« SANTÉ ET DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS » EN AFRIQUE : DÉFIS POUR L’EGLISE

Abstract: 

This article overviews the achievements of Cairo agents in Africa on the issue of sexual and reproductive health for the past twenty years. It aims to assess the scope of actions taken to conciliate the debate on sexual and reproductive health and rights. Indeed, in 1994, the First Synod of Bishops for Africa discerned with authority the specific vocation of the Church in Africa as a family of God. On the other hand, a few months later, the UN Fourth International Conference on Population and Development that took place in Cairo lodged a claim for “global consensus” with “Reproductive health and rights”. In 2014, this theme was irremediably infected with the prospect of the West revolution on sex as a pivotal year for global governance. Forcibly, the Millennium Development Goals (MDGs), the current global governance of the “global development policy” expire at the end of this year. Thus, global governance is now elaborating its post-2015 development policy, which will very likely be applied until 2030. As a result, the transnational agents of reproductive health and rights strive to merge Cairo beyond 2014 and, simultaneously, they seek to take advantage of the convergence. This is a process they are in full control of. Reversibly, the theme of post-2015 is to work under the intergovernmental supervision or, more so, under their influence as it currently stands. This has drawn dramatic implementation of the Cairo plan of action in Africa, to which the international community dedicates Billions of dollars each year, confronts the Church with urgent pastoral challenges. Therefore, theChurch should design a strategic plan of actions in order to face challenges on the issue of sex and reproductive health coupled with the duplicity of global consensus and governance.

1.        La santé et les droits sexuels et reproductifs

 

2014 est une année charnière pour la gouvernance mondiale. Son « cadre de développement » actuel, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMDs), expire à la fin de l’année[1]. Il sera remplacé par un nouveau « programme d’action mondial ». 2014 était aussi la « date-limite » pour l’application du plan d’action de laConférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) du Caire.

 

L’objectif principal du Caire était d’assurer, endéans 2015, un accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs (SDSR). L’expression « santé et droits sexuels et reproductifs » est ambivalente et trompeuse : elle contient un noyau dur radical caché dans un ensemble « holistique » qui comporte également des éléments universellement acceptables. Les composantes radicales des SDSR sont :

 

·                    « accès universel » à la « gamme complète » des contraceptifs, y compris à la « contraception d’urgence » ;

·                    « éducation sexuelle complète », purement technique, non seulement amorale, mais immorale dans son contenu ;

·                    prévention du SIDA à travers une telle « éducation sexuelle » et l’accès aux préservatifs ;

·                    stérilisation, pour autant qu’elle soit volontaire ;

·                    fertilisation in vitro ;

·                    « avortement sans risques », ainsi que le nomme le jargon mondial, il est légal – le raisonnement étant que, pour être « sans risques », il doit être légal : d’où la pression que les agents des SDSR exercent sur les gouvernements africains pour légaliser l’avortement ;

·                    « santé et droits sexuels » : un concept stratégiquement vague pour inclure le droit à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre et le programme d’action du lobby Lesbian Gay Bisexual Transgender (LGBT).

 

Les SDSR forment un tout indissoluble, mélangeant ces objectifs minoritaires, subversifs, contraires au bien de l’Afrique, et des objectifs authentiquement consensuels, tels que le soin obstétrique dont les femmes pauvres ont un besoin vital lorsqu’elles sont enceintes ou lors de l’accouchement; le soin prénatal et post-natal; la santé du nouveau-né ; l’allaitement maternel; le traitement des cancers du système reproductif; le traitement des infections sexuellement transmissibles, y compris le SIDA; la lutte contre la pratique de l’excision.

 

Le holisme des SDSR est stratégique. Il s’agit d’attirer les filles et femmes pauvres à travers ce qui semble répondre à leurs besoins réels dans le but de leur faire accepter, également et surtout, des comportements conformes à la mentalité contraceptive occidentale. La manipulation se fait à travers le « dialogue », la « sensibilisation », la « clarification des valeurs », la « facilitation », les « approches inclusives » et autres techniques d’ingénierie sociale visant à changer la culture de l’intérieur, à travers les individus eux-mêmes.

 

Cette « stratégie d’intégration » est efficace. Beaucoup de chrétiens africains croient non seulement qu’ils peuvent, mais doivent s’engager dans des partenariats avec les agents des SDSR en raison du besoin vital des femmes de services obstétriques, ou des adolescents de « changement de comportement ». Mais en entrant dans l’engrenage des partenariats, ils se laissent progressivement prendre par le raisonnement contraceptif et l’éthique laïciste des SDSR. Cette éthique, fondée sur la liberté (ou droit) de choisir, prétend interdire tout ce qui est contraint (par exemple les relations sexuelles non consensuelles ou violentes, la stérilisation forcée, mais aussi les « grossesses forcées »). Elle interdit également de mettre en danger la santé ou la vie du partenaire sexuel. A part ces restrictions, l’éthique des SDSR permet – ou plutôt « célèbre » - toutes sortes de relations sexuelles consensuelles, quel que soit l’âge (à partir de la puberté), le statut marital, le sexe et le « genre ». Ce faisant, elle conduit les femmes, les jeunes, les peuples et des cultures entières ils ne voudraient pas aller: cette forme de « contrainte » est d’autant plus perverse qu’elle est subtile et cachée aux majorités.

 

2. Un programme occidental décadent imposé à l’Afrique

 

Les vrais ingénieurs des SDSR ne sont pas les gouvernements démocratiques et les peuples qu’ils sont, de par leur mandat, censés représenter, mais des individus et des institutions idéologiquement alignés sur les objectifs de l’International Planned Parenthood Federation (IPPF). L’IPPF a été, depuis sa création en 1952, la pionnière du mouvement transnational favorisant l’accès à l’information et aux services en matière de contraception et d’avortement. La fédération internationale poursuit des objectifs d’autonomisation (empowerment) à travers un droit virtuellement illimité à la « liberté sexuelle »[2], que l’organisation appelle « droit de choisir ». Sa perspective est imbibée d’individualisme et de laïcisme occidentaux.

