LES CRISES ECONOMIQUES COMME UNE CAUSE DE LA CORRUPTION

Abstract: 

This paper deals with the issue of corruption as a global threat. In effect, no society or sector of any society can validly claim to be totally free from corruption. Many researchers and writers give various definitions but all of them converge on two aspects, namely: the abuse of power and private gain. Indeed, corruption is defined as the abuse of power for private gain. This paper argues that, while taking various forms, corruption has many causes, perceived differently according to socio-cultural backgrounds. It makes the point that corruption and economic growth might cohabit, as this is presumably observed in certain Eastern societies. However, in general, the socioeconomic impact of corruption is important especially in poor countries. Whatever the case may be, the war against corruption has a chance to be won because there are many warriors determined to fight it. However, for the victory to be fully achieved, the mobilisation of all stakeholders, both private and public, is prerequisite.

1. Introduction

A en croire l’histoire, la corruption est très ancienne. Les références à la corruption et son traitement se retrouvent dans les sources les plus anciennes comme l’Ancien Testamment dans la Bible, le Code de Hammurabi, roi de Babylon au 22ème siècle avant Jésus Christ, dans l’Edit de Harmhab, roi d’Egypte au 14ème avant Jésus Christ, dans l’Arthasastra de l’économiste indien Kautilya au 14ème avant Jésus Christ, et dans les autres vieilles civilisations. En fait, Ajit Mishra a certainement raison de souligner que le phénomène de la corruption est aussi vieux que l’organisation humaine en société (Voir Mishra 2005 : 349, cf. Huang 1974).  

Cependant, c’est récemment que  l’on s’est rendu compte qu’elle est un fléau dans tous les secteurs et à tous les échelons. On a parlé de la corruption à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), on en évoque dans les pays développés. On en parle avec un accent particulier dans les pays en voie de développement. C’est un fléau mondial au même titre que le SIDA et la malaria.

L'ONG Transparency Internationala publié son indice de perception de la corruption (IPC) pour 2010. Basé sur différents sondages et enquêtes réalisés par des organismes indépendants, le rapport relève que les trois quarts des 178 pays étudiés sont perçus comme gravement corrompus

 

Le Burundi n’est pas épargné de ce fléau. Même si historiquement il a été marqué par une culture du don, la corruption s’est progressivement installée et s’est « modernisée » (cf. Nimubona 2008). Selon Transparency International le Burundi est classé parmi les dix pays les plus corrompus de la planète dans ce rapport. Le niveau de corruption est très élevé et le fléau touche particulièrement la majorité de la population, en particulier les personnes les plus actives.

 

Cette analyse parle de la corruption en général en faisant un lien avec les crises économiques et en donnant quelques références tirées du cas du Burundi. Même si le terme « corruption » paraît être compris par tout le monde, il convient de revenir sur les principales compréhensions souvent avancées.

 

1.       Définitions et types de corruption

 

D’après le site « google.fr, Wikipédia »  la corruption se définir communément comme un abus de pouvoir public pour gain privé, un abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées  ou encore un abus de positions publiques à des fins d’enrichissement personnel

D’après la même source  : la corruption est la « perversion ou le détournement d'un processusou d'une interactionavec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétributionen échange de sa bienveillance ».

Cette définition se veut générale. Il met en relief les acteurs, mais ne souligne pas suffisamment l’aspect négatif de la corruption. Le même site ajoute que la corruption conduit en général à l'enrichissement personnel du corrompu ou à l'enrichissement de l'organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.[]). C'est une pratique qui peut-être tenue pour illiciteselon le domaine considéré (commerce, affaires, politique...).

Selon l’ONG Transparency International, « la corruption consiste en l’abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins privées »[]. L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europedéfinit la corruption comme « l'utilisation et l'abus du pouvoir public à des fins privées »[]. Pour la Commission des communautés européennes, « la corruption est liée à tout abus de pouvoir ou toute irrégularité commise dans un processus de décisionen échange d'une incitation ou d'un avantage indu ». La Banquemondiale retient la définition suivante pour la corruption : « Utiliser sa position de responsable d’un service public à son bénéfice personnel ». 

