LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVE AU BURUNDI : L’ETHIQUE AU-DELA DE L’EFFICACITE ET DE LA PERFORMANCE

Abstract: 

This paper has aimed to demonstrate that the ethics of PPP is beyond efficacy, performance and mere sharing of risks. It has claimed a double question. From a fundamental perspective, one wonders whether or not the culture of private business usually attuned to profit could bring an added-value in the practice of development and the economy. At this juncture, the reader is confronted with two claims. On the one hand, some critiques, less favorable to this perspective, believe that PPP is a sort of neoliberal propaganda which aims to evict the State from business. On the other hand, the favorable camp believes that, the PPP questions the dogmatic market which preaches the « Nonstate”, or at least the minimal State in the process of development and the economy. The line of argument stipulates that, PPP is the hub for public and private spheres of businesses. Such convergence emphasizes cooperation rather than mutual exclusion. In this cooperation, the « all-State » and « non-State are converted in a « better-State » that legitimatizes the arbitration between social, economic objectives and defines the institutional framework (legal, contractual and regulatory) of PPP as the guardian of the house of justice. Practically, this has provided opportunity to appreciate PPP as a strategy to achieve Burundi vision 2040/2060 to demarcate its different forms. Thus, new forms of partnership are proposed to address the needs of Burundi. To avoid staying at the level of pure transaction mechanisms, the article highlights PPP ethical requirements knowing that ethics calls for PPP actors individually. Therefore, ethics enables informed cooperation between public and private sectors, while redefining the value of citizens as agents, instead of solely expecting PPP benefits. Nevertheless, ethics is but the only gateway to improve efficiency and performance of Public-Private Partnership in Burundi.

  1. Du cadre contextuel des Partenariats Public-Privé

Cette réflexion s’inspire de deux sources. En premier lieu, il s’agit d’une suite théorique d’un atelier sur le Partenariat Public Privé (PPP) animé par l’Institut de Développement et d’Ethique Economique, IDEE au Burundi, en Septembre 2018 sur le thème « Politique de partenariat public-prive : Concept, Contexte et horizons. Cet atelier avait trois objectifs à savoir : Connaitre ce que c’est le Partenariat Public et Privée, faire appliquer la bonne gouvernance basée sur le Partenariat Public et Privé pour le développement soutenu; et surtout rapprocher les Acteurs Etatiques, les Acteurs du Secteur Privé, les Acteurs Non Etatiques/Organisations de la société civile, les bailleurs de fonds et autres partenaires techniques et financiers pour intérioriser la politique des PPP dans les activités de  développement du Burundi à différents niveaux.

Pourquoi un tel atelier sur les PPP à ce moment alors que les PPP datent de la période de la contre-révolution néolibérale dans les années 1970 déjà, suivie de la vague de privatisation des entreprises de l’Etat ? La loi de la République du Burundi régissant les contrats des PPP privé est plus récente et a été promulgué dans un contexte où le pays était secoué par une crise socio-politique majeure, à savoir la crise du troisième mandat du feu Président Pierre Nkurunziza. La loi dont il est question est la loi No 1/14 du 27 Avril 2015. Elle a été actualisée et mise à jour ou, plutôt, modifié par la loi No.1/19   du 19 Juillet 2019. Dans ce prolongement, les autorités du Burundi sont en train d’élaborer une Stratégie Nationale de PPP.  

En deuxième lieu, cette réflexion sur les PPP bénéficie aussi de la lecture du livre récent de Georges Enderle, à savoir Corporate Responsability for Wealth Creation and Human Rights (Enderle, 2021) qui distingue entre la richesse publique et la richesse privée d’une part, et conçoit les biens publics en termes éthiques comme des droits humains, d’autre part. Les PPP entrent dans la dynamique de la création de la richesse tant privée que publique.

Essayons de converger les deux sources ! Bien qu’il soit récent au Burundi et dans certains pays africains, le PPP est devenu une pratique courante dans les processus du développement économique. Il est le recours au secteur privé pour fournir aux citoyens les biens et des services dans les pays en développement. Le PPP est venu comme une solution à un double problème. D’une part, le PPP est venu interroger la sphère publique où le « Tout-Etat » était considéré comme « le lieu de l’inefficacité, de la lourdeur et de la désuétude »(Yaya, 2005, p. 15) dans l’approvisionnement des biens et des services.  Il s’agissait de voir si la culture de l’entreprise privée (normalement tourné vers plus de profit), peut apporter une plus-value dans la pratique du développement et de l’économie. Evidemment, certains voient cette observation comme une sorte de propagande néolibérale dont le but est d’évincer l’Etat hors du domaine économique. Ainsi, d’autre part, le PPP interroge le dogmatisme du marché qui prêche le « Non-Etat » ou, tout au moins, l’Etat minimal dans le processus du développement et de l’économie.

