BONNE GOUVERNANCE ET DEVELOPPEMENT AU BURUNDI : REALITES ET PERSPECTIVES

Abstract: 

 

Abstract: The purpose of this paper is to analyse how Burundi is translating into public policy the ethics of good governance as a new paradigm of development. The political and economic crises of the 1980s in Africa have been interpreted as crises of governance. Thus, the Breton Wood Institutions, their technical advisers and donors suggested African leaders to establish profound political reforms geared to the state (re)building. The democratisation of institutions and criteria for good governance such as transparency, the rule of law, responsibility and accountability became the conditions to obtain aid. Twenty years later, the democratic learning has continued and the will to translate the ethics of good governance in public policy are real, both for the government and other actors (the civil society and the private sector). The policy documents and the development planning (Strategic Framework for Poverty Reduction, Burundi Vision 2025, National Strategy for Good Governance and Fight against Corruption) are perceived as conditions for the development of Burundi and a social and political road to rooting this ethics. However, the paper claims that these intentions do not reflect the reality on the ground. As a result, the flow of aid to development and the economic take-off are hardly visible. Therefore, poverty keeps growing in the population due to the fact that the translation of the ethics of good governance on the ground does materialise in Burundi.

  1. Introduction

Le Burundi indépendant à l’instar de la plupart des Etats africains est passé par des trajectoires politiques diversifiées et parfois contradictoires. Si, au lendemain des indépendances jusqu’en 1966, le Burundi pouvait se targuer d’être une monarchie constitutionnelle, l’instauration du parti unique la même année a fait basculer le Burundi vers l’autoritarisme. C’est grâce au vent de démocratisation survenu en Afrique vers le début des années 90 que le multipartisme fut réinstauré en mars 1992. En effet, les années 1990 furent marquées politiquement par la fin de l’ordre mondial bipolaire issu de la Seconde mondiale. Cette situation de divergence idéologique entre les superpuissances et leurs satellites était instrumentalisée par certains dirigeants africains dont le Burundi qui « mettaient en place des régimes autoritaires et mêmes dictatoriaux considérés comme une condition du développement » (Barumwete, 2010 : 2). Jusque dans les années 1970 et un peu au – delà, une dose de dictature était considérée par certains comme un préalable au développement du Tiers – monde (Etienne, 2007 :891). Le changement de cap opéré dans les années 1980 secoua les régimes autoritaires de l’Europe de l’Est. Ce vent démocratique toucha également l’Afrique à cause des pressions de ses principaux bailleurs de fonds. La plupart des pays africains dont le Burundi se sont alignés sans « conviction » sur les nouvelles conditionnalités de l’aide en mettant en place une démocratie de « complaisance ».

En mars 1992, le peuple burundais adopta par référendum une constitution libérale qui reconnaissait le multipartisme, la liberté de la presse, la liberté syndicale et associative et par conséquent ouvrait la compétition politique aux partis politiques. Toutefois cette compétition politique conduisit le Burundi à ce que Papa Oumar SAKHO appelle l’instrumentalisation de l’ethnie. Ainsi au Burundi, ce multipartisme a conduit à des « dérives fractionnistes ou, à tout le moins, à une remise en cause de la cohésion sociale » (SAKHO, 2009 : 57). Le processus démocratique fut donc un échec au Burundi puisque malgré l’organisation des élections législatives et présidentielle qualifiées d’exemplaires par les observateurs, ces élections avaient cristallisé le phénomène identitaire et réveillé la haine ethnique pendant et après les élections. L’assassinat du premier président hutu élu démocratiquement en octobre 1993 offrit un prétexte aux extrémistes de tous bords (hutu et tutsi) de plonger le pays dans plus d’une décennie de guerre civile.

Malgré ces années sombres de notre histoire, les Burundais ont pu organiser des pourparlers de paix entre eux à Arusha ayant débouché sur l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation en août 2000. Grâce à cet Accord, les Burundais se sont convenus les institutions, les valeurs, les normes qui allaient désormais garantir la paix, la réconciliation et le développement au Burundi.

Alors que le Burundi continue de faire partie des pays les plus pauvres du monde, cet article portant sur la bonne gouvernance et le développement au Burundi essaie d’interroger les principes qui devraient guider le système politique burundais en vue d’asseoir le développement au Burundi.

Cet article aborde ce thème sous l’angle de la consolidation de l’éthique politique au Burundi. En effet, les autorités politiques sont généralement mandatées pour s’occuper de l’intérêt général de leurs pays ou collectivités territoriales. Quels sont les comportements qu’ils devraient adopter, quels principes qui devraient les guider – dans un pays pauvre et post – conflit comme le Burundi – afin de permettre à la population burundaise de sortir finalement du sousdéveloppement en parvenant à satisfaire au mieux ses besoins ? Que faire pour la mise en place d’un régime politique capable de garantir la liberté à chaque homme ? Comment estce les pouvoirs publics burundais devraient contribuer à la construction progressive d’une société meilleure ?

