VERS UNE EUROPE PLUS POLITIQUE ?

Abstract: 

This chronicle considers the issue of the political dimension of the European Union. In effect, from a political point of view; three recent events pose new question to the European Union, namely, the crisis of energy and its supply; the world financial and economic crisis; and the recent war in Southern Ossetia and Georgia. Furthermore the issue of the environmental protection and climate change has taken a clear political dimension. The chronicler tries to precise in what sense and to what extent these events have shaped the issue of a political Europe.

1.      Introduction

Trois événements récents posent à l’Union européenne des questions très nouvelles d’un point de vue politique : la crise de l’énergie et la question de son approvisionnement, la crise financière et économique mondiale et la guerre récente en Ossétie du Sud et en Géorgie. Par ailleurs, la question de l’environnement et du climat a aussi pris, depuis quelques années, une dimension proprement politique. Nous essaierons ici de préciser en quoi et dans quelle mesure ces événements relancent la question d’une Europe politique.

2.      Deux traités fondateurs, deux procédures décisionnelles

L’Union européenne est l’aboutissement actuel du processus engagé par la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1950. La matière du traité de la CECA était exclusivement économique : gestion commune des deux piliers majeurs de l’économie en Europe, pour les six premiers pays concernés. L’objectif à long terme était, cependant, fondamentalement politique : non seulement l’établissement durable de la paix, mais aussi la construction d’une Europe fédérale. Le traité de Rome, qui crée la Communauté économique européenne en 1957, étend la perspective économique, en visant à terme un marché unique pour tous les pays membres de la Communauté, mais abandonne la perspective proprement politique. Des éléments politiques limités sont réintroduits lors de la création de l’Union européenne, par le traité de Maastricht en 1992 : mise en place des fondements d’une politique intérieure (JAI, Justice et affaires intérieures, dans le domaine de la Justice, de la police, de la gestion des frontières, etc.) et d’une politique étrangère commune (PESC : politique étrangère et de sécurité commune, et PESD : politique européenne de sécurité et de défense). Le traité de Lisbonne, s’il est finalement ratifié, ce qui est probable, étend les possibilités de coopération dans ces deux domaines.

Ces deux domaines politiques relèvent cependant d’une autre dynamique institutionnelle que les questions économiques. La JAI et la PESC/PESD ne sont pas de l’ordre communautaire, mais de l’ordre intergouvernemental. En quoi réside la différence ? Du point de vue décisionnel, le pilier communautaire (économie et partiellement social) est traité, en général, à la majorité qualifiée (en gros les deux tiers des États et les deux tiers de la population), – il en va ainsi pour tout le secteur économique, le social et le fiscal relevant cependant toujours soit de l’unanimité, soit de la coopération libre, – et dans la plupart des cas, il est objet d’une codécision impliquant le Conseil des ministres et le Parlement européen. En outre dans ce domaine, la Commission européenne a le monopole de la proposition législative, et elle a mission de surveiller la mise en œuvre des directives et règlements, la Cour de Justice européenne tranchant en dernier ressort. Par contre, du point de vue décisionnel toujours, pour les deux autres piliers JAI et PESC, qui sont du domaine intergouvernemental, la décision relève des chefs d’État et de gouvernement, et elle suppose nécessairement l’unanimité (difficile à obtenir à 27) ; la Commission ne peut intervenir (sauf si les gouvernements lui donnent une mission particulière), le Parlement n’a aucun pouvoir (il peut seulement et à son initiative émettre des avis, mais il n’est pas formellement consulté).

Le projet de traité constitutionnel fusionnait les deux traités (traité de Rome sur la Communauté européenne et traité de Maastricht sur l’Union européenne) en un seul traité, mais maintenait pour l’essentiel la distinction entre procédures communautaires et procédures intergouvernementales. Le traité de Lisbonne amende les deux traités, mais ne les fusionne pas. Elle les renomme : Traité sur l’Union européenne (TUE) et Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, ancien traité de Rome).

3.      L’environnement et le climat

La prise en compte des questions concernant l’environnement par les politiques européennes n’est pas neuve. Certes, le traité de Rome (1957) est muet à cet égard. Mais dès 1972, le Conseil européen souligne « l’importance d’une politique de l’environnement dans la Communauté ». Une action législative est entamée à partir de 1975 : il s’agit d’une première directive sur les déchets. En 1987, l’Acte unique européen inscrit dans le traité un article consacré au rôle de la Communauté dans la préservation de l’environnement. Le traité de Maastricht (1992), confère à l’environnement le statut de politique européenne. Le traité d’Amsterdam (1997) renforce cette dimension politique de la question de l’environnement : il introduit la perspective du développement durable dans le préambule du traité ; il déclare que la protection de l’environnement doit être intégrée dans toutes les politiques sectorielles ; il étend la procédure de codécision à ce domaine, ce qui signifie qu’il implique directement le Parlement européen dans la définition législative des politiques de l’environnement. À partir de 2001, la question du climat vient à l’avant-plan.