Les définitions de Transparency International, Union Européenne et Banque Mondiale paraissent plus claires et plus complètes. Tout en étant plus directes elles mettent un accent sur l’abus du pouvoir et le bénéfice personnel des intervenants.

De toutes ces définitions, il se dégage que la corruption, dont les manifestations sont multiformes, relève d’un abus d’une position occupée. C’est un phénomène qui se généralise dans la sociétéquelle que soit son niveau de développement (Johnson 2005). La corruption se retrouve partout. Elle peut tenter toute personne bénéficiant d'un pouvoir de décision, que ce soit une personnalité politique, un haut fonctionnaire, un petit fonctionnaire, un cadred'une entreprise privée ou publique, un médecin, un infirmier, un arbitreou un sportif, un gardien de prison, un syndicalisteou l'organisation à laquelle ils appartiennent, etc. (Nimubona et Sebudandi 2007).

La corruption est subjective mais elle transgresse toujours la frontière du droitet de la morale. On distingue d’une part la corruption active de la corruption passive et d’autre part la petite corruption de la grande corruption. La corruption active consiste à proposer de l'argentou un service à une personne qui détient un pouvoir en échange d'un avantage indu pendant que la corruption passive consiste à accepter cet argent. Un élève qui propose une somme d’argent à son professeur pour obtenir une bonne note dans son cours se rend coupable de la corruption active. Le professeur qui empoche la somme et accepte de satisfaire à cet élève se rend coupable de la corruption passive.

Selon la Banque Mondiale, la grande corruption est une « corruption à haut niveau les décideurs politiques créant et appliquant les lois utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut ou leur pouvoir personnel ». Selon toujours la Banque Mondiale, la petite corruption est la corruption bureaucratique dans l’administration publique ». La petite corruption est vécue ou subie par le citoyen ordinaire, au quotidien, lorsque ce dernier sollicite les services publics. Mais, d’après certains analystes, parler de petite corruption relève d’un abus de langage si on essaie d’analyser son impact sur la vie politique, sociale et économique des citoyens. En effet, étant vécue au quotidien par le citoyen ordinaire, la petite corruption peut être aussi, voire, plus nocive que la grande corruption.

Quand un homme politique reçoit de l'argent à titre personnel ou pour son parti de la part d'une entreprise de travaux publics et en retour lui attribue un marché public il est coupable de corruption passive parce qu’il a reçu de l'argent. L'entreprise, quant à elleest accusée de corruption active. Par contre, si cet homme politique dirige une association ou une fondation d'entreprise, le versement d'argent sera considéré comme une corruption indirecte.

 

2.       []      Quelques formes de corruption

La corruption est un comportement plein de connotations morales, sociales et politiques. Généralement la corruption dénote une faiblesse structurelle au niveau des institutions nationales et une incapacité des pouvoirs publics à exercer un contrôle serré sur les actes des fonctionnaires et des opérateurs économiquesDans le secteur public, la corruption est synonyme de médiocrité des services publics. Tous les secteurs de la vie nationale la population sollicite un service public sont susceptibles de connaître la corruption sous diverses formes et à diverses instances. La justice, la police, l’administration, l’éducation, la santé, les confessions religieuses pour ne citer que ces secteurs, peuvent être touchés. Les typologies de la corruption sont aussi nombreuses que variées.

La Banque mondialedistingue cinq formes de corruption[]:

-          les « dessous de table » : ce sont des versements à des responsables officiels afin qu’ils agissent plus vite, de façon plus souple et plus favorable,

-          la « fraude » : c'est la falsification de données, de factures, la collusion etc.

-          «l’extorsion » : c'est l’argent obtenu par la coercition ou la force,

-          le « favoritisme » (« Népotisme », « Collusion ») : c'est le fait de favoriser des proches,

-          le «détournement de fonds » : c'est le volde ressources publiques par des fonctionnaires.

Le site web  www.memoireonline.com distingue quatre formes de corruption : 

-          La corruption et la recherche de rente : La recherche de rente menée en amont (primaire) vise à obtenir qu'une mesure particulière aux conséquences rédistributives favorables soit prise. Opérant en aval (secondaire), elle consiste à essayer d'être parmi les bénéficiaires d'une action publique donnée.

-          La corruption politique: C'est la corruption des hauts fonctionnaires et dirigeants politiques.