Pour mener notre réflexion, nous avons jugé bon de rappeler le contexte politique et économique qui a vu l’émergence et l’adoption conditionnée de cette éthique de la bonne gouvernance aux pays africains. Nous allons ensuite montrer l’enjeu principal de l’adoption de cette nouvelle éthique en Afrique, c’està – dire la refondation des Etats en crise. Nous allons également analyser comment les bailleurs de fonds des Afriques perçoivent la bonne gouvernance à la fois comme une nouvelle éthique politique, mais aussi comme une pré – condition du développement. Enfin, nous ferons un état des lieux de l’appropriation de cette nouvelle éthique gouvernementale et de ses effets sur le développement au Burundi.

  1. Historicité de l’adoption de la bonne gouvernance en Afrique

La notion de bonne gouvernance a émergé après un contexte de crise économique et politique dans les années 70. En effet, l’Afrique était caractérisée par l’absence de performances économiques et cette situation était interprétée par la Banque mondiale comme une crise dans la gouvernance. Mais cette notion sera surtout diffusée après la dislocation des blocs issus de la guerre froide qui aurait facilité le triomphe d’une seule pensée économique libérale dans le monde entier.

 

    1. Contexte d’adoption de la bonne gouvernance en Afrique

A la fin des années 70, les institutions de Bretton – Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) ont mis en évidence, dans leurs rapports officiels, l’échec des projets de développement qu’elles finançaient depuis longtemps en Afrique noire (Assogba, 1996 :59). Dans ces rapports, elles ont critiqué « les formes de gestion économiques antérieures, fondées sur des stratégies de développement national qui protégeaient les intérêts locaux contre la concurrence étrangère » (Petiteville, 1998 :110) et par conséquent, elles se montraient plus volontaristes à « pratiquer une politique plus interventionniste à l’encontre des gouvernements récalcitrants et prédateurs qui étaient passés maîtres dans l’art de l’évasion et de la manipulation diplomatique lorsque l’on voulait les convaincre des bénéfices de l’économie de marché » (Willame, 1993 :114)

 

Ces échecs répétés des Programmes d’Aajustement Structurel dans la plupart des pays africains étaient mis au compte « des Etats et d’administrations inconsistants ou corrompus » (Osmont, 1995 :257). C’est pourquoi, en 1989, la Banque mondiale a identifié la crise du continent africain comme une crise de « gouvernance » caractérisée par, selon HYDEN, des défauts jugés comme facteurs de la mauvaise politique : « la personnalisation du pouvoir ; les fréquences violations des droits de l’homme ; l’incapacité des autorités centrales à déléguer le pouvoir ; la tendance des individus à prendre leurs distances vis-à-vis de la politique » (Hyden, 1992 :33). Face à cette crise économique et politique du continent africain, Alice SINDZINGRE expliquait que le développement de l’Afrique émergerait de l’amélioration des régimes de gouvernement. (Sindzingre, 1995 :440).

Dans ces conditions, il devenait de plus en plus clair qu’en Afrique, l’économie libérale devrait rimer avec un régime démocratique. Dans les années 80, la plupart des bailleurs de fonds du continent africain ont adhéré à cette vision des institutions de Bretton – Woods. Déjà, en avril 1985, lors de la signature de la Convention de Lomé III entre les pays ACP et la Commission européenne, la démocratie et l’Etat de droit étaient posés comme une conditionnalité (Frisch, 1998 : 55 – 56). Bien plus, dans l’Accord de Cotonou (Accord qui a remplacé les Accords de Lomé) de juin 2000 entre l’Union européenne et les pays ACP, le respect des droits de l’Homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit sont des « éléments essentiels » de l’Accord (article 9 §2) dont la violation peut entraîner des sanctions (Haguenau – Moisard et Mantalieu, 2004/4 :80).

 

Depuis donc les années 80, les principes des conventions de coopération entre l’Afrique et ses bailleurs bilatéraux et multilatéraux relèvent d’un même paradigme, celui de la bonne gouvernance. Cette communauté de vue est également partagée par les pays riches regroupés au sein du G8. En effet, ces pays, réunis en juin 2002 à Kananaskis, ont annoncé qu’ils allaient concentrer leur appui « sur les pays qui se montreront attachés politiquement et financièrement à la bonne gouvernance  et à la primauté du droit, qui investiront dans leur capital et qui poursuivront des politiques propres à stimuler la croissance et à réduire la pauvreté » (Hermet, 2004 : 166).

 

De manière générale, aux yeux des Institutions financières internationales (IFI), le redressement de l’Afrique subsaharienne devrait déboucher sur la mise en place, pour le développement, d’un cadre politico – administratif adéquat. Pour elles,

 

Le redressement de la situation en Afrique implique une redéfinition des relations entre bailleurs de fonds et gouvernements. Plus spécifiquement, l’assistance technique devra être réorientée et mieux gérée afin de donner la priorité au renforcement institutionnel, « capacity building » (Campbell 1997 :79 – 80).

On voit que la réforme institutionnelle était considérée comme une pré – condition pour garantir le succès des réformes économiques. Par ailleurs, l’exigence de ces réformes institutionnelles envers des régimes militaires souvent à parti unique était rendue favorable et même légitime par la chute en cascades des régimes autoritaires en Europe centrale et orientale dont le plus emblématique est celui de Ceausescu en Roumanie. On peut affirmer que la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 a symbolisé la fin du régime totalitaire communiste en Union soviétique et en Europe centrale et orientale mais également que le spectacle de sa démolition était l’expression de l’euphorie de la réforme politique en Europe comme ailleurs. Par ailleurs, au cours des années 90, l’Afrique elle – même était le théâtre des changements importants dont la libération de Nelson Mandela en février 1990 suivie de la fin du régime d’apartheid.