 

Certains agents des SDSR, au premier chef l’IPPF, ont été les principaux partenaires de l’ONU pour les questions démographiques depuis la fin des années 1960[3]. Dans les années 1990, ils ont intégré transversalement leur programme d’action dans le « développement durable », qui est alors devenu l’objet d’un « consensus mondial » : ils ont été des acteurs normatifs et opérationnels-clés au sein de la gouvernance mondiale depuis lors (ONU 1992). A travers d’habiles processus manipulatoires (Peeters 2011), les SDSR sont devenus l’objet d’un prétendu consensus mondial au Caire en 1994[4]. Depuis lors, la gouvernance mondiale les a considérés et effectivement traités comme « mondialement normatifs ». Les partenaires des SDSR ont joui d’un soutien financier et politique écrasant ces vingt dernières années. Selon eux, la plateforme des SDSR est « universelle » et une partie indissoluble et centrale du développement mondial. A travers la gouvernance mondiale, le programme d’action des SDSR s’est imposé sur tous les continents.

 

Les agents des SDSR déclarent poursuivre des objectifs de « transformation sociale ». Ils travaillent à l’avènement d’une société nouvelle et mondiale, se conformant à un modèle occidental qui, ces cinquante dernières années, a donné la priorité au plaisir et aux « droits » – interprétés selon une perspective radicalement individualiste. Cette priorité a éclipsé l’amour gratuit, la promotion et la protection de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la fidélité conjugale, la maternité et la paternité et la célébration de la vie. En pratique, les SDSR non seulement dévaluent ces composantes universelles de l’existence humaine et personnelle, mais les déconstruisent activement. De fait, soit l’on est pour la recherche égoïste du plaisir, soit pour le don désintéressé de soi et le bonheur : nul ne peut suivre deux maîtres à la fois.

 

Six mois après le Caire, Jean-Paul II publia Evangelium Vitae, une encyclique sur l’Evangile de la Vie, dans laquelle il fait allusion au déchaînement d’une « sorte de conspiration contre la vie’ » qui « ne concerne pas uniquement les personnes dans leurs rapports individuels, familiaux ou de groupe, mais… va bien au-delà, jusqu’à ébranler et déformer, au niveau mondial, les relations entre les peuples et entre les Etats » (Jean-Paul II 1995 :12).Les menaces contre la vie, poursuit-il, « ne faiblissent pas avec le temps. Au contraire, elles prennent des dimensions énormes ». Et ce ne sont « pas seulement des menaces venues de l’extérieur, des forces de la nature ou des ‘Caïn’ qui assassinent des ‘Abel’ ; non, ce sont des menaces programmées de manière scientifique et systématique ». Au cours du vingtième siècle, affirme le pape, « les faux prophètes et les faux maîtres ont connu le plus grand succès ». La « conjuration contre la vie », qui se fait parfois « au nom de la solidarité », implique « des institutions internationales, attachées à encourager et à programmer de véritables campagnes pour diffuser la contraception, la stérilisation et l’avortement ». Les médias en sont « souvent complices », en « répandant dans l’opinion publique un état d’esprit qui présente le recours à la contraception, à la stérilisation, à l’avortement et même à l’euthanasie comme un signe de progrès et une conquête de la liberté, tandis qu’il dépeint comme des ennemis de la liberté et du progrès les positions inconditionnelles en faveur de la vie » (Jean-Paul II : 17). Depuis Evangelium Vitae, le processus décrit par le pape a acquis une ampleur combien plus dramatique, particulièrement en Afrique.

 

Les SDSR, imposés à l’Afrique, entraînent le continent sur un chemin révolutionnaire déjà emprunté ailleurs. Depuis les années 1960, l’Occident est rapidement passé de la commercialisation de la pilule contraceptive au début des années 60 à son utilisation aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du mariage, déclenchant la révolution sexuelle et une série de drames anthropologiques et culturels: promiscuité des jeunes, développement d’une mentalité contraceptive menant à l’acceptation culturelle de l’avortement, crise du mariage et de la famille, paradoxal « droit à l’enfant » (fertilisationin vitro), sécularisation de masse. Le processus débouche aujourd’hui sur l’euthanasie, l’identité de genre, l’orientation sexuelle. Certains, peut-être trop pessimistes ou manquant d’espérance théologale, parlent de la « fin de l’Occident », la fin de la civilisation judéo-chrétienne occidentale. Il existe une logique dans ce processus, d’autant plus dangereux qu’il avance sans bruit, imperceptiblement. Un pas mène à l’autre, non dans la direction du développement humain intégral, mais de l’individualisme, la solitude, la fragmentation sociale, le désespoir, la sécularisation et autres maux restés inconnus de l’Afrique jusqu’à très récemment. Alors qu’il fallut cinquante ans à l’Occident pour passer de la contraception au programme d’action homosexuel, le processus révolutionnaire, surfant sur la vague puissante de la mondialisation, est beaucoup plus vite en Afrique.

 

3.Accomplissements institutionnels des agents de la SDSR en Afrique depuis le Caire

 

Quand un consensus intergouvernemental est faux, quand il représente la volonté, non des peuples, mais d’un réseau transnational d’idéologues, les gouvernements ont le devoir moral de ne pas le rejoindre et de résister aux pressions externes visant à le faire appliquer : leur obligation est de servir et de représenter la volonté des peuples desquels ils ont reçu leur mandat. Même lorsqu’ils ont rejoint un tel consensus, comme c’était le cas au Caire, ils ne sont pas liés par ce « consensus », qui est un document mou, non contraignant juridiquement. S’ils découvrent maintenantmieux vaut tard que jamais – la perversité des SDSR, leur devoir est de s’en désengager.