-          La corruption administrative: Certaines administrations possèdent une fonction les obligeant à passer des contrats de marchés publics. Le fonctionnaire choisit la firme qui remplit au mieux les conditions imposées par le gouvernement. C'est ainsi qu'interviennent les paiements corrompus pour l'appropriation de ces marchés publics.

-          Le trafic d’influence :qui est  un délit qui consiste à recevoir des dons (argent, biens) pour favoriser les intérêts d'une personne physique ou morale auprès des pouvoirs publics.

On ne pourrait finalement énumérer toutes les typologies de corruption tellement elles sont nombreuses. Les pots de vin, les biens en nature, les faveurs sexuelles auprès des femmes et des filles et le trafic d’influence sont autant de formes de manifestations de la corruption. Le don d’argent est la forme la plus utilisée en corruption, sans doute, par le fait qu’il est le plus facile à dissimuler.  Les crises économiques sont aussi au cœur de la corruption.

 

3.       Les crises économiques comme une des causes de la corruption

 

La corruption prospère dans un système qui permet son « éclosion » et facilite sa « perpétuité », c’est-à-dire qui crée les conditions favorisant son apparition et diminue les risques de sanction pour l’auteur et le « bénéficiaire ». Tout comme pour les typologies, les  causes de la corruption sont aussi nombreuses que variées. Certaines peuvent être considérées comme générales parce qu’elles semblent se retrouver partout.

 

 

 

 

 

3.1.               Causes générales de la corruption

 

Dans leur étude, Le phénomène de la corruption au Burundi : Révolte silencieuse et résignation, Sebudandi et Nimubona (2007) s’accordent sur les causes générales de la corruption que nous reprenons ci-après :

-          la mauvaise gouvernance caractérisée notamment par un cadre législatifflou, un système judiciaireinadéquat, un manque de transparenceet de responsabilisation, un manque de liberté de la presse, etc. Le seul fait de ne pas punir les corrompus, un signe de mauvaise gouvernance, permet au fléau de la corruption de s’enraciner davantage ;

-          l’absence de toute politique anti-corruption préventiveet de prise de conscience de l'importance des questions comme l'éthique professionnelle, les conflits d'intérêts ;                                                                

-          des faiblesses institutionnelles: cette situation se rencontre dans des cas où des fonctionnairesont une forte autorité mais peu de comptes à rendre, des responsables officiels attirés par des rémunérationscoupables mais ayant des salaires faibles, etc. La corruption prospère parce que les institutions de contrôle et les groupes de pression sont inexistants, faibles ou lâches ;

-          les faibles salaires : pour des raisons variées, dans certains Etats, l'administration publique octroie des salaires relativement ou réellement faibles à certains agents (comme les médecins, les policiers, les douaniers) qui, par ce fait, se rendent coupables de la corruption. Ces basniveaux des salaires des agents publics combinés à l’état de pauvreté et d’inflation dans lequel ils vivent les prédisposent à la corruption ;

-          une culture administrative et corporatiste peu propicequi entretient  des craintes et dissuade toute dénonciation. Des foiscelui qui dénonce le corrompu se ridiculise devant le public et, pire encore, peut faire l’objet de représailles d’autant plus que  les corrupteurs sont forts et puissants ;

-          des aspects culturels : les perversions de valeurs culturelles sont souvent pointées du doigt comme une importante cause de la corruption. En s’y habituant, la corruption peut devenir imperceptible et être considérée par certains comme une nécessité, un «combustible» nécessaire au fonctionnement de la machinerie publique. Au Burundi traditionnel, la pratique de la « cour » et du « don » était courante des fois avec une connotation de corruption. Dans le Burundi moderne, cette pratique s’est effectivement modernisée. Des liasses ou des chèques, dissimulés dans une enveloppe, sont offerts aux personnes dont on veut obtenir des faveurs indues.  

 

Julien Nimubona (2008) a fait une étude compréhensive de ces aspects culturels qui sous-tendent la corruption et a suggéré de considérer une approche plus compréhensive qui irait au-delà des perspectives institutionnelles d’essence éthico-normative. Une telle approche comprendrait, entre autre, l’aspect politique, l’aspect socio-historique et l’aspect culturel. Cependant, les crises économiques que le Burundi a connues sont loin d’être un facteur à négliger dans l’étude du phénomène de la corruption au Burundi.

