LES CONSEQUENCES DES GUERRES SUR L’ENVIRONNEMENT : QUELLE LECON POUR LA REGION DES GRANDS LACS

Abstract: 

Wars have an impact on the environment. This impact transcends national borders. Ideally there should be no wars as the preventive measures should prevail on warring ambitions. Inasmuch as the inevitable often happens, some collective action is needed. The protection or the restoration of the environment is so important that the environmental imbalances can cause new conflicts. The article makes proposals, namely: Fostering cooperation between those concerned by conflicts at national and international levels; Encourage the change of mentality particularly, to abandon the mentality which consists of taking the environment as a simple theatre of human activities; Considering the environment as a political and economic “stakeholder” in the human development process; Fostering people’s awareness on the environmental care and protection; and Ensuring the required formation of stakeholders in conflicts with the support of international institutions which are aware of the impact of wars on the environment.

1.       Notion d’environnement et de sa conservation

Ordinairement, l’environnement est défini comme l’ensemble des éléments biotiques ou abiotiques qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins ou encore comme l’ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines.

L’environnement est aujourd’hui compris comme l’ensemble des composants naturels de la planète terre, comme l’air, l’eau, l’atmosphère, les roches, les végétaux, les animaux et l’ensemble des phénomènes et interactions qui s’y déploient, c’est-à-dire tout ce qui entoure l’homme et ses activités. La conservation et la gestion durable de l’environnement couvrent plusieurs domaines. Il s’agit notamment de la protection de l’atmosphère, de la gestion durable des sols, de la lutte contre le déboisement, de la lutte contre la désertification et la sécheresse, de la conservation de la diversité biologique, de la gestion de la biotechnologie, de la protection et de la gestion des océans, de la protection et de la gestion de l’eau douce, du contrôle des substances chimiques toxiques, de la gestion des déchets dangereux, de la gestion des déchets solides et des eaux usées, de la gestion des déchets radioactifs, etc. (Kinezero 2011 : 219).

C’est vers la fin du 20ème siècle que la prise de conscience de l’impérieuse nécessité de protéger l’environnement a pris la dimension mondiale et plus précisément à Stockholm en juin 1972 lors de la première conférence des Nations Unies sur l’environnement. 20 ans après, en 1992, lors du « sommet de la Terre » à Rio de Janeiro, l’environnement a été déclaré « bien commun et bien public ». Depuis les années 90, les consciences ont évolué vers la perception de l’environnement qui s’observe aujourd’hui.

Toutefois, force est de constater que la perception et la prise de conscience connaissent d’énormes disparités selon les pays. En effet, la prise en compte de l’environnement dans les décisions et les pratiques environnementales diffère énormément d’un pays à l’autre. Comme Fabien Locher l’affirme, dans les pays en voie de développement, où les préoccupations de la population sont très différentes de celles des pays développés, la protection de l’environnement occupe une place beaucoup plus marginale.

Dans cette analyse, nous mettons un accent sur les conséquences des guerres sur l’environnement dans sa complexité. Nous proposons cette analyse sans perdre de vue qu’en réalité, il y a interactions entre l’environnement et les guerres comme certains autres chercheurs (Voir Robinson 1978, Gledistch 1997, Kanyamibwa 1998, King, 2006). Les guerres endommagent certaines composantes de l’environnement, telles que l’eau, les sols, les animaux, tout comme ces mêmes composantes peuvent être à l’origine des conflits armés.

 

2.      Des formes graves de dégradation de l’environnement

 

Même pour l’observateur non avisé les faits démontrent que l’environnement subit une dégradation largement imputable à l’activité humaine. La dégradation de l’environnement a des effets néfastes sur sa santé et sur celle des animaux. Elle a des répercussions sur la qualité de la vie. Il est évident que l’apparition de certaines catégories d’industrie a provoqué des accidents ou des actions ayant des conséquences très néfastes sur la vie humaine.