 

En définitive, c’est dans ce contexte où l’ajustement politique est associé à l’ajustement économique qu’il y a eu l’émergence du paradigme de la bonne gouvernance très particulier à l’Afrique postcoloniale afin de « corriger les distorsions de son économie et, de ce fait, créer un climat propice à la relance de sa croissance » (Gervais 1997 :123).

 

  1. L’enjeu de l’adoption conditionnée de la bonne gouvernance en Afrique : la refondation de l’Etat

D’après Gilbert Etienne, dans les années 1950 et au – delà, les experts occidentaux jugeaient que leurs partenaires (l’Afrique y compris) n’étaient « pas mûrs » pour la démocratie d’où alors l’idée qu’il leur fallait « une bonne dictature » (Etienne 2007: 891 – 892). Mais à partir des années 1970, il y eut changement de cap au sein des IFI. La fameuse « dose de dictature » n’était plus perçue comme nécessaire pour le développement mais plutôt considérée comme son obstacle majeur. Amartya Sen fut le premier à démontrer le lien entre la liberté et le développement. Pour lui, il y avait « peu d’évidences qui démontrent que les gouvernements autoritaires sont vraiment bénéfiques et encouragent le développement» (Sen, 1999) Désormais, il était presque convenu que le développement était ou serait le produit « de progrès marquants sur le front des valeurs politiques et humaines» (Severino, 2001 : 78)

 

Cette nouvelle éthique du développement a produit ses propres chantres notamment au sein des IFI. Ces derniers sont assimilés aux nouveaux catéchistes de l’économie libérale. Leur mission serait de sauver les Etats surtout africains parfois qualifiés d’« effondrés » (collapsed states), de « faillis », de « fragiles », de « déstructurés », etc. Selon Philippe HUGON, les pays du Sud constituent pour les plus marginaux d’entre eux, « des Etats faillis ou des « zones grises », Etats non normalisés, non insérés dans les règles internationales et les bonnes pratiques» (Hugon, 2005/3 : 91). Ainsi, après les vrais missionnaires qui aspiraient à sauver les âmes des pauvres africains et asiatiques au XIXème siècle, les nouveaux missionnaires d’Occident veulent « les convertir à la démocratie, à la bonne gouvernance, à l’essor des communautés locales, et lutter contre la pauvreté […]» (Etienne, 2007 : 891)

 

C’est pourquoi, les prédications des IFI et d’autres bailleurs en matière de bonne gouvernance devraient être analysées dans cette seule perspective de refondation des Etats africains. Nous pouvons donc affirmer que l’adoption ou l’imposition de la bonne gouvernance en Afrique via des reformes politiques conditionnes par les IFI et s’inspirant de ce nouveau catéchisme recouvre un projet de redéfinition du statut de l’Etat d’inspiration libérale. Cette nouvelle idéologie de la bonne gouvernance vise à alimenter une série de réformes des institutions étatiques dans les pays en développement conformes aux nouvelles règles du jeu international dans lequel les Etats sont placés dans un contexte d’interdépendance élargie qui devait les contraindre de redéfinir leurs principes d’organisation et d’action.

 

 

 

 

 

 

  1. La bonne gouvernance : nouvelle éthique politique et paradigme du développement

 

    1. La bonne gouvernance : nouvelle éthique politique

Cette nouvelle éthique publique pour le développement a surtout été élaborée au sein des institutions financières du développement (Institutions de Bretton Woods). Celles – ci attribuaient au concept de bonne gouvernance des caractéristiques en rapport avec l’efficience

 

telles que la rigueur budgétaire, les politiques axées sur le marché, la réduction du champ d’intervention de l’Etat et la privatisation, de même qu’avec la démocratie comme l’obligation redditionnelle (accountability), la transparence, l’équité, la justice, la promotion de l’Etat de droit, les droits civiques et socio-économiques et la décentralisation (Akazancigil 1998 : 74).

 

Cette éthique a été élaboré dans les années 90 au moment où les pays en voie de développement faisaient face aux échecs répétés des programmes d’ajustement structurels d’inspiration néo – libérale initiés dans ces pays au début des années 80 mais aussi au moment où les IFI incriminaient le cadre politico – institutionnel défaillant de ces pays. Les IFI ont dû alors tirer la leçon suivante : la réussite des projets économiques exige un minimum de légitimité et d’efficacité de la part d’institutions politiques.