 

3.2.             Crises économiques et corruption

Lorsque l’économie se porte bien, le public est moins enclin à accorder l’attention à des dossiers de corruption. En période de crise économique, où chaque unité monétaire compte, où  le risque  que le peu d’argent dont on dispose soit englouti par la corruption est très grand, aucune forme de corruption ne saurait passer inaperçue. S’attaquer à la corruption devient une préoccupation de tout le monde, excepté, bien entendu, les corrompus et les corrupteurs, qui ne sont pas très nombreux par ailleurs.

Les crises économiques sont  considérées comme une importante source de corruption. Une crise économique, appelée récession ou dépression, peut se comprendre comme une dégradation brutale de la situation économique et des perspectives économiques. Son étendue sectorielle, temporelle et géographique, peut aller d'un seul secteur d'une seule région, pour une brève période, à l'ensemble de l'économie mondiale pendant plusieurs années. Dans ce cas, on parle de ralentissement économique ou, plus grave, de récession économique. Même s’il n’y a pas de consensus, certains faits, politiques ou attitudes sont cités comme susceptibles de déclencher des crises économiques. Il s’agit notamment :

-          d’une politique monétaire erronée (taux directeurs devenus trop faibles ou des taux trop élevés étranglant le crédit). Le crédit est un des secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêt. Le plafonnement ou la libéralisation affectent influent nécessairement sur le crédit ;

-          d’une crise financière. Les difficultés financières qui frappent actuellement l’occident  risquent de porter un coup dur à certaines économies africaines habituées à être assistées au niveau de leurs budgets,

-          des changements majeurs du contexte politique comme la guerre, une crise sociale avec perte de confiance des milieux économiques (nationalisations, fuite des capitaux, crise de change, …). On se souviendra du fameux « plan Marshall » qui a permis de reconstruire l’Europe après la deuxième guerre mondiale ;

-          des erreurs de politique économique comme la politique protectionniste ou, au contraire, ouverture jugée brutale des frontières. La lenteur des pourparlers dans le cadre du marché commun de l’East African Community traduisent cette peur d’ouvrir les frontières nationales ;

-          d’un épuisement ou une raréfaction temporaire d'une ressource naturelle importante. On se souviendra des crises économiques dues aux seules spéculations sur le marché du pétrole. La raréfaction ou la tarification réelle du pétrole créerait une crise économique mondiale sans précédent,

-          d’une surproduction d'une ressource localement importante, réduisant son prix à rien et ruinant les producteurs, et, par contre coup, leurs fournisseurs. Les surproductions créent souvent des réactions surprenantes. On se souvient du café qu’on utilise comme combustible ou du lait qu’on préfère jeter pour sauver ce qu’il y a encore à sauver en termes d’offre et de demande ;

-          d’une confiance trop grande dans le caractère autorégulateur du marché ou, au contraire, une régulation trop administrative. Les réalités du marché échappent des fois à la théorie économique à tel point que le laissez faire ou la régulation à outrance peut créer ou accentuer  la crise économique.

Si l’on en croit les conclusions de l’étude (« Le phénomène de la corruption au Burundi, Révolte silencieuse et résignation », mars 2007), de Nimubona et Sebudandi dans le contexte du Burundi, les principales causes de la corruption sont la pauvreté, l’impunité, la mauvaise gouvernance, le manque de transparence, l’existence de pratiques traditionnelles favorisant la corruption, la cupidité liée à la volonté de certains de s’enrichir vite et l’absence de volonté politique pour combattre la corruption.

Selon ces mêmes auteurs, tout le monde s’accorde sur le fait que la pauvreté est la première cause parmi les facteurs favorisant la corruption. Beaucoup de gens sont conscients que les conditions de vie des fonctionnaires les prédisposent à la corruption. Quand les institutions de contrôle sont inexistantes ou lâches et où les groupes de pression sont faibles la corruption s’installe. L’aggravation de la corruption au Burundi peut s’expliquer aussi par la crise que le pays a connue et l’incertitude qu’elles ont générées pour les citoyens et les dirigeants. Tout particulièrement la dernière crise a affecté profondément le fonctionnement des structures de l’Etat et laminé son autorité et précipité la détérioration des conditions de vie.

