RELIGION ET PROCESSUS POLITIQUE EN EUROPE

Abstract: 

This chronicle analyses the issue of religion in the political process of the European Union. In effect, a certain positivistic current led to believe that religion would progressively disappear in the European countries. In its place, Reason would triumph in its place as the sole criterion of knowledge and regulator of human conduct. Recently, analysing culture in terms of secularisation, certain sociologists also claimed that religion would disappear as an institutional phenomenon that underlies individual and collective lives. However, despite these claims, religion is still present and alive in the European societies. In fact, the Treaty of Lisbon in 2007, reconsidering the aborted project of the European Constitution, provides certain legislative disposition concerning churches, religions, and philosophical and non-confessional organisations. The chronicler concludes that there is, indeed, a political progress concerning the place of religion in the European political process. However, the issue is how this principle could/should be made concrete.

 

Un certain positivisme a cru à une disparition progressive et prochaine de la religion dans les pays occidentaux, la raison s’imposant comme seul critère de connaissance et seul guide légitime des conduites humaines. Plus récemment, à partir d’une grille d’analyse de la culture en termes de sécularisation, des sociologues avaient annoncé la disparition de la religion comme phénomène institué encadrant les pratiques individuelles et collectives. Mais la religion est toujours , et elle se fait davantage entendre et remarquer dans la société européenne. Comment interpréter ce fait, et comment penser le modèle politique de la société dans ce contexte ? La laïcité a-t-elle encore un avenir ?

Le retour du religieux ?

 

Les pronostics sécularistes ne se sont pas réalisés et Dieu n’a pas quitté le terrain de la société… C’est une évidence. Il n’y a pas vraiment de retour du religieux, parce qu’il n’a jamais disparu, mais il y a émergence de multiples nouvelles formes du religieux.

1.1.              Le retour de la spiritualité

Jusque assez récemment, le mot ‘spiritualité’ était banni du vocabulaire du monde laïc: seule la raison avait droit de cité. Ce mot, par ailleurs, n’était guère valorisé dans l’Église, en tout cas par les théologiens et les intellectuels

 

La spiritualité est aujourd’hui revalorisée ; des hommes et des femmes, et des philosophes qui se situent en dehors du champ chrétien et de celui de toute religion instituée font un appel explicite à la spiritualité. Il y a une revendication laïque de spiritualité. Et non seulement, en milieu laïc, on parle de spiritualité mais on parle aussi de foi et phénomène linguistique nouveau et très récent en français, on parle de fois au pluriel, ce qui était impensable il y a peu.

 

Si on a pu penser un temps à un désenchantement du christianisme et de la religion en général, aujourd’hui il y aurait plutôt un désenchantement de la proposition technoscientifique positiviste, un désenchantement de la raison (ou d’une certaine raison) comme règle dernière de vie en société. Les bienfaits apportés par la science et la technique ont cessé d’être une évidence : ces activités humaines sont porteuses d’inestimables progrès au service de la vie humaine et de sa qualité, mais elles sont aussi porteuses de dégâts considérables et de graves menaces pour l’avenir. De plus, la dynamique économique et industrielle des années qui ont suivi la guerre est rompue : le sens dont elle pouvait se revendiquer, l’assurance que demain serait meilleur qu’aujourd’hui, s’est effondré.

1.2.              Les déplacements du phénomène religieux

Les religions instituées, et en particulier la plus instituée d’entre elles, l’Église catholique, sont en recul, objet de soupçon ou de méfiance et en tout cas de distance, comme toutes les institutions. La croyance sans appartenance, l’adhésion sélective ou la participation occasionnelle sont très répandues.

La religion n’a pas disparu, mais elle a changé. Du côté de l’Église catholique, religion très fortement dominante dans les pays du centre et du sud de l’Europe, la pratique religieuse s’est effondrée, les vocations religieuses et sacerdotales se sont raréfiées. En même temps, surtout de la part des générations plus jeunes, l’adhésion chrétienne minoritaire est devenue davantage un choix personnel. L’Église catholique comme institution continue à être présente, mais n’est plus, en tant que telle, force d’encadrement et de structuration de la société.