 

Dans cette optique, désormais, la politique venait d’être considérée comme pouvant être un obstacle au bon fonctionnement du marché et à la progression du libéralisme. Toutefois, le statut des IFI leur interdisait d’intervenir expressément dans le champ politique. C’est ainsi que pour pouvoir agir sur des questions hors de leur compétence mais ayant de fortes incidences sur l’efficacité des programmes de prêt, ces IFI ont fait appel à cette notion de bonne gouvernance. Celle – ci présentait l’avantage d’énoncer en termes techniques des problèmes fondamentalement politiques et par conséquent d’éviter de parler ouvertement de « réforme de l’Etat » ou de « changement social et politique » sinon elles auraient été critiquées et soupçonnées « d’outrepasser leurs compétences statutaires en intervenant dans les affaires politiques intérieures d’Etats souverains » (De Alcantara, 1998 : 112). Ces institutions financières internationales ont ainsi trouvé malignement un alibi en vue d’échapper aux critiques des gouvernements qui n’aiment pas que «  des prêteurs leur donnent des leçons sur des points sensibles de politique intérieure et d’administration » (De Alcantara, 1998 :112). Elles utilisent la notion de bonne gouvernance de manière prescriptive « pour désigner les institutions et les pratiques politiques qui seraient en théorie nécessaires au développement de l’Afrique » (De Senarclens, 1998 :96).

 

De manière générale, cette notion renvoie à « l’existence présumée d’un consensus sur les processus de bonne gouvernance proposés comme universellement valables et devant servir de modèle de référence » (Campbell, 2001 : 120) C’est ici où la bonne gouvernance est présentée comme une nouvelle éthique politique. En effet, pour la Banque mondiale, il existe un certain nombre de conditions, de principes ou normes pour rendre effective la bonne gouvernance. Celle – ci implique que « la sécurité des citoyens soit assurée et le respect de la loi garanti, notamment par l’indépendance des magistrats (Etat de droit) ; les organismes publics gèrent de façon correcte et équitable les dépenses publiques (bonne administration) ; les dirigeants politiques rendent compte de leurs actions devant la population (responsabilité et imputabilité (accountability)) et que l’information soit disponible et accessible facilement à chaque citoyen (transparence) » (Chevallier, 2003 : 213).

 

On voit qu’à travers ces principes, la bonne gouvernance trouve ses racines dans un ensemble de règles de morale publique et que, par conséquent, elle traite de l’éthique du gouvernement. Ainsi, la vie publique doit être « moralisée » et les autorités politiques devraient être responsables de leurs actes devant les citoyens et engager une lutte acharnée contre la corruption. Désormais, la moralisation de la vie publique devient une conditionnalité de l’aide :

 

Les Etats occidentaux, les organisations économiques conditionnent leurs interventions, leurs aides à la mise en œuvre par les bénéficiaires de pratiques de bonne gouvernance : protection des droits de l’homme, cadre législatif stable et respectueux des droits des entreprises, transparence financière, acceptation de surveillances internationales (Defarges 2001 : 168).

 

Par ailleurs, la notion de bonne gouvernance vise le renforcement de la démocratie, c’est – à – dire en quelque sorte réduire le rôle de l’Etat et renforcer celui de la société civile et des acteurs privés. En effet, l’approche des IFI et des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux des pays en voie de développement (PVD) se situe, selon Bonnie CAMPBELL « dans une tradition très précise : celle d’une vision minimaliste et même méfiante concernant l’intervention de l’Etat » (Campbell, 2001 : 123). Concrètement, il s’agit de limiter les prérogatives de l’Etat et de renforcer les acteurs de la société civile. Avec la notion de bonne gouvernance, le rôle de l’Etat est d’assurer le fonctionnement efficace du marché, la protection de la propriété privée, la sécurisation des investissements et la mise en place des mesures correctives lorsque le marché est défaillant.

 

Selon Philippe Moreau DESFARGES, la mission prioritaire de l’Etat serait « d’insérer le mieux possible la population dont il a la charge dans la compétition économique internationale » (Defarges, 2001 : 168) bien que l’Etat garde les prérogatives de fournir des services publics tels que l’éducation, la santé et les infrastructures de base. En clair, les institutions de Bretton – Woods opposent l’Etat à la société civile et laissent entendre que l’affaiblissement de l’Etat est nécessaire à l’émergence d’une société civile capable de jouer un rôle important dans la réforme des institutions politiques. La privatisation et la décentralisation sont censées renforcer l’esprit d’initiative des populations, leur autonomie et leur participation au développement de leur pays. Par conséquent, les réformes institutionnelles préconisées dans le cadre de cette nouvelle éthique politique sont non seulement associées à la bonne gouvernance mais aussi à la défense de et à la progression de la démocratie dans les pays emprunteurs. En définitive, la notion de bonne gouvernance est liée, selon Marie Claude SMOUTS, à ce que « les grands organismes de financement en ont fait : un outil idéologique pour une politique de l’Etat minimum » (Smouts, 1998 : 88).

 

  1. La bonne gouvernance : nouveau paradigme du développement

Le développement a été pendant longtemps considéré comme le résultat des facteurs de production tels que le travail, les ressources du sol et du sous-sol et le capital. Le développement était ainsi considéré comme synonyme de croissance économique et celle – ci était jugée comme indispensable pour permettre la satisfaction des besoins essentiels de chaque être humain.

