POUR UNE ÉDUCATION SEXUELLE DES ENFANTS

Abstract: 

This essay deals with the necessity of sex education as a foundation stone for a child to become an adult human. It aims to show why a particular attention should be paid to children. As sexuality constitutes a person’s biological dimension, it is vital for education to control it. Accordingly, sex and affective education is proven indispensable and should, ipso facto, begin at a very early childhood as children are curious about their own sexuality. This sex education should lead the child up to a sexual and affective balance through correct information about sexuality and good examples. However, parents and educators are uncomfortable to speak out about sex to children. The Burundian culture is a good example. Indeed, it retraces the successive psychological structure of children and their sex development since childhood. The methods adapted to sex education of children both in family and at school pave way to good understanding and mastery of sexuality. Consequently, common challenges to sex education are highlighted in Burundi culture. The challenges of sex education tend to be similar in all cultures and should rest on common ground solutions 

1.       Introduction                                                 

 

L’éducation est au fondement même de toute société. Si elle venait à manquer, les membres qui, de par leur constitution ontologique, sont des êtres sociaux, s’en trouveraient privés d’un important moyen de réalisation de leur être. En effet, la société n’est pas un agrégat, une juxtaposition d’individus mais une pluralité de personnes en relation ontologique dans laquelle se joue le destin de l’être humain et même de l’humanité. Cette destinée se conquiert à travers le processus de personnalisation grâce à l’éducation. Celle-ci doit porter sur toutes les dimensions de la vie humaine et s’intéresser aux différentes étapes de la croissance humaine.

 

Cette réflexion porte sur l’éducation sexuelle des enfants. De façon générale, l’éducation sexuelle consiste à fournir à l’éduqué des informations sur la sexualité et à lui transmettre un bon nombre de valeurs et de recommandations pouvant

éclairer son comportement. On peut alors se demander si, de nos jours, une telle éducation est vraiment indispensable. Faut-il répondre par la négative ? Dans ce cas, il faudra s’attendre à la prolifération des déviations sexuelles qui se font déjà remarquer dans nos sociétés. L’éducation sexuelle s’avérant une nécessité, quand doit-elle commencer ? Comment les protagonistes doivent-ils s’y prendre pour une meilleure maturité de la personnalité ? Quelles sont les méthodes efficaces à une telle formation ? Quelles sont les difficultés rencontrées généralement et dans le contexte de la culture burundaise en particulier ?

 

Le but de cette réflexion est de montrer comment l’enfant peut être éduqué pour parvenir à un équilibre sexuel et affectif et les défis de cette éducation dans le contexte de la culture burundaise. Ainsi, cette réflexion s’articulera sur quatre points à savoir, la nécessité d’une éducation sexuelle pour faire face aux dérapages liés à une mauvaise gestion de la sexualité ; l’éducation sexuelle à dispenser aux enfants ; les méthodes efficaces pour cette éducation ; les défis d’une éducation sexuelle dans la culture burundaise et comment les relever. La conclusion résumera le macro-argument et ses implications.

 

2.       La nécessité d’une éducation sexuelle

 

La sexualité est une composante de la personne humaine ; elle doit se réaliser progressivement en vue d’une maturité affective. Une simple analyse de la vie humaine révèle que la nature masculine et féminine se développe en s’orientant selon des perspectives différentes. De fait, la différenciation des sexes « est une loi générale de la nature humaine. Elle est, à la fois, condition première de l’équilibre des sociétés et base de l’harmonie entre époux » (Gaudefroy 1965 : 29). Une différence se fait remarquer au niveau de la psychologie masculine et féminine ; ce qui laisse entendre aussi que le rythme de développement des valeurs humaines en dépend. C’est ici que se dessine le rôle important de l’éducation sexuelle qui permet de prendre conscience de ce qu’on est et de l’assumer pour mieux s’orienter dans la vie et honorer le choix opéré. La sexualité est, de fait, un domaine qui a plusieurs implications dans la vie humaine et elle doit être bien orientée au moyen d’une éducation adaptée.

 

2.1.Du biologique au social par l’intermédiaire du psychologique

 

La sexualité apparaît pour beaucoup de gens comme un domaine tabou, et pourtant elle fait partie de la vie même de l’être humain : l’homme étant une espèce appartenant au genre animal, il partage avec les animaux entre autres l’instinct sexuel. Ce dernier est compris comme une :

 

Impulsion naturelle permanente qui, lorsqu’elle est suffisamment extériorisée dans le comportement suivant un sens normal, aboutit chez l’adulte au désir puis à la possibilité de l’accouplement, cette impulsion déterminant chez l’individu, s’il y est répondu de façon adéquate, une certaine satisfaction qui, lorsqu’elle se développe de façon suffisamment précise dans la conscience, aboutit à une volupté spécifique dite volupté génitale (Oraison 1952 : 3).

 

Cette pensée de Regis et de Hesnard que nous présente Marc Oraison met l’accent sur la manière dont un adulte peut répondre aux sollicitations de l’instinct sexuel et souligne sa permanence dans l’être humain. Cela revient à dire qu’il est même présent chez l’enfant, mais de façon inconsciente jusqu’à un certain âge. La constitution sexuelle de l’être humain se manifeste très tôt, – dès le stade du fœtus –, et témoigne petit à petit d’une différenciation des sexes : le jeune fœtus est pourvu d’une petite glande qui se spécialisera ensuite, soit en ovaire, soit en testicule. A l’âge adulte, on remarque que ce qui se développe le plus chez la femme, notamment les seins, se trouve en miniature chez l’homme et ce qui est plus développé chez l’homme comme le pénis se trouve moins épanoui chez la femme : le clitoris (cf. Gaudefroy 1965 : 34-36).

 

Ces différences entre l’homme et la femme, déjà présentes en ébauche aux premiers mois de leur existence comme nous venons de le voir, ne sont pas sans conséquences sur leur développement psychologique, ce qui entraîne du coup des implications sur le plan social. De fait, l’analyse psychologique révèle qu’aucune activité de l’être humain ne se déroule sans qu’elle soit conditionnée par sa constitution sexuelle globale, aussi bien physiologique que psychologique. Cela peut se vérifier surtout sur les plans de l’activité, de la sensibilité, de l’intelligence (au niveau de l’intuition et de la rationalité) et de la volonté se font remarquer, de façon notoire, les prédominances naturelles de l’homme et de la femme. Il est évident que les particularités propres à chaque sexe doivent avoir des implications dans la vie sociale. Quelques exemples que nous empruntons de Louis J.-M. Sahucsuffisent en guise d’illustration (in Gaudefroy 1965 : 37-47). Au niveau des sentiments, la femme se montre généralement plus sentimentale que l’homme et, par conséquent, manifeste une grande affection. Concernant la sensibilité aussi, les natures féminine et masculine ne sont pas sensibles de la même manière : la femme l’est plus par rapport à l’homme et cela fait qu’elle témoigne d’une finesse dans l’organisation de la vie familiale. Dans le même sens, pour ce qui est de l’intelligence, la femme manifeste une prépondérance de l’intuition alors que l’homme se montre tout particulièrement doué en matière de rationalité. Il faut cependant accepter que la vie reste un mystère et nous réserve souvent des surprises si bien qu’on ne doit pas prendre ses exemples comme une loi sacro-sainte. D’ailleurs, tout est fonction de la culture dans laquelle l’être humain grandit et donc de l’éducation

 

Ce constat de l’influence, chez l’être humain, du biologique sur le psychologique d’une part, et du psychologique sur le social de l’autre, justifie la complémentarité qui doit régner entre l’homme et la femme qui forment un couple. Cette complémentarité, fruit de leurs différences, joue un grand rôle dans l’éducation sexuelle de leurs enfants et suppose que ces parents en aient reçu une.