 

On assiste au phénomène d’exculturation du catholicisme, ou plus largement du christianisme, selon l’expression de Danièle Hervieu-Léger. Malgré la séparation de l’Église et de l’État, pendant près de deux siècles, les sociétés d’Europe occidentale ont continué à être largement formatées par la culture chrétienne. Le calendrier commun vécu au rythme des fêtes chrétiennes était la norme évidente (le calendrier révolutionnaire n’a pas tenu très longtemps), mais des questions sont posées à ce propos : fêtes religieuses mobiles comme jours fériés et vacances alignées sur les fêtes religieuses sont mis en question ou renommés. De même que le dimanche, jour de repos commun à tous. Et pourquoi pas une reconnaissance légale des fêtes juives ou musulmanes, à chacun ses propres fêtes ? Mais c’est dans le domaine du corps et de la famille que les déplacements et ce mouvement d’exculturation sont les plus marqués : avec de multiples résistances, reconnaissance légale du divorce, de la contraception, de l’avortement. Et plus récemment de l’euthanasie, du couple homosexuel, de l’adoption hors mariage, etc. Tout ce domaine était fortement régulé et objet d’évidence culturelle partagée, évidence étroitement liée à la morale chrétienne : cette évidence s’est effondrée. On peut cependant se demander si ces normes étaient aussi liées à l’Évangile et à la volonté de Dieu que l’Église le prétend, ou aussi directement enracinées dans une loi dite naturelle. En tout cas, il est clair que l’Église a perdu son autorité pour définir les règles de la morale commune. Françoise Champion décrit ce phénomène comme « la fin de la religion dans l’institution sociale du biologique humain ».

Par ailleurs, ces dernières années la révélation des crimes pédophiles commis par des membres du clergé et la volonté de l’Église, pendant des décennies, d’imposer le secret sur ces pratiques ont fortement flétri le visage de l’Église et porté atteinte à sa crédibilité morale : Irlande, États-Unis, et plus récemment Pays-Bas, Allemagne, Belgique.

 

À côté de ce phénomène de recul institutionnel très marqué touchant l’Église catholique, l’islam s’est fortement implanté. Religion importée par les travailleurs immigrés, l’islam est devenu la deuxième religion, et il s’affirme de façon de plus en plus visible. L’image de l’islam est cependant marquée par la violence et le terrorisme de groupes islamistes minoritaires qui constituent une véritable menace pour les sociétés. On peut se demander si l’islam des deuxième et troisième générations est en train de devenir un islam européen, de s’inculturer en Europe. Partiellement sans doute, mais avec aussi de sérieuses résistances, et sans qu’on sache vraiment quelle forme devrait prendre cette inculturation. Le contexte géopolitique (Irak, Afghanistan…) fait aussi que cet islam s’affirme, chez certains tout au moins, de façon plus identitaire, et est marqué par l’influence idéologique d’imams importés porteurs de courants souvent fondamentalistes. À l’inverse, d’une part, il y a un nombre croissant de jeunes musulmans qui se disent non croyants (même s’ils se reconnaissent culturellement comme musulmans et participent au ramadan), et d’autre part, minoritaire, se développe un islam plus spirituel, plus ou moins marqué par le soufisme, mais qui gagne en influence… Et l’islam fait des conversions : il est difficile d’en évaluer le nombre, mais c’est un phénomène significatif.

 

Au sein du protestantisme, qu’il soit majoritaire ou minoritaire, selon les pays, les Églises évangéliques ou pentecôtistes sont devenues majoritaires au détriment des grandes Églises historiques.

 

Le judaïsme, très minoritaire, a tendance à encore diminuer : les mariages mixtes conduisent souvent à un abandon du judaïsme, du moins dans sa forme orthodoxe. Par contre, le sentiment d’adhésion à une tradition a tendance à se renforcer. Le judaïsme est aussi marqué, chez certains, par l’affirmation d’une position agnostique ou athée.

 

Les religions orientales font désormais aussi partie du paysage religieux, bouddhisme et hindouisme principalement, constituées majoritairement de convertis, sauf dans certains pays où il y a des minorités significatives d’origine immigrée.

Cette nouvelle visibilité du religieux a aussi un impact sur le monde de la laïcité qui connaît à l’heure actuelle d’importantes tensions internes : un courant s’ouvre davantage en relativisant l’absolu de la raison et en faisant place, d’une manière ou l’autre, à une dimension qu’on peut appeler de spiritualité, parfois revendiquée en tant que telle, tandis qu’un autre courant se crispe, accentue sa position antireligieuse et certaines formes d’intolérance.