 

Mais il y a aussi la cupidité et le mimétisme. Pour certaines catégories, cela pourrait provenir de l’incertitude liée à l’instabilité des positions qu’ils occupent mais aussi à la pression de la société de consommation qui pousse à faire comme l’autre, s’habiller comme l’autre, avoir une maison ou une voiture identiques, etc.

 

Les  dysfonctionnements de l’Etat consécutif à la crise, l’impunité et la pauvreté sont évoqués : A y voir de près, toutes ces causes sont presque liées entre elles. Cette analyse se propose de faire le lien entre les crises économiques et la corruption qui, elle-même, ne peut pas être séparée des turbulences que la plupart des pays traversent et l’incertitude qu’elles génèrent pour les citoyens et les dirigeants.

 

Il existe un lien fort entre la corruption et les crises économiques, celles-ci étant finalement à la fois la cause et la conséquence de celle-là. Les crises économiques affectent profondément le fonctionnement des structures de l’Etat,  laminent son autorité et précipitent la détérioration des conditions de vie de la population. Les crises économiques contribuent à l’aggravation de la corruption.

 

Quand l’environnement économique n’est pas favorable à l’augmentation des revenus et aux obligations administratives d’intégrité et de probité, les comportements corruptifs s’installent, tandis que des conditions défavorables à la construction des attitudes et comportements anti-corruptifs s’éloignent.

 

L’augmentation de la pauvreté incite les gens à adopter les comportements les plus inattendus. Ils sont prêts à « se débrouiller » pour sortir de la pauvreté. Se débrouiller peut vouloir dire corrompre. Dans un contexte de chômage généralisé, un jeune lauréat d’université, sorti avec de très bonnes notes n’a pas beaucoup de choix pour se faire embaucher. Il n’hésitera pas à vendre une partie du lopin de terre familiale pour réunir la somme d’argent à donner aux services publics ou aux organisations  privées qui en exigent pour « recruter ». 

 

On ne saurait passer sous silence la cupidité et le mimétisme qui s’observent chez certaines catégories, mais les crises économiques y sont toujours pour quelque chose. Ces attitudes peuvent provenir de l’incertitude liée à l’instabilité des positions qu’elles occupent. La pression sociale peut inciter à «faire comme les autres », c’est-à-dire manger et boire, se loger, s’habiller, se déplacer comme les autres, etc. Quand un fonctionnaire parvient à se construire une maison, son promotionnel essaie de tout faire pour avoir une maison plus ou moins semblable, ou plus confortable, en recourant à la corruption.

 

Tout le monde s’accorde sur le fait que la pauvreté est une des premières causes de la corruption. Une telle situation  peut faire perdre la confiance fondamentale que les citoyens avaient dans la capacité de leurs gouvernements et de leurs institutions financières à réglementer le système et à se réglementer eux-mêmes. Or, moins les citoyens ont confiance dans leurs gouvernants, plus ils sont portés à se croire victimes de la corruption. Symphorien Ntibagirirwa (2006 : 122-124) ajoute à cette situation que  « la première conséquence morale qui découle de la pauvreté de l’éducation, c’est la perte de la confiance en soi et en ses capacités ainsi que l’aveuglement devant les ressources dont on dispose ».

 

4.       Impact de la corruption

Les conséquences des crises économiques sont innombrables. La hausse du chômage, la baisse du produit intérieur brut (PIB), la baisse des revenus (comme les salaires) et de la consommation, la hausse du nombre de faillites, pour ne citer que celles-là, sont des conséquences de nature à favoriser la pauvreté et partant la corruption.

Les chiffres sur la corruption sont surprenants. Selon une estimation de la Banquemondiale, en 2001-2002, mille milliards de dollars auraient été détournés en pots-de-vin soit environ 3% des échanges de la planète pour cette même période[]. Selon l'agence de notation Standard and Poor's, les investisseurs ont 50 à 100% de chances de perdre la totalité de leurs investissements dans un délai de cinq ans dans les pays connaissant divers degrés de corruption. Selon « Google.fr », les Etats de l'OCDE consacrent chaque année 15 % de leur PIB aux marchés publics, et perdent chaque année 400 milliards de dollars en fraudes et en corruption.