L’évaluation de cette prise en compte, par l’Europe, de l’environnement et du climat dans la perspective d’un développement durable demande, cependant, bien des nuances.

Du côté positif, il y a d’abord le fait politique. Il y a une prise de conscience mondiale des menaces que le changement climatique fait peser sur l’avenir de la planète et celle des populations, bien que nombre d’autorités politiques cherchent à minimiser les menaces, comme cela a été le cas jusque tout récemment par l’administration Bush aux États-Unis. D’un point de vue théorique et déclaratif, la question a été prise au sérieux par les instances politiques européennes. Le cadre national, si important reste-t-il, est insuffisant et inadéquat pour traiter efficacement d’une telle problématique. Il y a conscience de ce qu’une politique proprement européenne est nécessaire, même si une politique européenne, établissant des normes et soutenant la recherche, ne peut seule se montrer à la hauteur du défi. La question est mondiale. Mais l’Europe peut proposer un certain modèle (à condition d’être efficace et cohérente), et elle peut jouer un rôle moteur. L’Union joue, pour une part au moins, ce rôle moteur en étant l’acteur politique international le plus actif dans ce domaine, dans la recherche de conventions et de normes mondiales. En positif aussi, le fait que cette question contribue à renforcer la dimension politique de l’Union, tant en interne qu’en externe.

Tout ne va cependant pas pour le mieux pour autant. Les défis soulevés par le changement climatique sont urgents, mais les réponses, y compris celles de l’Europe, restent très timides. Le handicap majeur est la question de la compétitivité tant des entreprises que des États.

En ce qui concerne les entreprises, elles résistent fortement à la perspective de nouvelles normes imposées qui porteraient atteinte à leur compétitivité. Il en va de même de nombre d’États, tant dans le domaine de la concurrence entre les États européens, que vis-à-vis des pays tiers. La question difficile est de savoir jusqu’où l’Europe peut s’avancer seule sans se condamner à perdre des parts de marché considérables à l’exportation dans des pays moins rigoureux (pour l’importation, les directives s’appliquent aussi aux produits importés).

Du fait de cette double résistance des entreprises et des États, il est évident que les décisions prises ne sont pas à la hauteur des défis climatiques et environnementaux.

Ajoutons une réflexion positive du point de vue proprement éthique. La culture de la société occidentale est dominée par l’économie, le marché et les exigences de profit immédiat. Cela a pour conséquence, d’une part, de prendre peu en compte les externalités (les dégâts collatéraux, en termes militaires), c’est-à-dire l’ensemble des effets négatifs des processus en cours : sur les personnes (entre autres sur la santé), sur les groupes plus fragiles de la population, sur l’environnement (les multiples pollutions), et d’autre part, de limiter l’horizon au court terme tant économique (le profit le plus rapide possible) que politique (la prochaine élection). Or les questions de l’environnement et du climat menacent à moyen et long terme surtout non seulement les populations, mais aussi les économies elles-mêmes. Il est significatif que du côté des entreprises, les premières à avoir tiré la sonnette d’alarme sont les entreprises de réassurance (qui assurent les assurances contre les risques majeurs qu’elles ne pourraient couvrir, comme les grandes catastrophes) : il y a plusieurs années qu’elles ont déclaré que, pour l’avenir, elles ne pourraient garantir la réassurance face aux risques technologiques majeurs, ainsi qu’aux risques environnementaux. Au niveau éthique, cela signifie qu’une double dimension essentielle est réintroduite au plan politique : la durée longue et la solidarité.

D’un côté, il est évident que les questions d’environnement et de climat demandent des décisions dont les effets ne portent que sur le long terme : avec difficultés et tensions, avec trop de timidité, la responsabilité longue est réintroduite en politique. Il y a là une dimension éthique importante, qui peut-être pourra aussi influencer peu à peu les mentalités et aider à sortir de la culture du tout de suite, en donnant davantage de sens à des projets de vie et de société.