Les tensions et le recul de l’institution religieuse, et plus largement de toutes les institutions de conviction, sont l’expression d’une prédominance des choix individuels. Ce phénomène entraîne des replis identitaires et davantage d’intolérance et de crispations de la part de certains groupes dans toutes les traditions de convictions.

 

Nombre de spiritualités nouvelles sont des associations plus ou moins libres d’éléments et de thèmes de sources très diverses. On puise dans le christianisme, bien sûr, avec une forme d’adhésion croyante à la tradition chrétienne en distance par rapport à l’institution et à la pratique régulière. Mais on puise aussi dans la kabbale, les religions anciennes (ou ce qu’on leur attribue), les traditions religieuses orientales, et encore l’astrologie, les traditions gnostiques ou occultistes, les perspectives holistiques et cosmiques, en lien souvent avec les multiples propositions thérapeutiques parallèles. Se mêlent ainsi l’idéalisme, la naïveté et le marché, le jeu de gourous et de maîtres se faisant largement rétribuer. Des démarches qui aident les gens à se restructurer ou à survivre, d’autres qui déstructurent, créent la dépendance ou exploitent financièrement…

 

La mise en cause d’une raison arrogante, positiviste et instrumentale, peut glisser dans la déraison. Les exemples en sont multiples aujourd’hui. De ce point de vue, le plaidoyer pour la raison, formulé tant par Jean-Paul II (Fides et ratio) que par Benoît XVI, est tout à fait pertinent, même si on doit se poser des questions sur la façon dont ils ont tendance à faire de la foi ou de ce qu’ils attribuent à la révélation ou à la loi naturelle la mesure de la raison.

 

Cette quête spirituelle, dans toutes ses ambivalences, est liée au doute posé sur la raison technoscientifique, aux incertitudes et insécurités du présent, et à un impératif culturel très prégnant, étroitement lié à un individualisme relationnel.

 

La valeur première est l’épanouissement personnel, l’accomplissement de soi ici et maintenant. Cet individualisme ne peut être réduit à un égoïsme refermé sur soi, car la relation est essentielle, mais c’est la relation dans l’immédiat, dans la mesure où elle est comblante. En ce sens, le couple reste une valeur première dans tous les sondages, mais il est extrêmement fragile : le couple permet et doit permettre l’épanouissement réciproque ; s’il ne répond plus à cette attente, il perd son sens, et c’est la séparation. La construction de soi et avec les autres dans la durée devient dès lors très difficile.

Sécularisation et séparation entre Église et État.

1.3.              La séparation comme reconnaissance de l’autonomie des domaines

La sécularisation, dans son double mouvement d’émancipation et d’autonomisation des différentes disciplines du savoir par rapport au magistère de la théologie, d’une part, d’émancipation de la société politique par rapport au magistère de l’Église ou d’une religion, d’autre part, est un processus de longue durée. Il trouve ses racines intellectuelles au 13e s., quand les divers savoirs s’autonomisent, et s’est affirmé de plus en plus clairement à partir du 17e s., conduisant dans nombre de pays européens à la séparation entre Église et État.

 

Cette séparation est à la fois une réponse et une conséquence des guerres de religion, c’est-à-dire de l’expérience dramatique de ce que les religions dans leur prétention à la vérité pouvaient être meurtrières et menacer la société en empêchant toute paix civile.

 

Comme le déclare le cardinal Lehmann, lors d’un symposium du Conseil des conférences épiscopales européennes[1], « il fallait d’abord que la violence prît fin et que la cause de la paix s’imposât. [...] Des fondements de la vie en collectivité, on écarta donc la résolution de la question de la vérité. [...] Il ne faudrait pas oublier à quel point le divorce de l’Église au début des temps modernes a provoqué l’exclusion de la question de la vérité hors des fondements de la société et favorisé, par le biais de la multiplication des confessions, le pluralisme philosophique des temps modernes. » Et faisant écho à cette analyse de Lehmann, le cardinal Vlk, au titre de président de ce Conseil, déclarait : « À la suite des guerres de religion, on s’est trouvé obligé de mettre la vérité entre parenthèses pour assurer la survie et la paix des hommes.»