Dans les années 70, grâce aux institutions internationales comme la Banque mondiale et le Bureau international du travail (BIT), le développement rimait avec la satisfaction des besoins jugés comme fondamentaux (alimentation, habillement, santé, éducation, eau potable, logement décent, etc.). Ce n’est qu’en 1990 que le développement est devenu humain puis durable. Désormais, la croissance économique devait avoir à la fois un impact réel sur la vie des personnes et une finalité à savoir le développement humain. Ce fut donc un changement de cap dans la vision du développement. Le développement humain n’était plus la réintégration des économies du Sud dans le marché international mais plutôt, selon le PNUD, l’élargissement de la gamme « des choix offerts à la population qui permettent à rendre le développement plus démocratique et plus participatif». (Azoulay, 2002 : 30)

 

Ces choix doivent comprendre entre autres les possibilités d’accès aux revenus, à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé et à un environnement propre ne présentant pas de danger. Bien plus, l’individu doit avoir aussi la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et de jouir des libertés économiques et politiques. Globalement, le développement humain se réfère à la théorie des besoins essentiels. En effet, l’objet du développement reste la satisfaction des besoins essentiels et comme condition de l’épanouissement des individus.

Toutefois, La conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, qui s’est tenue à Rio (Brésil) en 1992 et le Sommet mondial sur le développement social à Copenhague en 1995 ont mis en évidence le fait que les préoccupations environnementales et sociales sont indissociables du développement humain. Ainsi le paradigme du développement durable a introduit une nouvelle vision, écologiste et environnementaliste, qui insiste sur le nécessaire respect des ressources limitées et non renouvelables de la planète. Désormais, la nouvelle conception du développement est, selon Louis Michel, « une extension du mode de développement des sociétés occidentales fondé sur les principes de démocratie et de gouvernance, de cohésion sociale et d’économie de marché» (Michel, 2008 : 8). Le lien entre la bonne gouvernance et le développement est devenu très fort, le premier générant le second alors que dans les années 60, c’était plutôt le développement économique qui donnait naissance à la démocratie.

Nous observons ainsi que depuis les années 1990, un nouveau discours consensuel sur le développement [disons une nouvelle éthique du développement] a vu le jour et il place les droits de l’homme et de la démocratie au cœur du développement et des stratégies de réduction de la pauvreté.

 

Depuis la conférence internationale sur le financement du développement tenue en 2002 à Monterrey, un nouveau consensus s’est dégagé pour faire face à l’échec de la lutte contre la pauvreté. Il met en avant l’articulation des dimensions sociale, politique et environnementale. Selon Benoît PREVOST, l’essentiel des préoccupations au niveau des institutions financières internationales est le lien entre « la pauvreté et la défense des droits de l’homme» (Prevost 2005 : 478). Dans cette nouvelle perspective du développement, les pauvres doivent participer au processus de développement tandis que les Etats doivent déployer des politiques visant à mettre en place un environnement au sein duquel les plus démunis peuvent protéger, entretenir et améliorer leurs conditions d’existence.

 

Nous constatons qu’avec cette nouvelle éthique, les droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance sont nécessairement complémentaires. Cela est d’autant plus vrai que la perception des pauvres a évolué. Les pauvres sont vus comme des hommes sans pouvoir. Les pouvoirs publics devraient leur en donner et renforcer leurs capacités dans les nouvelles stratégies de développement.

 

Selon la Banque mondiale, le renforcement des pauvres passe par quatre éléments clés : l’accès à l’information ; l’inclusion et la participation ; la responsabilité et la capacité organisationnelle locale. La notion de renforcement est aussi assimilée à la participation, une façon d’insister sur la responsabilité des pauvres dans leur développement. Leur implication est à situer à la fois dans l’élaboration et la conduite des politiques publiques. D’où l’émergence du concept de l’empowerment, c’est – à – dire d’

 

une capacité à influencer et à diriger sa propre vie par la possibilité d’un plus grand accès et d’un contrôle sur les ressources nécessaires à sa propre reproduction. Cela signifie la possibilité de disposer d’un pouvoir au plan politique, culturel et institutionnel (Azoulay 2002 : 41).

 

L’empowerment engloberait donc les processus politiques et administratifs actuels liés à la décentralisation et à la gouvernance locale dans lesquels les populations prennent le contrôle des structures locales et régionales au travers des processus électoraux. Par ailleurs, pour les sortir de la pauvreté, les peuples doivent être associés à leur développement. C’est donc un virage procédural au niveau des institutions financières internationales et une correction des PAS qui avaient été élaborés et conçus sans tenir compte des diversités nationales. Aujourd’hui, il y aurait donc la redécouverte du rôle des institutions dans les processus économiques.

 

Cette redécouverte est traduite par le concept de gouvernance insistant sur une approche de l’action collective. En effet, selon P. De Bruyne et O. Nkulu Kabanda, la gouvernance englobe « les initiatives des acteurs politiques à tous les niveaux et l’ensemble des structures institutionnelles mises en place pour promouvoir l’intérêt collectif » (De Brune et Nkulu Kabamba, 2001 : 9) ; c'est-à-dire l’Etat, la société civile et le secteur privé. Elle serait présentée comme la meilleure voie pour remédier à la crise puisqu’elle allie la dimension politique et économique. Elle nous permet également de saisir, dans le cadre du développement, la capacité des gouvernants à gérer efficacement les ressources et à formuler et appliquer de saines politiques et règlementations. La bonne gouvernance consiste aussi à mettre en œuvre les bonnes politiques macroéconomiques qui doivent être à la fois comprises et admises des populations mais aussi à la mise en place des mesures favorables aux plus démunis comme par exemple celles favorisant l’accès aux services publics essentiels.