Il est vrai qu’il n’est pas facile d’appréhender le phénomène de corruption en chiffres dans la mesure où le corrupteur et le corrompu évitent les témoins tout en limitant au strict minimum le nombre d’intermédiaires. Toutefois même sans chiffre, à voir l’ampleur des dégâts, tout laisse conclure que l’impact de la corruption est important tant au niveau mondial qu’au niveau et au sein des pays, sur le plan économique et sur le plan socio-économique.

 

Sur le plan politique, par son caractère universel et transnational, la corruption est une menace réelle sur l’état de droit et sur la paix. La sécurité et la stabilité nationales et internationales sont impensables dans un monde rongé par la corruption. La corruption[] met en péril la dissociation du public et du privé caractéristique de l'État. Elle est une régression de l'un des principes fondamentaux de la démocratie, l'égalité d'accès des citoyens aux marchés, aux emplois et aux services publics, sans autres considérations que la capacité et le mérite. Cette idée est fortement soutenue par le directeur –pays du PNUD au Burundi, Xavier Michon (2012).

Mise à part le paradoxe asiatique qui démontre une compatibilité entre croissance et corruption comme cela a été le cas en Chine (Voir Li et Wu 2007),la corruption provoque normalement une rupture entre les peuples et leurs dirigeants incapables de faire preuve d’honnêteté dans la gestion des affaires publiques. Dans des sociétés où la conscience nationale est faible, comme celle du Burundi,  la corruption ralentit ou freine la croissance de l’économie nationale. Avec les pratiques néo-patrimoniales (corruption, népotisme, ethnisme, régionalisme, etc.) il s’installe une crise de légitimité de l’Etat, de ses institutions et de ses acteurs qui en découle, créant l’instabilité et des conflits politiques. Elle constitue à terme, une entrave à l’établissement de processus politiques participatifs et efficaces qui fournissent les services nécessaires aux citoyens.

 

Sur le plan socio-économique, toujours sous réserve du paradoxe asiatique, la corruption constitue un grand frein pour le développement dont les pays ont énormément besoin. Elle est l’une des causes principales des difficultés socio-économiques en empêchant l’élaboration et la mise en œuvre de bonnes politiques économiques.

 

La corruption frappe les pauvres,  entrave les efforts visant à atteindre les objectifs de développement. Elle limite ainsi l’accès aux services publics, avec un détournement des ressources destinées aux investissements dans les infrastructures, les institutions et les services sociaux. Elle bloque ou entrave la bonne marche des investissements. Dans le secteur privé, l’argent devenant rare parce que détourné,  le coût est répercuté sur les consommateurs qui finissent par payer plus cher les biens et les services qu’ils acquièrent.[]

A côté de l’impact négatif sur le développement, la corruption constitue aussi un handicap majeur à la jouissance des droits en général, et des droits civiques en particulier. C’est une atteinte à ses droits lorsque la population dans sa grande majorité est confrontée à ce phénomène pour avoir accès aux services de base, comprenant les soins de santé, l’éducation, les services administratifs, la justice, etc. La corruption accentue la marginalisation des groupes minoritaires, en particulier les femmes et les jeunes qui se voient souvent réduits au chômage.[]

Mais comme l’adage le dit : « à quelque chose malheur est bon ». La crise a incité certains gouvernements à prendre des mesures énergiques contre la mauvaise gouvernance en général et contre corruption en particulier. L’exemple qu’on peut donner concerne le secteur des impôts, où les efforts internationaux concertés de lutte contre l’évasion fiscale ont permis de récupérer presque 14 milliards d’euros de recettes fiscales dans quelque vingt pays au cours des deux dernières années. En même temps, alors que de nombreux rapports font état du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, un débat autour de la révision de certaines des règles établies bat son plein.

 

Ainsi, une opinion se demande comment les banquiers continueraient de  toucher l’intégralité de leur prime alors que leurs bénéfices ont plongé et que les contribuables ont dû mettre la main à la poche pour renflouer les banques. Le président d’une société devrait-il être imposé au même taux que sa secrétaire?  Ainsi, des demandes fusent de partout pour demander de répartir équitablement la charge fiscale et  libérer des fonds permettant de soutenir les plus pauvres.