Avec la contre-révolution néolibérale des années 1970, le secteur privé est considéré comme l’arène de l’efficacité et de la performance à même de stimuler la croissance économique. Pourtant, l’éthique des affaires est une question posée aux entreprises privés, et plus généralement, le marché : Le secteur privé très chéri par la philosophie néolibérale est-il vraiment efficace dans l’approvisionnement des services ? Question légitime !

A la recherche d’une réponse, le PPP devient le point de convergence entre les sphères publique et privée. Cette convergence privilégie la coopération plutôt que l’exclusion mutuelle. Dans cette coopération, le Tout-Etat et Non-Etat convertis en « Mieux-Etat », « a la légitimité de procéder aux arbitrages entre les objectifs sociaux et économiques, définir le cadre institutionnel (légal, contractuel et réglementaire) » du PPP comme gardien de la justice (Aubert & Patry, 2004, p. 8). La question qui se pose est celle de la place des citoyens dans le PPP. Sont-ils condamnés à n’être que des consommateurs ? Ne seraient-ils pas un lieu éthique pour approuver ou désapprouver le comportement des sphères publiques et sphère privées dans l’approvisionnement des biens et des services ?

Cette réflexion cherche à articuler une éthique de cette coopération entre le public et le privé en redéfinissant la place des citoyens comme agents plutôt que de simples patients des bénéfices des PPP. Il soutient que l’éthique va au-delà de l’efficacité et de la performance ainsi que le simple partage des risques. Dans ce processus, le concept du PPP est (re)défini en revisitant les différentes théories qui l’ont inspiré ainsi que sa pratique actuelle. Il soutient que, bien que le PPP soit un véritable lieu de la performance grâce à la responsabilité et la redevabilité du secteur public et du secteur privé, il y a lieu de donner la priorité à l’éthique comme guide-éclaireur.

  1. Comprendre le concept de Partenariat Public Privé

Le concept des PPP si simple qu’il parait n’a pas de définition qui recueille un consensus. Les nombreuses définitions qui sont données montrent que le PPP est un concept plutôt complexe. Il serait donc conseillé de procéder du plus simple au plus complexe. Dans le groupe de mots, « partenariat public-privé », nous avons trois mots dont deux s’opposent (Public-Privé) et un troisième qui les rapproche, « partenariat ». Commençons par le mot « Public ». Par public, nous entendons ce qui est partagé, ouvert, ce qui est commun à tous. Un bien public est un bien qui appartient à tous, auquel tout le monde a droit. Ainsi, on peut parler de « chose publique », de « pouvoir public », de « bien public », d’ « entreprise publique », « secteur public », etc.  Ainsi une route, une borne-fontaine, une école de l’Etat, un hôpital, un système de sécurité, l’approvisionnement de l’eau et de l’électricité, etc sont des biens ou des services dits publics. Dans cet article, nous parlerons de secteur public pour parler de l’Etat ou de collectivités locales ou de municipalité appelés à fournir de biens et des services publics. Pour fournir et gérer ces commodités ou services publics, l’Etat ou la municipalité recourt à la taxation. Donc, les commodités et services public sont payés collectivement à travers les taxes.

Le contraire du public, c’est le privé, ce qui appartient à une personne ou un groupe restreint de personnes. Ainsi on parle de bien privé, d’entreprise privée, de secteur privé, etc. Nous parlerons de secteur privé pour nous référer à une personne (physique ou morale) ou un groupe de personnes qui s’associent en coopérative ou en société, société civile, etc.

Qu’en est-il donc du mot partenariat ? Dans le mot partenariat, nous reconnaissons la particule « part » qui veut dire une partie, un lot, un bout de quelque chose.  Part veut dire aussi une action qu’une personne a dans une banque ou une entreprise faisant de cette personne un actionnaire et même un partenaire. De ce mot, nous avons donc les mots partenaire qui veut dire un associé, un collaborateur, un allié. Donc le partenariat est une sorte d’association, d’alliance, ou, encore une coopération entre les intervenants autonomes qui acceptent de collaborer ou mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun pour répondre à un problème ou à un besoin.