 

Depuis leur percée historique au Caire, les agents des SDSR ont avancé sur le continent africain avec une détermination implacable. Ils ont soumis les gouvernements africains à une pression politique sans relâche, notamment en faisant de l’application effective du Caire une condition incontournable d’aide au développement. Quel ministère africain de la santé, par exemple, est aujourd’hui dépourvu d’un programme national de santé reproductive ou pourrait prétendre avoir totalement échappé à leur influence ? Quel ministère de l’éducation n’a pas intégré l’« éducation sexuelle » d’une manière ou d’une autre dans le curriculum scolaire au cours de ces vingt dernières années ?

Les compromissions des gouvernements africains avec le cadre normatif du Caire sont à la fois aggravées et impulsées par l’influence déterminante que les agents des SDSR exercent sur les institutions continentales depuis leur création. Les avancées de ces agents dans les institutions de l’Union Africaine sont à la fois politiques et juridiques. Commençons par identifier les développements politiques les plus critiques qu’ils ont provoqués.

 

3.1.Le Plan d’Action de Maputo

 

En janvier 2006 (quatre ans seulement après le lancement de l’Union Africaine), les chefs d’états et des gouvernements africains ont adopté le Cadre d’Orientation Continental pour la Promotion de la Santé et des Droits Sexuels et Reproductifs(2007-2010). Le « cadre d’orientation » - notons au passage les implications normatives de cette expression – a été développé par la Commission de l’Union Africaine en collaboration avec le FNUAP, le bureau régional africain de l’International Planned Parenthood Federation « et d’autres partenaires de développement ». Pour mettre en œuvre ce « cadre », la Commission de l’Union Africaine a produit lePlan d’Action pour la Promotion de la Santé et des Droits Sexuels et Reproductifs, connu commePlan d’Action de Maputo. Le budget proposé pour ce plan d’action était de 16 milliards de dollars.

 

CePlan d’Action de Maputo se conforme aux objectifs mondiaux des agents des SDSR, non à la volonté des peuples africains. Sous la pression de ces agents, les chefs d’états et des gouvernements (africains) acceptent notamment d’intégrer les SDSR dans les principaux documents d’orientation et les plans nationaux en matière de santé et de formuler des politiques susceptibles de garantir l’accès aux préservatifs ; de renforcer les services des SDSR et de lutte contre les IST/VIH/SIDA au niveau des communautés à travers le renforcement des capacités des structures communautaires pour garantir la gamme complète des services des SDSR dans les lieux de prestation de services et le renforcement des capacités de toutes les catégories de prestataires de services des SDSR (y compris les distributeurs de préservatifs) ; de repositionner l’accès à la contraception moderne comme stratégie essentielle pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD); de repositionner les services des SDSR en tant que stratégie principale pour l’autonomisation, le développement et le bien-être des jeunes ; de réduire l’avortement dit « à risques » notamment en formant des « prestataires de services en soins d’avortements sans risques dans les pays la loi l’autorise » et « l’éducation des communautés sur les services d’avortement disponibles dans le respect des lois nationales » ; d’accroître les ressources pour les services des SDSR ; de développer des stratégies pour assurer la sécurité des produits de santé reproductive et toutes leurs composantes ; d’établir des mécanismes de suivi, d’évaluation et de coordination pour le plan d’action de Maputo.

 

3.2.La Campagne pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle, Néonatale et Infantile en Afrique (CARMMA)

 

Le Plan d’Action de Maputo était en vigueur de 2006 à 2010. En mai 2009, la Commission de l’Union Africaine a lancé laCampagne pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle, Néonatale et Infantile en Afrique (CARMMA), en vue de prolonger et d’intensifier son application. A ce jour, quarante pays africains ont lancé la CARMMA[5]et cinq autres pays supplémentaires s’apprêtent à le faire[6].

 

L’objectif global de CARMMAréduire la mortalité maternelle – attire naturellement les peuples africains. Mais l’accès aux contraceptifs est considéré comme l’un des chemins obligés pour réduire la mortalité maternelle et est l’une des priorités de la CARMMA. Les « bulletins d’appréciation nationaux » produits par CARMMA prennent en considération le taux de prévalence contraceptive des pays – c’est-à-dire « la proportion des femmes en âge de procréer [15-49] qui utilisent (ou dont le partenaire utilise) une méthode contraceptive à un moment donné » (définition de l’OMS).

 

La CARMMA se présente comme une entreprise « impulsée par les pays ». Si l’expression « impulsé par les pays » évoque la notion d’auto-détermination, le sens que la gouvernance mondiale lui donne est plutôt celui-ci : les gouvernements nationaux, une fois « propriétaires » du programme d’action de la gouvernance mondiale, l’ayant « internalisé », le mettent en œuvre au niveau national. L’initiative est prise, non par les gouvernements nationaux, mais par l’ONU, l’Union Africaine et « d’autres partenaires » qui sélectionnent les pays lancer la CARMMA une année donnée. Ceux qui lancent la CARMMA au niveau national sont, à côté de leaders politiques nationaux (présidents, vice-présidents, premières dames et ministres), des organes onusiens (OMS, UNICEF, FAO, ONU SIDA, ONU Femmes), la Banque Mondiale et les bailleurs de fonds bilatéraux (USAID et DFID), le monde académique et la « société civile » (IPPF et Alliance Ruban Blanc) parmi d’autres « actionnaires ». Le fait est que le FNUAP, l’IPPF et d’autres agents transnationaux sont au gouvernail de la CARMMA.