Ebola, qui fait couler beaucoup d’encre aujourd’hui, serait une maladie environnementale. Une note publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirme qu’il est probable que le virus d’Ebola se soit initialement introduit dans la population humaine à partir d’un animal sauvage et via une personne unique. Elle confirme, à son tour, le scénario avancé par plusieurs chercheurs. D’après la même note, Fabien Locher (2015) fait savoir que la région à partir de laquelle Ebola s’est introduit (à la frontière entre la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone) a connu ces dix dernières années de nombreuses guerres civiles et déplacements de populations.

Pour appréhender la dégradation de l’environnement, les spécialistes se servent de plusieurs indicateurs, notamment:

-          Les pollutions apparentes, c’est-à-dire les traces de composés synthétisés par l’homme dans les milieux naturels : les sols, l’air et l’eau. Ces indicateurs sont plus couramment désignés sous d’autres noms, comme qualité de l’eau pour la présence de pollution dans l’eau, ou qualité de l’air pour la présence de polluants dans l’air,

-          La raréfaction ou la déplétion des ressources naturelles, renouvelables ou pas,

-          La perte de biodiversité, qui est même considérée comme un indicateur clé de l’état de l’environnement (Locher 2015).

Le terme « pollution » signifie généralement l’introduction directe ou indirecte dans l’air ambiant par l’homme de toute substance susceptible d’avoir des effets nocifs sur la santé humaine et/ou de l’environnement dans son ensemble. La pollution atmosphérique, ou pollution de l'air, est une pollution d'origine diffuse qui peut avoir des effets locaux ou globaux (Locher 2015). Concernant l’eau, trois points sont particulièrement préoccupants. Il s’agit de la consommation d’eau et l’épuisement de la ressource, la pollution des eaux de surface et la pollution des eaux souterraines. La pollution des eaux et des sols a d’importantes conséquences sur la biodiversité. A l’échelle régionale, les effets d’une pollution en amont d’un fleuve se remarquent sur tout son parcours jusqu’en aval, au-delà des frontières nationales.

Dans le cas du Burundi, la crise a causé de fortes pertes, celles frappant les bovins étant de nature plus durable que celles frappant le petit bétail. Plus de 30.000 têtes de gros bétail auraient été décimées. La crise avait également modifié la répartition des troupeaux. Le surpâturage près de Bujumbura, lieu de refuge du bétail, avait augmenté démésurément.

L’intrusion du gros bétail en pleins quartiers de Bujumbura avait, à un moment donné, commencé à être ressentie comme indésirable. Certains habitants de la capitale ne pouvaient pas s’accomoder à la pollution sonore par les beuglements des vaches pendant la nuit. Et paradoxalement, malgré cette “invasion de vaches” à Bujumbura, le ministère ayant l’environnement dans ses attributions n’a pas eu la tâche facile quand il a fallu convaincre les éleveurs de déplacer les vaches vers les paturages indiqués. Les éleveurs arguaient que les vaches, tout comme les humains, pouvaient être des “réfugiés”. En cette qualité, elles pouvaient s’établir là où leur sécurité était “assurée”.

Pour ce qui est de la biodiversité, les activités anthropiques représentent une véritable menace.Le taux d’extinction actuel des espèces est de 100 à 1000 fois supérieur au taux moyen naturel constaté dans l’histoire de l’évolution de la planète. La surchasse et la surpêche sont à l’origine de la disparition ou facteurs de menaces sur plusieurs espèces ; mais c’est surtout la destruction et la dégradation de l’habitat naturel qui a eu les plus importantes conséquences (Locher 2015). Les spécialistes n’hésitent pas à faire le lien entre la diminution de la productivité du lac Tanganyika, en poisson, à la dégradation des zones tampons, lieux de reproduction, par excellence, du poisson. En effet, le poisson pond ses œufs dans ces espaces.

Les activités anthropiques provoquent, sur la biodiversité, des conséquences qu’on peut regrouper en quatre catégories à savoir: la rupture de l’équilibre écologique, la précarité du mode de vie des populations, l’aggravation des effets néfastes des changements climatiques et les conflits et criminalités.