Comment donc définir et comprendre, le Partenariat public-privé ? Si nous mettons les composantes ensemble, le PPP est une forme d’association ou une coopération ou de collaboration entre un acteur public et un acteur privé dans le cadre d’un projet bien déterminé et qui répond à des conditions spécifiées par un contrat.

Selon Frederick Marty et ses collègues, le terme PPP est un terme qui couvre toutes les formes d’associations du secteur public et du secteur privé destinées à mettre en œuvre tout ou partie d’un service public ou fournir des biens (Marty, Voisin, & Trosa, 2006, p. 3).  Cette définition est facilement saisissable et facile à comprendre. Cependant, elle ne dit pas comment cette mise en œuvre se passe concrètement. Ce chaînon manquant se retrouve dans la définition que donne entre autres la loi burundaise sur le PPP.

Selon la loi de la République du Burundi No 1/14 du 27 Avril 2015 portant régime général des contrats de partenariat public privé, le PPP est :

un mode de collaboration contractuel par lequel une autorité contractante       confie au cocontractant aux termes d’un contrat de partenariat tout ou partie    des activités suivantes: la conception, le financement, la construction, ou la transformation, l’exploitation, la gestion, l’entretien ou la maintenance d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires à la fourniture d’un service public ainsi que d’autres prestations de service concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée (République du Burundi, 2015).

La même loi spécifie que le PPP (est) « un contrat administratif qui régit les relations entre une autorité contractante et un cocontractant incluant un partage des risques liés aux activités confiées aux contractants ». En d’autres termes, cette association, cette alliance, cette coopération implique le partage des risques. Le chaînon manquant est donc le contact. Le mot contrat est le lien fondamental qui lie les partenaires.

Comme nous pouvons le voir, le PPP peut se définir de plusieurs manières. Nous pouvons retenir les définitions les plus saillantes.

  1. PPP comme une association

Le PPP est une forme d’associations du secteur public et du secteur privé en vue d’arriver à un objectif du développement tout en réalisant des avantages mutuels partagés.

  1. PPP comme un contrat

Le PPP est un contrat permettant à une autorité publique de faire appel à des prestataires privés pour financer et gérer tout ou partie d’un projet contribuant au service public. Le partenaire reçoit un paiement du partenaire public ou des bénéficiaires ou usagers du service (Bertin, Demulier-Chevret, Hougron, & Millet, 2012/2013). Cette même définition est reprise par Alvarez-Robles, O. et al., (2009 : 7) qui comprend les PPP comme :

des contrats entre des partenaires du secteur public et du secteur privé ayant pour objet la mise en place ou la gestion d’un projet visant à assurer un service public et pour lequel une part importante de l’investissement initial, du financement et des risques est partagée entre les partenaires du secteur public et privé.

  1. PPP comme coopération

La définition de PPP comme coopération, se retrouve dans le rapport de l’Union Européenne appelé le livre vert rédigé par Baumstarck et al,. :

Les Partenariat public-privé sont une forme de coopération entre les autorités publiques et le monde des entreprises qui visent à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l’entretien d’une infrastructure ou la fourniture d’un service (Baumstark, Hugé, & Maubert, Juillet 2005).

Enfin, le PPP est compris comme une stratégie :

  1. PPP comme une stratégie

Selon Lotoy Ilango-Ganga, J.P. (2012, p. 228), le PPP est une stratégie qui permet au secteur public de remédier à ses insuffisances pour assurer, par des biens et services ainsi produits, la pleine satisfaction de la population.

En somme, comme synthèse de toutes ces définitions, nous pouvons dire que, le PPP est donc une forme d’association, de coopération, ou un contrat ou une stratégie impliquant le secteur public et le secteur privé, dont le but ultime est de produire des biens et des services pour la population. Les deux partenaires doivent y trouver des avantages mutuels.

Dans toutes ces définitions, nous pouvons distinguer entre deux modalités de partenariats. Il y a les PPP contractuels et les PPP institutionnels. Les PPP contractuels consistent en la délégation de service public, contrat de gestion, concession, affermage, etc. Les PPP institutionnelles sont ce qu’on appelle communément en langue anglaise les « joint-ventures », c’est-à-dire une entreprise commune, co-entreprises impliquant le secteur public et un secteur privé qui poursuivent un but industriel ou commercial commun, et cela malgré les différents points de divergence comme nous pouvons le voir dans la table ci-après (Table1).