 

La nouvelle éthique politique transformerait alors les politiques et stratégies de développement avant tout en un ensemble de valeurs telles que

 

Le respect de droits humains, les libertés fondamentales, la paix, la démocratie, la bonne gouvernance, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’Etat de droit, la solidarité et la justice que chaque société peut intégrer à ses propres croyances et coutumes et articuler librement pour assurer une satisfaction plus complète des besoins humains et l’exercice des droits humains (Michel 2008 : 8).

 

Aujourd’hui, ces valeurs sont devenues le fondement des partenariats et des politiques qui gouvernent la coopération européenne (Michel, 2008 : 8) et d’autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux, c’est-à-dire les conditionnalités de l’aide publique pour le développement pour les pays en voie de développement.

 

  1. Etat des lieux de l’éthique de la bonne gouvernance et du développement au Burundi

Le Burundi essaie de s’accommoder et de s’aligner sur les conditionnalités politiques internationales tant au niveau de la forme que du fond sans grande conviction. En effet, au vu des résultats de la bonne gouvernance et du développement depuis que le Burundi a commencé cette éthique politique, tous les acteurs aussi bien nationaux qu’internationaux pourraient croire avec raison que l’engagement du gouvernement à s’approprier cette éthique ne serait que de façade.

 

    1. Ethique de la bonne gouvernance au Burundi

 

Le discours sur la bonne gouvernance est apparu au Burundi vers la fin des années 80 à travers certains discours des représentants des organisations internationales et des organisations de la société civile. Toutefois, cette notion sera très présente dans les négociations d’Arusha. A Arusha, les négociateurs burundais ont trouvé que « les problèmes de gouvernance sont liés aux conflits de toutes sortes et au manque de cohésion sociale » (République du Burundi, 2000 : 144). Par ailleurs, ils se sont rendu compte à l’unanimité « d’une forte dégradation de l’éthique de bonne gestion de la chose publique au Burundi ». Pour eux, la meilleure façon de corriger cette situation serait de pratiquer « la transparence dans l'utilisation des ressources publiques, l'équité dans les dépenses publiques, d'assurer la promotion de décideurs qui ne mettent en avant ni l'ethnie ni la région » (République du Burundi, 2000). Ils s’étaient également prononcés sur la réforme de la fonction publique et la mise en place d’une inspection générale de l’Etat. Ils proposaient aussi les voies à suivre pour introduire plus de transparence dans  l’utilisation des ressources publiques notamment les dirigeants et les fonctionnaires devraient rendre compte de la bonne qualité de leur gestion et être appréciés en vertu des performances réellement réalisés et mettre en place une stratégie de lutte contre la corruption reposant sur la réduction des possibilités de se procurer des rentes et sur l'amélioration du système et des moyens de contrôle.

 

Au niveau politique, les négociateurs ont montré que « la fonction du régime politique est d’unir, de rassurer et de réconcilier tous les Burundais, tout en veillant à ce que le Gouvernement puisse être au service du peuple burundais, source de son pouvoir et de son autorité » (République du Burundi, 2000 : 26). Aux yeux des négociateurs, le Gouvernement devrait respecter « la séparation des pouvoirs, la primauté du droit et les principes de bonne gouvernance et de la transparence dans la conduite des affaires publiques » (République du Burundi 2000 : 26).

 

En guise de la mise en œuvre de la volonté des négociateurs d’Arusha, le Gouvernement a déjà manifesté sa volonté d’éradiquer la corruption. Le président de la République a déclaré la « tolérance zéro à la corruption » dans son discours de prise de fonction pour le deuxième mandat le 26 août 2010. En outre, le Gouvernement a ratifié en 2005 la Convention des Nations – Unies contre la corruption et la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la répression de la corruption et des infractions connexes (République du Burundi 2011 :68). En outre, il a adopté en 2006 une loi portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes et il a mis en place certaines institutions chargées de prévenir et de réprimer la corruption entre autres l’Inspection Générale de l’Etat, la Brigade Spéciale Anti – corruption, la Cour et son Parquet Anti – corruption ainsi que la Cour des Comptes.

 

De même, depuis 2001, le Gouvernement s’est doté d’un Ministère à la présidence chargé de la bonne gouvernance et de la privatisation des entreprises publiques. Par ailleurs, sous les pressions des bailleurs de fonds, il a adopté en 2011 la stratégie nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption 2011 – 2015. Enfin, depuis février 2012, le Burundi s’efforce de mettre en œuvre son Cadre stratégique de croissance et de lutte contre la pauvreté – seconde génération (CSLP II) intégrant pleinement la stratégie nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. En effet, l’axe 2 du CSLP II est consacré au renforcement de l’Etat de droit, consolidation de la bonne gouvernance et promotion de l’égalité du genre.

 

On pourrait donc constater qu’au niveau formel tout semble indiquer que la volonté est là mais au niveau des résultats, les inquiétudes sur l’efficacité de tout cet arsenal institutionnel et juridique demeurent.

 

Au – delà de cette architecture institutionnelle et juridique de lutte contre la corruption, l’opinion publique et les bailleurs de fonds du Burundi restent sceptiques sur son efficacité faute de résultats tangibles depuis 2005. En effet, beaucoup de dossiers ont été révélés à l’opinion et à ces institutions par les organisations de la société civile impliquées dans la lutte contre la corruption et les malversations économiques.  Mais jusqu’à ce jour très peu de dossiers auraient trouvé une issue favorable.