Ces conséquences peuvent également s’accumuler ou se succéder et créer un cercle vicieux. En effet, l’épuisement des ressources biologiques affecte négativement la vie humaine. Pour continuer à survivre, les populations entreprenent alors des pratiques irrationnelles aggravant les effets néfastes des changements climatiques et la ressource devient de plus en plus rare.  Il en découle des conflits et des guerres autour des ressources naturelles provoquant ainsi des mouvements forcés et anarchiques vers les ressources encore disponibles aboutissant à l’extinction des espèces et des écosystèmes (Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et du Tourisme 2013:56).

3.      Interactions entre l’environnement et les guerres

 

Les études montrent que les problèmes environnementaux peuvent être à l’origine du déclenchement des hostilités même si leur influence ne peut être dissociée des aspects économiques, politiques ou culturels beaucoup plus larges. Selon une récente étude commanditée par le Pentagone, les impacts géographiques, politiques et économiques des changements climatiques pourraient même représenter, d’ici une vingtaine d’années, une menace bien plus grande pour la sécurité internationale que le terrorisme.

A partir de divers exemples et études de cas sur la Rwanda, la bande de Gaza, l’Afrique du Sud, le Chiapas, ou encore le Pakistan, Homer-Dixon montre que les déséquilibres écologiques jouent souvent un rôle catalyseur dans le développement des guerres (Locher 2015). Mais il n’y a pas que les causes écologiques qui peuvent déclencher les conflits. Dans certains pays, les richesses du sous-sol sont, des fois, considérées comme des malédictions. On ne pourrait oublier les conflits armés qui font rage dans les régions minières africaines. La richesse des ressources géologiques (or, pierres précieuses, cobalt, étain, coltan, pétrole, etc.) attise la concurrence entre les seigneurs de guerre pour le contrôle de ces dernières, rares à l’échelle mondiale, mais abondantes dans les sous-sols centre et sud-africains. Les conflits à l’Est de la République Démocratique du Congo, RDC, seraient liés à la richesse du sous-sol de cette région.

A l’échelle nationale, les conflits ne peuvent pas manquer. Au Burundi, il persistedes conflits entre les différents utilisateurs des ressources naturelles et les services chargés de la protection des aires protégées. Le manque de cadre de concertation permanente entre les différentes parties prenantes, entretenu par des conflits d’intérêt, est à l’origine de la prédominance des mesures à effets pervers, des chevauchements et des incohérences  dans la conservation des aires protégées.

Les interactions entre les guerres et l’environnement ont constitué et représentent toujours un important facteur de transformation de la biosphère et des liens entre la nature et la population. Les deux guerres mondiales, la guerre froide et les luttes, pour s’affranchir de la colonisation, ont occasionné d’importantes destructions environnementales. La mise au point, le test et la fabrication des armes sont porteurs d’effets massifs sur l’environnement.

A l’échelle internationale, un nombre croissant de conflits serait lié à des problèmes environnementaux qui transcendent les frontières nationales et dont la complexité échappe de plus en plus au contrôle des gouvernements.  Comme le pétrole, l’eau peut être à l’origine des conflits. Les spécialistes estiment qu’en 2025, les deux tiers de la population mondiale vont vivre une situation de « stress ou de contrainte hydrique ». Au Moyen-Orient, l’eau représente désormais un enjeu primordial. Les ressources en eaux vives dont disposent les régions arabes du Moyen –Orient proviennent pour les deux tiers de l’extérieur de la zone (Taurus pour les bassins de l’Euphrate et du Tigre, Afrique Orientale et Ethiopie pour le bassin du Nil) (Boctor 2002: 45, Voir aussi Mapedza & Tafesse 2011 : 193ff). Les spécialistes estiment qu’en 2030 le déficit en eau du monde arabe variera entre 160 et 260 milliards de m3. La pénurie d’eau, due à la sécheresse, explique en partie les famines qui sont devenues chroniques surtout dans la corne de l’Afrique. L’eau devient rare alors que ses usages ne font que se multiplier (Kinezero 2011). Les nappes phréatiques qui se retrouvent en territoires palestinien et israélien sont une bonne illustration d’une source de conflits ou de tensions.