Table 1: Les principales divergences entre les organismes publics et privés

Principales sources

de divergence

Secteur public

Secteur privé

Raison d’être

Bien-être des citoyens

Bien-être des citoyens Rentabilité (but lucratif)

Objectifs

Social visant le bien-être collectif

Economique visant la réalisation de profits

Droit de propriété

« Contrat social »

Actionnaires

Principale sources

de financement

Taxes: contribution obligatoire

Actionnaires et profits : contribution délibérée

Environnement

Principalement politique basé sur les lois politiques

Principalement concurrentiel basé sur les lois économiques

Principales valeurs

Respect des règles impersonnelles, (prudence (moins d’aversion aux risques), importance de la prévisibilité, de l’équité, la loyauté impersonnelle, la responsabilité, la transparence et l’imputabilité.

Flexibilité des règles et procédures, aversion et gestion du risque, anticipation des changements du marché et des variables économiques, confidentialité et protection des informations.

Source : (Skander, 2010, p. 23) : L’évolution de la confiance et du contrôle dans le cadre des partenariats public-privé conclus à l’échelle internationale : le cas de l’aéroport international de Malte, Thèse de l’Université du Québec à Montréal, août.

  1.  Pourquoi recourir au PPP ?

Certains pensent que les PPP sont basés sur une croyance déplacée que l’Etat est inefficace, incompétent et corrompu avec comme conséquence la défaillance dans le processus de fournir des biens et des services publics. Cette croyance est surtout forte là où certains gouvernements africains sont concernés. Au contraire le secteur privé serait efficace, compétent et moins corrompus, et par conséquence peut fournir des biens et des services efficacement.  Les PPP seraient donc un moyen efficace de transférer la fourniture des services du gouvernement au secteur privé. Pourtant cela ne va pas de soi. La nécessité de l’éthique des affaires et de la responsabilité sociale des entreprises montrent que les affaires ne sont pas si efficaces et intrinsèquement bon dans le secteur privé comme certains peuvent le faire croire.

C’est vrai qu’effectivement le secteur privé peut simplement viser la maximisation des profits tandis the secteur public doit payer la facture. A la fin, les gros montant qui devaient servir pour fournir les biens et les services publics sont simplement transférer dans les mains des privés dont certains vont jusqu’à éviter les taxes. Les activités commerciales comme sources des flux financiers illicites attirent l’attention déjà.

Cela étant, traditionnellement et idéalement, les avantages des PPP sont notamment :

  • L’amélioration de la qualité des services tout en rentabilisant les projets
  • Garantie de performance tout en rentabilisant les investissements
  • Réduire les délais de développement
  • Mieux servir les citoyens et le pays par la réduction des coûts.

Pour le secteur public, il s’agit de trouver plus rapidement et plus librement un financement pour un projet. Pour le privé qui est actionnaire ou partenaire dans le projet, il reçoit des bénéfices. Il y a lieu de balancer les obligations des uns et des autres d’autant plus qu’il s’agit de converger vers la création de la richesse. Aussi parle-t-on de partenariats gagnant-gagnant !

3.1. PPP entre la richesse publique et la richesse privée, entre les biens publics et biens privés : De la création de la richesse

La raison d’être des PPP est à chercher dans ce que Georges Enderle appelle la création de la richesse et le processus qu’elle implique (Enderle, 2021). Enderle distingue entre les biens publics et les biens privés. Les biens publics sont des biens ou des services qui sont payés collectivement à travers les taxes and sont gérés par l’Etat. Ces biens et services publics sont entre autres la sécurité, l’état de droit, l’éducation, la santé, les infrastructures comme les routes, l’eau et l’électricité, un climat d’affaires sans corruption. Le bien public a deux caractéristiques majeures : non-rivalité et non-excluabilité. Dire qu’un bien ou un service est non –rival veut dire que ce bien est disponible pour tout le monde. La consommation de ce bien n’affecte pas la quantité. Il ne diminue pas quand le nombre de consommateurs augmente. La non-excluabilité veut dire que le bien public ou le service public est disponible à tout le monde sans condition. Par exemple, on ne peut refuser un bien ou un service soi-disant qu’il n’a pas payé. C’est le cas d’une école, une radio, un hôpital, une route, etc. 