 

2.2.L’urgence d’une éducation sexuelle pour une humanité responsable

 

Étymologiquement, “éducation” vient du latin educatio, terme qui dérivedu verbe educare,signifiant soigner des plantes et, par la suite, élever les enfants. Dans ce sens, “éducation” veut dire enseignement, formation de l’esprit. Mais le sens le plus adéquat à la présente réflexion est celui que nous suggère Mauss d’après lequel, « l’éducation est […] l’opération par laquelle l’être social est surajouté en chacun de nous à l’être individuel, l’être moral à l’être animal ; c’est le procédé grâce auquel l’enfant est rapidement socialisé »(Mauss 1969 : 150). Ici aussi il est question d’enseignement pour que l’individu puisse acquérir quelque chose de plus par rapport à ce qu’il était. L’enseignement est donc un terme clé qui est toujours sous-entendu lorsqu’on évoque le concept d’éducation. Au sens strict, on parle d’enseignement quand il s’agit de l’éducation dispensée à l’école alors que pour celle donnée dans le cadre familial, on utilise le terme “élever” puisque les parents le font souvent sans méthode et parfois de façon inconsciente.

En outre, qui dit “éducation” renvoie nécessairement à la “culture” d’une société déterminée. En effet, il y a deux conceptions fondamentales de la culture. D’un côté, la culture est considérée comme une forme spirituelle de la société avec pour éléments constitutifs fondamentaux : la langue, les coutumes, les techniques et les valeurs ; d’autre part, la culture est prise comme formation ou éducation de la personne (cf. Mondin : 162-182). À propos de cette deuxième acception qui renvoie à la paideia grecque, c’est-à-dire le processus à travers lequel l’être humain  parvient à la pleine maturité et à la réalisation de sa propre personnalité, il faut remarquer que l’homme naît avec des capacités d’agir illimitées, mais sans l’habileté de les mettre en pratique. C’est des autres qu’il apprend comment actualiser ses capacités : comment se nourrir, marcher, parler, travailler, bien orienter sa sexualité. En cela, la culture joue un grand rôle. Grâce à l’éducation, l’individu donne forme à son propre Moi communautaire et culturel.

 

Si l’individu ne recevait pas une éducation adéquate dans le domaine sexuel, il vivrait sa sexualité de façon désordonnée et même fatale, sans aucun égard aux mœurs en vigueur, telles que la culture les transmet de générations en générations. De fait, la sexualité étant « un élément spécifique de la personnalité psychologique » (Oraison 1952 : 5), elle doit être éduquée tout comme la psychologie de la personne humaine nécessite une éducation pour une meilleure maturité. Cela est d’autant plus vrai que la destinée d’une société et même de l’humanité est fonction d’une telle éducation : c’est grâce à l’éducation sexuelle qu’il y aura des couples conscients de leur mission en tant que cellules de base de la société. C’est par l’éducation sexuelle que les questions de planning familial pourront recevoir des solutions qui respectent la vie et la dignité humaine et qu’on pourra prévenir les différentes déviations qui relèvent du domaine de la sexualité ; c’est aussi par elle que les grossesses chez les jeunes filles et les avortements qui s’ensuivent ainsi que les maladies sexuellement transmissibles pourront être gérées.

 

Par ailleurs, du moment qu’un être humain est inconcevable en dehors de son sexe, cette éducation doit viser à rendre l’individu de plus en plus conscient de ce qu’il est, – qu’il est différent de l’autre sexe opposé –, et à assumer sa propre constitution sexuelle en vue d’une parfaite complémentarité. C’est ce qu’affirme Nodet: « le terme de l’évolution éducative est de faire un homme ou une femme, riches de cette différenciation sur le plan du caractère comme sur celui de la génitalité » (in Folliet et al 1953 : 126). Cette évolution éducative, de fait, doit tendre à la réalisation même des vues métaphysiques de la sexualité. Il s’agit d’aider la personne à orienter son dynamisme sexuel de manière à réaliser son être, à affirmer son existence propre. Ce qui ne va pas de soi puisque les potentialités d’exercer dès elle possède à la naissance, contrairement à l’animal, ne peuvent connaître un perfectionnement achevé sans le concours de la société. Si l’individu épanouit pleinement son être, une fois devenu capable de reproduire cet être en un autre individu, il aura besoin d’une communauté d’individus de la même espèce où il trouve le (la) partenaire avec qui il s’unit pour transmettre la vie (cf. Oraison 1952 : 25). C’est aussi cette communauté qui réglemente les relations pour qu’elles s’accordent à la morale. D’où l’importance de l’éducation sexuelle sans laquelle la collectivité ne se reconnaîtrait pas comme une communauté d’êtres doués de raison.

 

Toutefois, il importe de signaler que l’instinct sexuel a quelque chose de particulier par rapport aux autres instincts premiers comme l’appétit, le sommeil, les besoins organiques, etc. Ceux-ci sont destinés à la conservation de l’individu et, par conséquent, leur exercice ne peut pas être supprimé sans que l’individu ne périsse. Ce n’est pas le cas pour l’instinct sexuel : un individu peut se priver de l’exercice de l’instinct sexuel surtout pour des motifs religieux, laissant ainsi d’autres le faire pour perpétuer l’espèce. Les conjoints eux-mêmes peuvent et doivent même réguler un tel exercice au sein de leur couple et éviter toute union avec quelqu’un (e) du dehors. Le contraire pour ce dernier cas signifie la trahison quant à l’alliance scellée le jour du mariage. Dans les deux cas de privation, on parle de la chasteté. De fait, « il y a une chasteté conjugale aussi bien qu’une chasteté propre aux célibataires. La chasteté désigne plus une vertu, un état d’esprit, une attitude face à la sexualité, qu’un statut, un état civil, une situation de continence ou d’exercice de la sexualité » (Durand 1977: 353). Mais tout dépend de l’éducation sexuelle reçue ; celle-ci est donc ce sans quoi une société serait incapable de gérer les désordres en matière de sexualité voire même les névroses (ces types d’affection caractérisés par des conflits psychiques et qui déterminent des troubles du comportement).  

 

Aussi, les études psychanalytiques telles que développées par Sigmund Freud dans Trois essais sur la théorie de la sexualité et interprétées entre autres par Lebovici et Soulé (1970 : 25-36), par Abraham (1966 : 231-254) et par Oraison (1952 : 1-20) révèlent l’existence et le dynamisme de la vie psychique inconsciente chez l’enfant, surtout en matière de sexualité. Cette découverte montre que la pulsion sexuelle s’accompagne toujours, au cours de son développement, d’une autre pulsion instinctive : la pulsion agressive. C’est pourquoi une éducation sexuelle dès la période de l’enfance s’avère indispensable pour éviter que le constat de Thomas Hobbes, à savoir qu’à l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme ne soit une réalité de nos jours dans nos sociétés, à cause de la sexualité.