Par ailleurs, cette problématique implique une attitude de solidarité, à la fois solidarité dans le temps vis-à-vis des générations futures, mais aussi solidarité plus transversale du fait que les risques sont très inégalement répartis, et que ce sont les populations côtières les plus fragiles des pays pauvres qui sont le plus menacées : élévation du niveau des mers, ouragans, etc. Prise de conscience concrète, même si insuffisante dans les conséquences pratiques qu’on en tire, de ce que l’humanité est une dans le présent et dans la durée.

4.      L’approvisionnement en énergie

Notre économie industrielle et l’organisation de la vie quotidienne dépendent étroitement de l’énergie, en particulier de l’énergie faisant appel aux ressources fossiles : pétrole et gaz, et dans une moindre mesure le charbon. Depuis quelques années, il est devenu évident que les ressources de pétrole et de gaz sont limitées et qu’il faudra trouver des alternatives. Pour l’électricité, on revalorise le nucléaire, mais les centrales les plus anciennes ne sont pas totalement sûres et des accidents majeurs restent possibles ; de plus on ne sait toujours pas comment traiter et éliminer de façon durable les déchets nucléaires dont la radioactivité constitue une menace grave. Sans écarter le nucléaire de nouvelle génération, les politiques européennes visent à développer des technologies et des processus de production moins consommateurs d’énergie, créer et mettre en œuvre des technologies alternatives (solaires, éoliennes, etc.).

Les technologies alternatives ne permettront cependant pas de se passer rapidement, ni sans doute totalement, des produits fossiles. Or, tant pour le pétrole que pour le gaz, l’Europe dépend à près de 100% de pays tiers pour son approvisionnement. Des ruptures importantes d’approvisionnement peuvent avoir des conséquences économiques et politiques très graves. Plus du quart du gaz consommé en Europe provient de la Russie, et la presque totalité de ce gaz transite par l’Ukraine via le gazoduc Droujba (amitié). Les relations entre l’Ukraine et la Russie sont très tendues : la Russie se sent menacée par la possible d’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et surtout dans l’OTAN : l’élargissement de l’OTAN et la multiplication des bases américaines l’encerclent pratiquement à l’Ouest et au Sud. Un coup de semonce a été donné en janvier 2006 : la Russie coupe l’arrivée du pétrole puis du gaz à la frontière ukrainienne. La crise ne dure que quelques jours. En janvier 2007, ce sont les vannes du pétrole qui sont fermées à la frontière du Belarus puis de l’Ukraine. Cette fois encore, un accord est trouvé au bout de quelques jours. Le 1er janvier 2009, la Russie ferme à nouveau les vannes du gaz : ce sont dix-huit pays européens qui sont touchés, les pays du Sud-Est européens n’étant plus du tout approvisionnés, alors qu’il n’y a aucune alternative immédiate. Le conflit avec l’Ukraine porte officiellement sur les tarifs, mais il est avant tout politique. Moscou cherche à susciter un conflit entre l’Ukraine et l’Union européenne, et à diviser les Européens entre eux, en jouant sur le fait que les États d’Europe occidentale dépendent beaucoup moins de la Russie que ceux d’Europe centrale. À l’heure où cet article est rédigé (21 janvier) le conflit est en voie d’être réglé. Cette situation conflictuelle devrait pousser les États européens à développer une attitude commune, qui est leur seule force de négociation.

La situation globale de dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’extérieur pour son approvisionnement en gaz et en pétrole et sa dépendance vis-à-vis de la Russie, dans un contexte de tensions récurrentes, provoquent les États européens à davantage s’affirmer ensemble politiquement, et donc, à se donner les moyens communs d’action. Mais la volonté politique et la solidarité ne sont que trop faiblement au rendez-vous.

5.      La crise financière et économique

L’effondrement de quelques unes des institutions financières les plus renommées aux États-Unis d’abord, puis en Europe, en 2007, suite à la crise des subprimes, rejaillit en ébranlant l’économie réelle, à partir du 2e semestre de 2008 : une récession majeure est entamée, avec toutes les conséquences sociales qui en découlent. De plus en plus d’entreprises font faillites, les géants de l’automobile sont menacés d’écroulement. D’où les pertes massives d’emploi (plus de deux millions d’emplois perdus aux États-Unis en 2008), et donc l’augmentation très forte du chômage. L’endettement de nombreuses familles, incapables d’assurer le remboursement de leurs prêts, les conduit à la misère.