Il y a donc une dépendance mutuelle entre les biens publics et les biens privés, entre la richesse publique et la richesse privée. La production des biens privés dépend des biens publics, et la production des biens publics dépend des contributions des individus privés ou les entreprises sous formes de taxes ou des impôts publics. En fait, les PPP sont une manière de dépasser Marx et le Marché ou l’Etat et le marché qui doivent jouer chacun son rôlede manière complémentaire (Nurnberger, 1998). Il ne s’agit plus de tenir exclu l’Etat des affaires économiques ou le tenir minimal dans l’économie. C’est cela qu’exprime Hachimi Yaya quand il dit :

… s’il semble de plus en plus évident aujourd’hui qu’on ne doive plus tout attendre de l’Etat, il n’en demeure pas moins que celui-ci a encore un rôle à jouer dans la sauvegarde de l’intérêt commun. …entre le Tout-Etat et le Non-Etat, … on devrait pouvoir trouver cet équilibre intelligent entre l’Etat et le marché qui fait qu’il y a et aura sans doute encore beaucoup de tâches et prérogatives qui relèveront de l’Etat, mais également, des domaines d’activités où le secteur privé est apte à agir de façon plus efficace (Yaya, 2005, p. 15).

Au-delà de cet aspect théorique, il y a une autre raison qui fait valoir le PPP. C’est le besoin de développement de nos pays et le lien entre nos pays et les grands bailleurs internationaux des fonds, dont la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire Internationale. Commençons par ces derniers.

  1.  PPP et la réforme de la gestion publique

Selon Marty, Voisin, & Trosa ( 2006, p.17), Les pays en développement constituent la principale aire géographique de recours aux partenariats public-privé, les institutions financières internationales – Fonds Monétaire International (FMI) et Banque mondiale – les ayant promus comme l’un des principaux instruments de réforme de la gestion publique. La définition des partenariats retenue par ces institutions recouvre l’ensemble des solutions contractuelles d’associations public et privé autour de la réalisation d’une mission de service public. Elle englobe à la fois les formes anciennes (concessions) et nouvelles (partenariats public-privé d’origine anglo-saxonne). Cela exige certainement une discipline, un sens de responsabilité, bref, toutes les exigences de la bonne gouvernance.

  1. PPP et la question du développement

Encore une fois, selon la recherche de Marty, Voisin, & Trosa (2006, p.18), les gouvernements de nos pays doivent gérer la tension entre une demande sociale croissante d’infrastructures et de services publics et la limitation des ressources budgétaires disponibles. Ce besoin criant en infrastructures dans les pays en développement heurte la capacité très limitée à lever des fonds sur les marchés de capitaux internationaux que celle d’un pays industrialisé. Ces besoins s’élèvent à plus de 4.5 %, atteignant près de 10 % maintenance incluse. Le recours aux partenariats public-privé vise à concilier les objectifs de stabilisation macroéconomique et l’amélioration de la qualité des services rendus aux usagers, dans un contexte favorable de taux bas.

Tous ces aspects, à savoir la création de la richesse, la réforme de la gestion publique et le développement requièrent le partage des rôles et des responsabilités. C’est à ce point que nous allons débattre dans les lignes qui suivent.

  1.  Le partage des rôles et des responsabilités dans les PPP

Normalement, les PPP consistent en deux partenaires principaux, notamment l’autorité publique et le secteur privé. Mais à voir de près, ce n’est pas si simple que cela parait être. En effet, dans les PPP, il y a plusieurs intervenants qui montrent qu’il s’agit d’un domaine complexe. Ainsi, dans le secteur privé comme partenaire, on distingue aussi, le privé adjudicataire et le privé exécuteur.  En plus des trois, il y a d’autres intervenants qui ont des rôles non moindres. Il s’agit du bailleur des fonds et des citoyens bénéficiaires. Nous essayerons d’éclairer ces intervenants pour démarquer le rôle et la responsabilité de chacun.  

  1. L’autorité publique

L’autorité publiquepeut êtrel’Etat, la collectivité locale, ou la municipalité. De prime abord, l’autorité publique est le cadre institutionnel (légal, contractuel et réglementaire du PPP. Il ne pourrait pas y avoir des PPP sans ce cadre. C’est ce cadre qui détermine et clarifie d’autres aspects, notamment :