Il importe de préciser que tous ne sont pas d’accord sur la nécessité de cette éducation. Dans une étude réaliséeen mai 2010 par l’UNESCO concernant les Principes directeurs internationaux sur l’éducation sexuelle, cette Organisation reconnaît que, d’après les enquêtes faites auprès des parents, quelques uns d’entre eux soutiennent que l’éducation sexuelle n’est pas bénéfique pour les enfants. C’est également ce que note Durand quand il traite de l’éducation sexuelle à l’école (1977 : 411). Parmi les opposants à l’éducation sexuelle, Donavine Uwimana, Directrice de l’Association Burundaise pour le Bien-être Familial (ABUBEF) évoquait aussi l’Église catholique (cf. Ikoraneza 2012). En réalité, l’Église catholique n’est pas contre l’éducation sexuelle des enfants telle que nous voulons l’aborder dans notre réflexion, mais elle s’oppose aux propositions offertes aux couples et aux jeunes qui semblent leur garantir une bonne santé sexuelle et reproductive alors qu’elles ne respectent pas la dignité des enfants de Dieu. Ainsi, au lieu des méthodes artificielles, l’Église catholique soutient les méthodes naturelles de régulation des naissances (voir le Message des Évêques catholiques du Burundi du 6 décembre 2012, in Ndongozi y’Uburundi, n. 545 et 546).

 

L’on peut se demande comment doit être cette éducation sexuelle ? Où nous pourrions orienter la recherche du moment que le psychanalyste, qui est sollicitée pour éclairer la vie affective, psychologique et instinctive de l’enfant, est souvent accusé d’être un défenseur d’une éducation libérale (cf. Lebovici et Soulé 1970 : 426-427). Cela semble nous décourager dans cette entreprise. Pourtant, c’est sur ces découvertes psychanalytiques que nous nous appuyons pour parler de cette éducation combien importante.

 

3.        L’éducation sexuelle à dispenser aux enfants

 

Un enfant  est un être humain, de la naissance à l’âge de la puberté, c’est-à-dire vers 12/14 ans, l’âge où commencent à se manifester certains caractères sexuels secondaires pouvant permettre la procréation. Toutefois, cet âge peut varier suivant les lieux car la croissance de l’être humain ne suit pas le même rythme selon que les conditions de vie sont différentes. Dispenser l’éducation sexuelle à un enfant est une tâche très délicate mais indispensable. Elle est délicate car les intervenants doivent savoir faire un tri pour transmettre de bonnes informations adaptées au niveau de croissance de l’enfant. Elle est indispensable car, si les parents et les autres protagonistes de l’éducation ne parlent pas de sexualité aux enfants, ceux-ci ne pourront jamais comprendre les transformations qui arrivent à leur corps, surtout les jeunes filles. Mais qu’est-ce qui, chez les enfants,  doit attirer l’attention dans la dispensation de leur éducation sexuelle ? Il y a deux axes, à savoir la structure psychologique de l’enfant et l’évolution sexuelle de l’être humain  depuis l’enfance.

 

3.1.              Structure psychologique de l’enfant

 

La présente approche fait appel à la psychologie analytique, laquelle est en quelque sorte une psychologie des relations avec autrui. Du point de vue affectif, l’individu apprend beaucoup des autres et il se construit suivant l’image qu’il se fait de leur existence. L’enfant en particulier, a besoin d’un climat favorable à son épanouissement, un cadre où il se sent aimé, et cela dès sa conception, faute de quoi il connaîtra des problèmes au niveau sexuel et affectif. Destombes l’illustre :

 

Tel bébé a été conçu au hasard d’une rencontre : la jeune mère trouve en sa fille sa raison de vivre. Le travail et la blessure de l’abandon par le père la tiennent éloignée du mariage. La fillette apprend très tôt à considérer la lâcheté des hommes, se fait un devoir de reconnaissance à l’égard de sa mère et, devenue jeune fille, n’éprouve aucune attirance vers le mariage. L’évolution hétérosexuelle s’est trouvée bloquée au départ (in Gaudefroy 1965 : 157).

 

Comme bénéfice que l’enfant tire d’un tel climat, il y a principalement la sécurité qui n’est pas une fin en soi : elle permet à l’enfant de grandir et de parvenir à un sentiment de sa propre valeur.  Pour ce qui est de la sécurité chez l’enfant, l’entourage vis-à-vis duquel il mène des relations de dépendance, ce sont en premier lieu les parents. La psychologie de l’enfant dépend du cadre familial où il est né. Les rapports de complémentarité et de synthèse entre le père et la mère de l’enfant jouent beaucoup sur sa psychologie et influencent son agir, son comportement, surtout sa façon de se mettre en relation avec d’autres. En face de la mère qui est souvent caractérisée par la tendresse, l’enfant aura besoin de la présence d’un père qui est rigide pour qu’il atteigne une personnalité équilibrée. Ces clichés résultent évidemment de l’éducation bénéficiée au sein d’une culture déterminée comme nous l’avons déjà dit; s’ils se présentent dans la plupart des cultures, il n’y a pas moyen de généraliser. Dans tous les cas, si l’enfant ne grandit pas dans un cadre où il y a le jeu des tensions et l’équilibrage des tendances, il aura du mal à s’épanouir comme il faut.

 

En outre, la sensibilité dont les parents entourent leur enfant fait que celui-ci sente en lui-même qu’il a été le bienvenu dans la famille et se sente, par conséquent, en sécurité. Même s’il lui arrive de commettre une faute, il conviendra que la punition lui infligée est pour son bien : il se rend compte que, même dans cette situation, il est compris et il découvrira plus tard que le proverbe « Qui aime bien châtie bien » a un sens et qu’il est une réalité. Si les parents manquent l’amour entre eux et/ou envers leur progéniture, celle-ci se trouvera privée d’une sécurité requise pour une meilleure croissance. La conséquence de ce manque d’amour est qu’il sera difficile à l’enfant d’aimer, de s’ouvrir aux autres. Il a donc besoin d’expérimenter l’amour de l’entourage dans le concret de la vie afin qu’à son tour, il puisse mener une relation sincère avec autrui. Cependant, même si l’enfant aime, son amour n’est pas encore mûr, il n’atteint pas encore le niveau où l’aimé est aimé pour lui-même.

 

L’amour, chez l’enfant, présente donc cette caractéristique essentielle : l’objet n’est pas aimé pour son originalité personnelle, mais pour la fonction qu’il assume (fonction de sécurité, de valorisation, d’apaisement…). L’objet est donc assez facilement interchangeable (Folliet et al 1953 : 130).

 

En cas de manque d’amour envers l’enfant, grandit en lui un sentiment de déception, une frustration intolérable qui déborde en une agressivité toujours accrue, laquelle vise à réclamer ses droits d’être aimé. C’est l’enfant qui grandit dans un cadre de sécurisé qui s’estime à sa juste valeur, c’est-à-dire en évitant les extrêmes (le sentiment d’infériorité, le masochisme affectif, le narcissisme, le complexe de supériorité), et qui connaît une évolution sexuelle normale.

   

3.2.              Évolution sexuelle de l’être humain depuis l’enfance

 

L’enfant a besoin d’un environnement propice pour son épanouissement affectif. Cela est très important car l’évolution affective se révèle ce sans quoi la conception de l’évolution menant à une sexualité adulte équilibrée serait une simple illusion. L’analyse de l’évolution sexuelle chez l’être humain nous permet de le découvrir dans sa complexité et nous esquivons par là le risque de le considérer dans ses comportements extérieurs tout en ignorant les mouvements profonds qui les animent. Au sujet de l’évolution sexuelle, la différenciation des sexes se fait au niveau du fœtus au point qu’à la naissance l’être humain est garçon ou fille. Il s’ensuit une évolution psychique propre à chaque sexe, laquelle passe par certaines étapes dites “psychosexuelles”. Mais, quand se manifestent les particularités pour chaque sexe ?  Y a-t-il une différence remarquable de l’instinct sexuel chez le tout petit garçon et chez la fillette ? Comme l’affirme Freud,

 

Il est généralement admis que la pulsion sexuelle fait défaut à l’enfance et ne s’éveille que dans la période de la puberté. C’est là une erreur lourde de conséquences, puisque nous lui devons l’ignorance où nous sommes des conditions fondamentales de la vie sexuelle.

