How Rich Countries got Rich… and Why Poor Countries Stay Poor.

Erik S. Reinert (2007)

How Rich Countries got Rich… and Why Poor Countries Stay Poor.

London: Constable, 365 pages + xxix.

Le titre de ce livre de Reinert rappelle celui de David Landes, The Wealth and Poverty of Nations: Why some are rich and some poor paru en 1998. Effectivement, les deux livres ou plutôt les deux auteurs ont un point en commun: La création de la richesse et comment cela peut se réaliser dans les pays pauvres. Cependant les deux auteurs divergent quant aux solutions qu’ils proposent. Pour Landes la création de la richesse dans les pays pauvres ressort du devoir des pays riches, tandis pour Reinert, les pays pauvres doivent imiter les pays riches s’ils veulent se mettre sur la route du développement économique.

En effet, nous dit Reinert, les pays riches eux-mêmes se sont développés par la combinaison de l’interventionnisme étatique, le protectionnisme et les investissements stratégiques. Pourtant ces mêmes pays conseillent aux pays sous-développés de s’ouvrir aux libres échanges pour pouvoir se développer. Pour que cette émulation puisse réussir, Reinert suggère d’en découdre avec la théorie Ricardienne des échanges économiques basée sur le principe des avantages comparatifs. Son observation est qu’ «en éliminant de la théorie économique la compréhension qualitative du changement et de la dynamique économique, l’économie ricardienne fait qu’il est possible, pour une nation, de se spécialiser en la pauvreté » (p.19). Un pays qui se spécialise dans la production des matières premières ou dans l’agriculture n’a pas les mêmes chances économiques que celui qui se spécialise dans les produits manufacturés. Cette observation l’amène à opter comme base  théorique le schumpéterisme ou l’approche évolutionnaire à l’économie qu’il complète par des éléments économiques des écoles historique et institutionnelle

Le livre comporte huit chapitres, six appendices suivis de notes et une bibliographie. Le premier chapitre explique l’existence de différents types de théories économiques et l’écart souvent observé entre la rhétorique économique et la réalité des politiques économiques. Ceci lui permet de situer la théorie économique ricardienne dans les autres théories pour préparer ses lecteurs à apprécier la critique qu’il en fait. Dans le deuxième chapitre, l’auteur contraste et compare le canon dont font partie les physiocrates, Adam Smith, David Ricardo et tous ceux qui se rangent dans la tradition de l’économie classique d’une part, et d’autre part le canon de l’économie qui a inspiré l’essor économique des pays, comme l’Angleterre des années 1500 et l’Allemagne d’après la seconde guerre mondiale sous le Plan Marshall. Reinert veut en venir à deux choses. Tout d’abord, pour lui, il faut regarder ce qui s’est passé dans l’histoire et s’en est instruire (p.23). En deuxième lieu, il faut réaliser que la force qui meut l’économie d’une société est ce que Nietzsche appelle le capital de l’esprit et de la volonté (p.29). Ceci est certainement important pour les pays en quête du développement économique: apprendre du passé de l’humanité, partir de son élan vital et de sa fierté créative.

Le troisième chapitre souligne le concept de l’émulation comme le cœur du développement réussi en le retraçant aux économistes de l’ère des lumières. L’argument de Reinert va de la bible à la pratique économique elle-même. Si nous sommes créés à l’image de Dieu, il nous faut imiter Dieu. Il s’agit ici de passer de l’état de spectateur dépendant à l’état de propriétaire et de maître de la nature (p.76). L’émulation était aussi une stratégie de la politique économique en Angleterre sous Henri VII (1485). L’Angleterre a imité la stratégie économique des cités-états d’Europe (Venice, cités hollandaises, etc.) dont les structures de production et de commercialisation sous un protectionnisme rigoureux ouvraient à la richesse. Aussi suggère-t-il que les nations riches ne peuvent pas maintenir les pays pauvres dans la pauvreté en postulant la non-existence de ces facteurs qui ont créé leur richesse.

Dans les chapitres 4 et 5 Reinert soutient que même s’il y avait de bons arguments pour le libre échange, celui de Ricardo ne pourrait pas en faire partie. En effet, en suivant le principe des avantages comparatifs de Ricardo, les pays pauvres se retrouvent dans la position contraire au développement et au progrès. Ils s’engagent dans le processus de la régression et de la « primitivisation » économique. Entre autres exemples, Reinert donne les cas du Peru, de la Mongolie et certains pays Africains. Il en profite pour évaluer le processus de la mondialisation en donnant les arguments en faveur et des arguments contre. Il soutien qu’en fait les pays riches ont confondus les raisons de la croissance économiques (innovation, les nouvelles connaissances et les nouvelles technologies) et le libre échange. Un point très important. C’est l’innovation rendue possible par les nouvelles connaissances et technologies que des sociétés peuvent produire et vendre tandis que ceux qui n’innovent pas se condamnent par le fait même à la consommation appauvrissante.