 

3.3.Le Plan de Fabrication de Produits Pharmaceutiques pour l’Afrique

 

En plus de la CARMMA, la Commission de l’Union Africaine plaide pour que les méthodes contraceptives modernes soient rendues plus disponibles, abordables et accessibles à travers son Plan de Fabrication de Produits Pharmaceutiques pour l’Afrique, adopté à Johannesburg en avril 2007 à laTroisième Session de la Conférence des Ministres de la Santé de l’Union Africaine. Mentionnons encore que l’UAa favorablement accueilli l’établissement de la Commission de l’ONU sur les Produits Sauvant la Vie des Femmes et des Enfantsune commission qui a identifié la « contraception d’urgence », les préservatifs féminins et les implants comme « produits sauvant la vie essentiels mais sous-utilisés » – un scandale !

 

3.4.La Déclaration d’Addis-Abeba

 

La manifestation la plus récente de compromissions de l’Union Africaine avec le programme d’action des SDSR est la Déclaration d’Addis-Abeba sur la Population et le Développement en Afrique après 2014. A une réunion conjointement organisée par la Commission Economique de l’ONU pour l’Afrique, la Commission de l’Union Africaine et le FNUAP les 3 et 4 octobre 2013, les ministres africains ont attaqué la question de la mise en œuvre du Caire et de son suivi au-delà de 2014. La déclaration se compose de quatre-vingt-huit engagements qui fixent « des actions concrètes et les priorités de l’Afrique en matière de population dans le programme pour le développement au-delà de 2015 » (ECA 2013). Ces engagements sont organisés autour de sept thèmes[7]dont le plus problématique, d’un point de vue idéologique, est la santé.

 

Les ministres africains déclarent s’engager à mettre en œuvre le programme d’action du Caire dans son intégralité. Ils «s’engagent», par exemple, à

 

· [Assurer]L’accès universel à des services de santé sexuelle et reproductive, exempts de toute forme de discrimination, par la fourniture d’un ensemble indispensable de services complets de santé sexuelle et reproductive, notamment par le biais du système de soins de santé primaire à l’intention des femmes et des hommes, en accordant une attention particulière aux besoins des adolescents, des jeunes, des personnes âgées, des personnes vivant avec un handicap et des populations autochtones, particulièrement dans les zones les plus reculées  (ECA 2013 : 34) ;

·  Promulguer et appliquer des lois et des politiques, dans le cadre politique et juridique national, visant à faire respecter et à protéger les droits sexuels et reproductifs de toutes les personnes »(ECA 2013 : 35) ;

·  Elargir à toutes les femmes et adolescentes l’accès à des services de qualité d’avortement sans risques, dans le respect des lois et politiques nationales (ECA 2013: 38) ;

· Adopter et mettre en œuvre des programmes complets d’éducation sexuelle, tant en milieu scolaire qu’extrascolaire, qui soient liés aux services de santé sexuelle et reproductive, en impliquant les parents, la communauté, les chefs traditionnels et religieux, les personnalités influentes et les jeunes eux-mêmes (ECA 2013 : 40) ;

·      Adopter des mesures visant à prévenir les grossesses non désirées par l’élargissement de l’accès à l’information, aux technologies, aux produits et aux services, y compris à la contraception d’urgence, qui renforcent la capacité des individus et des couples de prendre des décisions libres et éclairées quant au nombre de leurs enfants et au moment de leur naissance  (ECA 2013 : 42).

 

Remarquons que les gouvernements africains s’engagent non seulement à élaborer des politiques en faveur des SDSR, mais aussi des lois – un « engagement » agencé par les avocats du « droit à l’avortement » pour tenter de les forcer à légaliser l’avortement. L’emphase mise sur les jeunes et l’« éducation sexuelle » est particulièrement préoccupante, considérant les désastres qu’une telle « éducation sexuelle » a produits en Occident depuis les années 1960.

 

Cinquante-deux pays africains (tous à l’exception du Tchad) ont adopté la Déclaration d’Addis-Abeba[8]. Ils montrent ainsi qu’ils ont déjà cédé aux pressions extérieures en faveur de la contraception, de la « pilule du lendemain », de la notion d’« avortement sans risques », d’une éducation sexuelle technique de style occidental et d’autres programmes d’action idéologiques provenant des leaders de la révolution sexuelle mondiale. Par ignorance ou complicité, ils se conforment également à leur langage.

 

Les ministres africains se sont engagés à « intégrer transversalement » la Déclaration d’Addis-Abeba « dans les programmes d’activités des organes de l’Union Africaine et de la Commission Economique de l’ONU pour l’Afrique » (ECA 2013: 82) et « dans le programme de développement pour l’après-2015 » (ECA 2013: 83). Ils se sont également engagés à « suivre régulièrement » les réalisations de ses objectifs « dans le cadre de la communication de l’information sur le programme de développement pour l’après-2015 » (ECA 2013: 84).

 

La déclaration ne restera pas sans effets. Les agents des SDSR veillent. Comme ils le répètent sans se fatiguer, les gouvernements africains « se sont engagés ». Maintenant, prétendent-ils, ils doivent « honorer leurs engagements » : ils doivent « accélérer » et « intensifier » leurs efforts pour « combler le fossé » entre engagement formel et action. « La responsabilisation n’a pas été l’un des points forts de l’Union Africaine mais cela peut changer », affirment-ils. Les chiens de garde encouragent fortement la création d’un « mécanisme de surveillance effectif au niveau régional de ce que font les pays pour mettre en œuvre leurs promesses, et en quoi ils faillent » (Radio Netherlands Worldwide Africa 2013 : 22 Mai).

 

3.5.Le Protocole de Maputo à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Relatif aux Droits des Femmes en Afrique

 

Le programme d’action des SDSR a un côté juridique. Les droits sexuels et reproductifs (DSR) sont les prétendus « droits » à la santé sexuelle et reproductive (SSR), dont nous avons exposé le contenu au début de cet article. Les agents des SDSR présentent systématiquement les DSR comme « universels ». Cette stratégie doit être démasquée : les intérêts de minorités idéologiques ne seront jamais « universels ».