  • Responsabilité :L’autorité publique est responsable du projet et le conçoit. Par ailleurs, l’autorité publique et surtout l’Etat a une responsabilité par rapport aux bénéficiaires du projet conçu et exécuté. Elle assume face aux citoyens la responsabilité de gestion publique. Par ailleurs, le but ultime des PPP est le développement. Les PPP font partie des conditions que l’Etat crée pour favoriser le développement économique de ses citoyens. Plus précisément c’est à l’Etat qu’incombe la responsabilité de créer des conditions qui favoriseront l’implantation et le développement des entreprises sur son territoire (Aubert & Patry, 2004).
  • Décision :L’autorité publique sur l’Etat décide d’avoir recours au PPP, le met en place ;
  • Direction :L’autorité publique rédige le cahier des charges et assure l’exécution ;
  • Prestation :L’autorité publique assure la prestation des services publics ;
  • Arbitrage :L’autorité publique arbitre les activités du secteur privé en veillant à certains aspects incluant l’efficacité, c’est-à-dire produire à moindre coût ; l’équité, en ce sens que tout PPP comporte un aspect de justice. L’autorité publique et surtout l’Etat est le gardien de la justice (Aubert & Patry, 2004, p.7).
    1. L’adjudicataire du PPP

Le deuxième intervenant dans les PPP est l’adjudicataire. L’adjudicateur relève du secteur privé. Il est responsable de développer un projet. C’est lui qui génère de la valeur pour ses actionnaires et partenaires par des contrats incitatifs et concurrentiels. Il doit acquérir une compétence transférable.

  1. Le partenaire privé exécuteur

Ce partenaire est choisi sur base d’appel d’offre. Il traduit le projet contracté entre l’autorité publique et l’adjudicateur du secteur privé. Par exemple, l’autorité publique d’une ville donnée peut signer un contrat de partenariat avec une compagnie qui s’occupe de la propreté. Mais ceux qui exécutent ce nettoyage peuvent être une association des femmes ou des chômeurs qui se sont organisés en coopérative pour gagner leur vie.

  1. Bailleurs des fonds

Le quatrième intervenant dans les PPP, c’est le bailleur des fonds. Il est le chainon entre l’autorité publique (secteur public) et l’adjudicataire (secteur privé) sans lequel, le partenariat serait presque impossible. Son rôle est surtout d’apporter des capitaux. Le bailleur peut être une banque (qui est publique ou privée), une bourse, un donateur, les contribuables et surtout des fonds propres de l’entreprise elle-même. Pour des projets importants surtout d’infrastructure, les pays en développement font appel à la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire internationales ou d’autres bailleurs bilatéraux. 

  1. Le citoyen

Enfin, il y a le citoyen. Le citoyen est l’objectif ultime du partenariat public privé. Il bénéficie des biens et des services fournis par le secteur privé. Mais une question se pose : le citoyen ou la population en général, n’est-elle que le consommateur des services et des biens produits par le secteur privé ? Quel rôle joue-t-il dans le partenariat ? Bien qu’il soit bénéficiaire des biens et services fournis par le partenariat public-privé, le citoyen-consommateur joue un double rôle. Tout d’abord il joue un rôle politique.Il élit les dirigeants qui structurent l’autorité publique et lui confie un mandat de gestion de la gestion publique. Il est la source de légitimité de tout projet de partenariat. Deuxièmement, le citoyen joue aussi un rôle économique. Comme agent économique, la satisfaction des citoyens est l’objectif principale de tout partenariat. Cette satisfaction est en même temps une sanction morale du PPP en cas de réussite. L’appréciation des biens et services dans le cadre des PPP a une valeur éthique. Comme utilisateur-payeur des taxes, le citoyen contribue directement ou indirectement au financement de tout partenariat. Il est le bénéficiaire ultime des biens et des services qui sont produits par le partenariat (Aubert & Patry, 2004, p.9).

  1. Derrière le concept de PPP : des théoriesélaborées

Les PPP ne sont pas le fruit du hasard.  Ils ont été inspirés par des théories bien étudiées, bien élaborées et bien développées. Nous soulignerons ici quatre plus saillantes.

  1. La théorie de la nouvelle gestion public (New Public Management, NPM)

Selon Hachimi Sanni Yaya (2005, p.5), le New Public Management (NPM) ou le Nouvelle Gestion Publique (NGP)[1] est une des théories supposées avoir précédé et précipité de façon implicite les partenariats publics –privé. Le NPM est né de la nécessité de réduire les dépenses publiques, de compenser l’inefficience et le déficit managérial qui caractérisait les entreprises publiques. Dans les années de la naissance de NPM dans les années 1980, l’administration publique était sévèrement critiquée pour son dysfonctionnement. Ainsi, le NPM visait la performance, l’efficacité, l’atteinte des objectifs, la transparence dans la gestion et plus de responsabilité l’imputabilité dans la gestion des organisations publiques. Ainsi, pour insuffler l’esprit d’entreprise dans l’approvisionnement des biens et des services de l’Etat, il était suggéré de transférer les responsabilités autrefois assumées par l'État vers des acteurs du secteur privé, que ce soit sous forme de ventes totales ou partielles d'actifs publics, de contrats visant la délégation de tâches ou encore de partenariats redéfinissant les responsabilités de l'État et des acteurs privés.