 

La séparation de la religion et de l’État constitue une protection indispensable : d’abord pour protéger la société de la violence engendrée par les religions se faisant la guerre ; plus récemment, pour protéger la société par rapport à une religion dominante cherchant à imposer à tous ses propres normes ; actuellement et de façon plus générale pour protéger l’État et la société d’une emprise de la religion sur la vie publique. En retour, cette séparation signifie que l’État n’intervient pas et n’a pas à intervenir dans les affaires internes des Églises ou religions.

 

Cette séparation a ainsi une double signification de sauvegarde. Sauvegarde de la liberté de conviction de tous les citoyens et sauvegarde de la neutralité de l’État par rapport à toutes les convictions. Pour assurer la paix civile, cette séparation a signifié en principe le renvoi des convictions au domaine de la sphère privée. Cela dit, les religions comme d’autres institutions de conviction n’ont cessé de jouer un rôle dans l’élaboration des politiques. C’est une évidence pour l’Église catholique et, bien que ce soit rarement reconnu publiquement, ce l’est aussi pour la franc-maçonnerie.

 

Ce régime d’autonomie de principe de l’État et des religions connaît cependant des limites de part et d’autre. Les religions sont autonomes pour autant que leurs pratiques respectent la loi : le sacrifice humain rituel est hors la loi et est sanctionné, tout comme un châtiment corporel consistant à couper la main pour tel ou tel délit. Mais de leur côté, les religions, de même d’ailleurs que les associations convictionnelles séculières, mettent des limites ou cherchent à mettre des limites à l’autonomie de l’État en fonction de ce qu’elles considèrent comme des valeurs essentielles. Les convictions ne sont donc pas, de fait, aussi privées qu’on le voudrait. Églises, religions et associations de convictions sont aussi des groupes de pression qui cherchent à faire valoir et si possible à faire démocratiquement prévaloir dans le débat politique et parlementaire leurs options fondamentales. Les questions éthiques aujourd’hui ne sont plus seulement du domaine privé (mais on doit se demander si elles l’ont jamais été) : c’est d’autant plus apparent que nos sociétés sont de plus en plus plurielles. Les convictions diverses sont de fait en débat et interviennent dans le jeu politique. Et il apparaît que dans ce jeu, les différents courants convictionnels ne sont pas aussi homogènes qu’on peut le penser au premier abord. Pour simplifier, le débat ne divise pas simplement les opinions entre cléricaux et anticléricaux, religieux et positivistes, conservateurs et progressistes, droite et gauche, même si des tendances majoritaires se dessinent selon ces clivages.

1.4.              Au-delà de l’ignorance mutuelle

Dans le contexte présent marqué par la mondialisation et par les possibilités nouvelles ouvertes par les technosciences, des questions fondamentales se posent qui engagent l’avenir de la société, l’avenir de l’humanité. Les traditions n’offrent pas un réservoir de réponses toutes faites à ces questions, précisément parce que celles-ci sont nouvelles ou parce qu’elles prennent une ampleur impensable jusqu’il y a peu de temps. On peut relever le défi de la pauvreté et de la solidarité, les questions soulevées par les biotechnologies en rapport avec la dignité humaine, les relations affectives et lu statut de la famille, l’environnement et l’avenir de la planète, etc. Ces problèmes et questions renvoient finalement à des interrogations sur le sens de la vie humaine, le sens de la vie en société, le sens du temps ou la prise en compte de l’avenir dans les décisions et comportements d’aujourd’hui.

 

Le processus libéral d’individualisation et de privatisation supposait la dissociation des valeurs, qui sont de l’ordre privé, et des normes, qui sont de l’ordre public. Mais on perçoit aujourd’hui qu’il y a nécessité de déterminer des normes publiques dans des domaines qui touchent les convictions : la société ne peut prendre le risque de tout permettre ; elle doit se donner des limites, définir ce qui est acceptable ou tolérable, et ce qui ne l’est pas. Cela ne peut se déterminer que sur la base d’un consensus engageant le sens de l’humain.

 

Ni la science, ni l’économie, ni la seule raison ne fournissent aux décideurs politiques les arguments suffisants pour décider. Pourtant, décision, quelle qu’elle soit, ou non-décision engagent une réponse à ces questions, une certaine conception de l’être humain et de la vie en société. Il faut élargir le débat, donner la parole aux différentes traditions, aux différents sensibilités éthiques, aux spiritualités (au sens le plus large du terme, ce qui inclut les spiritualités purement séculières).