 

Pour prouver la présence de cette pulsion sexuelle dans la petite enfance d’un être humain, Freud fait une description systématique des stades de la sexualité infantile ainsi que les zones érogènes correspondantes ; aux deux premiers stades, la différence entre le garçon et la fille n’est pas encore perceptible.

 

Le premier stade de la sexualité infantile est dit oral et se manifeste par la succion du pouce avec des mouvements rythmiques et répétés des lèvres. Pour marquer la dimension sexuelle de ce geste, Freud fait remarquer que la succion s’accompagne souvent des tiraillements rythmiques du lobe de l’oreille ou des tentatives d’attouchements soit d’une autre personne, soit de ses organes génitaux. L’enfant apprend cette pratique à partir de la succion du sein maternel ou ce qui le remplace (le biberon). À ce niveau, la zone érogène n’est rien d’autre que les lèvres : la succion du pouce est une répétition du plaisir joui lors de l’excitation labiale causée par l’afflux du lait chaud. Dans leur commentaire de l’ouvrage de Freud, Lebovici et Soulé concluent : « L’activité sexuelle s’est tout d’abord éveillée sur une fonction servant à conserver la vie dont elle ne s’est rendue indépendante que plus tard » (1970 : 29). La séparation entre la satisfaction sexuelle et le besoin de nutrition adviendra avec l’apparition de la denture quand, en plus de téter, l’enfant commence à mâcher ses aliments.

 

Oraison note une corrélation manifeste, chez les enfants anormaux, entre la persistance de la succion du pouce et de profonds troubles sexuels ; il précise aussi que certaines manifestations à l’âge adulte trouvent l’origine dans ce qui est vécu à ce stade : c’est notamment, dans l’état normal, le caractère sexuel érogène du baiser buccal et dans les états déviés, la succion reportée sur les organes sexuels (1952 : 8). Ce constat est encore confirmé par Abraham quand il écrit : « […] la bouche n’a pas renoncé à sa signification de zone érogène. L’étude des perversions sexuelles montre à l’évidence que la bouche peut prendre la signification d’un organe sexuel, qu’elle peut avoir un rôle génital » (Abraham 1966 : 234). Ces perversions et anomalies, qui adviennent à l’être humain n’ayant pas reçu les soins appropriés, montrent justement à quel point les parents, en particulier la mère, doivent apporter toute leur attention à l’enfant dès les premiers instants de l’après-naissance. 

 

Le deuxième stade du développement libidinal est le stade anal qui survient souvent au cours de la deuxième année et qui ne supprime pas du coup le stade précédent. L’enfant éprouve le plaisir sexuel à travers le fonctionnement musculaire par la libération des excrétions intestinales et urinaires; la zone érogène est ici la région anale. Mais la satisfaction qu’il en tire se heurte aux exigences de l’entourage, surtout de sa mère, qui font appel aux conditions spatio-temporelles d’une telle fonction. C’est ainsi qu’au plaisir de faire sortir de lui-même les excrétions succède celui de maîtrise des sphincters : cette étape de maîtrise anale est appelée « stade sadico-anal ». Contrairement au stade oral qui est passif, au stade anal, l’enfant se montre très actif : il sent la satisfaction en se mouvant, en détruisant mais aussi en construisant, puis en élaborant le langage ; bref, il découvre le monde en allant à sa rencontre. Il se réalise par une sorte de libido narcissique, c’est-à-dire que son instinct sexuel se manifeste dans l’amour et l’admiration plus ou moins excessive de sa propre personne. Le plaisir sexuel de ce stade, s’il n’est pas bien canalisé, peut connaître plus tard des déviations. Tel pourrait être le cas de ceux qui pratiquent le coït anal homosexuel ou hétérosexuel (cf. Oraison 1952 : 9).

 

La dernière étape de l’évolution sexuelle chez l’enfant est le stade phallique ou génital, les deux premières étant qualifiées de prégénitales.  Avec cette étape, la différence entre le garçon et la fille devient de plus en plus sensible. Les deux enfants se rendent compte de leur différence anatomique et se complaisent à regarder le sexe de l’autre et à montrer leurs sexes, phénomènes qui, vérifiés chez adultes, portent respectivement les noms de « voyeurisme » et « exhibitionnisme » et font tous deux partie des déviations sexuelles. Abraham précise que le plaisir de voir et de montrer le sexe sont deux pulsions sexuelles qui pendant la petite enfance « ont le droit de s’exprimer sans être inhibées par des interdits » (1966 : 9). Au niveau de la sensibilité sexuelle, le même phénomène se produit chez le garçon et la fille, mais avec une différence au point du vue anatomique : l’organe de puissance active est le pénis chez le garçon et le clitoris chez la fille. L’investissement phallique de l’enfant consiste dans les attouchements dont les déviations, à l’âge adulte, constituent le phénomène de la masturbation appelé aussi l’onanisme. Cette étape se révèle passagère et laisse la place, chez le garçon, à l’organisation génitale complète, et chez la fille, à un investissement diffus du corps et du visage (coquetterie). Chez la fille, l’organisation génitale ne parviendra au terme qu’avec l’investissement vaginal qui va s’affirmant jusqu’aux premiers rapports sexuels (cf. Folliet et al 1953 : 140). La « masturbation » présente chez l’enfant de trois ans s’accompagne de l’éveil de sa curiosité : il multiplie les « pourquoi » et les « comment », s’intéressant tout particulièrement au problème de la naissance des enfants et à celui de la différence anatomique des sexes.

 

C’est au stade phallique que se manifeste le complexe d’Œdipe (normalement, on devrait parler du complexe d’Œdipe seulement chez le garçon tandis que chez la fille, ce serait le complexe d’Électre[1]). Cette période dite « âge œdipien » se caractérise par une attirance plus ou moins prononcée pour le parent de l’autre sexe et une rivalité mêlée de jalousie envers le parent de même sexe : le garçon se montre conquérant devant sa mère et la fille est attirée vers son père et apprend à lui plaire comme pour l’arracher de sa mère. Dans ce jeu de conquête, l’enfant développe les qualités propres à son sexe par une observation, un copiage du parent de même sexe. Le complexe d’Œdipe cesse normalement vers l’âge de 7-8 ans quand l’enfant est déjà habitué au monde élargi grâce à sa fréquentation de l’école. Toutefois, la réaction instinctive qui en est issue ne disparaît pas puisqu’elle refait surface à l’adolescence, après une période de latence allant de 7/8 à 12/14 ans (Gaudefroy 1965 : 162-163). Mais, ces indications d’âge varient selon les auteurs et pour des raisons ci-haut indiquées. Par exemple, Devlin limite l’âge œdipien, qu’il appelle « seconde enfance », à 6 ans (1969 : 55).

 

Ainsi, nous remarquons que la sexualité que vit la personne humaine de façon consciente à l’adolescence trouve ses germes dans la petite enfance, au cours de laquelle la pulsion sexuelle est auto-érotique, la première manifestation sexuelle prenant appui sur une fonction nécessaire à la conservation de la vie : l’instinct alimentaire. Comme aux étapes de l’évolution sexuelle chez l’enfant correspondent des déviations qui se vivent à partir de l’adolescence, il est indispensable que les parents et les autres partenaires de l’éducation jouent leur rôle pour « vacciner » leurs enfants contre ces comportements anormaux en leur assurant une meilleure éducation sexuelle par des méthodes appropriées.  