 

 

5.       Quelques pistes pour lutter contre la corruption

 

Des actions anti-corruptives sont possibles. Pour mener cette lutte, la reprise de conscience et la détermination des acteurs comme les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile, sont primordiales. Les chances de réussite sont énormes dans la mesure où les mesures anti-corruption bénéficient d’un énorme potentiel d’appui de la population en général et des organisations de la société civile en particulier.

 

Comme le souligne Ajit Mishra (2006), la corruption a tendance à persister malgré la présence d’importantes mesures anti-corruptives et d’autres à caractère de motivation. Les mesures anti-corruption efficaces, susceptibles d’avoir un impact  réel, doivent reposer sur une analyse minutieuse du fléau, ses causes profondes, ses dimensions et ses conséquences. La lutte contre la corruption se mène au niveau international, au niveau des Etats et au niveau des associations ou individus. Donc une sorte de partenariat et de synergie.

 

5.1.              Lutte au niveau international

Des instruments nationaux et internationaux de lutte contre la corruption sont mis en place progressivement. C’est le cas de la Convention anti-corruption de l'OCDE, qui rend illégal le versement de pots-de-vin par une entreprise à un agent public étranger pour remporter un contrat, du système de suivi prévu par la Convention grâce auquel les pays doivent rendre des comptes lorsque les efforts qu’ils déploient pour identifier et sanctionner les responsables de la corruption ne sont pas suffisants. Quelques dates suffisent pour montrer que le combat contre la corruption a commencé.

En septembre 1994, sous les auspices du Comité Européen pour les Problèmes Criminels (CDPC) et du Comité européen pour la coopération juridique (CDCJ), le Groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC) a été créé et la lutte contre la corruption s’est affirmée comme étant l’une des priorités du Conseil de l’Europe.

En novembre 1996, le Comité des Ministres a adopté le Programme d’Action contre la corruption qui a été élaboré par le GMC et avait fixé la date du 31 décembre 2000 pour sa mise en œuvre. Le Comité des Ministres s’est félicité des objectifs du GMC consistant à préparer une ou plusieurs conventions internationales contre la corruption, et de son intention de prévoir un mécanisme de suivi visant à assurer le respect des normes contenues dans ces instruments.

Certains organisations et gouvernements vont jusqu’à recommander la création d’une liste noire des États et des représentants gouvernementaux corrompus, la suspension des prêts afin de prévenir les détournements de fonds publics, l'allocation d'une partie de l’aide au développement aux organismes de surveillance, une plus grande transparence des programmes d’aide de l’Union Européenne (qui représentent près de 55% de l’aide publique internationale).[]

5.2.             Lutte au niveau des Etats

 

Les Etats, convaincus de la nécessité d’éloigner ce fléau qu’est la corruption, gagneraient à élaborer une véritable politique anti-corruption, cohérente et systémique comprenant des mesures à prendre ou à améliorer, des cadres à créer ou à renforcer, des actions à initier ou à améliorer. La lutte contre la corruption suppose aussi une impérieuse nécessité d’adopter une réforme efficace de l’administration publique et surtout un renforcement durable des capacités institutionnelles.

 

La politique, à mettre en œuvre, doit partir des causes de la corruption identifiées. La stratégie à mettre en œuvre doit reposer sur des axes tels que : la formation, l’éducation et la sensibilisation du public sur la corruption et les domaines connexes, la prévention et la dissuasion contre les pratiques de corruption, les sanctions ou la répression anti-corruption.

 

La mise en application de ladite stratégie, doit être inclusive et impliquer notamment les  ministères, les forces de l’ordre, la Justice, les administrations locales, la société civile, le secteur privé, et bien entendu, les citoyens eux-mêmes. Si la pauvreté, considérée par certains comme la cause numéro 1 de la corruption, est en cause, l’Etat doit l’appréhender, c’est-à-dire faire en sorte que les conditions de vie de sa population s’améliorent.