Ainsi, selon Bernrath, le NPM désigne un ensemble d’éléments novateurs dans la gestion des administrations publiques. Tous ces éléments constituent une tendance d’évolution du secteur public, caractérisé par une approche de gestion au détriment de l’approche juridique, une volonté d’axer la gestion sur les résultats, l’introduction d’éléments de compétition, de performance, de réduction des coûts et l’amélioration de la qualité(Bernrath, 1998).

Mais, le grand objectif du NPM était de moderniser l’Etat, le réinventer, moderniser les services publics, améliorer la gestion des organisations publiques jusqu’à la réforme de l’Etat, instaurer des contrats de performance, responsabiliser et autonomiser, etc (Yaya, 2005, p.6). C’est dans ce cadre que s’inscrivent et que se comprennent les contrats de PPP.

  1.  La théorie des coûts de transaction

La deuxième théorie des PPP est celle des coûts de transactions est enracinée dans les réflexions des chercheurs comme Robert (1922) et Coase (1937/1987) qui ont développé l’économie de l’entreprise ou l’économie institutionnelle. Selon Robert, la vie économique cache des « ilots de pouvoir conscient dans un océan de la coopération inconsciente. Dans le domaine économique, la coopération entre deux agents économiques se fait de façon inconsciente via le système de prix. La coordination à l’intérieur de l’entreprise est faite de manière consciente par l’autorité de l’entrepreneur (Marty, Voisin & Trosa, 2006, p. 7).

Selon Coase, le recourt au marché entraîne des coûts qui sont constitués de coûts de découverte de prix adéquats, de coûts de négociation et de conclusion de contrats séparés pour chaque transaction. Les entreprises existent parce qu’elles permettent de réduire les coûts de transactions. Bien sûr, il n’est pas toujours évident comment les entreprises privées à la recherche des profits toujours plus grands peuvent réellement réduire les coûts de transactions dont elles pourraient aussi bénéficier. Laissant cette question dans sa matrice, nous nous préoccupons surtout du lien entre cette théorie des coûts de transactions et les PPP.

Selon l’analyse économique des coûts de transactions, les organisations publiques sont inefficientes parce qu’elles ne sont pas capables de minimiser les coûts de transactions (information, négociation, l’exécution des contrats, etc). Contrairement aux organisations publiques, les entreprises privées (avec des pouvoirs de management, de contrôle et de propriété) disposent des structures adaptées, où un nombre limité d’agents prennent les décisions stratégiques importantes qui engagent l’avenir de l’organisation et contrôlent ses grandes fonctions (financière, comptable, commerciale, marketing, ressources humaines, etc.), ce qui les aide à minimiser leurs coûts de transaction engendrés par des échanges sur le marché et à réaliser ainsi des économies d’échelles importantes. Selon la théorie des coûts de transactions, au sein des organisations publiques, la rigidité des structures, le processus de prise de décision et les cercles vicieux bureaucratiques imposent une délégation des pouvoirs, ce qui engendre, en raison notamment de l’imperfection de l’information et des comportements opportunistes des agents, des structures onéreuses et des mesures coûteuses de surveillance(Yaya, 2005). D’où la nécessité d’associer ou de coopérer avec les entreprises privées. Ainsi revient la question la capitalisation sur le profit plus grand, est-ce que ces coûts de transaction supposés être minimisés ne pourraient pas être récupérés ailleurs par l’entreprise au détriment de l’intérêt public, et donc, à l’avantage du partenaire privé ?

  1. La théorie des choix publics

La théorie des choix publics est une théorie qui a été élaborée par des économistes comme Buchanan et Tollison (1972). Selon cette théorie, l’inefficience des entreprises publiques serait due notamment aux groupes d’intérêts et aux jeux politiques qui caractérisent les administrations publiques. Les gens supposés prendre les décisions publiques, notamment les administrateurs d’entreprises publiques, les politiciens et les décideurs à différents niveaux, le font non pas en privilégiant les intérêts de la société dans son ensemble, comme l’affirme le discours officiel de l’Etat, mais plutôt leurs intérêts propres comme c'est le cas pour tout autre individu dans les contextes de la vie privée. La théorie du choix public est une critique du système où l’État en réalité, n’entretient que le mythe de l’engagement et du dévouement envers l’intérêt général et la chose publique. Elle oppose l’État au marché, le marché étant considéré comme un mécanisme d’allocation efficiente des ressources. Aussi propose-t-elle de rendre minimale l’intervention de l’État dans l’économie.