Ainsi, tous les pays sont concernés même si les situations sont différentes d’un cas à un autre. Les pays arabes disposent de moins de 1.000 m3 d’eau par habitant et par an, ce qui est considéré comme le seuil de pénurie (Boctor 2002 : 45). Des solutions d’urgence doivent être trouvées.

Il convient de faire remarquer que la rareté de telle ou telle ressource naturelle est nécessairement une source de conflit dans une zone surpeuplée. Les régions où les ressources sont rares, tout comme les zones d’abondance, sont concernées de la même façon. Il en est de même des pays densément peuplés ou ceux qui le sont moins, ou encore les zones riches comme les zones pauvres.

Toutefois, le conflit semble surtout lié aux capacités institutionnelles des entités concernées. La probabilité de l’émergence de conflits en lien avec des modifications environnementales importantes et/ou rapides (construction d’un barrage, dérivation de cours d’eau, etc.) augmente en effet lorsque les institutions concernées ne sont pas en mesure d’absorber et de gérer de façon efficace le changement induit (inexistence de traités définissant les droits et responsabilité de chaque Etat par exemple, ou introduction d’un nouvel acteur ou d’un nouvel Etat dans la gestion et l’utilisation des ressources (Locher 2015).

4.      Conséquences des guerres sur l’environnement

 

Les guerres occasionnent d’énormes dégâts sur l’environnement. Différents chercheurs n’ont cessé de s’en plaindre. Jessie King (2006) se plaint que la faune vietnamienne continue à payer le prix des armes chimiques. Samuel Kanyamibwa (1998) a déploré l’impact de la guerre au Rwanda sur la conservation en se référence à la faune et la flore du Rwanda. Il n’est pas impossible que ces analyses et ces réflexions se soient inspirées par les recherches de Robinson (1979) qui a élaboré sur les effets des armes sur l’environnement et Gledistch (1997) qui a étudié le lien entre les conflits et l’environnement.

L’histoire nous apprend que les anciens guerriers utilisaientles éléments naturels comme des armes de combat. Ilsont recouru à la tactique de la terre brûlée, à l’empoisonnement des points d’eau ou la contamination délibérée de certaines populations. Au Moyen Age, la construction de fourneaux nécessaires à la production du fer utilisé dans les armures et les épées a contribué au déboisement de certaines régions. Actuellement, les forces en présence utilisent des « armes conventionnelles » dans le cadre de frappes qui visent la destruction de sites industriels soupçonnés d’abriter des forces militaires ou des usines de production d’armes chimiques. Ces frappes occasionnent d’importants dégâts sur l’environnement.

Les effets des guerres sur l’environnement ne se limitent pas aux seules conséquences directes des frappes militaires. La guerre se prépare et ses effets désorganisent les services publics. Les programmes environnementaux de conservation des milieux naturels, de sensibilisation et de formation ne sont plus des priorités en temps de guerre. Les contrôles sur l’application des règlements disparaissent. Tous ces facteurs jouent un rôle dévastateur. 

La longue crise qu’a connue le Burundi, durant les dernières décennies avec des conflits politiques répétitifs et une insécurité généralisée, a eu un impact très lourd sur tous les secteurs socio-économiques et sur l’environnement. La guerre qui a été déclenchée en 1993 a eu des incidences multiformes à commencer par la prolifération des armes dont la plupart étaient détenues illégalement et des incendies criminels.

Au niveau politique, l’instabilité s’est installée. Au niveau social, la crise a occasionné des déplacements massifs internes et externes de la population, en termes de plusieurs centaines de milliers. Les concentrations de populations liées à la crise ont accentué les nuisances urbaines, et ce dans des zones peu préparées à les recevoir. Des camps de sinistrés ont été installés, le plus souvent en périphérie de centres urbains. Des habitations existantes étaient parfois devenues trop petites suite à l’accueil de sinistrés par leurs parentés.