Cette crise majeure a aussi pour conséquence d’ébranler les dogmes les plus assurés du néolibéralisme : l’autorégulation du marché est une illusion, les systèmes d’évaluation des risques sont aveugles, des opérateurs professionnels individuels peuvent engager des milliards de dollars ou d’euros sur du vent, sans que personne ne contrôle ni ne s’inquiète. L’État était jugé comme un perturbateur, empêchant le marché de fonctionner de façon rationnelle. Ceux qui depuis des années avaient tiré la sonnette d’alarme, déclarant que le système menaçait de s’effondrer brutalement, n’étaient pas pris au sérieux. Tout d’un coup, dans la crise, on en appelle à l’État : lui seul peut sauver l’économie, contrairement à ce qu’on n’a cessé de déclarer depuis Reagan et Thatcher, à la suite des économistes les plus réputés. L’État est appelé à refinancer, voire à nationaliser, les plus grandes entreprises financières menacées de faillite : sociétés d’assurance et surtout banques. Les conséquences pour l’économie et pour la population d’une faillite des plus grandes banques seraient dramatiques : paralysie de l’économie productive, faillites en chaîne des entreprises, condamnation à la misère de dizaines de millions de familles. Avec tous les risques de déstabilisation politique que cela pourrait entraîner. Pour les mêmes raisons, l’État est appelé à sauver l’industrie automobile.

Au niveau européen, il est apparu clairement qu’il n’est pas possible de laisser chacun des gouvernements trouver des solutions de son côté : une coordination est nécessaire. Ici encore se pose la question de l’instance politique européenne. Si la question est posée, la réponse actuelle n’est cependant pas claire. Il y a certes réflexion commune, mais la coordination reste au stade minimum. La crise devrait être affrontée par la mise en place d’une véritable gouvernance économique capable de prendre en compte les dimensions financières, industrielles, commerciales, fiscales et sociales, afin de mettre en place les outils d’une politique économique commune. On en est encore loin, mais au moins la question est aujourd’hui posée.

6. La guerre en Ossétie du Sud et en Géorgie

 

Suite à l’effondrement de l’Union soviétique, nombre de pays incorporés à cet État, retrouvent leur autonomie. Il en est ainsi de la Géorgie en 1991. Deux régions, cependant, proclament leur indépendance : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Cette indépendance n’est pas reconnue internationalement, mais elle est soutenue par la Russie, et de fait le pouvoir central en a perdu le contrôle. Le 7 août 2008, très imprudemment, le président Saakachvili (comptant sur l’appui de l’Occident, et en particulier des États-Unis ?) engage une opération militaire pour reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud [1]. Très rapidement, la Russie intervient militairement de son côté, envahit ce territoire et met en déroute l’armée géorgienne, tout en occupant une partie du territoire géorgien au-delà des limites de l’Ossétie.

Politiquement, il s’agit là d’un événement majeur du point de vue géostratégique. On sait bien que la Russie n’hésite pas à utiliser sa force militaire pour maintenir l’ordre sur son territoire face à toute velléité d’autonomie : la brutalité de la guerre en Tchétchénie en témoigne. Mais cela se passe à l’intérieur de ses propres frontières : affaire intérieure donc. En Ossétie du Sud, il s’agit de la première intervention militaire de la Russie en dehors de ses frontières depuis 1990. Compte tenu des liens étroits entre la Géorgie et les États-Unis, – la Géorgie occupant une position stratégique en raison du passage d’un double oléoduc faisant le lien avec la mer Caspienne, le seul permettant de contourner le territoire Russe, – c’est aussi la première fois qu’un conflit majeur entre Russie et OTAN est redevenu envisageable depuis la fin de la guerre froide.

Sous présidence française, l’Union européenne s’est fortement investie pour empêcher le conflit de dégénérer et pour trouver une solution diplomatique à la crise. Les troupes russes se sont retirées, le statut interne de l’Ossétie du Sud au sein de l’État géorgien devra être renégocié. Il est peu probable que la Géorgie en retrouve vraiment le contrôle, l’Ossétie du Sud devenant de fait une sorte de protectorat Russe… Ici encore, les événements ont conduit l’Union à prendre davantage ses responsabilités comme acteur proprement politique.

La chute de l’URSS et le démantèlement de son territoire a eu pour conséquence une longue période d’instabilité politique en Russie. Sur la scène internationale, la Russie est apparue comme un acteur faible et effacé. La présidence de Poutine a marqué un tournant décisif : remise en ordre interne et restauration de la conscience fière pour la nation russe. La Russie est redevenue un acteur majeur au plan mondial.