 

4.        Les méthodes efficaces à l’éducation sexuelle des enfants

 

L’éducation sexuelle fait partie de ce que Freud appelle le Surmoi, c’est-à-dire « ce qui représente […] toutes les limitations morales, l’avocat de l’aspiration au perfectionnement, bref, ce qui nous est devenu psychologiquement tangible dans ce qu’on tient pour supérieur dans la vie humaine » (1936 : 93). Le Surmoi est l’un des constituants de la personnalité qui correspond au sens moral (les autres étant le Ça qui constitue tout ce que l’être humain apporte en naissant et le Moi qui est la fraction du psychisme qui s’organise et s’adapte au monde environnant, servant ainsi d’intermédiaire entre le ça et l’extérieur).

 

La dimension sexuelle et affective, tout comme les autres dimensions de l’être humain, a besoin d’être éduquée et cette éducation doit commencer dès l’enfance comme l’adage burundais le stipule bien : « Igiti kigororwa kikiri gito » (on ne peut redresser un arbre que quand il est encore jeune). Seulement, le problème est de savoir quelle forme doit revêtir une telle éducation, étant donné que la sexualité relève de la nature même de l’être humain. Faut-il favoriser le « laisser être » tel que prôné par Rousseau dans Emile (avec comme postulat : la nature, non pas les hommes et les livres, doit présider à l’éducation de l’enfant) ou redresser l’enfant au regard de certaines tendances ? A quelles méthodes les parents et les enseignants doivent-ils recourir pour une sexualité bien assumée et épanouie ?

Nous trouvons une indication éclairante si nous considérons l’étymologie du mot « pédagogie », terme technique parlant de l’éducation des enfants. Du grec paidagôgia (de paidagôgos, esclave conduisant les enfants à l’école), “pédagogie” signifie « art de guider l’enfant » et, plus tard, elle est synonyme de « science de l’éducation ». Ainsi, pour réaliser cet objectif, l’entourage familial a son rôle à jouer, les enseignants-éducateurs aussi.

4.1.L’éducation de l’enfant par l’entourage familial

 

L’éducation sexuelle et affective doit commencer dès la naissance de l’enfant et le rôle primordial revient à la mère. A la naissance (au stade oral), l’enfant a besoin d’être entouré d’une grande affection d’autant plus qu’il vient de quitter un mode de vie sécurisé, autrement, il subira des conséquences fâcheuses quant à sa sexualité et son affectivité. Comme l’affirme Destombes,

 

L’enfant désiré par un jeune foyer a toutes les chances de grandir dans la confiance de se sentir objet d’amour. Mais si une fillette déçoit les parents qui souhaitaient vivement un garçon, elle risque de grandir insatisfaite, irritable, ou de développer des traits de personnalité virile pour se faire aimer. Ce bébé pris en charge par l’Assistance publique, mais qui se vit non désiré, peut échouer toute sa vie à établir des liens affectifs, ignorant même la notion d’amour (in Gaudefroy 1965 : 157).

L’éducation est fonction de la maturité des parents. Un enfant aîné ne jouit pas des mêmes avantages que ceux qui naissent après, étant donné que son accouchement est souvent difficile sans oublier que les parents n’ont pas assez d’expérience quant aux soins que nécessite l’enfant. Dans tous les cas, les parents doivent veiller à ce que, pendant les deux premières années, l’enfant reçoive une bonne évolution qui constitue une base sûre de toutes les acquisitions dans le domaine sexuel et affectif.

 

La mère doit assurer à son enfant un bon contact, une chaleur pour un bon fonctionnement digestif, une aptitude relationnelle à la réceptivité de l’autre, une aptitude à l’acceptation aimante à l’égard de l’adulte; elle doit l’amener à un épanouissement pour une ébauche de réciprocité. Les instincts sont tributaires les uns des autres, [que] tout ce qui est conquis sur l’un est acquis pour l’autre (Folliet et al 1953 : 444). La mère, aidée par le père, devra éduquer l’enfant, dès qu’il commence à manger, pour qu’il apprenne à se maîtriser devant la nourriture. La maîtrise des plaisirs de la bouche se révèle un grand atout pour vaincre dans les autres luttes contre dominance instinctive.

 

La présence du père dans ces premières années de l’existence de l’enfant n’est pas non plus à négliger car « la psychanalyse, […] fait la part égale au père et à la mère dans le réseau des interactions relationnelles où se situe l’enfant durant tout son développement » (Lebovici et Soulé 1970 : 437). Effectivement, sans la présence du couple auquel il aspire, l’enfant ne pourra pas bien amorcer son évolution œdipienne. Selon Destombes,

 

 L’éducation sexuelle et affective se fonde avant tout sur la réalité de l’amour sexué du couple des parents. C’est cet amour qui suscite chez l’enfant, avant même toute parole révélatrice, le désir d’une certaine vie, une attraction selon un sens vécu intuitivement, qui inspire et guide profondément et souvent inconsciemment  l’ensemble des démarches de cet enfant(in Gaudefroy 1965 : 168-169).

 

Nous comprenons immédiatement les problèmes que peut connaître un enfant bâtard ou un enfant qui ne connaît pas son père suite au décès ou à une absence prolongée pour des raisons de travail ou d’exil. Il va sans dire les problèmes qu’ont les enfants qui perdent leurs mères avec l’accouchement ou quelques temps après mais aussi ceux qui sont souvent élevés par des bonnes, ne connaissant la chaleur maternelle que très peu de temps au cours de la journée. Heureusement que les pays africains, en l’occurrence au Burundi, on rencontre toute une famille autour du couple au point que l’enfant pourra toujours sentir la présence d’un “père” et d’une “mère”, comme le proverbe burundais le dit : « Umwana si uw’umwe » (l’enfant appartient à tout le monde). Nous déplorons les maltraitances que les marâtres infligent souvent aux enfants d’un premier lit.

 

Mais, à part l’exemple de vie affective du couple, comment procéder pour éduquer sexuellement leur progéniture ? Tout ce qu’ils entreprendront en ce domaine doit tenir compte de cette remarque de Lebovici et Soulé :

 

[…] la privation [c’est-à-dire toute expression de la désapprobation de l’éducateur] et la discipline apportent un support au Moi dans son effort pour acquérir le contrôle des pulsions du Ça, et le Bon Parent, par identification profonde à l’enfant, coopère avec le Moi de celui-ci (1970 : 446).

 

Ainsi, d’après les psychanalyses entre autres Freud, Favreau et Doumic, comme au stade anal le contenu intestinal joue chez l’enfant le rôle de corps excitant, le considérant comme une partie de son corps, les parents (la mère surtout) doivent veiller à ne pas montrer à l’enfant que ses selles sont dégoûtantes. Ceci pourrait avoir des conséquences sur sa retenue, trouvant de l’angoisse à garder pour un moment ce qui est dégoûtant en lui pour le sortir au moment voulu. Ces auteurs font remarquer aussi que les problèmes de constipation fréquents chez l’enfant sont souvent des conséquences d’une relation pas trop affectueuse de la mère envers son enfant (cf. Lebovici et Soulé 1970 : 449-455).   