Les déplacements ont créé des réfugiés à l’extérieur du pays et des déplacés et des regroupés à l’intérieur du territoire national. Les déplacements ont eu un impact très négatif sur le secteur des ressources naturelles et de l’environnement. Les déplacés et regroupés ont exercé une très forte pression sur les reboisements et les aires protégées. Des milliers d’hectares de boisements et d’aires protégées ont été décimés pour des raisons de construction des abris de fortune ou d’énergie de chauffage comme le tableau suivant le montre.

 

Superficies de 1993

Superficies détruites

Pourcentage

Boisements domaniaux

80.000 ha

24.000 ha

30%

Boisements communaux

11.000 ha

4.000 ha

36%

Agroforesterie

60.000 ha

0 ha

0%

Forêts naturelles

55.000 ha

5.000 ha

9%

Total

206.000 ha

33.000 ha

16%

Source: Stratégie Nationale de l’Environnement au Burundi, SNEB

De ce tableau il ressort que 16% des boisements nationaux, toutes catégories confondues, ont été emportés par la crise, ce qui est une véritable catastrophe écologique. Des spécialistes établissent le lien entre ces destructions et les changements climatiques observés aujourd’hui.

D’innombrables animaux sauvages ont été abattus. Jusqu’aujourd’hui les services habilités du ministère ayant la protection de l’environnement dans ses attributions ne peuvent pas dire exactement le nombre de buffles, d’antilopes ou d’hippopotames abattus pendant la crise.

Le tourisme dans les aires protégées s’était éteint, les infrastructures touristiques avaient été détruites suite à ce conflit (Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et du Tourisme 2002: 61). De plus, les aides extérieures, dont dépendaient une grande part de l’activité de l’Institut National de l’Environnement et de la Conservation de la Nature, INECN (aujourd’hui Office Burundaise de la Protection de l’Environnement, OBPE), sous la tutelle du ministère ayant l’environnement dans ses attributions et de l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi, ISABU, sous la tutelle du ministère ayant l’agriculture dans ses attributions, avaient pour la plupart abandonné le Burundi. En particulier, le personnel de gardiennage de l’INECN avait fortement chuté.

Le 5 août 2015, la « Voix d’Amérique », captée à Bujumbura, a rapporté une incendie volontaire de l’espace, occupé par du papyrus, faisant la frontière entre le Rwanda et le Burundi au niveau de la rivière Akanyaru. Au niveau du Burundi, les autorités locales avaient reçu une fausse alerte comme quoi des assaillants, en provenance du Rwanda, se seraient infiltrés sur le territoire du Burundi en se dissimulant dans le papyrus. Elles ont alors autorisé l’incendie de cet écosystème aux fins de « déloger les assaillants ». Quand le feu avait tout consumé, ils ont réalisé qu’il n’y avait pas d’assaillants. Même si la radio n’a pas précisé l’étendue du paysage  incendié, cet acte reste une catastrophe écologique si l’on sait que le mois d’août correspond, au Burundi, à la grande saison sèche où les conditions atmosphériques, c’est-à-dire la chaleur, attisent le feu.

Bas du formulaire

 

5.      Mesures préventives

 

L’idéal serait qu’il n’y ait pas de guerre et l’environnement serait sauvé. Les mesures préventives visent à faire en sorte que les conflits soient évités dans la mesure où ils provoquent des déséquilibres environnementaux. Mais si malgré toutes les précautions prises la guerre doit éclater, il faut agir. Les actions de protection en amont des conflits sont des mesures préventives. Elles peuvent contribuer à éviter des guerres ou des conflits ou en limiter sensiblement les impacts sur le milieu naturel.

 

Comme elles agissent en amont des conflits, les mesures préventives revêtent un caractère global, s’étalent sur le long terme et débordent sur les opérations classiques de consolidation de la paix. Elles prennent le caractère de promotion de la sécurité environnementale, d’élaboration et respect d’instruments réglementaires, de formation et responsabilisation des corps de défense, de coopération internationale, etc.