Dans la Théorie du Choix Public, l’État est perçu comme ce qui échappe au marché, c’est-à-dire à la sanction du consommateur. Plus d’État signifie donc nécessairement moins de marché. Dans cette perspective l’inefficience des entreprises publiques tient exclusivement à la motivation des hommes politiques et des dirigeants, reprochés de ne point œuvrer dans l’intérêt général. L’intérêt propre, le goût du prestige, la quête du pouvoir seraient davantage leur but. Les hommes politiques sont des entrepreneurs de la production de services collectifs. Ils seraient « guidés par leur propre intérêt et cherchent à maximiser leurs avantages personnels».

C’est dans ce cadre que l’intervention du secteur privé est proposée pour la production des biens et des services à la collectivité.

  1.  Théorie de l’agence

La théorie de l’agence est une théorie qui essaye d’expliquer pourquoi les gouvernements ont recours aux partenariats public-privé. Elle essaye de décrire les relations entre les principaux acteurs d’une entreprise et leur mandataire dans un contexte d’asymétrie d’information. Selon la théorie de l’agent, les divergences d’intérêts et l’asymétrie d’information existant entre ces deux acteurs, le mandat et le mandataire engendre souvent des coûts (coût d’agence) comme ceux liés aux dépenses de surveillance et d’incitation et aux assurances.

Dans les organisations publiques, les gestionnaires jouent un rôle qui leur a été mandaté par l’Etat considéré comme le propriétaire et l’actionnaire principal de l’entreprise publique. Puisque ce sont les gestionnaires qui y prennent des décisions pertinentes, ce dernier n’a pas le contrôle de l’entreprise. Dans cette relation, les intérêts du mandataire (les gestionnaires) et ceux du mandat (l’Etat) ne concordent pas. Cela engendre des coûts de surveillance destinés à surveiller le comportement du mandataire. Par exemple, les coûts engendrés dans la vérification comptable et le coût l’établissement des états financiers. Les pertes engendrées par ces coûts sont supportées par l’Etat et causées par des gestionnaires publics qui agissent dans leurs propres intérêts.

Ainsi le recours au secteur privé dans les ententes contractuelles de partenariats public-privé constitue une approche qui permet à l’Etat de minimiser ses coûts d’agence.

  1. Quelle conclusion pour quelle implication ? L’éthique au-delà de la performance et de l’efficacité

Sur base d’une expérience, nous avons défini les PPP, ses différentes formes ainsi que les théories qui leur sont servies de pierres d’attentes fondamentales. Chemin faisant, nous avons vue qu’à l’origine, le PPP évolue sur une plateforme où le secteur privé critique l’Etat dans l’approvisionnement des biens et des services publics. Le Tout-Etat est inefficace et faible dans la vertu de la performance et l’efficience. D’autre part, le secteur privé lui-même n’est pas saint dans le ciel du développement et de l’économie. La recherche du profit toujours plus grand, et à tout prix ainsi que la tendance à se laisser patroniser par la politique dans les pays en développement ou, plus précisément pays pauvres comme le Burundi, la tendance à éviter intelligemment de souscrire au Pacte Mondial de l’ONU (UN Global Compact) et d’autres instruments de régulation et de contrôle régional ou international font que le secteur privé n’est pas facilement innocenté lorsqu’il traduit au tribunal de l’éthique des affaires et de la responsabilité sociale des entreprises.

Ainsi, pour s’éloigner des accusations mutuelles de type compétition, il faut envisager le PPP en termes de coopération. Dans cette coopération, les deux partenaires doivent se soumettre aux règles de jeu de l’éthique qui va au-delà la performance et de l’efficacité. Sur cette plateforme, le citoyen n’est pas juste un consommateur, mais un juge du côté de l’éthique. En deuxième lieu, il faut intérioriser la distinction entre les biens publics et les biens privés, la richesse publique et la richesse privée. Il s’agit de distinguer pour unir. Pas de richesse publique sans richesse privée. Les deux sont complémentaires.

 

 


[1]Pour en savoir plus sur la New Public Management ou la Nouvelle Gestion Publique nous renvoyons le lecteur au dernier article de ce volume, « Budget programme ou budget axé sur les résultats au Burundi: évolution ou révolution dans la politique de budgétisation ? »

Référence Bibliographique: 

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