 

Le principal document à prendre en considération est le Protocole de Maputo à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Relatif aux Droits des Femmes en Afrique, qui a été adopté en 2003. Le protocole contient un article entier dédié au « droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction » : l’article 14, que voici dans son entièreté :

 

« 1. Les Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive. Ces droits comprennent :

a)    le droit d’exercer un contrôle sur leur fécondité ;

b)                 le droit de décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances ;

c)    le libre choix des méthodes de contraception ;

d)   le droit de se protéger et d’être protégées contre les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA ;

e)    le droit d’être informées de leur état de santé et de l’état de santé de leur partenaire, en particulier en cas d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA, conformément aux normes et aux pratiques internationalement reconnues ;

f)     le droit à l’éducation sur la planification familiale.

 

2. Les Etats prennent toutes les mesures appropriées pour :

a) assurer l’accès des femmes aux services de santé adéquats, à des coûts abordables et à des distances raisonnables, y compris les programmes d’information, d’éducation et de communication pour les femmes, en particulier celles vivant en milieu rural ;

b) fournir aux femmes des services pré et postnatals et nutritionnels pendant la grossesse et la période d’allaitement et améliorer les services existants ;

c) protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du fœtus. »

 

En moins de dix ans, le Protocole de Maputo de 2003 a été signé par presque tous les états africains (48 sur 53) et ratifié par 36 états[9]. Ces gouvernements s’identifient par à la vue selon laquelle la santé de la femme inclut le contenu idéologique de la SSR, les femmes ont le droit de prendre des décisions « reproductives » indépendamment des hommes et ont droit à l’accès à la contraception et à une « éducation sexuelle » telle que la prodigue l’IPPF. En théorie, les 36 pays ayant ratifié le protocole sont obligés d’aligner leurs politiques et leurs lois sur ses articles, et donc notamment de légaliser l’avortement (ce que la plupart des pays africains n’ont pas fait à ce jour).

 

3.6.Les ressources financières pour l’application du Caire en Afrique

 

Dans un rapport écrit pour la 46ème session de la Commission de l’ONU sur la Population et le Développement qui s’est tenue en avril 2013, le Secrétaire Général de l’ONU expose le flux de ressources financières dédiées à la mise en œuvre de la plateforme d’actiondu Caire. Le « paquet démographique » du Caire a quatre composantes: services de planning familial; services de base de santé reproductive ; activités de prévention de maladies sexuellement trans-missibles/VIH/SIDA ; et recherche fondamentale, analyse de données et des politiques en matière de population et de développement.

« L’aide des donateurs continue d’augmenter, » note le Secrétaire Général de l’ONU (Ban-Ki Moon 2013). En 2011, le montant total de « l’aide aux activités en matière de population » aux pays en voie de développement était de 11,6 milliards de dollars, provenant de donateurs bilatéraux, multilatéraux et privés (ONGs et fondations)[10]. Notons que « l’aide aux activités en matière de population » représente 7,77% de l’aide officielle au développement (AOD) – un pourcentage énorme qui a augmenté en 2011 (elle représentait 7,69% en 2010). Les bénéficiaires de « l’aide aux activités en matière de population » peuvent être « les gouvernements des pays en voie de développement, des ONGs nationales ou les bureaux extérieurs gérés par les donateurs dans les pays en développement bénéficiaires » (Ban-Ki Moon 2013 : Par. 15). Des 11,6 milliards de dollars pour 2011, 8,75 milliards, à savoir 66%, sont allés à l’Afrique subsaharienne, qui « reste la principale bénéficiaire » (Ban-Ki Moon 2013 : par.16).

 

Le Secrétaire Général note dans son rapport que « la filière non gouvernementale assume la majeure partie du financement. En 2011, on a estimé qu’environ 38% de l’aide étaient acheminés par les ONG » (Ban-Ki Moon 2013 : par.21) : une tendance qui se renforce. Les branches africaines de l’IPPF et les ONG de même bord idéologique, qu’elles soient étrangères ou africaines, comptent parmi les principaux bénéficiaires de « l’aide aux activités en matière de population ». D’où l’importance de surveiller non seulement ce que font les institutions et gouvernements africains, mais aussi les activités des ONG établies en Afrique, dont la plupart portent des noms séduisants, contenant l’expression « bien-être familial », et ne sont donc pas immédiatement reconnaissables par les populations non averties.

 

La plateforme d’actiondu Caire a souligné que « la majeure partie des fonds nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de développement proviennent des ressources intérieures des pays en voie de développement ». Le Caire a estimé que « les deux tiers des fonds nécessaires au financement des programmes de population proviendraient de ces ressources » (Ban-Ki Moon 2013 : par. 22). Le niveau global des ressources domestiques mondiales a grimpé en 2011 à 54,7 milliards de dollars, « en grande partie du fait des dépenses importantes enregistrées pour la planification familiale en Chine, de nouvelles données fournies par ONUSIDA et de nouvelles données de l’OMS relatives aux dépenses des ménages » (Ban-Ki Moon 2013 : par. 24). L’Afrique subsaharienne a mobilisé 6,9 milliards de dollars[11]. Les activités en matière de VIH/SIDA (avec une emphase mise sur la « prévention » – c’est-à-dire les préservatifs et une « éducation sexuelle » du style de l’IPPF) continue à représenter le pourcentage de loin le plus élevé des dépenses domestiques, spécialement en Afrique (95%).

 

Comme si ces sommes astronomiques ne suffisaient pas, le Secrétaire Général de l’ONU se plaint de ce que l’augmentation de l’aide des donateurs ne soit « pas aussi forte qu’avant » et que les niveaux de financement soient « inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour exécuter dans son intégralité le programme d’action de la conférence internationale et à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement » (Ban-Ki Moon 2013 : Résumé). Alors que les « estimations de dépenses concernant la planification familiale reposent sur l’hypothèse que les besoins actuellement non satisfaits le seront en 2015 », il est probable que « la demande augmente à mesure que le public prend conscience des possibilités offertes » (Ban-Ki Moon 2013 : par. 32), c’est-à-dire, à mesure que la mentalité contraceptive prend racine dans les pays en voie de développement et en Afrique en particulier.