Pour l’Union européenne, les conséquences de ce fait sont très importantes. Tant sur le plan énergétique que sur le plan politico-militaire, elle est contrainte de se positionner vis-à-vis de la Russie. Du fait que la Russie est géographiquement sa voisine, la question se pose en de tout autres termes que pour les États-Unis. Le défi pour l’Europe est de trouver un mode de relations positives avec la Russie et une forme réelle de partenariat capable de renforcer la paix sur le continent, de contribuer à la stabilité politique et d’assurer de part et d’autre le développement économique. De ce point de vue, les intérêts de l’OTAN, dominée par les Etats-Unis, et ceux de l’Europe ne convergent pas entièrement : la politique états-unienne, cherchant à encercler militairement la Russie en multipliant les bases et en élargissant systématiquement l’OTAN (pressions pour intégrer à l’Organisation l’Ukraine et la Géorgie)[2], contredit de fait la recherche européenne d’établir des relations positives avec la Russie.

La guerre en Géorgie pose donc clairement à l’Union européenne la question de savoir si elle peut et veut assumer ses responsabilités politiques autonomes en tant même qu’Union.

7. En conclusion

Depuis quelques années, la question de l’environnement et du climat, et de façon très récente trois événements : la crise de l’énergie avec la Russie, la crise financière et économique globale et la guerre en Géorgie poussent l’Union européenne dans ses dimensions politiques. La manière dont est rencontrée cette situation présente des côtés positifs, capables de faire avancer le projet européen, mais soulève aussi l’un ou l’autre doute.

Le projet européen est fondamentalement politique par son origine, mais dans son développement, la dimension politique s’est longtemps effacée au profit du seul projet économique. Un axe politique a été réintroduit par le traité de Maastricht, et les événements ont poussé à l’intervention politique. Il y a là un acquis positif. Mais restent une question, un défi et une ambiguïté.

Une question d’abord : l’Union arrivera-t-elle à assumer réellement les responsabilités politiques qui sont les siennes à l’heure actuelle et à agir en acteur cohérent et autonome ? Les différences d’options et de sensibilités de ses vingt-sept États présentent une difficulté majeure face à cette question : priorité ou non des relations transatlantiques, autonomie politique ou non au sein de l’OTAN, etc. (la nécessité d’un partenariat avec les États-Unis n’est mise en cause par personne, mais cela signifie-t-il alignement ou non ?), expériences historiques très contrastées dans la relation avec la Russie. Nos États seront-ils collectivement à la hauteur des questions sociétales globales soulevées par les événements de ces dernières années ?

Un défi : la Russie est redevenue une véritable puissance européenne et géopolitique. L’Union européenne sera-t-elle capable de définir une politique commune de coexistence et de partenariat qui puisse être réciproquement positive, en contribuant tant à la paix et à la stabilité politique qu’au développement économique ? De plus sera-t-elle capable de le faire sans sacrifier aux intérêts économiques évidents les questions complexes concernant la démocratie et les droits de l’Homme en Russie ?

Une ambiguïté : les derniers mois ont clairement conduit l’Union européenne à prendre des initiatives politiques communes, mais on doit se poser la question de la figure que prend cette dimension politique. Le projet européen est, par son origine, un projet communautaire. Le traité de Lisbonne est de ce point de vue en retrait par rapport au projet de traité constitutionnel. On garde la fonction d’une présidence plus stable de l’Union (deux ans et demi, renouvelable une fois, à la place de la présidence tournante semestrielle). Mais celui qui devait être le Ministre des Affaires étrangères n’est plus que le Haut Représentant de l’Union pour la politique étrangère : ce changement de désignation est l’expression d’une volonté de réduire la dimension politique de cette fonction. De même la renonciation, au sein du traité, aux symboles proprement politiques : le drapeau, l’hymne et la devise. Or si, récemment, l’initiative politique a connu des développements importants, elle accentue le caractère intergouvernemental de l’Union au détriment de sa dimension communautaire. Dans les trois dossiers brûlants récents, tout s’est effectué au niveau des chefs d’État et de gouvernement, ni la Commission, représentant l’intérêt communautaire, ni le Parlement, représentant les citoyens, n’étant concernés. D’où la question : la dimension communautaire déjà fragilisée ne le sera-t-elle pas encore davantage ? Autrement dit : ne va-t-on pas de plus en plus faire prévaloir la négociation et le compromis autour des intérêts nationaux divergents voire concurrents, sur la recherche du bien communautaire, des objectifs communs pour le bien de tous ?

 


[1]L’Ossétie du Nord est une république membre de la Russie. Ossétie du Nord et du Sud ont une même population majoritaire, les Ossètes, avec une forte minorité russe ; les deux territoires sont séparés par la chaîne du Caucase, reliés par un unique tunnel.

[2]Cf. La chronique n° 10 sur les frontières.

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