 

Avec le stade phallique, face aux gestes réflexes de masturbation chez l’enfant d’environ 3 ans, la réaction des parents ne doit pas être celle de gronder, voire de sanctionner l’enfant pour le décourager de ces pratiques jugées, déjà à son âge, répréhensibles car il s’agit d’une étape normale dans le développement de la sexualité. C’est pourquoi toute remarque ou répréhension provoque souvent à l’âge adulte, des inhibitions et des sentiments de culpabilité à l’égard de l’acte sexuel même après le mariage.  Une raison de plus qui fait que les parents n’ont pas à se soucier de l’auto-érotisme présent chez l’enfant de cet âge est que ces gestes cessent normalement avec la phase œdipienne. Néanmoins, les parents doivent faire attention à une tendance trop marquée à l’onanisme. Supposant qu’ils ont un bagage suffisant en matière de sexualité, les parents doivent d’abord observer les faits prémonitoires :

 

Il y a souvent deux problèmes en cause. Ou simplement l’enfant est en avance sur les jeux et les travaux qu’on lui propose, et il faut relever le niveau de ce qu’il est justement apte à faire. Ou bien cela témoigne de problèmes psychologiques mal réglés dont la solution doit demeurer au premier plan ; l’enfant est à soigner et non gronder. En général, comme devant toute difficulté obsédante, c’est l’agressivité qui est en cause. Et ce n’est jamais la sévérité ni l’incompréhension qui la détendent(Folliet et al 1953 : 141-142). 

 

Les parents devraient consulter les psychologues pour qu’ils leur indiquent comment prendre soin de leur enfant et prévenir des conséquences néfastes qui pourraient survenir à l’âge adulte. Dans les pays pauvres où il n’y a pas assez de spécialistes, les parents devront s’adresser aux structures qui s’occupent des problèmes familiaux. Au Burundi, certaines structures sont disponibles comme l’ABUBEF et le PNSR (Programme  National de la Santé et de la Reproduction).

La période cruciale pour les parents quant à l’éducation sexuelle et affective de leurs enfants est celle de la phase œdipienne qui demande aux parents plus le vécu que les paroles. Les parents sont confrontés aux problèmes psychologiques propres à cette phase ; l’enfant connaît prématurément des pulsions sexuelles génitales au point que certains n’hésitent pas à voir en cela une sorte de puberté psychologique. La meilleure méthode d’éduquer l’enfant de façon à ce qu’il puisse bien franchir cette étape nécessaire, c’est de ne pas le (la) frustrer : il faut que soit présent le parent supposé le satisfaire. En effet, le garçon a besoin de sentir qu’il plaît à sa mère par ses qualités viriles et la fille à son père par ses qualités de femme. Le parent aimé doit l’aider à se réaliser, ne pas s’opposer à sa combativité en même temps qu’il lui montre la nécessité de l’autre parent (celui jalousé) pour son équilibre ; ce qui signifie que le parent aimé ne doit pas répondre à l’amour de l’enfant par un amour excessif qui domine et même exclut l’autre parent. Une moindre erreur peut entraîner plus tard un dégoût de l’autre sexe, développant par là la tendance homosexuelle. Cela est confirmé par West (1970) qui se concentre sur le cas de l’homosexualité masculine :

 

Les profanes, les psychiatres et les psychanalystes attribuent habituellement tous le fait de rendre un garçon homosexuel à un amour maternel et trop possessif […] ; en plus d’un attachement d’une vigueur malsaine envers leur mère, beaucoup d’homosexuels ne s’intéressent pas à leur père, et parfois même ressentent de l’aversion pour lui. Tandis qu’on blâme très généralement la mère dominatrice, certains observateurs, dont Anna Freud, ont signalé que le père faible, peu satisfaisant ou absent occupe une place importante dans ce portrait (West 1970 :219).

 

Durand aussi nous fait un inventaire des causes possibles de ce phénomène inquiétant qu’est l’homosexualité : il évoque les causes d’ordre biologique et sociologique, mais insiste beaucoup sur celles d’ordre psychologique comme l’attachement à la mère, le complexe de castration (chez la fille), la rivalité avec un frère plus âgé, et surtout le complexe d’Œdipe lié au tabou de l’inceste (1977 : 241-244). Lui aussi souligne l’importance de l’éducation sexuelle dès le bas âge pour juguler ce fléau. Dans tous les cas,  la présence équilibrée des deux parents reste ce sans quoi l’enfant risquerait d’adopter une inversion des rôles sociaux comme le cas noté par West, d’une mère dominatrice qui finit par provoquer chez le garçon un manque d’attraction envers la féminité.

 

Les parents doivent continuer à manifester les liens entre eux en témoignant de leur affection envers l’enfant. Cela permet à l’enfant de faire un double procès : considérer le parent de même sexe à la fois comme l’agent de l’interdiction sexuelle (en tant qu’il s’intercale entre l’enfant et le parent auquel il porte l’affection) et l’exemple de sa transgression. Ainsi, l’enfant pourra sublimer l’image parentale et refouler ces pulsions, mettant fin à la crise œdipienne. A l’âge œdipien, l’enfant se découvre en se dépassant en vue d’une meilleure socialisation. C’est pour cela que les parents doivent y prêter beaucoup d’attention.

 

Un autre volet qui appelle l’éducation sexuelle de l’enfant est sa curiosité qui commence déjà à partir de trois ans.  La règle d’or est de ne pas esquiver ces questions : les parents doivent y répondre car le silence impliquerait que ce qui est sexuel relève du domaine de l’interdit et du coup, se révèle comme ce qui n’a pas de valeur, comme une œuvre du démon. Pour les parents qui font circoncire leur fils autour de 3-4 ans, soit pour des raisons de religion (l’islam par exemple), soit pour des raisons de santé notamment pour corriger le défaut d’étroitesse anormale du prépuce pouvant empêcher la découverte du gland (la phimosis), ils doivent lui dire de quoi il s’agit. Ces explications font que l’enfant ne garde pas l’idée qu’il est mal fait ou qu’il n’aille pas chercher des réponses aux questions qui l’assaillent en dehors de la famille, par des observations intéressées du sexe opposé au sien, des comparaisons, des attouchements et même des tentatives d’acte sexuel, tout en éprouvant un sentiment de culpabilité. La tentative d’acte sexuel à cet âge n’advient que quand l’enfant a surpris les adultes en train de faire les rapports sexuels ou si l’enfant a vu des images pareilles à la TV ou sur l’Internet. Les parents doivent éviter que l’enfant soit en contact avec des images pornographiques qui n’ont d’autre objectif que de provoquer l’excitation de celui qui les regarde, sans souci didactique ou prophylactique.

 

Quant à la méthode à adopter pour parler de la sexualité chez l’enfant d’un tel âge, les psychanalystes comme Destombes (in Gaudefroy 1965 : 170), Lebovici et Soulé (1970 : 446)  conseillent aux parents de se mettre au niveau de la curiosité de l’enfant. Ils doivent essayer de ne pas le devancer trop, ni non plus de ne pas lui répondre qu’il est trop petit pour savoir quoi que ce soit dans ce domaine. L’analyse psychanalytique stipule que même si l’enfant ne pose pas de question parce qu’un jour, ayant tenté, il a vu que c’est provoquer de l’anxiété chez les parents, ceux-ci doivent avoir du courage de susciter chez leur enfant le questionnement afin qu’il y ait l’échange sur ce sujet. S’ils ne le font pas jusqu’à environ 5-6 ans, l’enfant peut perdre toute curiosité qui est une attitude indispensable pour l’aiguisement de l’intelligence et l’acquisition des connaissances. C’est justement à cet âge que l’enfant s’ouvre aux relations plus larges et poursuit son éducation en recevant la formation des enseignants, qui vient épauler celle des parents puisque ceux-ci ne sont pas pour autant en congé.