 

Le FNUAP estime que

·      plus de 30 milliards de dollars seront nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs du Caire en Afrique subsaharienne en 2014 ;

·      les coûts mondiaux pour la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale et la santé maternelle, seront de 33,28 milliards de dollars en 2014, dont 12,8 milliards seront pour l’Afrique subsaharienne ;

·    les coûts totaux pour le VIH/SIDA seront de 35,44 milliards de dollars en 2014, desquels 17,63 milliards seront pour l’Afrique subsaharienne.

 

La « communauté mondiale de la santé reproductive » est de plus en plus puissante financièrement en raison du partenariat croissant entre la gouvernance mondiale et les entreprises. L’industrie pharmaceutique[12]et ses fondations, considérant l’Afrique comme un énorme marché potentiel pour les contraceptifs[13], ont sauté sur le train en marche du Caire, procurant aux agents des SDSR des moyens financiers écrasants pour « acheter » des partenaires africains opérationnels et efficaces. Les gouvernements africains achètent le programme d’action du Caire, non parce qu’ils adhèrent à ses objectifs et à son « éthique », mais parce qu’il leur est imposé comme condition d’aide au développement. Il y a beaucoup d’argent occidental pour les SDSR en Afrique aujourd’hui ! Dans un contexte de pauvreté, résister à la séduction de l’argent requiert beaucoup de générosité et de courage moral.

 

Les africains vendraient-ils leur indépendance à la clique idéologique au gouvernail de la gouvernance mondiale pour un plat de lentilles ? La « démocratisation africaine », au lieu de signifier auto-détermination, se traduirait alors par une forme nouvelle et perverse de colonisation. La situation est malsaine, incohérente et insoutenable. Beaucoup font l’expérience d’un profond malaise dans leur cœur et conscience : ils perçoivent qu’ils vont ils ne choisiraient pas librement d’aller. Ils savent que sur le chemin de l’argent et de la luxure, l’Afrique ne parviendra pas à sa vraie destinée.

 

4.       Défis au-delà de 2015

 

La plateforme du Caire était conçue comme un programme d’action à réaliser sur vingt ans, jusqu’à la fin 2014. En 2011, cependant, évoquant des « écarts considérables » existant encore dans saréalisation, l’Assemblée Générale de l’ONU, dans sa résolution 65/234[14], prorogea la validité du plan d’action au-delà de 2014. Pour aborder le problème de ce qui reste inachevé selon eux, les agents des SDSR ont lancé un processus appelé Le Caire au-delà de 2014, ou CIPD au-delà de 2014. En septembre 2014, l’ONU tient une session spéciale de l’Assemblée Générale sur CIPD au-delà de 2014.

 

La gouvernance mondiale élabore actuellement le prochain cadre du développement mondial, qui débutera en 2015 et s’étendra vraisemblablement jusqu’en 2030. Cherchant à tirer profit de cette convergence, les agents des SDSR s’efforcent de fusionner Le Caire au-delà de 2014 – un processus qu’ils contrôlent pleinement – et le cadre de développement au-delà de 2015, supposé être sous contrôle intergouvernemental, mais déjà en grande partie sous leur influence, du moins dans l’état actuel des choses.

 

Les partenaires des SDSR sont à un tournant. Ils se plaignent d’être encore loin de la réalisation de leur objectif totalitaire – l’accès universel aux SDSR. « Universel », le mot d’ordre du Caire, est présent de manière frappante dans le langage du programme pour l’après-2015. L’utilisation de ce mot, emprunté à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme mais aussi à la tradition judéo-chrétienne, est significative. Deux visions de l’universalité s’opposent aujourd’hui : l’éthique laïciste mondialiste cherche à remplacer une éthique ouverte à la transcendance divine.

 

Qu’est-ce que les partenaires des SDSR considèrent comme inachevé ? Quelles seront leurs priorités stratégiques dans les années à venir ? Considérons quatre composantes saillantes de leur plateforme au-delà de 2014.

 

1.- Elargir l’accès. Les partenaires des SDSR veulent dramatiquement élargir l’accès aux produits contraceptifs et abortifs (et donner priorité à la « contraception d’urgence », qu’ils considèrent comme un « produit sous utilisé »). Ils se concentrent maintenant sur les régions éloignées, les populations difficiles à rejoindre, les femmes et les filles les plus pauvres et les adolescents (services dits « conviviaux pour les jeunes »). Ils affirment dogmatiquement que 222 millions de femmes et de filles dans le monde en développement ont un soi-disant « besoin non satisfait » de contraception moderne – principalement des femmes africaines en-dessous de 24 ans. En conséquence, prétendent-ils, il y aurait « 80 millions de grossesses non-planifiées et 20 millions d’avortements à risques » (ICPD 2013). Ils cherchent aussi à maintenir l’accès à la contraception pour les 260 millions de femmes et de filles dans les 69 pays les plus pauvres qui l’utilisent déjà.

 

2.- Approche des droits. Les agents des SDSR se plaignent de ce que les droits sexuels et reproductifs[15]ne soient pas encore reconnus, traités, protégés et appliqués comme universels (ICPD 2013). Ils veulent que les droits de l’homme, incluant leurs DSR, soient considérés comme le cadre fondamental du programme de développement au-delà de 2015. A cette fin, ils ont l’intention de soutenir des « campagnes d’éducation publique et des efforts de mobilisation communautaire autour des droits humains et des lois relatifs aux droits sexuels et reproductifs. » Les agents des SDSR vont faire pression sur les gouvernements pour «amender ou promulguer des lois et politiques qui respectent et protègent les droits sexuels et reproductifs et permettent à tous les individus de les exercer sans discrimination sur quelque base que ce soit, indépendamment de l’âge, l’appartenance religieuse, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ». Ceci inclut la révision des lois et politiques afin de « rendre l’avortement sans risques accessible et légal ». Considérant « les exigences de consentement marital ou parental » comme des « pratiques qui violent les droits reproductifs des femmes et des filles adolescentes pour accéder à des services de SDSR », les partenaires des SDSR veulent des politiques et des lois qui les interdisent (ICPD 2013).