Dans le chapitre 6, l’auteur défend que pour lutter contre la pauvreté, il faut distinguer les causes principales du développement économiques et les symptômes ou les effets de la pauvreté. Aujourd’hui, nous dit-il, les économistes de l’idéologie actuelle du développement se contentent de traiter les effets en se désintéressant au domaine de la production et de la création de la richesse. Ce point lui permet de critiquer ce qu’il appelle l’ « économie palliative » qui informe les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Nous sommes au chapitre 7. La connaissance de l’histoire du développement, nous dit-il peut nous aider à ne pas suivre les politiques du développement qui sont apparemment logiques alors qu’elles sont dangereuses. Pour lui les OMD manquent un cadre macroéconomique capable de stimuler le développement des pays pauvres à long terme. Tels qu’ils sont conçus, ils ne peuvent pas nous permettre de passer aux changements structurels  fondamentaux qui ouvrent au vrai développement économique: ils se contentent d’alléger la pauvreté. Le dernier chapitre suggère qu’il est possible de créer des pays à revenus moyens pour permettre à tous les habitants d’avoir accès aux besoins de base. Pour y parvenir, il suffirait de revenir à l’économie keynésienne ainsi que l’esprit du plan Marchall à la fin de la deuxième guerre mondiale.

 

Le livre de Reinert a de quoi être recommandé. En fait sa lecture m’a ouvert les yeux sur une question que je ne m’étais pas encore posé sur l’économie du Burundi: Pourquoi l’industrie textile et l’industrie de verre du Burundi ont-elles fermé ? Raison politique ou raison économique ? Reinert fait un clin d’œil aux pays qui ont économiquement échoué et dirige leur regard sur l’histoire économique. Au fait, le livre de Reinert se situe dans le cadre des réflexions en cour sur la question de savoir pourquoi certains pays ne se développement pas et quelles pourraient être les conditions de leur décollage économique d’une part, et d’autre part il critique les approches adoptées par ceux qui ont souvent prétendu sauver les nations pauvres du péril du sous-développement. Sur ce, sa réflexion, comme il le dit lui-même (p.xxvii), est une critique dirigé contre ses collègues économistes en leur montrant que la théorie standard des échanges internationaux ne convient pas et conduit les pays en développement à la désindustrialisation et à l’état de l’économie primitive.

Ainsi le grief de Reinert n’est pas sur l’aide comme c’est le cas de Calderisi, Easterly et d’autres. Son grief est sur certaines approches économiques dont la logique séduit mais dont la réalité déçoit. Reinert est alors de la même tendance que Ha-Joon Chang, l’auteur du fameux Bad Samaritans: The myth of the free trade and the secret history of capitalism paru aussi en 2007. Les deux auteurs suggèrent aux pays en développement de se méfier du seul marché (dans lequel les pays pauvres peuvent se retrouver comme consommateurs seulement et non comme producteurs et consommateurs) comme solution au sous-développement économique. Le développement suppose la synergie de la main forte de l’Etat, la force du marché, et le peuple. L’essor du développement économique de l’Asie orientale et la réponse à la crise financière actuelle par les pays développés le montrent bien. Cependant on peut se demander si le protectionnisme économique tel qu’il a été pratiqué par les pays qui sont aujourd’hui développés est possible dans cette ère de la communication électronique et de la délocalisation. Ces derniers, nous le savons, sont les principaux facteurs de l’économie mondiale dont les effets fascinent facilement les esprits consuméristes. Mais les pays à qui la solution de Reinert est dirigée pourraient déjà s’instruire de la manière dont la crise économique actuelle est en train d’être gérée : l’Etat prend les choses en main par son stimulus. C’est le lecteur  trouvera que Reinert a raison. Il s’agit de revenir à la définition de l’économie comme gestion de la maison que les mathématiques financières tendent d’éliminer du jeu

Le contenu du livre de Reinert se recommande aux autorités d’Etats, aux consultants en matière de politiques du développement et, bien sûr aux jeunes étudiants qui se préparent à affronter les réalités de leur pays qui se sous- développent au lieu de se développer.

 

Français

Revue Ethique et Société
Fraternité St. Dominique
B.P : 2960 Bujumbura, Burundi

Tél: +257 22 22 6956
Cell: +250 78 639 5583; +257 79 944 690
e-mail : info@res.bi
site web: www.res.bi

 

Fraternité Saint Dominique de Bujumbura

Nous, Dominicains du Burundi sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de...

Lire la Suite

Couvent Saint Dominique de Kigali

Nous, Dominicains du Rwanda sommes des membres d'un Ordre religieux international et multiséculaire dont le charisme fondateur s'articule autour de

Lire la Suite