L’adoption de systèmes de gestion environnementale par les différents corps d’armée contribue à promouvoir la sensibilisation et la responsabilisation des militaires. Et d’ailleurs, certaines écoles militaires ont déjà intégré les préoccupations environnementales dans leurs activités de formation. C’est le cas par exemple, en Belgique, de l’Ecole du Génie de jambes qui a développé un centre de formation en environnement, lequel offre des cours de conseillers en environnement destinés aux officiers et aux sous-officiers (Locher 2015).

 

 Dans cette optique, pendant la guerre, les frappes seraient plus orientées vers des cibles militaires pour minimiser les dommages collatéraux, ce qui permettrait de déstabiliser le régime sans endommager les infrastructures civiles, ni porter atteinte aux citoyens ou à l’environnement.

 

Les enjeuxenvironnementaux débordent souvent les frontières nationales, institutionnelles et organisationnelles. Par ce fait, elles requièrent l’implication des acteurs de tous les horizons dans la conception et la mise en œuvre des solutions concertées : parties gouvernementales, associations de protection de l’environnement, organisations œuvrant dans l’humanitaire, experts du secteur privé, organismes internationaux, etc.

 

L’ampleur et la diversité des opérations exigent la mobilisation d’équipes d’environnementalistes pluridisciplinaires et plurisectorielles comprenant plusieurs acteurs : militaires, experts d’organisations internationales, représentants d’organismes humanitaires et environnementaux, etc. L’association des responsables environnementaux de base d’entraînement militaire peut également être bénéfique. La promotion de la coopération entre les différentes parties prenantes au conflit est une bonne mesure préventive qui peut avoir des implications sur l’environnement.

 

En revenant aux ressources en eau, tous les experts conviennent que, dans le contexte de sa raréfaction croissante dans la région, seuls les mécanismes de coopération régionale peuvent sinon régler les déséquilibres hydrauliques, du moins atténuer les situations de pénurie. Les Etats doivent adopter une gestion transcendant les frontières nationales et intégrant les « frontières hydrauliques ». Mais encore faut-il, pour que cette entente se réalise, que les différents territoriaux de la région trouvent des solutions (Locher 2015).

 

6.      Mesures correctives

 

Les impacts de la guerre sur l’environnement résultent d’abord des conséquences indirectes de la préparation et de la logistique des activités des troupes. Il s’agit notamment de la fabrication des armes, de l’approvisionnement et du déplacement de soldats, du transport de substances dangereuses, etc.

 

La fabrication des armes a toujours été une activité humaine prolifique comportant d’importants impacts sur l’environnement. Toutefois, ces conséquences sont le fruit d’activités industrielles immédiates sur l’environnement, qui font l’objet d’études d’impacts post-conflit. Même s’elles sont apparentes, ces conséquences restent graves. Les études ont montré que même les activités d’entraînement génèrent, sur le milieu naturel, des impacts semblables à ceux des situations de combat réels.

Les impacts environnementaux peuvent renforcer le ressentiment des populations, hypothéquer leur capacité de développement et encourager l’occurrence de nouveaux conflits. Les mesures d’urgence environnementale jouent un rôle palliatif. La plupart des mesures post-conflit peuvent s’inscrire dans le cadre des opérations de consolidation de la paix, à condition d’élargir sensiblement la mission habituelle de ces dernières.

Elles peuvent contribuer à prévenir l’occurrence de conflits ou de problèmes sociopolitiques, sanitaires et environnementaux qui s’alimentent mutuellement. Les mesures correctives visent l’analyse et la réparation des dégâts causés à l’environnement à travers des études d’impacts, des actions concrètes et urgentes comme des actions de restauration de l’environnement et des services publics et le dédommagement. La réparation des dommages causés repose, entre autres, sur des actions de décontamination et de nettoyage. A plus long terme, les mesures de substitution s’efforcent de réparer les dommages environnements causés par les affrontements. 

 

La prise en compte de la dimension environnementale exige un élargissement de la mission dévolue aux forces de consolidation de la paix et le développement de nouvelles compétences pour faire une analyse des impacts des frappes militaires, arrêter d’urgentes mesures ou alors élaborer des programmes de restauration de l’environnement.