 

3.- Intégration. Il reste encore beaucoup à faire, selon les agents des SDSR, pour intégrer transversalement les SDSR dans le développement. Ils veulent intégrer les SDSR, davantage et plus profondément, dans, par exemple : les soins de santé primaire ; la santé des adolescents ; l’égalité des sexes ; les secteurs non-sanitaires ; le changement climatique (contrôle démographique[16]) ; l’alimentation et la sécurité (contrôle démographique[17]) ; la justice sociale et l’« équité » ; l’élimination des « causes fondamentales de la pauvreté » ; la participation (des jeunes, des femmes) ; la redevabilité ; la transparence ; la non-discrimination ; l’autonomisation des femmes et des jeunes ; l’état de droit ; le holisme (IPPF European Network 2013). Ils veulent que les SDSR fassent partie intégrante, sinon soient le moteur, du « changement mondial transformant » envisagé dans le programme d’action au-delà de 2015.

 

4.- Changer les cultures et religions de l’intérieur. Les agents des SDSR veulent « créer des cultures d’acceptation », ce qu’ils appellent « un environnement porteur pour la jouissance égale des droits [sexuels et reproductifs] pour tous ». Un tel projet de transformation culturelle implique de coopter « les hommes et les garçons, les politiques et ceux qui font appliquer la loi, les parlementaires, éducateurs et fournisseurs de soins de santé, les employeurs, le secteur privé et les journalistes » dans le processus révolutionnaire et d’éliminer toutes les « barrières culturelles » à leur programme d’action. Ils sont aussi déterminés à s’engager davantage dans les partenariats avec les communautés de foi (Barot 2013, Watkins 2013) ; en particulier avec les prêtres catholiques, les communautés religieuses, les hommes et les jeunes de manière à les changer (aussi bien leurs croyances que leurs comportements) de l’intérieur et les transformer en avocats des SDSR dans leurs communautés respectives (Peeters 2011 : chap.6). Une autre manière dont les partenaires des SDSR ont l’intention de transformer les sociétés est la réforme de l’éducation. Ils sont déterminés à assurer l’établissement de « standards pour la mise en œuvre de programmes d’éducation sexuelle complète, à la fois à l’école et en dehors de l’école, qui incluent des politiques et cadres légaux favorables, commencent à l’école primaire, soient rattachés aux services de santé sexuelle et reproductive, et qui engagent les parents, les communautés, les leaders traditionnels et religieux et impliquent activement les jeunes à tous les niveaux » (ICPD 2013).

 

Conclusion : Afrique, aimes-toi toi-même !

 

Notre temps est un kairos : un temps favorable à une prise de décision. Qu’est-ce que les africains, dont les institutions sont déjà prises en otage par les révolutionnaires transnationaux, vont décider de faire ? L’Afrique est sans doute le seul continent qui exprime une opposition publique ferme au programme de transformation sociale du lobby transnational lesbien, homosexuel, bisexuel et transsexuel. Mais ce programme est le produit final d’une révolution qui commence de manière apparemment « bénigne », avec en particulier la promotion de la contraception moderne, à laquelle l’Afrique institutionnelle a déjà ouvert grand les portes. La « culture de mort » doit être vaincue à ses stades les plus précoces, avant qu’elle ne prenne racine, et non lorsqu’elle aura produit sur le continent les fruits culturels et anthropologiques amers que les africains eux-mêmes décrient quand ils les découvrent en Europe.

 

Ce qui était inconcevable il y a vingt ans est maintenant réalité : l’Afrique devient contraceptive, à une cadence qui, du moins dans certains pays, s’est accélérée de manière dramatique au cours de la dernière décennie. Fruit du même arbre mortifère, la pratique de l’avortement se répand. Certes, probablement peu d’africains s’engagent sur ce chemin par conviction idéologique. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ce chemin n’est pas de bonne augure pour le développement humain intégral de l’Afrique. En réalité, il mène inexorablement à la destruction.

 

Le kairos dans lequel nous sommes est une heure de responsabilité. Alors que l’Afrique est dans une large mesure victime du pouvoir mal utilisé de l’Occident, rester passif ne serait pas la bonne attitude à adopter. Les africains ont une vocation, une mission spécifique et irremplaçable à accomplir dans le dessein de Dieu, plus vitale que jamais pour l’humanité en cette heure de mondialisation. Dans le combat actuel entre la vie et la mort, puissent-ils se décider pour le côté véritablement victorieux : pour le bon côté, pour l’amour d’eux-mêmes, le développement humain intégral, la vérité parlée par Dieu dans leur conscience et l’enseignement inchangé du Magistère de l’Eglise, la loi éternelle de Dieu, son dessein sur la personne humaine et son amour !

 

Beaucoup d’africains ignorent le programme idéologique caché des SDSR et les dangers de la stratégie utilisée par leurs agents. Beaucoup de jeunes catholiques, constamment exposés à la propagande des SDSR à travers la radio, l’internet, les activités de rue organisées par des ONG ont adopté des « styles de vie » sexuels occidentaux. Dans certaines régions, un large pourcentage de couples mariés, y compris catholiques, pratiquent déjà la contraception. Nombre d’hommes et de femmes religieux, peut-être à la fois par ignorance et convoitise d’une « meilleure qualité de vie », se sont engagés dans des partenariats qui les ont été cooptés dans la révolution des SDSR. L’enseignement de l’Eglise, réponse à ces défis, est très insuffisamment transmis dans les universités catholiques, les séminaires, les écoles et lieux de formation, les paroisses et communautés chrétiennes de base.