 

Par contre l’actualité est émaillée de plusieurs dossiers sentant l’odeur de la corruption entre autres la privatisation de certaines entreprises publiques (Port de Bujumbura), de participation de l’Etat à des capitaux privés, de passation de marchés publics. Certains services publics restent également corrompus entre autres la police, la justice et les services fonciers. Selon le dernier rapport sur la perception de la corruption en Afrique de l’Est co – publié par l’Association des consommateurs burundais (ABUCO) avec Transparency International le 24 octobre 2013, le Burundi est le deuxième pays le plus corrompu dans l’ensemble des pays de la Communauté Est africaine.

 

D’un autre côté, avec la constitution du 18 mars 2005 le Burundi pourrait se targuer d’avoir une constitution d’apparence libérale consacrant le multipartisme et reconnaissant les valeurs et libertés fondamentales comme la liberté de la presse, la liberté d’opinion, la liberté d’association, la liberté de réunion, etc. et faisant entrevoir les possibilités d’une alternance politique. Mais depuis la victoire du CNDD FDD en 2005, on observe la reproduction de certaines pratiques caractéristiques des régimes autoritaires. En effet, depuis 2005, les rapports entre l’Etat et ses partenaires politiques et sociaux sont devenus très tendus (partis politiques de l’opposition, médias et organisations de la société civile) et ne cessent de se détériorer. La peur du retour au monopartisme de fait est perceptible dans l’opinion publique. Après les élections de 2010, l’espace politique s’est rétréci considérablement. Le CNDD – FDD conserve une position de quasi monopole dans la gestion du pays suite au boycott des élections de 2010 et leurs résultats par la majeure partie de l’opposition. La représentation politique à l’Assemblée nationale et au Sénat est fortement dominée par le CNDD FDD avec une majorité écrasante d’environ 4/5 des députés. Sur 106 députés à l’Assemblée nationale, 84 sont du CNDD FDD et les deux autres partis1 se partagent le reste. Cette situation ne fait pas entrevoir la possibilité d’une alternance politique au Burundi pour les élections prévues en 2015.

 

Alors que la bonne gouvernance devrait être caractérisée par la volonté du gouvernement d’associer directement les citoyens aux prises de décision afin d’aboutir à une sorte de « co – production » des choix publics par les élus et les citoyens concernés (Gaudin, 2007 :10), à associer promouvoir la participation aux choix par les concernés, le gouvernement ne montre pas encore qu’il a cette volonté à faire participer et à associer ses partenaires politiques (surtout de l’opposition) et sociaux dans la gestion de la chose publique. Certaines projets de loi régissant certains corps sont adoptés sans que les concernés aient participé et contribué dans leur élaboration (Projet du Gouvernement de révision de la Constitution, projet de loi sur la CNTB

, sur la presse, etc.). Or, les organisations de la société civile, les partis politiques et les médias font tout pour trouver un espace de prise de parole, ce qui débouche souvent sur des tensions entre eux et le gouvernement. Pourtant, l’un des objectifs de la stratégie nationale de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption est celui du « renforcement de la participation des citoyens et de la société civile dans le choix de ses dirigeants et dans la gestion des affaires publiques » (République du Burundi 2011 : 10).

 

  1. Etat des lieux du développement du pays

Le Burundi est classé parmi les pays les plus pauvres du monde et « les 2/3 de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté » (FMI, 2012 : 4). Bien que les autorités se vantent d’avoir un pays aux potentialités élevées en richesses du sous – sol, ses ressources minières déjà identifiées ne sont pas encore exploitées. En effet, l’exploration a montré que « le pays disposait d’importants gisements de cuivre, cobalt, vanadium et surtout de nickel, dont l’exploitation dépend de la réalisation d’importants projets d’infrastructures (transports et énergie) » (CSLPII, 2012 : 15). Entretemps, l’économie reste « très dépendante du secteur agricole qui représente environ 35% du PIB, plus de 90% de l’emploi et plus de 80% de recettes d’exportation » (CSLP II, 2012 : 11).

 

Le dernier rapport sur les objectifs du millénaire pour le Burundi nous donne les statistiques suivantes :

 

La proportion des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté a presque doublé car elle était 67% en 2006 contre 35% en 1990. Le PIB a diminué de 3% en moyenne par an depuis le début de la crise, jusqu’à une baisse cumulée de la production de 30% en 2006. Cette régression du PIB a entrainé une réduction du revenu par tête jusqu’à US $83 en 2004, alors qu’il était de US $214 en 1990. Actuellement, ce niveau est encore loin d’être atteint (République du Burundi et PNUD, 2010 : 10).

 

Bien que la « vision Burundi 2025 » a l’ambition de rayer le Burundi sur la liste des pays les moins avancés d’ici 2025, le chemin à parcourir reste très long et le Burundi risque de ne pas atteindre cet objectif.