 

Certains Etats, dans leurs efforts de lutte contre la corruption, se font accompagner de l’appui des institutions spécialisées comme  Transparency International et le PNUD. La collaboration entre Transparency International et le PNUD est de longue date et a une couverture globale. Le PNUD a souvent fait appel à Transparency International reconnue internationalement afin d’appuyer plusieurs pays dans le monde.

 

Le PNUD offre une assistance technique et financière aux pays en développement dans les domaines de redevabilité, de transparence, d’intégrité et de lutte contre la corruption. Le Groupe d’action financière (GAFI) fournit aux autorités nationales de tous les pays du monde des outils plus efficaces pour agir contre les criminels qui blanchissent les produits de la corruption et de la criminalité.
 

5.3.             Lutte au niveau d’autres parties prenantes

 

Les autres parties prenantes, dont il est question ici, comprennent principalement les Organisations de la Société Civile (OSC). Il est heureux de constater que certains gouvernements sont disposés à associer les citoyens à la lutte contre la corruption. Ces citoyens agissent au sein des OSC ou rarement individuellement.

 

Dans ce cas, pour donner un bon départ, il faut d’abord rétablir la confiance du public dans le système et réaffirmer que les accusations, formulées par les citoyens, seront suivies d’enquêtes. L’approche peut consister à porter les efforts sur la forte sensibilisation du public via le renforcement du rôle des médias en vue d’inciter les citoyens à participer constructivement aux affaires publiques.

 

Les corrupteurs étant  parfois «très forts», peut être à cause des grosses sommes d’argent utilisées, il y a nécessité de prendre de véritables mesures et politiques de protection de la vie professionnelle des "donneurs d'alerte". En effet, les donneurs d’alerte bien intentionnés s’aperçoivent souvent qu’on les considère comme un problème plutôt que comme une solution : ils perdent leur emploi, sont discrédités et finissent même quelquefois en prison pour avoir parlé, ce qui suffit à dissuader quiconque de faire ce qu’il faut.

 

Lors du sommet de Séoul en 2010, les dirigeants du G20 se sont engagés à prendre d’ici la fin de 2012 des mesures pour que les donneurs d’alerte soient protégés, dans le cadre d’un Plan anti-corruption fondé sur des recommandations présentées par l'OCDE. L’absence ou l’inefficacité des mécanismes institutionnels de sanction des auteurs et d’incitation à la dénonciation, les solidarités communautaristes et partisanes contraignent souvent les donneurs d’alerte effectifs et potentiels au silence. Les entreprises et les multinationales doivent embrasser une culture d’intégrité à travers les codes d’Ethique et le Compact Global de, l’ONU.

 

Conclusion

 

La lutte contre la corruption est devenue aujourd’hui un enjeu global et vital pour les nations. Cette lutte est l’affaire de tous, aussi bien des dirigeants que de la population affectée, de la société civile organisée, des médias et de la communauté internationale. La mise en œuvre de méthodes et outils de transparence et de lutte contre la corruption requiert une appropriation nationale forte et la volonté des uns et des autres.

 

Il n’est pas facile de prouver la corruption dès lors qu'il n'y a pas d'échanges monétaires directs, ce qui est le cas dans les affaires de corruption de haut vol. La corruption est par essence dissimulée et souvent, il est nécessaire qu’elle soit dénoncée par un mécanisme interne.

 

La lutte contre la corruption passe avant tout par la bonne gouvernance politique et économique, fondée sur la gestion transparente des deniers publics et la justice sociale, et par le renforcement des capacités de la société civile. Il s’est avéré que combattre la corruption ne se fait pas par de nouvelles campagnes anticorruption, par la création de commissions et d’organismes d’éthique et par la rédaction incessante de décrets, lois et codes de  déontologie. Des actions concrètes, coercitives, incitatives et visibles doivent être menées avec tact. Les donneurs d’alerte, considérées comme des partenaires incontournables dans cette œuvre, doivent être protégées.

 

Quant aux référents culturels qui transforment les règles « publiques » et expliquent la tolérance ou la complaisance à l’égard des comportements et pratiques corruptifs, il faut promouvoir un autre civisme qui condamne « l’enrichissement illicite » par l’abus de son pouvoir et promeut « le pain à la sueur de son front » c’est-à-dire en définitive un civisme qui favorise des attitudes et comportements citoyens anti-corruptifs.

 

 

 

 

 

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