 

Les catholiques africains devraient tirer leçon de ce qui s’est passé en Occident et en particulier du rôle décisif de la révolution sexuelle dans l’accélération de la sécularisation depuis les années 1960s. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : d’ores et déjà, les SDSR sécularisent l’Afrique et l’Eglise en Afrique.

 

Que faire ? Rappelons-nous que nous n’avons ni le pouvoir, ni le mandat divin de renverser la gouvernance mondiale ou d’influencer son cours. Le chrétien est prêtre, prophète et roi. En tant que prêtre, il est appelé à s’offrir lui-même avec le Christ. Prophète, il rend témoignage, humblement et joyeusement, patiemment et courageusement, sans faire de compromis, à la vérité concernant l’homme et la femme, l’amour humain et la famille. En tant que roi, il sert fraternellement. Cette triple mission requiert des chrétiens qu’ils adhèrent de tout leur cœur à l’enseignement de l’Eglise. Les africains, s’aimant eux-mêmes comme africains, résisteront au désir d’être comme toutes les autres nations. Ils tireront eux-mêmes les conséquences de l’état moral de l’Occident et de son impact négatif sur la mondialisation. Ils se rappelleront que comme africains, ils ont une mission. L’Eglise universelle attend d’eux qu’ils soient des contributeurs majeurs au renouvellement de la pastorale de la famille et aux synodes sur la famille !

 


[1]Rappelons que « l’accès universel à la santé reproductive » a été incorporé comme cible (cible 5b) des OMDs en 2007, cible devenue effective le 1er janvier 2008 à la suite d’habiles manœuvres opérées par les agents des SDSR.

[2]Ce « droit » n’est limité que par la « responsabilité » de tenter de prévenir des « grossesses non-désirées », la violence dans les relations sexuelles et la contamination par des maladies sexuellement transmissibles.

[3]IPPF était partenaire privilégié du FNUAP depuis la création du fonds onusien en 1969.

[4]1994 était paradoxalement aussi la première Année Internationale de la Famille de l’ONU. Cette coïncidence montre que pour les organisations internationales, les SDSR ne sont pas en contradiction avec la famille, un concept qui, selon la gouvernance mondiale, « évolue » et débouche aujourd’hui sur un nouveau paradigme, la « diversité des familles ».

[5]Tous sont des pays subsahariens.

[6]Mali, Maurice, Somalie, Sud Soudan et Soudan.

[7]Egalité et Dignité ; Santé, Lieu et Mobilité ; Gouvernance ; Données et Statistiques ; Coopération Internationale et Partenariats ; Mise en Œuvre.

[8]Seize pays avaient des réserves quant à trois engagements (17, 18 et 35), craignant que la phrase « sans distinction d’aucune sorte » ne puisse être utilisée pour les contraindre à accepter des interprétations minoritaires des droits de l’homme, spécialement dans le domaine de l’homosexualité : Algérie, Bénin, Burundi, RCA, République du Congo, Djibouti, République Démocratique du Congo, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sierra Leone, Soudan, Tunisie.

[9]Ce sont les chiffres de 2010, disponibles sur le site internet de l’Union Africaine ; il pourrait maintenant y avoir davantage de signatures et de ratifications.

 

[11]Pour surveiller les flux de ressources, le FNUAP et le Netherlands Interdisciplinary Demographic Institute travaillent avec l’African Population and Health Research Center basé à Nairobi, Kenya, dans la collecte de données relatives aux dépenses domestiques.

[12]Bayer HealthCare, par exemple, la plus grande compagnie mondiale dans le domaine de la contraception hormonale, soutient la planification familiale dans plus de 130 pays. Bayer a récemment rejoint, avec la Fondation Bill et Melinda Gates, Better Access to Safe and Effective Contraception – une nouvelle initiative se disant « mondiale », soutenue par la Clinton Health Access Initiative, les gouvernements de Norvège, Suède, Royaume-Uni et les Etats-Unis et la Children Investment Fund Foundation. Ce groupe de donateurs a annoncé une garantie de 230 millions de dollars pour étendre l’accès à l’implant contraceptif de Bayer, Jadelle, à « 27 millions de femmes dans les pays à bas revenus » (dans 42 des pays les plus pauvres du monde). Voir The Global campaign for the Health Millennium Development Goals - Accelerating progress in saving the lives of women and children. 2013. Notre traduction.

[13]Selon la Division des Jeunes de la Commission de l’Union Africaine, « environ 65% de la population totale de l’Afrique ont moins de 35 ans, et plus de 35% sont entre les âges de 15 et 35 ans – ce qui fait de l’Afrique le continent le plus jeune. D’ici 2020, il est prévu que sur quatre personnes, trois auront en moyenne 20 ans. »

[14]La mise en œuvre prolongée du Caire doit, selon la résolution, être « entreprise dans le respect des dispositions » du programme d’action : « Il n’y aura aucune renégociation des accords qu’il contient ». Les agents des SDSR ne veulent pas que les gouvernements rouvrent le prétendu « consensus du Caire ». Mais ils sont toujours prêts à le rouvrir eux-mêmes pour l’élargir en y intégrant de nouvelles composantes radicales.

[15]Ils définissent les DSR comme « les droits de tous les individus à prendre des décisions concernant leur propre sexualité, sans enfreindre les droits d’autres individus : à décider si, quand et combien d’enfants avoir ; avoir toutes les informations, les moyens et les services à disposition pour la meilleure santé sexuelle et reproductive possible, et être libre de toute contrainte, stigmatisation et discrimination » (IPPF Janvier 2013.

[16]Il faut limiter la croissance démographique qui serait préjudiciable à l’environnement.

[17]Ce qu’ils considèrent la « surpopulation » étant selon eux une menace à la sécurité alimentaire et à la sécurité en général.

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