 

4.2. L’éducation de l’enfant par les enseignants   

 

Dans son étude,  l’UNESCOreconnaît l’importance que revêt l’intégration d’une éducation sexuelle complète dans les programmes scolaires. Elle insiste aussi sur une bonne formation et un bon encadrement des enseignants dans ce domaine. La tâche qui incombe à l’enseignant-éducateur dans le domaine de l’éducation sexuelle des enfants ressort de la définition même fournie par ledit document :

 

Par éducation sexuelle, on entend une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles qui soit adaptée à l’âge, culturellement pertinente et fondée sur une information scientifiquement précise, réaliste et s’abstenant de jugements de valeur.L’éducation sexuelle offre la possibilité d’explorer ses propres valeurs et attitudes, et de développer des compétences en matière de prise de décisions, de communication et de réduction des risques, concernant de nombreux aspects de la sexualité (UNESCO 2014).

 

Ainsi,  le rôle de l’enseignant-éducateur est d’épauler les parents afin d’amener les enfants à la découverte des valeurs culturelles qui leur sont propres,  à la capacité de prendre des décisions en matière de gestion de la sexualité et à éviter le plus possible les risques y attenants, sans peur de communiquer avec les personnes de confiance sur les réalités de sa sexualité. Tout cela l’enseignant le fait en tenant compte de l’âge des enfants dont il a affaire. Selon Durand :

 

la société, notamment par l’école, a un rôle à jouer en ce domaine [celui de l’éducation sexuelle], non seulement à titre de suppléance pour pallier le silence ou l’incompétence des parents, mais directement en tant qu’agent éducatif responsable du bien-être et de la promotion de chacun de ses ressortissants(Durand 1977 : 411).

 

Il reste à connaître les méthodes efficaces auxquelles il doit recourir et le contenu précis de ses leçons étant donné qu’il s’adresse aux enfants dont l’âge se situe généralement entre 5 et 14 ans. Concernant le contenu, l’enseignant-éducateur veillera à transmettre les valeurs culturelles relatives au genre et à la sexualité en s’adaptant à l’âge des enfants, convaincu qu’une telle transmission constitue un facteur important de socialisation. Il doit être en communication fréquente avec les parents pour converger sur les valeurs à transmettre, ce qui aidera les enfants à ne pas recevoir des informations sur des valeurs différentes et même opposées.

 

Durand insiste sur le climat scolaire, le côtoiement de celui-ci envers les éduqués (1977: 412). Ainsi, comme pour les parents, ce ne sont pas les leçons orales que l’enseignant s’efforcerait de fournir qui aident les enfants à grandir sexuellement, mais un climat d’amour créé par un éducateur qui démontre avoir accepté son identité sexuelle. L’enseignant-éducateur doit favoriser l’enseignement occasionnel qui consiste à profiter des questions de curiosité des enfants et des « occasions » de la vie quotidienne pour glisser une information, évoquer une valeur. L’enseignant-éducateur aura à cœur que l’enfant commence à fréquenter l’école, – surtout l’école maternelle –, pendant qu’il traverse la période de l’âge œdipien. L’enfant continue à se socialiser en assimilant l’image idéale de l’homme ou de la femme qu’il tire de la comparaison des parents avec les enseignants.

 

Enfin, l’éducation sexuelle ne se réduit pas à l’initiation sexuelle laquelle viserait le “comment faire” ou le “ce qu’il faut redouter” en sexualité ; d’autre part, ils se rendent compte des difficultés pour une éducation sexuelle adéquate, surtout à cette période délicate de l’enfance. Force est de constater que les difficultés n’ont pas la même ampleur selon les cultures. Qu’en est-il dans la culture burundaise?

 

5.       Les défis d’une éducation sexuelle dans la culture burundaise

 

Parmi les niveaux d’une culture, figure le niveau éthique qui comprend les us et coutumes entre autres. Ce volet revêt un caractère spécial dans la culture burundaise: un accent particulier est mis sur la célébration des rites qui accompagnent les étapes de la vie. Ces étapes sont la naissance, le mariage et les funérailles. Dans les rites qui se rapportent à ces deux premières étapes, il y a des particularités liées au sexe. Cela n’est pas étonnant si l’on se souvient qu’au Burundi l’organisation familiale s’inspire du système patriarcal, ce qui justifie l’importance que les Burundais attachent à un garçon au sein de la famille si bien qu’une femme qui mettait au monde seulement des filles s’en trouvait maltraitée par son mari et/ou par ses beaux-parents quasi à la même manière d’une femme stérile. Ce fait est un signe éloquent du manque d’éducation sexuelle et surtout d’information sur cette dimension constitutive de l’homme qu’est la sexualité.

 

Pour ce qui est de l’éducation sexuelle et affective, dans le Burundi ancien comme aujourd’hui, les difficultés de parler de la sexualité et de la vie affective aux enfants sont manifestes : à vrai dire, si ce n’est dans quelques rares familles des intellectuels, les parents ne commencent à échanger avec leurs enfants sur ce sujet qu’à partir de la préadolescence. C’est à cette étape que les mères se concentrent sur les jeunes filles et les pères sur les garçons pour leur prodiguer des conseils concernant les réalités de la vie du couple. Tout se passe dans une grande discrétion avec une série d’interdits (cf. Hakizimana 2002 : 103-104).

 

Avec ce retard, nous pouvons nous demander pourquoi il n’y avait pas beaucoup de cas de grossesse chez les jeunes filles alors que les enfants avaient le sexe exposé jusqu’à la puberté, âge à partir duquel ils portaient le cache-sexe. Dans le Burundi traditionnel, la sexualité était tellement réprimée que les transgresseurs des mœurs en la matière étaient sévèrement punis (Bigangara 1986 : 105). Ainsi, les parents éduquaient sexuellement leurs enfants (surtout les fillettes) par des menaces, en les informant que si une fille se méconduit elle est sérieusement battue et si elle porte une grossesse hors mariage elle est jetée vivante, les mains ligotées derrière le dos, dans une rivière ou dans un grand trou appelé “igisumanyenga” ou brûlée asphyxiée sur une étagère (urusenge).

 

Bien agir par peur des châtiments, n’est pas pour autant la vertu. Comme dans la tradition biblique, la culture burundaise ne dit pas le sort qu’on réservait au garçon qui l’a engrossée. Aussi arrivait-il que le jeune marié trouve son épouse déviergée et, même si les causes peuvent être multiples (l’onanisme, l’accident génital,…), il pensait immédiatement que celle-ci a forniqué. C’est alors qu’au bout de deux à trois semaines après le mariage, la belle-famille envoyait aux parents de la jeune mariée une cruche de bière avec un chalumeau coupé de part et d’autre : c’était un déshonneur complet pour ces parents (Bigangara 1986 : 85).

 

Ce qui étonne et qui devait encourager l’éducation sexuelle, c’est que dans le Burundi traditionnel, deux familles pouvaient nouer une alliance pour un futur mariage de leurs enfants (Bigangara 1986 : 65) et, quelquefois, avant même que les enfants ne viennent au monde « gukwera inda iyindi ». Pourtant, au lieu d’éduquer ces enfants dès le bas âge en leur parlant de leur sexualité, les parents préféraient les initier aux charges familiales et leur apprendre à exercer tel ou tel métier, étant donné que ces charges et ces métiers étaient répartis selon le sexe.