L’adoption de mesures d’urgence environnementale doit souvent précéder les études d’impact en raison de la durée. Le rétablissement rapide de l’eau apparaît évidemment comme une priorité pour éviter le dépérissement de la production agricole, la déshydratation des populations locales et la diffusion de graves épidémies.

Les institutions internationales sont de plus en plus conscientes de l’importance d’intégrer les préoccupations environnementales dans les efforts de reconstruction. Le programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), a créé une « unité des évaluations post conflit » qui étudie les conséquences des guerres modernes sur l’environnement et propose des recommandations pour restaurer les écosystèmes touchés. En 1996, avec l’appui du Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD), les Etats riverains du fleuve Nil ont établi un forum pour engager un processus de dialogue juridique et institutionnel aux fins de parvenir à un accord sur certains principes juridiques et arrangements institutionnels fondamentaux. En 1997, la Banque Mondiale a accepté de prendre la direction pour coordonner les contributions des donateurs pour appuyer ses activités. L’adhésion de l’Egypte au Marché Commun des Etats d’Afrique Orientale et australe (COMESA) en 1998 a aidé à apaiser les anciennes tensions surtout avec l’Ethiopie. L’accord de fondation du COMESA a été signé à Kampala en novembre 1993 pour entrer en vigueur en décembre 1994 (Kinezero 2011).

Les aspects humanitaires et sanitaires doivent accompagner les mesures correctives, post-conflit dans la mesure où celles-ci se prêtent bien aux opérations de consolidation de la paix. Pour réussir de ces mesures de restauration appropriées et l’identification des causes, responsables des dommages, la réalisation d’études d’impacts s’avère indispensable.

 

Au niveau transfrontalier, la création de « parcs pour la paix » s’inscrit dans la même logique de coopération environnementale en vue de pacifier des régions. Ces espaces naturels protégés entre plusieurs pays belligérants ou susceptibles d’entrer en conflit visent à favoriser le dialogue et la collaboration : surveillance conjoint du parc, protection de la biodiversité, partage des ressources communes et démilitarisation des zones protégées.

Les restes du matériel utilisé pendant la guerre peuvent être valorisés. Les débris et le matériel peuvent, dans certains cas, être recyclés pour être réutilisés pour la construction des infrastructures routières ou des travaux de terrassement. Souvent, la créativité des populations locales dans ce domaine est surprenante. Au Vietnam et au Cambodge, des résidus métalliques des bombes lâchées il y a plus de trente ans ont été réutilisées pour fabriquer des socs de charrues, des ustensiles et des piliers de soutenance des maisons sur pilotis tandis que des sandales étaient fabriquées à partir de vieux pneus usés.

 

Pour restaurer les forêts et lutter contre l’érosion des sols, des activités de reboisement sont initiées. Au Burundi, le HCR a assisté le reboisement, sur près de 1.500 ha depuis 1995, notamment dans le Nord-Est, où les chances de réussite étaient, malheureusement, limitées par des termites (Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme 2013 : 39). Des mesures ont été prises pour reconstituer les limites du Parc National de la Kibira perdues pendant la guerre de 1993. Avec les programmes de repeuplement du cheptel entrepris par le Gouvernement, appuyé par ses partenaires, à travers des projets de développement, les effectifs bovins et caprins ont augmenté sensiblement.  

 

Le Koweit a accordé de fructueux contrats à des entreprises américaines, françaises ou britanniques pour le nettoyage des zones de combats. Comme il s’agit souvent de gros investissements, ces différentes actions suscitent la convoitise de grandes entreprises qui souhaitent s’accaparer des contrats de construction. Ainsi, à la fin de la guerre du Kosovo, l’entreprise Vivendi a utilisé des véhicules blindés de l’armée française pour s’assurer d’être la première sur les lieux et obtenir le contrat de restauration du service des eaux de la ville de Mitrovica (voir Locher 2015).

 

Conclusion

Les interactions entre les guerres et l’environnement constituent un important facteur de transformation de la biosphère. De nombreuses guerres ont été provoquées ou attisées par des déséquilibres écologiques : pénurie d’eau, surpopulation, épuisement des ressources, etc.