 

Se pose donc aujourd’hui, dans une société prônant la laïcité, séparation de l’État et des religions et instances de conviction, la question des procédures publiques à imaginer et mettre en place pour la construction de ces consensus, qui ne seront jamais que des compromis, donc provisoires et soumis à réexamen. Les partis politiques, représentation démocratique, ne sont pas suffisamment outillés pour effectuer seuls ce travail, parce que, en tant que tels, ils ne sont pas constitués pour rencontrer de façon convergente l’ensemble de ces questions fondamentales. Il est significatif que, dans tous les pays où des commissions éthiques fonctionnent, les membres de ces commissions sont choisis non d’abord en fonction de leur appartenance politique, mais bien en raison de leur compétence professionnelle et de leur caractère représentatif des sensibilités convictionnelles.

 

C’est dans ce contexte, que le dernier traité européen, celui de Lisbonne (2007)[2], reprenant en cela le projet avorté de Constitution européenne, prévoit une disposition législative concernant spécifiquement les Églises, religions et organisations philosophiques et non confessionnelles. Article 17 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

 

1.       L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises ou communautés religieuses des États membres.

2.       L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.

3.       Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations.

Quelques mots de commentaires. Le 1er paragraphe répond à la grande diversité de statut des églises ou religions dans les différents pays de l’Union européenne et à la diversité des relations de celles-ci avec les États (statut juridique, subvention publique ou non, statut fiscal, concordat, etc) : l’Union n’a pas compétence dans ce domaine, elle respecte donc cette variété et ne peut chercher à imposer une certaine uniformité. Le 2e paragraphe ne concerne que quelques pays, comme la Belgique, où les associations philosophiques non confessionnelles ont également un statut reconnu, celui-ci étant éventuellement identique à celui des églises et religions (ainsi en Belgique pour les différents organes de la laïcité organisée). Enfin le 3e paragraphe institue officiellement un dialogue avec ces églises et organisations. Depuis près de vingt ans, un dialogue informel existait, sans aucun fondement juridique. Il est désormais institué et constitue une obligation pour les institutions européennes.

 

Le projet de Constitution incluait cet article dans un chapitre consacré à la démocratie participative, où il était question entre autres de la société civile. Ce chapitre en tant que tel a disparu : ses différents articles sont repris mais répartis différemment et l’expression même de démocratie participative a malheureusement disparu. Le Traité sur l’Union européenne comporte un article 11, paragraphe 3, repris du projet de Constitution : « Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile ». La similitude de formulation avec le paragraphe concernant les institutions de conviction est évidente. Mais par rapport à la société civile, le traité précise : « reconnaissant leur identité et leur contribution propre ». Ce qui est visé par cette formule ce sont les questions fondamentales de sens, le sens de l’existence humaine personnelle et en société.

 

Il y a là une reconnaissance positive qui ne porte pas atteinte à la séparation entre État (ou institutions publiques, en l’occurrence l’Union européenne) et religions. Il reste cependant un certain nombre de questions auxquelles il faudra donner une réponse claire, ce qui n’est pas simple.

 

D’abord, du côté des institutions européennes : quelles sont les institutions qui, en vertu du traité, sont tenues à ce dialogue ? La Commission européenne, très certainement. Mais sans doute aussi le Parlement. Et le Conseil ? Et encore le Comité économique et social, le Comité des Régions ? Les choses ne sont pas tranchées. D’autre part il y a aussi une question difficile concernant les institutions de conviction : qu’est-ce qu’une religion ? Comment distinguer une religion d’une secte ? Qui est habilité à représenter une religion ? Qu’est-ce qu’une organisation philosophique ?

 

Il y a donc certainement une avancée politique concernant la place des religions dans le processus politique. Mais il reste un flou important quant à la mise en œuvre de

 


[1] Rome en octobre 1996, sous le titre Religion, fait privé et réalité publique. La place des Églises dans les sociétés pluralistes. Publié aux édition du Cerf, 1997.

[2]Le Traité de Lisbonne est constitué de deux traités distincts : un Traité proprement politique, le Traité sur l’Union européenne, et un traité fonctionnel : le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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