 

Ces données macro – économiques montrent les faiblesses de notre pays et par conséquent les limites à la satisfaction des besoins essentiels pour la majorité des Burundais faute de revenu suffisant. Les conditions de vie des populations continuent à se détériorer devant l’attitude du gouvernement à revoir à la hausse régulièrement le prix de certains produits comme le carburant, le sucre, les « produits de luxe » (bière, limonades, tabac, téléphone portable, véhiculés usés, liqueurs), pagnes, etc. Par exemple, en avril 2012, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le ministère de l’agriculture estimaient que « la fréquence moyenne des repas chez les ménages-repères est passée de 1,9 à 1,7 repas par jour entre octobre 2011 et avril 2012. Cependant, 32% des ménages ne prennent au plus qu’un seul repas/jour ». (Programme alimentaire mondial (PAM) et Ministère de l’agriculture et de l’élevage (Minagri), 2012 : 4). Bien plus, ils faisaient remarquer qu’au niveau national, « les dépenses alimentaires atteignent 70% des dépenses globales »(PAM et Minagri, 2012 : 6).

 

Cette situation de paupérisation généralisée de la population a fini par déclencher la première mobilisation au Burundi contre la vie chère en février 2012 organisée par les deux confédérations syndicales à savoir la COSYBU (Confédération des syndicats du Burundi) et la CSB (Confédération des syndicats libres du Burundi (CSB) et une cinquantaine d’organisations de la société civile.

Bien que le Burundi fasse face aux défis importants à son développement (corruption, participation de tous dans la gestion du pays, pauvreté monétaire, faible production agricole, pression démographique, etc.), nous osons espérer que si les Burundais – dans toutes les diversités surtout politiques et sociales - pouvaient appliquer les principes de la bonne gouvernance dans tous les secteurs, nul doute qu’ils en viendraient à bout de ces défis en si peu de temps. Nous sommes convaincus qu’il ne peut y avoir de développement dans un pays donné sans la bonne gouvernance.

 

Aujourd’hui, dans un monde mondialisé, les Etats aux ressources limitées et fortement dépendants de l’aide publique au développement comme le Burundi devraient se conformer à une éthique acceptée par leurs partenaires pour mériter l’aide et attirer les investisseurs. En effet, selon Philippe Moreau Defarges, tout Etat aspirant à la prospérité et au développement comme le Burundi doit

 

se vendre aux touristes, aux investisseurs, aux opérateurs financiers, aux institutions internationales, aux agences de notation. Cet Etat qui veut la prospérité doit offrir des garanties de bonne gouvernance : respect de la propriété privée, transparence des procédures, égalité de traitement entre nationaux et étrangers, libre circulation des capitaux, etc.  (Moreau Defarges 2003).

 

Ils doivent exceller dans l’application de cette nouvelle éthique politique qu’est la bonne gouvernance. Les pays pauvres sont devenus nombreux et la fin du monde bipolaire a fait que les aides sans conditionnalités n’existent plus. Aujourd’hui, les pays, demandeurs de l’aide publique pour le développement, sont presque insérés dans une sorte de compétition internationale pour capter les aides qui s’érodent de plus en plus à cause de la crise financière internationale touchant les partenaires classiques des pays africains. La seule voie de capter ces fonds serait de respecter et d’appliquer la nouvelle éthique politique qui leur est proposée et parfois imposée. Les critères sont clairs et chaque pays est évalué, classé et appuyé en fonction de la concrétisation de ces critères au niveau de chaque pays. En effet, selon Philippe Moreau Defarges, «Les Etats, tels les élèves d’une classe sont constamment jugés et comparés et il n’est pas bon d’être mal noté, d’être accusé de mauvaise gouvernance. Une appréciation sévère fait fuir les investisseurs et suscite la méfiance des organes financiers » (Moreau Defarges, 2003). En quelques mots, l’Etat ayant pour première mission de développer la prospérité de sa propre population doit se vendre à l’image d’une entreprise privée.

 

Conclusion

 

Depuis la fin des années 90, le Burundi semble adhérer aux principes de la bonne gouvernance dans la gestion économique et politique du pays. Il semble ainsi s’accommoder à ses bailleurs de fonds qui ont érigé la bonne gouvernance en conditionnalité de l’octroi de l’aide ou des prêts. Mais l’applicabilité effective des principes de la bonne gouvernance reste peu satisfaisante. La corruption reste endémique et le pays est toujours classé parmi les pays les plus pauvres du monde. Les partis politiques de l’opposition, les médias et les organisations de la société civile se sentent peu considérés et moins impliqués dans la gestion des affaires publiques ; ce qui témoigne d’un niveau encore bas de la bonne gouvernance. En effet, dans la bonne gouvernance, la participation est essentielle. Selon Philippe Moreau Desfarges,

 

Ccomme la démocratie, la gouvernance prend l’homme non comme un matériau à exploiter mais comme une richesse à faire vivre. Dans cet univers, ce qui doit faire avancer l’homme, ce n’est plus le fouet mais son désir d’épanouissement. La participation est essentielle. Dans la démocratie, ce sont le vote, les associations, les médias. Dans la gouvernance, c’est l’engagement dans un projet commun, où chacun doit et peut gagner  (Moreau Desfarges, 2003)

 

 

 

1 Les deux autres partis politiques présents à l’Assemblée nationale sont Union pour le progrès national (ex – parti unique avec 17 députés et le Front pour la démocratie au Burundi – Nyakuri Iragi rya Ndadaye résultant de la scission du FRODEBU avec 5 députés. 

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