 

Nous constatons ici qu’il y a pas mal de défis à relever dans l’éducation sexuelle au Burundi. Au Burundi comme ailleurs, la sexualité reste un sujet tabou, « un domaine très discret, dont on ne parle pas explicitement et publiquement ; quand c’est nécessaire d’en parler, on emploie plutôt le langage voilé et implicite » (Bigangara 1986 : 101). La sexualité est un domaine entouré de mystères et qui n’en est justement pas privé comme en témoigneLe mystère humain de la sexualité de Marc Oraison. Le langage de la sexualité est tellement un langage des adultes que quiconque ose en parler publiquement est considéré comme en train de proférer “ibiterasoni” ou encore “ibishegabo” (des paroles honteuses), ce dernier terme contenant effectivement une racine (-gabo) qui signifie “homme” dans le sens d’un masculin adulte. Pour échapper aux critiques, on est obligé de parler de la sexualité en secret, en recourant à un langage codé ; ce qui n’arrange pas les parents à pouvoir fournir à leurs enfants des informations y relatives. Certains parents même considèrent que livrer de telles informations reviendrait à réveiller les enfants et à les inciter à passer à l’acte sexuel prématurément.   

 

Un autre défi est que chez certains parents persiste la tendance d’interdire aux jeunes garçons et jeunes filles de nouer très tôt des amitiés pour une connaissance mutuelle pouvant donner lieu à un futur mariage. Cette tendance est liée à la culture burundaise car, jadis, au lieu de laisser les futurs conjoints se choisir, s’apprécier mutuellement pour un projet de vie commune, ce sont les parents du garçon, en l’occurrence le père, qui appréciaient non seulement le comportement de leur future belle-fille, mais aussi la richesse et la renommée de ses parents et entamaient les pourparlers sans consulter les concernés. Cela tient au fait qu’en Afrique, le mariage est une affaire de famille avant d’être une affaire d’individus. C’est  « le communautarisme africain » (cf. Bigangara 1986 : 43 ; 50-54).

 

Que faut-il faire pour relever ces défis ? Le point de départ doit être la conscience que la culture n’est pas statique, mais dynamique : tout en gardant des éléments stables sans lesquels la culture perdrait son identité, elle doit s’adapter au temps et aux différents mouvements des gens. Mis à part l’adoption des éléments d’une culture allogène qui provoque le phénomène d’acculturation, toute culture d’un peuple doit se laisser transformer de l’intérieur pour se mettre au diapason des nouvelles découvertes. Il faut noter ici le rôle des moyens de communication comme la radio, la télévision, le téléphone et l’internet. Les médias sont un outil pour le changement des mentalités. Ils réveillent les consciences et l’ouverture des horizons. Ainsi, tout doit être guidé par la volonté de purifier la culture des éléments jugés inadaptés et de l’enrichir par des apports positifs venant d’ailleurs.

 

Tenant compte des contributions de la psychanalyste, les Burundais doivent se libérer de l’influence culturelle qui les empêche de parler de la sexualité à leurs enfants. Aux questions de ces derniers sur la différence des sexes et la provenance des bébés, les parents doivent répondre en évitant de leur montrer qu’ils sont gênés par leur curiosité, en essayant de ne pas mentir. Cela ne veut pas dire qu’il faut entrer dans les détails. A l’enfant qui veut savoir d’où vient le bébé, il faut répondre que l’enfant se développe dans le ventre de la maman ; c’est pourquoi, à un certain moment, la maman a un embonpoint et porte des vêtements adaptés et après la naissance du bébé, elle n’en a plus (cf. Gaudefroy 1965 : 170-172). À celle de savoir pourquoi les sexes sont différents, pourquoi un garçon est différent d’une fille, les parents répondront en expliquant que les êtres vivants se reproduisent, qu’ils donnent leurs petits (la vache met bas le veau, la poule a son petit qui est le poussin). Cela n’est possible que parce qu’il y a un mâle et une femelle ; de même pour les êtres humains, il ne pourrait pas y avoir un bébé s’il n’y avait les garçons qui deviennent des hommes et les filles qui deviennent des femmes. Les parents doivent trouver une manière d’expliquer les autres aspects de la sexualité, tels que la dimension émotionnelle et l’importance de la relation amoureuse. Ils veilleront à ne jamais culpabiliser les désirs de curiosité de l’enfant.

 

Conclusion

 

L’éducation sexuelle fait partie intégrante de l’éducation globale de l’enfant, puisque la sexualité est une dimension constitutive de toute personne. L’être humain naît et grandit dans une société qui lui donne sa configuration par l’éducation. Aussi la conception de l’éducation est-elle fonction de la conception qu’on a de l’homme et de son destin. Nous comprenons alors que l’éducation sexuelle et affective à donner aux enfants dépendra de l’image que les êtres humains veulent imprimer à leur société. Nous regrettons les tendances sexuelles en vogue que les adultes cherchent à inculquer chez les enfants alors qu’elles prônent une sexualité « contre nature », contre la vie et contre la dignité de la personne humaine. Il s’agit de ces tendances que les psychanalystes appellent des « déviations sexuelles », comme l’homosexualité, l’auto-érotisme, le coït anal, etc.

 

Une bonne éducation sexuelle exige que les parents eux-mêmes aient une intention droite qui résulte d’une bonne éducation reçue en ce domaine. On ne donne que ce que l’on a. Les parents doivent donc être sexuellement bien éduqués. La soi-disant nouvelle éthique mondiale est en train d’aveugler certains adultes si bien que le domaine de l’éducation sexuelle n’en soit pas épargné. Elle présente des principes extérieurement fascinants comme les droits de l’individu, la diversité culturelle, le libre choix et l’égalité des sexes, mais ce qui l’anime de fond en comble, c’est la destruction des valeurs communes de la tradition judéo-chrétienne qui ont régi l’humanité depuis des siècles. Elle lutte contre la loi de la nature et contre la révélation divine et s’institue en un système qui oublie l’homme en ceci qu’elle cherche à développer l’homme contre l’humain.

 

Les parents doivent donc rester vigilants face à ces nouvelles idéologies et ne rien ménager pour que leurs enfants reçoivent une éducation sexuelle qui leur permet d’affronter avec sérénité l’adolescence et de s’acheminer sans difficulté vers une maturité de leur personnalité.

 


[1]Œdipe est un héros de la mythologie grecque, fils de Laïos, roi de Thèbes, et de Jocaste. L’oracle de Delphes ayant prédit qu’il tuerait son père et épouserait sa mère, Œdipe fut abandonné à sa naissance par ses parents. Recueilli et élevé par Polybos, roi de Corinthe, il apprend qu’il n’est qu’un enfant trouvé et va consulter l’oracle de Delphes, qui lui révèle la terrible vérité. Effrayé, il fuit Corinthe. Sur la route, il se querelle avec un étranger, qui n’est autre que Laïos, son père, et le tue. Aux portes de Thèbes, il affronte le Sphinx et résout sa célèbre énigme, ce qui provoque la mort du Sphinx ; comme Créon offrait alors la couronne de Thèbes et la main de Jocaste au vainqueur du monstre, il est proclamé roi (en grec tyran) de Thèbes et épouse sa propre mère. Mais le couple découvre la vérité: Jocaste se pend; Œdipe se crève les yeux et part en exil, accompagné de sa fille Antigone.  Électre quant à elle est la fille d’Agamemnon et de Clytemnestre; elle incita son frère Oreste à venger le meurtre de leur père en assassinant Clytemnestre et son amant Égisthe. C’est de ce premier mythe que sont partis les psychanalystes pour nommer le phénomène par lequel les désirs amoureux de l’enfant se portent sur le parent du sexe opposé et l’hostilité, la jalousie, sur le parent du même sexe.

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