Le lien entre l’environnement et la sécurité des personnes n’est pas nouveau. La préservation de l’environnement et la consolidation de la paix sont indissociables. La restauration des écosystèmes et la protection de l’environnement ne constituent pas seulement des objectifs en soi, elles peuvent également contribuer à la promotion de la paix.

Les mentalités doivent changer. Ceux qui sont chargés d’élaborer des stratégies et les décideurs, en matière de guerre, doivent abandonner la conception de l’environnement comme un simple théâtre d’activités. Ils doivent plutôt le considérer comme un enjeu politique ou économique. Malgré leur diversité et leurs contrastes les pays du bassin du Nil ont compris qu’ils ont tout à gagner à la coopération. 

Les opérations de consolidation de la paix ne devraient pas ignorer les enjeux écologiques. Elles doivent s’attacher à réparer les conséquences des conflits, mais surtout à prévenir leur retour et à pacifier une région par la promotion d’un environnement sécuritaire et d’un développement durable.

 

Etant donné que les risques inhérents aux interventions post-conflit se déroulent souvent dans un environnement hostile, l’engagement actif de militaires dans les mesures environnementales post-conflits est indispensable. Les militaires doivent être formés dans la mesure où l’absence de formation et de sensibilisation aux enjeux environnementaux risque de faire oublier les règlements et les préoccupations en la matière. La gestion de l’environnement est donc aussi affaire de sentiment de solidarité collective, et par conséquent aussi de paix.

Référence Bibliographique: 

Références bibliographiques

Boctor, I A C 2002. La coopération multilatérale et la question de l’eau au bassin du

Nil.Paris : Université  Paris, 2002.

Gledistch, N 1997. Conflict and the Environment. Dordrecht: KAP.

Kanyamibwa, S 1998. Impact of war on conservation: Rwandan  environment

and wildlife in agony. Biodiversity and Conservation. 7: 1399–1406.

Kinezero, M 2011. Politiques régionales pour la protection de

’environnement. Ethique et Société, 7(2-3) : 219-238.

King, J 2006. Vietnamese wildlife still paying a high price for chemical  warfare",

En ligne sur www.Independent.co.uk/environment. Consulté le 4March 2015.

Locher, F 2015. Guerre et environnement au XXème Siècle.        En ligne sur

www.google.com/Consulté le 3 août 2015

Mapedza, E & Tafesse, T 2011. Partage du Nil Bleu : la leçon à apprendre

d’autres bassins fluviaux. Ethique et Société, 7(2-3) : 193-218.

Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et du

Tourisme 2009. Quatrième rapport du Burundi sur la Convention sur la Diversité biologique. Bujumbura : République du Burundi.

Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire

et du Tourisme 2013. Stratégie Nationale et Plan d’Action sur la Biodiversité 2013-2020. Bujumbura : République du Burundi.

Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et du

Tourisme 2002. Rapport National d’évaluation des dix ans de mise en œuvre de l’Agenda 21 au Burundi, 1992-2002. Bujumbura : République du Burundi.

République du Burundi & PNUD 2016. Amélioration de l’efficacité du

système de gestion des aires protégées pour la conservation de la biodiversité au Burundi à travers l’engagement des parties prenantes», En ligne sur http://bi.chm-cbd.net/biodiversity/documents-sur-la-biodiversite-du-burundi/projets-dans-le-domaine-de-biodiversite/projet-amelioration-de-l-efficacite-du-systeme-de-gestion-des-aires-protegees  (Consulté 15 Novembre 2016).         

Robinson, J P 1979. The Effects of Weapons on 

Français

Revue Ethique et Société
Fraternité St. Dominique
B.P : 2960 Bujumbura, Burundi

Tél: +257 22 22 6956
Cell: +250 78 639 5583; +257 79 944 690
e-mail : info@res.bi
site web: www.res.bi

 

Fraternité Saint Dominique de Bujumbura

Nous, Dominicains du Burundi sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de...

Lire la Suite

Couvent Saint Dominique de Kigali

Nous, Dominicains du Rwanda sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de

Lire la Suite