissant, par ricochet, le soin de les reformuler ou d’en suggérer d’autres en lien avec le domaine d’investigation.
Volume 11 Numéro 1. Etat des lieux de la sécurité
1. Les causes et les effets de la sécurité ou de l’insécurité
2. La sécurité dans la région des Grands Lacs
3. Sécurité, partis politiques et course au pouvoir
4. Rebellions militaires et rebellions politiques
5. Les puissances mondiales et la question de la sécurité dans les pays en développement
6. La guerre sur les ressources
7. La technologie au service de la sécurité et l’insécurité
8. L’insécurité économique : pauvreté et criminalité
9. Religions : paix et/ou pain
10. L’insécurité comme marché des armes
11. Les gagnants et les perdants de la sécurité
Volume 11 Numéro 2. Sécurité et le bien commun
1. Bien commun et conflits identitaires
2. Bien commun et partis politiques en Afrique/Burundi
3. Quelle guerre pour la justice (sociale, économique, politique, etc.) ?
4. Quelle guerre contre les inégalités ?
5. Solidarité négative et solidarité constructive
6. La société civile ou la rébellion nouveau-style
7. La guerre des médias et la sécurisation de l’information
8. Le développement comme nouveau champ de bataille
9. Les conséquences des guerres sur l’environnement
10. Mondialisation des conflits et mondialisation de leur lutte
11. Les missions de maintien de la paix en Afrique
12. Paix et dialogue interreligieux
Volume 11 Numéro 3. Sécurité et les enjeux de l’avenir
1. L’éthique de la responsabilité garantirait-elle plus de sécurité ?
2. Les guerres en cours sont-elles porteuses des mutations dans nos sociétés ?
3. Peut-on imaginer une société sans insécurité/guerre ?
4. La démilitarisation mondiale est-elle envisageable ?
5. Les intégrations régionales sont-elles des solutions à l’insécurité ?
6. Quel leadership pour une société en quête de sécurité ?
7. Faut-il remettre en question les industries d’armement ?
8. La paix dans les cœurs comme base de la paix dans la société ?
9. Le développement économique est-il une solution à l’insécurité ?
10. La puissance économique de la Chine sera-t-elle source de la sécurité mondiale ?
11. La responsabilisation des religions dans l’impératif de la paix.